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04/06/2012

(Pilote CAN) Continuum : le futur est entre ses mains... mais quel futur ?

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Un peu de science-fiction pour ouvrir la saison estivale, ça vous tente ? En ce qui me concerne, vous le savez bien, je suis toujours partante. Ces thèmes de voyage dans le temps et de sauvetage du futur, aussi classiques soient-ils, s'ils sont bien mis en scène, restent des valeurs sûres pour m'intéresser. Côté websérie, Le Visiteur du Futur reste une des rares que je regarde avec enthousiasme. Et dans le registre des séries nord-américaines, je garde même encore une certaine tristesse en songeant à l'annulation de The Sarah Chronicles... Autant dire que je suis le public qui peut, potentiellement, apprécier Continuum.

Initialement, c'est pourtant avec plus d'appréhension et assez peu d'espoir que j'ai lancé le pilote, la faute à une bande-annonce guère convaincante et à un résumé qui, soyons franc, sonnait trop le déjà vu et revu. Mais c'est peut-être un mal pour un bien parce que, finalement, c'est un démarrage très honnête que s'est offerte cette nouvelle série canadienne qui a débuté sur la chaîne Showcase dimanche 27 mai 2012. Dix épisodes ont à ce jour été commandés. A voir si le potentiel entraperçu peut grandir  !

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En 2077, les gouvernements ont failli. Les corporations s'y sont substituées, restaurant l'ordre et mettant fin aux anciennes formes ayant échoué. Le pays n'est plus une démocratie. Cependant, la situation ne fait pas l'unanimité. Un groupe terroriste veut faire prendre conscience de la situation. La scène d'ouverture nous fait ainsi vivre un attentat, avec un gigantesque gratte-ciel s'écroulant en arrière-plan. Plusieurs conspirateurs sont arrêtés par une équipe d'agents menés par Kiera Cameron. Ils sont par la suite condamnés à mort.

C'est le jour où leur exécution est programmée que tout va changer pour Kiera. Elle est chargée de surveiller le bon déroulement des opérations. Mais au dernier moment, leur chef brandit un objet qui fait disparaître tous ceux qui se trouvaient autour, la jeune femme comprise. Ils se retrouvent au même endroit, mais à une autre époque : en 2012. Tandis que les terroristes s'échappent dans ce nouveau monde, Kiera se retrouve prisonnière de ce passé, loin de sa famille. Assez naturellement, elle va prendre place aux côtés des autorités dès que les combattants venus du futur commencent à faire parler d'eux.

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Voyage temporel impromptu, héroïne devant sauver le futur de l'action d'un groupuscule dangereux, technologie révolutionnaire seulement en voie de développement avec un concepteur encore adolescent, paradoxes temporels à venir et sans doute quelques secrets à découvrir sur le façonnement de son monde tel que Kiera le connaît... Nul doute que tous les ingrédients sonnent de manière familière au téléspectateur. Naviguant quelque part dans la filiation directe d'une franchise comme Terminator, Continuum assume ses influences. La reconstitution du futur et de ses techniques offre un visuel de science-fiction assez intéressant et bien exploité, avec des possibilités qui font de Kiera une véritable super-flic dans notre présent de 2012. Certes, l'écriture ne fait pas dans la subtilité et on n'échappe pas à certains poncifs : la jeune femme n'est pas seulement policière, c'est une mère de famille qui veut retrouver son fils. Les motivations personnelles sont là pour humaniser le personnage, mais elles tirent sur une fibre émotionnelle peut-être un peu trop facilement. De manière générale, le traitement des personnages n'est pas le point fort de ce pilote.

En revanche, son grand mérite est de savoir bien installer un univers qui a du potentiel, à commencer par la relative ambivalence qui en émane. L'idée de grandes entreprises régissant le monde, ayant remplacé le politique, trouve forcément un écho particulier. Et puis, surtout, ce futur que Kiera défend est un futur dictatorial. Dans le même temps, les prétendus combattants de la liberté sont, eux, présentés clairement comme des opposants, méchants par excellence : la scène d'ouverture de l'attentat et les fusillades du dernier quart d'heure sont sur ce point de vue univoques. Continuum propose donc d'un côté des partisans de la démocratie terroristes, de l'autre une héroïne pro-dictature, et en filigranne quelques interrogations sur la manière dont les corporations sont arrivées où elles sont (/seront). Voilà une base de départ qui n'est que promesse, mais qui aiguise la curiosité. Tout dépendra de l'orientation future de la série : Kiera va-t-elle rester dans une logique de chasse à l'homme et d'obéissance ; va-t-elle découvrir des éléments qui vont l'amener à nuancer ses vues ? Le manichéisme ambiant n'est-il qu'apparent ? Reste que le pilote remplit sa fonction : il intrigue et propose une intéressante introduction.

