11/07/2012
(J-Drama / SP) Kyogu : des destinées croisées sur fond de kidnapping
Depuis le succès rencontré par le film Kokuhaku (Confessions) en 2010, qui transposait sur grand écran un de ses romans, on peut dire que l'écrivaine Minato Kanae connaît une période faste : ses livres sont considérés comme un matériau de choix pour servir de base à des adaptations télévisées et cinématographiques. Ma première rencontre avec son univers a eu lieu, souvenez-vous, avec le marquant Shokuzai, drama diffusé en début d'année sur WOWOW. Un autre projet, à destination du cinéma cette fois, est également programmé pour la fin de l'année, Kita no Canaria-tachi (A Chorus of Angel). Mais aujourd'hui, c'est sur un tanpatsu datant de fin 2011 que nous allons nous arrêter.
Kyogu a été diffusé sur TV Asahi le 3 décembre 2011, un samedi soir en prime-time. Cet unitaire d'une durée totale de 1 heure 45 a fait de bons scores d'audience. C'est Yajima Masao qui s'est chargé de l'adaptation du roman à la télévision. C'est lorsque j'avais fait des recherches suite au visionnage de Shokuzai que je l'avais noté sur ma liste à découvrir, puis la critique faite par Katzina m'avait confortée dans mon idée. Au final, c'est un intéressant récit, très humain, de deux destinées croisées.
Kyogu met en scène deux amies d'enfance, ayant grandi ensemble dans un orphelinat, sans connaître leurs origines. Entrées dans l'âge adulte, elles ont suivi des chemins différents. Takakura Yoko mène jusqu'alors une vie heureuse : elle a épousé un homme de bonne famille, politicien élu au Parlement, avec lequel elle a un fils de 5 ans, Yuta. En plus de cette vie personnelle épanouie, elle vient de remporter une récompense pour son premier livre illustré à destination des plus jeunes. L'histoire y est semi-autobiographique au sens où il parle de leur enfance et de ce que représentait l'image d'un ruban bleu pour elle et son amie, Aida Harumi - dont c'est en quelque sorte l'histoire. Harumi, très entreprenante, exerce elle le métier de journaliste.
Mais alors que tout semble aller pour le mieux dans sa vie, Yoko va voir plusieurs évènements venir la troubler. Dans un premier temps, il lui faut faire face à des accusations faites contre son mari, interrogé par la police sur de possibles financements illégaux. Puis, c'est son fils qui disparaît de son club de natation, alors que son époux est à l'étranger. L'hypothèse du kidnapping se confirme lorsqu'un mystérieux fax est reçu à la permanence lui intimant de révéler au public "la vérité" pour espérer revoir Yuta. Pressée de ne pas prévenir la police et de tout faire pour sauver son enfant, Yoko appelle alors à l'aide Harumi...
Il est difficile de rédiger une review sur Kyogu sans en dire trop, alors qu'il s'agit d'un récit qui mérite d'être découvert avec un regard neuf sans connaître préalablement ses aboutissants. En premier lieu, il faut cependant préciser que, contrairement à ce que le synopsis aurait pu laisser croire, ce tanpatsu n'est pas un thriller au sens propre du terme. Il ne mise par vraiment sur le suspense. Le kidnapping de Yuta est certes un évènement déclencheur, mais très vite, ce n'est pas tant le sort de l'enfant, ni même l'identité du kidnappeur qui retiennent l'attention du téléspectateur : ce qui interpellent, le vrai mystère, ce sont les motivations derrière l'acte commis. Qu'est-ce qui a pu pousser quelqu'un à recourir à une telle extrémité ? Qui est vraiment visé, Yoko ou son mari ? Et qui peut vouloir ainsi forcer à exposer publiquement cette "vérité" réclamée dans le premier fax ?
Après une première partie où Kyogu met surtout en scène les premières réactions et esquisse une enquête, semi-artisanale, loin de la police, le récit prend sa réelle dimension lorsque Yoko en appelle à Harumi et que les deux jeunes femmes unissent leurs forces. A un suspense qui ne prenait pas, succède une tension psychologique autrement plus intéressante. L'histoire prend un tournant plus personnel et introspectif. Tout en exhumant des drames oubliés faits de déchirements qui ont toujours des conséquences actuelles sur les vies, le tanpatsu met aussi en lumière, de façon troublante, la complexité tellement humaine des liens d'amitié forgés dans des circonstances difficiles. A ce titre, la manière dont est exploitée l'image du ruban bleu accentue la dimension poignante d'un récit à la fois simple et touchant : cet objet, qui est aussi le fil rouge du livre de Yoko, reste un symbole maternel pour des orphelines chez qui il représente aussi bien le lien vers leurs origines qu'un espoir pour le futur. La jolie - mais un peu facile - conclusion prouve d'ailleurs combien cet aspect prime sur le reste du récit.
Sur la forme, Kyogu bénéficie d'une réalisation assez soignée et très épurée, qui propose quelques beaux plans. La caméra semble faire preuve d'empathie et a une façon très pudique de capter la détresse de certains personnages. Je retiendrai aussi plus particulièrement la belle photographie d'ensemble, notamment lorsque le réalisateur entreprend de jouer à l'écran sur les déclinaisons de bleu, couleur au coeur du récit. Quant à la bande-son, elle accompagne tout en retenue la narration, restant avec justesse assez minimaliste.