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Sur la forme, il faut noter une reconstitution futuriste plutôt soignée qui est plutôt convaincante, après une scène d'ouverture "choc" à laquelle on assiste à l'attentat. Sinon, Continuum propose dans l'ensemble une réalisation classique, avec une priorité donné aux plans serrés. Les scènes d'action ne dépareillent pas non plus. Bref, un ensemble très honnête, qui ne se démarque pas particulièrement mais remplit efficacement son office.

Côté casting, les habitués de science-fiction nord-américaine ne seront pas dépaysés et croiseront dans Continuum bien des têtes familières. C'est Rachel Nichols (Alias, Esprits criminels) qui incarne l'héroïne du futur ; je l'ai assez aimée dans ces quelques moments où le masque tombe en prenant conscience de la situation inextricabe dans laquelle elle se trouve. A ses côtés, c'est Victor Webster (Mutant X) qui va l'assister au sein de la police locale. Erik Knudsen (Jericho) incarne quant à lui un adolescent à la grande destinée, puisqu'il sera le concepteur de la technologie dominante du futur et directeur d'une des plus puissantes corporations. Noter que dans le futur il est interprété par William B. Davis (qui restera éternellement l'homme à la cigarette de X-Files, ce qui a tendance à vous rendre instantanément tout personnage suspicieux). Enfin, on retrouve aussi à l'affiche Roger Cross (24, The Guard), Tony Amendola (Stargate SG1), Stephen Lobo (Artic Air, Painkiller Jane, Falcon Beach), Lexa Doig (Andromeda, Stargate SG1), Brian Markinson (The Killing, Caprica) ou encore Richard Harmon (The Killing).

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Bilan : Se réappropriant la thématique du voyage temporel de manière plutôt efficace, Continuum propose un pilote honnête et intriguant qui vaut surtout pour le potentiel que son univers ainsi posé laisse entrevoir. Derrière la présentation manichéenne des protagonistes de chaque camp, en arrière-plan, le régime dictatorial du futur peut promettre des développements très intéressants si, par la suite, la série sait jouer sur l'ambivalence manifeste des causes et des moyens pour et par lesquels chacun se bat.

Au fond, il est bien trop tôt pour dire si Continuum saura exploiter véritablement les nuances de son cadre, mais pour le moment, la téléspectatrice amateur de science-fiction que je suis a envie de lui donner sa chance.


NOTE : 6,75/10


La bande-annonce de la série :

03/06/2012

(FR) La Brigade des Maléfices : aux frontières du policier et du merveilleux

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My Télé is Rich! continue de remonter le temps, et tombe sur de vraies perles du petit écran. Après la fiction historique, dimanche dernier avec Ardéchois coeur fidèle, je vous propose aujourd'hui dans ce "cycle ORTF" une incursion dans le fantastique. En effet, c'est un genre dans lequel le petit écran français s'est essayé avec parfois beaucoup d'inventivité, même si cette tradition semble un peu oubliée de nos jours. Cependant l'excellente initiative d'INA Editions rend désormais accessible certaines de ces fictions expérimentales et originales de notre patrimoine télévisuel, dans une collection DVD qu'il faut avoir à l'oeil : Les Inédits Fantastiques. La première série sur laquelle je me suis arrêtée m'a été conseillée sur twitter par Thibault... que je remercie donc pour la découverte !

La Brigade des Maléfices a été diffusée durant l'été 1971 (d'août à septembre) sur la deuxième chaîne de l'ORTF, elle y rencontra un certain succès mais ne fut pas reconduite. Elle compte donc seulement une saison de 6 épisodes d'une durée de 55 minutes environ. Imaginée et scénarisée par Claude Guillemot et Claude Nahon (Claude Jean-Philippe, présentateur du Ciné-Club d'Antenne 2), cette série possède un charme certain, un peu désuet, qui apparaît comme une forme d'appel sincère à l'imaginaire du téléspectateur. Elle se redécouvre avec attachement et plaisir, même 40 ans après sa diffusion originale.

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Le monologue du générique d'ouverture fait figure d'introduction dans l'univers atypique de la série, entrouvrant pour le téléspectateur les portes du fantastique : "La brigade des maléfices ne figure sur aucun document officiel de la préfecture de police. Personne dans le public ne soupçonne son existence et pourtant chaque jour s’étend le champ de son activité. Bien des enquêtes menées par les plus fins limiers de la police judiciaire s’arrêtent soudain devant l’impossible, l’incroyable ou le surnaturel. C’est alors qu’intervient Guillaume-Martin Paumier, chef de la brigade des maléfices, Sherlock Holmes de la féérie, Maigret de la sorcellerie moderne, expert en sciences occultes, familier de l'invisible, l'inspecteur Paumier ne refuse aucune des voies ouvertes sur l'inconnu. Il a accepté d'ouvrir pour nous quelques dossiers, de nous faire participer à quelques-unes de ses étrangers enquêtes."

Exilée sous les combles du commissariat parisien du Quai des Orfèvres, la Brigade des Maléfices est donc une unité très particulière de la police française. Elle ne compte que deux membres, l'inspecteur Paumier, figure flegmatique et malicieuse à barbe blanche pour qui le surnaturel est un quotidien qui n'a pas de secret, et son assistant, Albert, agent à tout faire et chauffeur de son supérieur dans sa moto deux places lorsqu'ils doivent se déplacer. Quand des enquêtes se heurtent à l'inexplicable, semblant échapper à l'entendement, le commissaire principal prend son téléphone pour les contacter. Disparitions mystérieuses, crimes conjugaux en série, épidémie de suicide, braquage de banque du sang ou encore escroquerie à portée interstellaire, ce sont des affaires très différentes qui sont ainsi soumises à la brigade.

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Permettant l'alliance de deux genres importants du petit écran, le polar et le fantastique, la Brigade des Maléfices est une série, au style théâtral et au rythme relativement lent, qui flirte avec un savoureux surréalisme. Teintée d'humour mais aussi touchante à l'occasion, la tonalité est originale. De façon intrigante, la fiction propose une incursion dans un merveilleux parfaitement intégré au quotidien de cette société française du début des années 70, dont elle nous offre un aperçu complet, entre boom des appareils électro-ménagers et constructions de grands ensembles.

S'inscrivant dans une tradition classique du fantastique qui lui permet d'explorer les grands mythes du genre, comme les fées, les vampires, les fantômes ou bien un démon au nom suggestif (Diablevert), voire une charmante extraterrestre Vénusienne, la série organise et banalise les rencontres avec l'extraordinaire d'individus normaux, soudain confrontés à des choses qui dépassent leur entendement. Il est intéressant de noter qu'il n'y a pas d'opposition ou de lutte systématique avec ces éléments issus du surnaturel : la plupart du temps, il s'agit d'assurer une cohabitation permettant que tout rentre dans l'ordre. Le seul véritable adversaire (récurrent) de Paumier est Diablevert : cette figure diabolique, filant toujours pour mieux réapparaître avec un nouveau plan qu'il faut exposer au grand jour pour y mettre un terme, occupe là une fonction incontournable dans ce type de fiction.

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Appel au rêve et à l'imaginaire, la série trouve un intéressant équilibre entre ses différents genres. Elle développe un versant policier, à la dynamique savoureuse, et où l'humour diffus, distillé à juste dose, est très présent. Paumier, dans sa robe de chambre défraîchie et son bureau bigarré comprenant mille merveilles et autres étrangetés, a l'apparence d'un vieil original hors du temps, mais révèle la malice et la sagacité d'un fin limier. Albert offre un parfait pendant, avec des remarques souvent comiques. A l'opposé de cette ouverture d'esprit, le commissaire Muselier et son arrogance cartésienne tourne en dérision son collègue, pour toujours devoir finir par s'incliner devant ses contributions. Au milieu, le commissaire principal, réticent mais prudent, conserve quant à lui une retenue pragmatique.