Enfin, pour asseoir son histoire, Kyogu a le mérite de pouvoir s'appuyer sur un solide casting dans l'ensemble convaincant. Parce que c'est avant tout un drama au coeur duquel se trouve un duo de femmes marquant, il faut tout d'abord saluer les interprétations de Matsuyuki Yasuko (Mother) et de Ryo (Code Blue, Bitter Sugar), qui incarnent Yoko et Harumi. Les scènes qu'elles partagent sont les plus réussies du tanpatsu, et elles offrent toutes les deux des performances intenses. A leurs côtés, on retrouve notamment Sawamura Ikki, Azuma Mikihisa, Tabata Tomoko, Ashina Sei, Nagura Jun, Kishibe Ittoku, Shirakawa Yumi, Nishimura Masahiko, Nogiwo Yoko et enfin Nishimoto Haruki.
Bilan : A partir d'une histoire de kidnapping qui aurait pu le rapprocher du thriller, Kyogu se révèle être un tanpatsu poignant qui privilégie habilement l'émotionnel au suspense. Avec simplicité et tact, il nous glisse dans une histoire d'amitiés, de destinées entrecroisées, s'intéressant aux empreintes laissées par le passé. En résumé, c'est une histoire avant tout humaine qui, après s'être un peu cherchée dans un premier temps, trouve son équilibre et une justesse de ton intéressante dans sa seconde partie.
NOTE : 7/10
20:19 Publié dans (Séries asiatiques) | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : j-drama, tanpatsu, kyogu, tv asahi, kanae mitano, matsuyuki yasuko, tanimura mitsuki, ryo, ichikawa yui, sawamura ikki, azuma mikihisa, tabata tomoko, ishida ayumi, ashina sei, nagura jun | Facebook |
08/07/2012
(Mini-série UK) True Love : une suite d'instantanés amoureux doux-amers
Fin juin, Dominic Savage s'est essayé à un exercice assez particulier sur BBC1. La chaîne a en effet proposé une mini-série, au format relativement court (cinq épisodes de moins d'une demi-heure), qui avait la particularité d'être semi-improvisée et d'adopter une format quasi-anthologique pour relater cinq histoires distinctes. La brièveté des développements rapproche l'ensemble du court métrage. Personnellement, cette ambiance m'a aussi beaucoup rappelé des séries japonaises au principe de départ assez proche, notamment certains ketai dramas (séries pour téléphone) comme Sweet Room par exemple que j'avais visionné en janvier dernier. Si la prise de risque était réelle et les moyens réunis avec un casting impressionant, le résultat a cependant été plus mitigé. Le public anglais lui-même n'a pas été convaincu : diffusée du 17 au 20 juin 2012, la mini-série n'a cessé de perdre des téléspectateurs, s'ouvrant avec 3,11 millions pour se conclure avec 1,49 millions.
Se déroulant dans une bourgade du bord de mer, à Margate, True Love raconte en tout cinq histoires d'amour, caractérisées par les doutes et les remises en question qui les accompagnent, indépendantes entre elles, si ce n'est, exceptionnellement, par des personnages qui s'entre-croisent dans certaines épisodes. Sont mises en scène des situations très diverses. Le premier épisode explore l'impact du retour d'un premier amour sur un mariage jusqu'alors heureux. Le second parle de coup de foudre, peu importe les engagements que l'on a. Le troisième est celui d'une enseignante qui se cherche, et tombe amoureuse d'une élève. Le quatrième parle d'infidélité et d'un couple qui s'éloigne jusqu'à devenir étrangers. Enfin, le cinquième est celui d'une tentative de reconstruction d'un père de famille, alors même que la meilleure amie de sa fille commence à éprouver des sentiments pour lui.
True Love aurait sans doute mérité un titre plus nuancé, moins affirmatif, qui aurait reflété les doutes qu'elle va surtout s'attacher à souligner tout au long de ses récits. Car elle propose autant d'histoires compliquées que d'épisodes : il s'agit d'instantanés fugaces de relations troublées, qui tendent plus vers un tragique potentiel pour ce "true love", que vers un bonheur simple et apaisé. A ce jeu souvent versatile des sentiments, se mêlent des questions de responsabilité et d'engagements préalables. Le principal attrait de la mini-série - mais aussi, peut-être, une de ses limites - tient au fait que les dialogues soient laissés à la semi-improvisation des acteurs. L'objectif est d'offrir un traitement naturel, avec une touche plus personnelle que l'on doit à la libre appréciation du casting. Cette idée, louable sur le papier, fonctionne d'ailleurs par intermittence : avec ses silences, ses regards échangés plus parlants que bien des mots et ses hésitations, True Love a quelques moments de grâce, délivrant plusieurs scènes à la sincérité aussi troublante que poignante.