Outre cette dynamique propre au commissariat, La Brigade des Maléfices prend également le temps d'explorer le point de vue non policier. En effet, à chaque épisode, elle soigne tout particulièrement son cadre et l'histoire qui s'y rattache. Une place importante est ainsi laissée aux créatures fantastiques, la rapprochant par moment presque d'un format semi-anthologique. Chaque épisode a une tonalité qui lui est propre, et des atmosphères particulières. Parmi les plus marquantes, je citerais celle du 1er épisode où la mise en scène de cette mare aux fées trouve un écho poétique troublant à l'écran. Les histoires usent généralement de ressorts classiques mais efficaces, avec une inventivité appréciable, à l'image du 2e épisode sur la place de la télévision dans les familles et la mystérieuse septième chaîne. L'amour n'est pas non plus absent, sorte de trait d'union le plus universel qui soit entre ordinaire et surnaturel. On assiste ainsi à un mélange de simplicité et d'originalité qui se visionne avec plaisir.

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Sur la forme, un des défis qu'aura su relever La Brigade des Maléfices aura été de parvenir à évoquer le merveilleux sans réels moyens budgétaires : elle repose entièrement sur une ambiance et des montages suggestifs. Et le résultat ne manque pour autant pas d'intérêt. Un des passages du genre les plus réussis restera sans doute celui du premier épisode : pour révéler l'existence d'une créature envoûtante, on assiste à une longue scène tremblotante où apparaît et disparaît dans les images d'un film amateur la troublante fée de la mare du bois de Rambouillet. De plus, la musique joue aussi un rôle important, qu'il s'agisse de poser une atmosphère inquiétante, de souligner les passages de tension, ou plus généralement d'embrasser le versant un peu rêveur du fantastique dans laquelle la série se complaît.

Enfin La Brigade des Maléfices bénéficie d'un casting qui contribue à l'attachement que l'on éprouve pour cette fiction. Léo Campion incarne un inspecteur Paumier particulièrement savoureux, tandis que Marc Lamole joue avec spontanéité son assistant. Jean-Claude Balard, à l'arrogance un peu nonchalente, est le commissaire Muselier, ferraillant régulièrement avec Paumier, tandis que Jacques François incarne leur supérieur hiérarchique. Mais la série vaut également les guest-stars marquantes qu'elle accueille, au premier rang desquels Pierre Brasseur qui, par deux fois, revient incarner ce démon charismatique Diablevert que la brigade tentera d'empêcher de nuire. Dans le 4e épisode, il se retrouvera même face à son fils, Claude Brasseur, qui joue alors la victime potentielle de ses machinations. On croise également Sylvie Fennec en fée ensorcelante, Anny Duperey en Vénusienne de charme, Pierre Vernier en vampire mélancolique ou encore Jean-Pierre Andréani.

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Bilan : Se réappropriant, sans moyens mais avec une belle dose d'inventivité, les grands mythes du fantastique pour les introduire dans le quotidien de la société française du début des années 1970, La Brigade des Maléfices est une série attachante, à laquelle l'humour et le flegme de son personnage principal apportent un charme un peu désuet plaisant. Série d'ambiance, dotée d'un rythme plutôt lent auquel il faut prendre le temps de s'ajuster, elle ouvre les portes d'un merveilleux accessible qui interpelle l'imaginaire d'un téléspectateur, parfois rêveur, d'autre fois intrigué, mais à la curiosité toujours piquée.

Parce que X-Files, Torchwood et les autres n'ont pas le monopole des enquêtes sur le surnaturel... Voilà un digne représentant français de ce genre qui mérite d'être redécouvert !


NOTE : 7,75/10


Le générique :

31/05/2012

(ISL) Heimsendir (World's End) : entre l'allégorie politique et la satire de la psychiatrie


Article 5. "Drugs are optional... (except for those that need them)."

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Connaissez-vous ce sentiment d'intense satisfaction téléphagique qui vous étreint lorsque vient enfin le moment de se lancer dans un projet que vous attendiez avec impatience depuis des mois et qu'ensuite le résultat se révèle à la hauteur, dépassant même vos espérances ? C'est ce qui m'est arrivé ces derniers jours. Si vous lisez régulièrement ce blog, vous vous souvenez que cela fait déjà quelques temps que je vous parle d'une série islandaise récente qui avait réussi le tour de force de m'intriguer et de me pré-fasciner par sa seule affiche (pour laquelle la parenté esthétique avec Naeturvaktin était évidente) et une brève bande-annonce.

Heimsendir (World's End à l'international) a été diffusée sur Stöð 2 à la fin de l'année 2011 (de septembre à novembre). Elle compte en tout 9 épisodes dont la durée varie entre 30 et 35 minutes. On retrouve à son origine (et en partie aussi devant la caméra) la brillante équipe (Jóhann Ævar Grímsson, Jörundur Ragnarsson, Pétur Jóhann Sigfússon et Ragnar Bragason) qui a créé la grande série islandaise de ces dernières années, la trilogie constituée par Næturvaktin, Dagvaktin et Fangavaktin. Si on perçoit certaines influences communes entre les oeuvres, notamment dans leur dimension humaine, Heimsendir investit cependant un registre très différent : ce bijou d'une inventivité fascinante flirte avec la fable politique, à la fois allégorique et satirique. Inutile de faire durer le suspense : j'ai été complètement conquise.

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Heimsendir se déroule en 1992 au sein d'un asile psychiatrique isolé dans la campagne islandaise. La série débute avec l'arrivée d'un nouveau patient, Einar, un enseignant qui après plusieurs crises se retrouve envoyé là-bas contre sa volonté, avec l'autorisation de sa famille. Il s'ajuste difficilement à ce quotidien de l'hôpital, refusant de se considérer comme malade. Mais ce sont surtout les conditions de vie imposées par l'institution qui vont attiser sa révolte. En effet, la direction de l'asile impose non seulement un règlement très strict, infantilisant à l'extrême les patients, mais elle administre aussi des traitements médicaux forts sans aucune concertation. Au sein du staff, Ludvik est sans doute le seul à essayer de prendre en compte les désirs et besoins de ceux qu'ils sont pourtant censés aider vers une éventuelle guérison.

Voyant qu'aucune discussion n'est possible, Einar allume l'étincelle révolutionnaire au sein de l'établissement, interpellant et convaincant ses compagnons de réclamer un certain nombre de droits fondamentaux, parmi lesquels l'interdiction d'être drogué contre sa volonté. Au cours d'un long week-end férié, la confrontation s'envenime et les évènements dégénèrent. Les patients profitent du manque de personnel pour prendre le contrôle de l'hôpital. Le staff est enfermé. Et les anciens internés entreprennent alors le premier acte de la nouvelle ère : la rédaction d'une constitution. Mais très vite, à la place de la liberté initialement proclamée, le fonctionnement de l'établissement glisse vers la dictature tandis que Margeir, un jeune schizophrène, laisse apparaître une nouvelle personnalité, ambitieuse et dangereuse...

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A partir de son cadre hospitalier, Heimsendir s'impose tout d'abord dans un registre surprenant : celui de l'allégorie politique. La construction narrative très familière, que l'on pourrait rapprocher d'une forme d'apologue, m'a très vite fait penser à celle d'un livre qui m'avait marqué dans ma jeunesse, La ferme des animaux de George Orwell. Trois grandes étapes peuvent ainsi être distinguées dans le récit. Initialement, le soulèvement ouvre une période d'euphorie où s'exprime une utopie révolutionnaire durant laquelle toutes les espérances sont permises. Puis, les premières dérives se font jour : la liberté peut très vite engendrer le chaos, a fortiori dans un asile. Les dirigeants retombent alors dans les travers de l'institution qu'ils ont balayée. Dans Heimsendir, le motif de la discorde est l'administration de drogue. C'est pourquoi l'article 5 de la constitution garantit que ces médicaments ne sont qu'optionnels : nul ne peut être forcé à les ingurgiter. Mais après un comportement dangereux d'un malade, Einar amende unilatéralement le texte, ajoutant un significatif "sauf pour ceux qui en ont besoin" et ouvrant ainsi la voie à la médication forcée. Tout comme la loi fondamentale dans La ferme des animaux avait commencé en proclamant que "tous les animaux sont égaux" pour finir complétée par "mais certains le sont plus que d'autres". A partir du moment où les dirigeants s'affranchissent du cadre légal, la communauté glisse vers la dictature : une nouvelle figure s'impose pour parachever le basculement d'un régime où toute voix dissonnante est désormais réduite à néant.