Mais le format court - moins d'une demi-heure - conjugué à l'ambition narrative que présentent certains récits trop complexes, voire caricaturaux, et sources de bouleversements nombreux, pèse sur la démarche. Ne permettant qu'insuffisamment d'approfondir chaque personnage, cela donne souvent l'impression désagréable de survoler de manière superficielle, au pas de course, une histoire qui, parfois, s'éteint aussi vite qu'elle est née ou se forge une solidité surprenante après seulement quelques moments partagés. Plus problématique que le relatif manque de crédibilité de certains récits - les épisodes sont sur ce point inégaux -, la mise en scène accélérée empêche de véritablement s'attacher aux personnages. Conséquence inévitable, c'est l'empathie qui devrait émaner de l'ensemble qui en souffre. Finalement, à la place de l'authenticité voulue l'emporte une artificialité un peu pesante, et le sentiment d'un potentiel inexploité, inachevé...
Pour accompagner ces tableaux amoureux, face à un fond aussi minimaliste, c'est la forme qui prend le dessus, plus particulièrement par le biais d'une bande-son très présente, qui souligne et expose encore plus formellement les différentes étapes des relations suivies. Ces excès musicaux - "clipesques" - accentuent l'impression d'un récit condensé à l'essentiel qui mise sur un ressenti plus que le contenu d'une histoire. Il manque le juste dosage, une certaine subtilité... Mais pour peu qu'on apprécie le genre, le choix des chansons n'est pas désagréable - une certaine mélancolie émane de l'ensemble, à l'image de la seule chanson qui retentit dans les 5 épisodes (cf. 2e vidéo ci-dessous). Reste que tout cela contribue à ralentir un peu plus un rythme narratif déjà lent. Parallèlement, il faut reconnaître que la réalisation propose une belle photographie. True Love met en avant son cadre du bord de mer, en offrant quelques superbes vues du large, la plage restant un lieu de rendez-vous incontournable.
Enfin, la mini-série rassemble un casting impressionnant. C'est sans doute là un argument qui pourrait convaincre plus d'un téléspectateur d'y jeter un oeil, en dépit des faiblesses rencontrées sur le fond. La plupart des acteurs n'apparaissent que le temps d'un épisode (sauf exception), et vont donc faire parler leur instinct/expérience pour mettre en scène ces histoires qui laissent une place à l'improvisation. Si certains se heurtent à des récits non adaptés au format court, dans l'ensemble, True Love permet quand même d'apprécier d'intéressantes prestations. On y croise, en figures centrales successives, David Tennant (épisode 1 - Blackpool, Doctor Who), Ashley Walters (épisode 2 - Top Boy), Billie Piper (épisode 3 - Doctor Who, Secret Diary of a call girl), Jane Horrocks (épisode 4 - Absolutely Fabulous) et David Morrissey (épisode 5 - State of play, Blackpool). A leurs côtés, on retrouve aussi Vicky McClure (épisode 1 - actuellement dans Line of Duty), Charlie Creed-Miles (épisodes 3/4 - Injustice), Jo Woodcock (épisodes 1, 3 et 5 - Collision, Land Girls), Alexander Siddig (épisode 4 - Star Trek - Deep Space Nine), Kaya Scodelario (épisode 3 et 5 - Skins), Jaime Winstone (épisode 2 - Dead Set), Joanne Froggatt (épisode 1 - Downton Abbey), Lacey Turner (épisode 1 et 2 - Bedlam) ou encore Genevieve Barr (épisode 4 - The Silence). Autant dire que cela fait un sacré casting réuni devant la caméra ; cela laisse quelques regrets que le résultat ne soit pas à la hauteur des ambitions.
Bilan : Mini-série contemplative aux histoires d'amour douces-amères, True Love restera un essai de semi-improvisation intriguant, qui nous aura réservé quelques scènes émotionelles d'une rare justesse qu'il faut saluer, mais dont les ambitions narratives n'étaient sans doute pas adaptées au format choisi. Son fond minimaliste a été inégal et a toujours tâtonné difficilement pour trouver le juste dosage afin de relater des histoires à la fois crédibles et touchantes. A côté des performances d'acteurs, on retiendra de True Love aussi sa forme, notamment ses chansons, trop présentes mais entêtantes.
En résumé, une série pas déplaisante à suivre mais inachevée et vite oubliée.
NOTE : 6,25/10
La bande-annonce :
La chanson que l'on entend dans chacun des cinq épisodes :
19:10 Publié dans (Mini-séries UK) | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : bbc, true love, david tennant, ashley walters, billie piper, jane horrocks, david morrissey, vicky mcclure, jaime winstone, kaya scodelario, alexander siddig, gemma chan, joanne froggatt, lacey turner, jo woodcock, charlie creed-miles, jenny aqutter, luke bryant, peter mcneil o'connor, aymen hamdouchi, vahid gold, genevieve barr, neil bell | Facebook |
05/07/2012
(UK) The Hollow Crown - Richard II : une belle adaptation de Shakespeare pour la télévision
"Let us sit upon the ground
And tell sad stories of the death of kings.
How some have been deposed; some slain in war;
Some haunted by the ghosts they have deposed;
Some poisoned by their wives; some sleeping killed.
All murdered. For within the hollow crown."
Un été shakespearien, ça vous dit ? Après tout, la période estivale est l'occasion parfaite pour prendre le temps de (re)découvrir certains grands classiques ! Dans le cadre des manifestations autour de la culture britannique accompagnant les Jeux Olympiques de Londres, BBC2 se propose ainsi de transposer du Shakespeare à l'écran, trente ans après le dernier grand cycle d'adaptations télévisées du célèbre auteur sur la chaîne publique anglaise. Sous le titre de The Hollow Crown (extrait d'un dialogue de Richard II), vont se succéder quatre oeuvres : Richard II, Henry IV parts. 1 & 2 et Henry V.