Si le livre d'Orwell était une critique du stalinisme, les emprunts historiques de Heimsendir sont différents, mais tout aussi identifiables. La série trouvera un écho particulier auprès du téléspectateur français, car les scénaristes ont manifestement ouvert un livre d'Histoire de la révolution de 1789. Les références s'enchaînent de façon assez savoureuse. Ainsi, par exemple, après s'être arrogé le pouvoir constituant, la personne pouvant s'exprimer et devant être écoutée par les autres est celle qui porte un chapeau, lequel n'est pas sans rappeler le bicorne napoléonien. Ensuite, parmi les grandes idées de réforme faites, l'ingénieur du groupe propose d'instaurer l'heure et la semaine décimale (et un épisode a même pour titre... "thermidor"). Puis la série nous rejoue une variante symbolique de l'assassinat de Marat dans son bain, portant le tableau bien connu à l'écran : au poignard se substitue l'ingestion de drogue... attentat chimique adapté au cadre de l'asile. Après l'organisation de procès pour juger l'ancienne institution, Margeir/Mori décide de répartir les différentes fonctions entre plusieurs comités, chapeautés par un comité central, le comité "of public awareness" (écho au comité de salut public). C'est assez jubilatoire de voir ainsi transposer ces éléments narratifs familiers, d'autant plus que la fiction se les réapproprie avec aplomb et logique, faisant preuve d'une inventivité et d'une richesse dans son propos qui sont vraiment remarquables.

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A côté de sa dimension politique, Heimsendir n'oublie cependant jamais la particularité de ses protagonistes et des problématiques médicales inhérentes à son sujet. La série développe ainsi un second versant : une satire de la psychiatrie au cours de laquelle elle s'interroge sur le traitement des patients. Avec une écriture fine mais tranchée, la série n'hésite pas à manier un certain sens de l'absurde, proche de la caricature, sans jamais trop en faire. Le fait de se dérouler en 1992 lui permet de se référer à une période précédant la modernisation de ces établissements. Elle distribue donc efficacement les rôles au sein du personnel : on retrouve en effet des personnages dont les positionnements bien définis sont représentatifs d'un milieu. Il y a le directeur principalement préoccupé par son projet personnel et le livre qu'il est en train de rédiger dessus, l'infirmière pour qui la seule réponse aux comportements à risque est l'administration massive de drogue sans la moindre considération pour les malades, mais aussi le thérapeute qui, à l'opposé, s'efforce de donner aux patients l'occasion de s'exprimer, estimant que c'est en leur faisant faire des activités qu'ils pourront le mieux s'épanouir. La réussite de la série est de faire en sorte que ces personnages ne soient jamais déshumanisés : ils gardent leurs doutes, leurs obstinations et leurs émotions. Le fait d'ajouter une histoire plus personnelle, avec l'adolescente de l'infirmière et du thérapeute, contribue à ce subtil équilibre.

Ce même effort de nuance se manifeste dans la caractérisation des malades, qui sont le coeur de la série. C'est une large galerie de patients qui est ainsi mise en scène ; cette richesse apporte une diversité bienvenue, témoignant de l'ambition des scénaristes. Leurs pathologies sont montrées sans jamais alourdir le récit, mais en apportant une touche d'inattendu, à l'occasion touchante. D'autant que derrière des apparences parfois abrasives se cachent souvent des histoires poignantes qui ne laissent pas le téléspectateur indifférent. Heimsendir s'intéresse plus particulièrement à ceux qui vont jouer les fonctions clés dans la fable allégorique à l'oeuvre sous nos yeux. Leurs personnalités et leurs motivations sont assez fouillées. Le mélange est réussi entre un facteur particulier d'irrationalité inhérent à leur état mental et une logique implacable qui leur fait trouver leur place dans cet engrenage révolutionnaire. Si, durant la première partie, c'est Einar qui apparaît comme le coeur du soulèvement en gestation, c'est ensuite Margeir qui s'impose comme la complexe et troublante figure principale. Les différentes personnalités du schizophrène lui confèrent une ambivalence marquante. La clé de l'intrigue résidera dans la compréhension progressive du personnage et de ses blessures passées ; et ici, la série maîtrisera admirablement son sujet et tous les développements jusqu'à l'image finale de conclusion.

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Brillante sur le fond, Heimsendir l'est aussi sur  la forme. La réalisation a été confiée à une valeur sûre du petit écran islandais, Ragnar Bragason (il a déjà réalisé notamment la trilogie Naeturvaktin). Non seulement l'image est impeccable, mais surtout le travail entrepris sur la symbolique de certains plans est admirable. Jubilatoire même. Ce soin s'étend jusqu'aux couleurs dominantes à l'écran qui évoluent au fil de la mutation du régime : la révolution voit le rouge prévaloir ; puis à mesure que l'on tend vers la dictature, un blanc épuré s'y substitue (les quelques screen-captures vous donnent un aperçu assez représentatif). Quant à la bande-son, elle est tout simplement magnifique et ô combien appropriée : les morceaux de musique classique familiers à l'oreille du téléspectateur se succèdent en grande pompe, du Bach, du Beethoven... Déchirantes ou épiques, toujours animées d'un souffle particulier, ces partitions musicales épousent et font corps avec le récit, le rythmant et donnant avec justesse leur tonalité aux séquences en cours.

Enfin, Heimsendir dispose d'un convaincant casting, à la hauteur pour retranscrire toute cette galerie de personnages mis en scène, égarés et fragiles, mais aussi touchants et déterminés. Parmi les têtes les plus connues, on retrouve deux des trois acteurs de la trilogie Naeturvaktin. Si Pétur Jóhann Sigfússon renoue avec un personnage assez attachant qui fait preuve de beaucoup d'empathie envers ses patients, c'est Jörundur Ragnarsson qui bénéficie du rôle le plus fascinant, celui de Margeir. L'acteur délivre une performance impressionnante. Incarnant ce schizophrène dont on verra plusieurs personnalités distinctes au cours de la série, il fait preuve d'une belle faculté à se métamorphoser complètement suivant la personnalité dominante, enfantin ou machiavélique, perdu ou hystérique. A leurs côtés, on croise notamment Halldór Gylfason, Halldóra Geirharðsdóttir, Karl Ágúst Úlfsson, Nína Dögg Filippusdóttir, Bára Lind Þórarinsdóttir, Sigurður Sigurjónsson, Brynhildur Guðjónsdóttir, Lára Jóhanna Jónsdóttir, Margrét Helga Jóhannsdóttir, Víkingur Kristjánsson, Jóhann Sigurðarson, Benedikt Erlingsson, Hallgrímur Ólafsson, Guðjón Þorsteinn Pálmason, María Guðmundsdóttir, Erla Rut Harðardóttir, Þröstur Guðbjartsson ou encore Friðgeir Einarsson.

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Bilan : A la fois allégorie politique fascinante et satire dosée de la psychiatrie, Heimsendir est une oeuvre très soignée, à l'écriture consistante et fluide, dont la richesse réside dans ces différents niveaux de lecture. Fable pessimiste dans son portrait des limites de l'utopie révolutionnaire, l'efficacité et la simplicité de son histoire n'ont ici d'égal que la maîtrise d'ensemble de l'exécution d'un récit parfaitement millimétré. La série va crescendo, gagnant en intensité jusqu'à la chute finale. Pour autant, Heimsendir n'en néglige pas non plus ses personnages, conservant une dimension humaine très forte, souvent touchante, et sachant bien exploiter le cadre particulier de l'asile. Avec son sens certain du détail, le soin apporté à son identité visuelle et musicale, ses références historiques transparentes, cette série est un OTNI (Objet Télévisuel Non Identifié) jubilatoire qui mérite vraiment le détour.


NOTE : 9/10


La bande-annonce de la série (sous-titrée anglais) :

Le générique de fin (enfin, surtout sa musique) :



[A noter : Comme toutes les séries islandaises, Heimsendir a été éditée en DVD avec une piste de sous-titres anglais, disponible notamment par là.]

30/05/2012

[Blog] My Télé is Rich, la 500e !

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Pas de mercredi asiatique aujourd'hui, mais une célébration (parce que j'aime les fêtes et les caps symboliques) et une esquisse de bilan, car voici le 500e (!) billet publié sur My Télé is Rich!.

Il faut dire que ces 500 articles ont vu la ligne éditoriale du blog considérablement évoluer, au gré des chemins tortueux de mes centres d'intérêt fluctuants. Pensez qu'on a eu l'occasion de parler de multiples séries - environ 329 - représentant en tout 22 (!) nationalités différentes (qui l'eut cru pour un blog qui devait surtout parler de petit écran... anglais). Cela donne dans les faits des critiques portant sur : 97 séries anglaises ; 82 sud-coréennes ; 61 américaines ; 37 japonaises ; 8 françaises ; 8 australiennes ; 7 danoises ; 4 canadiennes ; 3 islandaises ; 3 néo-zélandaises ; 3 suédoises ; 2 taïwanaises ; 2 italiennes ; 1 chinoise (et demie) ; 1 de Hong Kong ; 1 suisse ; 1 estonienne ; 1 portugaise/brésilienne ; 1 norvégienne ; 1 irlandaise ; 1 russe et 1 israélienne.