Cette tétralogie a débuté samedi dernier (le 30 juin 2012) sur BBC2 avec Richard II. Réalisée par Rupert Goold, ce fut une belle soirée de 2h20 au cours de laquelle le passage du théâtre au petit écran a été dans l'ensemble très bien négocié, en dépit de la difficulté inhérente à cette pièce particulière. Pour réussir ces mises en scène, The Hollow Crown pourra s'appuyer tout au long de ses quatre parties sur un casting principal et secondaire de luxe qui mérite bien cinq étoiles. Dans les rôles-titres, on retrouvera respectivement Ben Whishaw en Richard II, Jeremy Irons en Henry IV et Tom Hiddleston en Prince Hal/Henry V.
L'histoire relatée dans cette pièce débute lorsque deux seigneurs, Henry Bolingbroke, cousin de Richard II, et Thomas Mowbray sollicitent l'intervention du roi dans le conflit qui les opposent. Les accusations sont lancées sans que nul ne puisse calmer les deux adversaires afin de trouver une conciliation. Richard II accepte d'abord l'idée de voir trancher le litige par un duel... qu'il interrompt brusquement au dernier moment. Il prend alors la décision d'ordonner le bannissement du royaume des deux hommes, à vie pour Mowbray, durant six ans pour Bolingbroke. C'est le début d'une série de choix qui vont fragiliser sa position.
Alors que Bolingbroke est en exil, son père, John of Gaunt, décède. Richard II fait saisir ses terres et sa fortune, avec pour objectif d'entreprendre une expédition en Irlande qu'il faut financer. En secret, des comploteurs insatisfaits s'agitent. Alors que le roi est loin d'Angleterre, Bolingbroke revient dans le royaume bien décider à réclamer ses droits légitimes.
Richard II, c'est le récit de la chute d'un roi et de l'ascension sur le trône d'un pragmatique qui va exploiter le mécontentement suscité par certaines décisions royales pour s'emparer de la couronne. N'ayant jamais lu ou vu la pièce auparavant, cette version a donc été pour moi une découverte : l'expérience a été savoureuse, et le plaisir tout aussi présent. Car des vers shakespeariens aux dialogues mis en scène, le passage s'opère naturellement, permettant au récit de conserver toute sa force. La narration est bien huilée et se déroule sans temps mort, allant à l'essentiel pour rester fidèle à l'esprit de l'oeuvre de départ. C'est ainsi que l'introduction est rapide, le conflit porté devant Richard II puis le duel qui se termine par les sanctions, constitue une ouverture qui donne immédiatement le ton et surtout dessine les camps. Le téléspectateur est happé dans les jeux de pouvoir qui s'esquissent, d'autant que l'adaptation va toujours bien mettre en exergue les scènes clés qui sont autant de tournants dans le destin du roi. Le lent cheminement vers la déchéance s'opère par étapes, et se conclut une première fois dans une scène d'abdication dans la salle du trône d'une impressionnante et rare intensité ; puis par un dernier plan hautement symbolique où son cadavre transporté fait écho au crucifix qui surplombe l'immense pièce.
D'ailleurs, dans ce travail d'adaptation, il faut souligner l'incorporation sans alourdir le récit d'une symbolique (chrétienne) très présente. On touche là à un autre enjeu d'importance pour réussir la transposition d'une pièce de théâtre au format télévisé : celui de la réalisation. Le défi était d'autant plus difficile à relever que Richard II est une histoire comprenant peu d'action, qui repose surtout sur les tirades de ses personnages et ce recours aux symboles. La mise en scène est pourtant fluide, tout en restant relativement figée. Elle sait parfaitement tirer avantage du fait d'être filmé dans un décor réel, qu'il s'agisse d'exploiter la grandeur de certains lieux comme la salle du trône, ou bien d'utiliser le paysage pour sublimer des passages. Parmi les scènes très réussies, il y a par exemple celle du retour de Richard après la rebellion, lorsqu'il met pied à terre, sur la plage avec la mer derrière lui, et qu'il apprend comment les rapports de force ont tourné en sa défaveur. D'autres fois, Rupert Goold opte au contraire pour des plans serrés qui retranscrivent de la manière la plus brute possible les émotions de chacun. C'est souvent judicieux, notamment parce que les acteurs sont au rendez-vous.
Car évidemment, le plus déterminant lorsque l'on met en scène de tels classiques reste les performances du casting qui doit s'approprier ces lignes et reprendre des rôles avec lesquels le public est déjà familier. Et sur ce plan, Richard II est assurément à la hauteur des ambitions affichées : son casting sera une de ses grandes forces, tout le monde se révélant plus qu'à la hauteur de l'évènement, à commencer par un mémorable Ben Whishaw (The Hour). Ce dernier trouve dans ce rôle de roi, glissant vers la déchéance, une occasion en or pour faire étalage d'un talent qu'il n'a plus à démontrer. D'un charisme constant, il fascine, captive et capture parfaitement l'ambivalence de ce roi complexe, avec une intensité troublante. Certaines de ses scènes hanteront quelques temps la mémoire du téléspectateur.
Face à lui, Rory Kinnear (The Mystery of Edwin Drood, Black Mirror) incarne ce rival qui gagne en stature et va prendre une autre dimension en s'emparant de la couronne : il est tout aussi impeccable (et, après avoir pu l'apprécier dans des registres très différents, je dois dire que j'aime décidément beaucoup cet acteur). Quant à Patrick Stewart (Star Trek : the next generation), il marque durablement grâce une dernière scène de défiance contre le roi qui m'a donné des frissons. David Suchet (Hercule Poirot, Great Expectations) et David Morrissey (State of Play, Blackpool) proposent également de très solides performances, offrant bien la réplique aux personnages centraux. Et puis, dans ce casting qui ravira tout téléspectateur familier des écrans britanniques, on retrouve également Tom Hughes (Silk), James Purefoy (Rome), Lindsay Duncan (Shooting the past, Rome), Samuel Roukin (Appropriate Adult), mais aussi Clémence Poésy, Ferdinand Kingsley, Harry Hadden-Paton ou encore Finbar Lynch (Proof). Pour résumer en une phrase : Richard II rassemble un casting de rêve qui impressionne et contribue grandement à sa réussite.
Bilan : C'est avec une adaptation convaincante de Richard II que BBC2 a ouvert son été. Cette transposition est bien servie par une mise en scène maîtrisée qui sait exploiter le format télévisé jusque dans sa bande-son, certes parfois un peu intrusive, mais souvent juste pour donner la tonalité et conférer une dimension supplémentaire au récit se jouant sous nos yeux. Elle s'appuie aussi sur un casting de choix aux interprétations marquantes. Si les parties suivantes sont du même acabit, cet été 2012 aura un parfum Shakespearien très prononcée !
Une oeuvre conseillée pour tous les amoureux de culture britannique, les amateurs de théâtre, de Shakespeare... et pour tous les curieux qui veulent profiter d'une bien belle transposition à l'écran.
NOTE : 8/10
La bande-annonce de The Hollow Crown :
18:54 Publié dans (Séries britanniques) | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : bbc, the hollow crown, richard ii, ben whishaw, rory kinnear, david morrissey, patrick stewart, david suchet, tom hughes, james purefoy, clemence poésy, lindsay duncan, ferdinand kingsley, samuel roukin, harry hadden-paton, finbar lynch, jeremy irons, tom hiddleston | Facebook |
04/07/2012
(K-Drama) Hero : en quête de héros dans un futur corrompu et ruiné
Profitons de ce mercredi asiatique pour s'intéresser au câble sud-coréen. Il faut dire que les transformations qui s'opèrent dans le paysage audiovisuel du pays du Matin Calme sont intéressantes à suivre, avec des chaînes bien décidées à se faire une place dans l'industrie des dramas. Ce dynamisme a donné ces dernières années quelques essais notables, se démarquant des fictions du "Big Three" (SBS, MBC, KBS), comme par exemple Joseon X-Files. Et le mouvement s'est encore accéléré depuis un an. D'une part, il y a eu l'arrivée il y a quelques mois de nouvelles chaînes qui ont investi la production de séries avec des succès très divers, se brûlant parfois les ailes à trop vouloir sauter les étapes. Parmi elles, il faut cependant saluer l'effort de jTBC qui semble avoir su tirer son épingle du jeu. D'autre part, existent toujours les chaînes du câble plus anciennes qui sont, elles aussi, en train de définir leur image, comme tvN et ses rom-coms et autres séries légères...
C'est dans cette optique que OCN se positionne dans le registre de l'action et des fictions plutôt sombres. Cela peut se décliner dans de l'historique (Yaksha), du policier (Special Affairs Team TEN), du fantastique (Vampire Prosecutor)... Mais aussi de l'anticipation presque SF, lorgnant du côté de l'univers des comics, avec le récent Hero. Ce drama, dont je vais vous parler aujourd'hui, a été diffusé au cours du printemps, du 18 mars au 13 mai 2012, le dimanche soir. Il compte un total de 9 épisodes. Sur le papier, l'ambition est appréciable, avec des thèmes certes familiers, mais assez rarement exploités à la télévision sud-coréenne. L'initiative est intéressante, même si malheureusement le drama ne concrétise pas son potentiel de départ et peine devant d'importantes limites narratives. En résumé, OCN essaie, sans forcément toujours convaincre. Mais avec l'expérience et après les erreurs viendra peut-être à terme une meilleure maîtrise... Le câble peut en effet apporter une diversité qu'il faut encourager.
Hero se déroule dans un futur proche, en 2020. La série nous plonge dans une grande métropole d'une Corée ruinée économiquement, où la corruption règne et où les inégalités n'ont jamais été aussi importantes. Le personnage central du récit, Kim Heuk Chul, est le fils cadet du maire de cette grande ville. Jeune homme issu d'un milieu donc privilégié, inconséquent et irresponsable, éloigné du pays pour éviter les scandales, il est contraint de rentrer en Corée, car ses dernières frasques lui valent une expulsion manu militari de Chine.
Il revient dans un contexte tendu par les élections locales prochaines, où sa famille joue son influence et son pouvoir : il s'agit de faire en sorte que le maire obtienne de la population un nouveau mandat. Une fusillade dans une église offre alors le fait divers parfait pour désigner des boucs émissaires et diviser pour mieux régner. Mais Heuk Chul, loin de rester inactif, se lie avec les officiers chargés de l'enquête. Il est grièvement blessé lors d'une descente de police. Prêt à tout pour le sauver, son père obtient que lui soit injecté un traitement expérimental qui lui confère - au moins pour un temps, car les effets à terme sont inconnus - un pouvoir de guérison presque illimité.
Déjà secoué d'avoir frôlé la mort, Heuk Chul découvre avec surprise ses nouvelles capacités. Dans le même temps, il est confronté directement à la violence et aux injustices de la société de son temps. Il prend alors la décision d'intervenir directement dans certains de ces problèmes. Sans forcément mesurer à quel point sa famille est impliquée dans ce système gangréné.
En s'appropriant des thème assez classiques qui évoquent les comics, Hero dispose d'un certain nombre d'atouts intéressants. Il s'agit d'une série d'anticipation, résolument pessimiste, avec un soupçon de science-fiction qui permet de mettre en scène quelques gadgets technologiques. De plus, il faut reconnaître à la fiction la volonté de particulièrement soigner son ambiance : elle s'attache à souligner les tensions sociales - et cet inaccessible rêve chinois voisin pour trouver du travail -, mais aussi la violence et le fatalisme d'une population confrontée à une corruption généralisée qui sape la société jusqu'aux fondations d'une comédie de démocratie où les fraudes sont monnaie courante. Le drama fait d'ailleurs sien le thème récurrent de l'impunité des riches et de l'exploitation aliénante des plus défavorisés qui se contentent de tenter de survivre, subissant les soifs de pouvoir des privilégiés. Dans cette perspective, l'épisode le plus intéressant restera le pilote - d'une durée correspondant à un double épisode. Il pose en effet efficacement les bases très noires de cet univers, en s'ouvrant notamment sur une fusillade qui cumule volontairement les points choquants (assassinat d'un prêtre, dans une église, à Noël, avec des enfants...). Dans le même ordre d'idée, les développements ultérieurs cultiveront une amertume qui donne bien le ton d'ensemble recherché.
Mais en dépit de ce départ correct, Hero ne va pas réussir à concrétiser ses ambitions. Certes, la série conserve par la suite une narration globalement rythmée, mettant en exergue l'opposition entre les puissants et le reste d'une population sans espoir. On peut cependant regretter qu'elle garde toujours une versatilité de ton qui amoindrit les efforts faits pour asseoir sa tonalité : aux passages très sombres, succèdent invariablement des pointes d'humour évitables. Toutefois, le principal problème du drama est d'ordre narratif. Le défaut devient flagrant à mesure que le récit progresse : les inconsistances et les incohérences du scénario apparaissent de plus en plus pesantes, et les facilités narratives sont trop fréquentes pour crédibiliser l'histoire. Plus ennuyeux encore, la psychologie des personnages semble se re-écrire au gré des situations auxquelles ils font face, voire selon les épisodes. L'échec majeur restera les développements des derniers épisodes : qu'il s'agisse de la conclusion du semi-fil rouge avec la puissante société pharmaceutique, ou des choix ultimes et des révélations sur les personnages, rien ne convainc vraiment. La série finit par tomber dans les trous qui plombent son scénario.
Hero est plus cohérent sur un plan formel. La réalisation s'efforce de contribuer à l'atmosphère noire de la série : cela donne donc des images à dominante sombre, où les scènes d'action sont plutôt efficacement menées. La photographie correspond dans l'ensemble assez bien à l'ambiance de ce futur proche, où la détresse de certains est palpables, et où les confrontations de classes sont exacerbées. Sans être toujours maîtrisé, le résultat sait donner envie au téléspectateur de se glisser dans cet univers. Je serais beaucoup plus réservée concernant la bande-son qui, si le style de musique reflète l'axe "action musclée", apporte peu, et n'est pas toujours exploitée à bon escient.
Enfin, Hero bénéficie d'un casting qui alterne le correct et le plus mitigé. Les problèmes d'écriture étant problématiques pour la force des personnages, il est parfois difficile pour les acteurs de se fixer sur un registre d'interprétation. C'est à Yang Dong Geun (I'm Sam) qu'est confié le rôle principal : du jeune homme irresponsable au redresseur de torts masqué, il s'en sort assez bien tant que son personnage conserve sa logique (les derniers épisodes étant plus problématiques sur ce point). Han Chae Ah (actuellement dans Bridal Mask) manque toujours un peu d'expressivité, mais elle donne convenablement la réplique à son vis-à-vis héritier/justicier. On croise également quelques têtes familières des rôles secondaires, comme Son Byung Ho (Yaksha), Choi Chul Ho (Partner), Park Won Sang (Yaksha, Warrior Baek Dong Soo), Kwon Min, Geum Dan Bi (Warrior Baek Dong Soo), Oh Soo Min (Queen of Reversals), Kim Sung Hoon ou encore Otani Ryohei (The Road Home).
Bilan : Série d'anticipation à l'univers futuriste sombre, Hero est une série qui disposait d'une base d'idées intéressantes sur le papier, qu'elle n'aura pas su ou pu porter convenablement à l'écran, le scénario cédant à trop de raccourcis et de maladresses pour convaincre. Cependant, l'effort reste louable. Et avec son rythme de divertissement musclé, elle peut constituer une curiosité à tester pour les amateurs des redresseurs de torts masqués, avec un univers qui m'a rappelé celui des comics. Mais il faut dans ce cas accepter de ne pas trop se formaliser devant les limites manifestes de l'histoire, particulièrement criantes au cours des derniers épisodes.
NOTE : 4,75/10
Une bande-annonce de la série :
Une chanson de l'OST :
[A noter : Suite à des problèmes techniques sur mon ordinateur, les screen-captures n'ont exceptionnellement pas été faites par moi, mais sont issues de Dramabeans.]
16:38 Publié dans (Séries asiatiques) | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : k-drama, ocn, hero, yang dong geun, han chae ah, son byung ho, choi chul ho, park won sang, kwon min, geum dan bi, oh soo min, kim sung hoon, otani ryohei | Facebook |
01/07/2012
(UK) Hit and Miss, saison 1 : le portrait troublant d'une tueuse à gage qui apprend sa paternité
Jeudi soir s'est achevée en Angleterre, sur Sky Atlantic, la première saison de Hit & Miss. Comptant 6 épisodes de 45 minutes environ, elle avait débuté le 22 mai 2012. Imaginée par Paul Abbott, à qui l'on doit quelques grandes heures de la télévision britannique, comme State of Play, Shameless ou encore, l'an dernier, Exile, et écrite par Sean Conway, elle retenait logiquement l'attention. Et ce d'autant plus qu'elle met en scène une actrice que j'aime tout particulièrement, Chloë Sevigny, tout en proposant un sujet pour le moins atypique. C'était sans conteste la nouveauté que j'attendais le plus outre-Manche pour conclure un printemps qui aura laissé en Angleterre une impression mitigée. Prometteuse et ambitieuse sur le papier, Hit & Miss n'aura tenu toutes ses promesses, mais elle aura cependant été une très intéressante fiction, bien servie par une mise en scène tout simplement superbe.
Mia est une tueuse à gage transsexuelle. Elle mène une vie entièrement dédiée à son travail, tout en suivant un traitement hormonal avant de subir une dernière opération chirurgicale. Son quotidien est bouleversé lorsqu'elle reçoit une lettre d'une ex-petite amie avec laquelle elle avait tenté de faire sa vie il y a quelques années. Mourant d'un cancer, cette dernière laisse derrière elle quatre enfants, dont l'aînée a tout juste 16 ans et, surtout, dont le troisième, Ryan, est le fils de Mia.
Le choc est double pour la tueuse : non seulement elle apprend qu'elle est père, mais en plus elle a été nommée comme le gardien légal de tous les enfants. Sans quitter son métier particulier, avec un patron en apparence compréhensif tant que ses intérêts ne sont pas en danger, Mia part donc pour la ferme isolée dans laquelle vit cette famille. De nombreux défis l'attendent : faire face à son nouveau rôle de parent et être acceptée par ces enfants.
A la lecture de son synopsis, on aurait pu imaginer Hit & Miss s'orienter plutôt vers une série d'action. Or elle se démarque en premier lieu par sa mise en scène étonnamment contemplative. Bénéficiant d'une identité visuelle particulièrement travaillée, elle va démontrer une capacité rare pour se créer une ambiance à part et pour capter, en quelques instantanés, la joie comme la détresse de ses protagonistes. Soutenant et sublimant ce parti pris, la réalisation n'hésite pas à recourir à des plans larges, à l'influence cinématographique. Le rythme est lent. Le récit sait prendre son temps, consacrant invariablement au seul décor quelques secondes de transition entre deux scènes, voire préférant privilégier l'expression des personnages et leurs gestes, pensifs comme déchaînés, plutôt qu'un long discours. Le résultat donne un visuel absolument magnifique, où le paysage du nord de l'Angleterre - la série a été tournée dans la région de Manchester - devient un acteur à part entière du récit, superbement mis en valeur. Cette réalisation, vraiment réussie, ne laisse donc pas insensible.
Si devant Hit & Miss on retient d'abord la forme avant le fond, c'est sans doute parce que la série oscille longtemps entre les tonalités et les storylines, cherchant son équilibre et du liant dans une narration manquant de fluidité. A première vue, il faut dire qu'elle apparaissait comme un étonnant mélange des genres. Paul Abbott reconnaissait lui-même avoir voulu associer en une seule fiction deux thèmes qui ne semblaient pas destinés à cohabiter, un peu à la manière d'Exile. Ainsi Mia est certes une tueuse à gage. Cela a son importance dans son comportement, et on a l'occasion de la voir en action, parfois à plusieurs reprises dans l'épisode, généralement pour conduire des exécutions froides et parfaitement plannifiées. Cependant, la série n'est pas pour autant un thriller. En effet, utilisant les ressorts d'un drama familial, le fil rouge reste celui d'une véritable introspection du personnage central. Dans cette optique, toute centrée sur Mia qu'elle soit, la série ne néglige aucun des quatre enfants, exposant comment chacun réagit au décès de leur mère, qu'il s'agisse, pour les plus grands, d'assumer les difficultés du quotidien, ou pour les plus jeunes, de faire face à cette douloureuse absence.
L'arrivée de Mia dans ce nouvel environnement, avec les responsabilités, mais aussi les nouvelles rencontres que cela permet, offre à Hit & Miss la possibilité de dresser un portrait à la fois fascinant et troublant de ce personnage. Au début de la série, celle qui est né garçon sous le nom de Ryan, est devenue Mia, une transsexuelle qui suit toujours un traitement hormonal et attend de subir une dernière opération chirurgicale pour parachever le changement de sexe. Aux difficultés identitaires inhérent au fait d'être une femme née dans un corps d'homme, au sein d'une famille avec laquelle elle a coupé les ponts dès ses 18 ans, s'ajoutent de nouvelles : la voilà qui apprend l'existence d'un fils dont elle ignorait tout, et de ses trois frère et soeurs laissés sans parent suite au décès de leur mère. Envisager un quotidien au sein d'une cellule familiale, aussi dysfonctionnelle soit-elle, mais aussi apprendre à être un parent pour ce fils - qui lui-même ne sait comment appeler Mia "papa", ce sont autant d'épreuves et d'ajustements compliqués qui vont être exigés d'elle. Cela permet de dépeindre un personnage vraiment intéressant, complexe, sur lequel la série peut logiquement se construire.
Seulement, si la série ne manque ni d'audace, ni d'idées, c'est dans leur exécution que la série montre ses limites, laissant un arrière-goût d'inabouti. Dans la mise en scène de ces dynamiques familiales à part, avec ces jeunes un peu en déshérence et la solidarité sans failles qui lui unit, Hit & Miss n'est pas sans évoquée Shameless. Mais le parallèle s'arrêtera là, car elle ne trouvera jamais ce précieux équilibre, plein de justesse et d'authenticité, porté par une spontanéité naturelle, qui fait la force de la première depuis neuf saisons. Si on perçoit bien la logique narrative qui sous-tend l'ensemble, l'écriture manque de subtilité et de nuance. Elle cède trop souvent à des facilités dommageables, ou prend des raccourcis dans le développement des storylines. Le problème est très perceptible durant les premiers épisodes, avec le parachutage de Mia au sein de cette famille, suivi des premières confrontations puis de l'acceptation progressive, ou encore dans la manière dont est utilisé l'oncle. Si certaines scènes sont réussies, la narration inégale amoindrit leur portée, avec des passages qui sonnent bien trop forcés ou précipités sans transition, pour satisfaire. Peinant donc à trouver la cohésion nécessaire de son récit, Hit & Miss laisse une impression un peu mitigée.
Particulièrement réussie sur la forme tout en manquant de maîtrise sur le fond, on retient également de Hit & Miss la performance de son casting, et plus précisément de son actrice principale. La série doit en effet beaucoup à la magistrale Chloë Sevigny. Cette dernière m'avait déjà fasciné dans Big Love, dans le rôle ambivalent de Nicki, elle m'a une nouvelle fois vraiment impressionnée en interprétant ce personnage exigeant et complexe qu'est Mia. La caméra lui rend d'ailleurs pleinement justice, dévoilant une figure à la fois troublante et marquante.
Si la série peut se reposer sur les épaules de Chloë Sevigny, cela ne signifie pas que le reste du casting va démériter. Au contraire, la série se présente sur ce plan comme très homogène. On retrouve parmi eux plusieurs têtes familières du petit écran anglais : Peter Wight (Party Animals, Public Enemies, Titanic), Jonas Armstrong (Robin Hood, Prisoners Wives), Vincent Regan (Scott & Bailey), Ben Crompton (Pramface, Ideal), Karla Crome (Misfits), Reece Noi (Waterloo Road, Father & Son), Jorden Bennie, Roma Christensen.
Bilan : Série ambitieuse, abordant et mêlant des thèmes multiples (famille, transsexualité, criminalité), Hit & Miss dresse le portrait troublant d'une tueuse à gage à part, utilisant pour cela les ingrédients du drama familial. Tout en marquant durablement par l'atmosphère qui s'en dégage, dotée d'une identité visuelle aboutie et soignée, la série laisse cependant le téléspectateur sur un sentiment mitigé. Souffrant d'une écriture inégale qui manque de justesse, à l'occasion trop excessive ou trop précipitée, elle ne parvient pas à exploiter tout le potentiel entrevu. En résumé, c'est un projet original qui aura bénéficié de bonnes idées mais qui n'aura pas su les retranscrire à leur juste valeur.
Malgré ces réserves, je conseille cependant la découverte : l'ambiance, le ton et le sujet méritent qu'on leur laisse une chance. D'autant qu'il s'agit d'une série dans laquelle on rentre progressivement : je l'ai de plus en plus appréciée au fil des épisodes. Et au vu de la scène finale, j'espèrerais même une saison 2.
NOTE : 7/10
La bande-annonce de la série :
14:11 Publié dans (Séries britanniques) | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : sky atlantic, hit and miss, chloe sevigny, peter wight, jonas armstrong, vincent regan, ben crompton, karla crme, reece noi, jorden bennie, roma christensen | Facebook |