Ce serait très réducteur d'y voir une lubie à finalité folklorique : l'enseignement principal de tous ces visionnages au cours desquels j'ai trouvé de vraies perles dans des recoins que je n'aurais pas soupçonnés, c'est tout simplement la richesse impressionnante du petit écran. (En cela, le titre du blog était sacrément prémonitoire.)

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En fait, tenir un blog, ce n'est pas juste partager une passion, c'est pour le blogueur contribuer à la nourrir, à la faire grandir et la voir se transformer au fil des découvertes et des échanges initiés (twitter joue ici un rôle important). D'une part, cette rédaction quotidienne oblige à une rigueur d'organisation qui permet de tirer le meilleur parti du temps que l'on peut consacrer au visionnage de ces fictions. D'autre part, ma passion pour les séries ne s'est jamais aussi bien portée que depuis le moment où, au fil des billets écrits et des explorations relatées, est née cette idée/quête d'une "sériephilie sans frontières". A la lassitude d'une surconsommation américaine (qui a quand même duré presque une décennie auparavant) a succédé l'excitation de la découverte de nouveaux horizons, sans délaisser pour autant les anciens - mais en opérant désormais un tri nécessaire.

Ce bol d'air frais m'a permis d'apprécier d'autres savoir-faire, d'autres cultures et d'autres styles. Il m'a aussi appris non pas le relativisme, mais l'ouverture d'esprit. Prendre du recul. Mieux comprendre la subjectivité inhérente à toute critique. Accepter que chaque téléspectateur regarde le petit écran à travers le prisme de tout un tas de facteurs qui lui sont propres et à l'importance variable, qu'il s'agisse de ses expériences téléphagiques passées, de son âge et de la génération à laquelle il appartient, de sa nationalité, de ses affinités personnelles, de son humeur du moment ou même des effets de mode (qu'on y soit allergique ou qu'on se laisse consciemment ou non entraîner par le mouvement).

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De plus, ces 500 billets n'auraient pas existé sans un autre versant déterminant, qu'on ne soulignera jamais assez : la sériephilie est une passion communautaire ! Parce que le visionnage des séries s'inscrit dans le temps, leur format se prête tout particulièrement aux échanges, qu'il s'agisse de communions adoratives passionnelles ou d'émulations collectives vers de nouvelles découvertes. Chacun a la possibilité d'apporter sa pierre à l'édifice d'une culture en formation qui aspire simplement à une vraie reconnaissance méritée. Les progrès sont sur ce plan notables - y compris au cours de ces dernières années. Même si, malheureusement, les préjugés sont tenaces.

Sous la plume de certains, cette passion apparaît toujours comme un phénomène peu compréhensible et bien étrange, quand les séries ne sont pas présentées comme une sous-production d'abrutissement des masses. Le plus triste cependant, c'est qu'au sein même de la "communauté sériephile", les segmentations naissent parfois tout aussi spontanément : network contre câble, françaises contre étrangères, américaines contre européennes, occidentales contre asiatiques, etc... Je me suis plus d'une fois interrogée sur la facilité avec laquelle, en relayant avec aplomb des préconceptions caricaturales, on peut reproduire sans forcément s'en rendre compte exactement les mêmes comportements contre lesquels on s'insurgerait lorsque ce sont les séries au sens large qui sont attaquées.

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Au final, ce cap des 500 billets me fait mesurer combien ce blog m'a permis de structurer une passion jamais éteinte, mais dans laquelle il faut parfois surmonter doutes et déceptions. Plus que jamais, je fonctionne par phases, avec des cycles de découvertes pré-programmés. De découvertes de pays, mais aussi d'époques : car l'historienne qui est en moi ne peut concevoir une culture uniquement fondée sur l'immédiat. Les séries ne sont pas nées au XXIe siècle et la culture qui les entoure ne doit pas s'y cantonner. Tous ces axes (je dirais presque "de recherche" - c'est une déformation professionnelle, mais elle est assez juste), je n'aurais sans doute jamais entrepris de les explorer si ce blog n'avait pas été là et si vous, chers lecteurs/twittos/podcasteurs, n'aviez pas été présents pour échanger, communiquer vos expériences et aider à bâtir cet édifice culturel.

Tout ça pour dire que, même si parfois je doute et m'interroge sur le sens de passer autant de temps sur ce blog, le plaisir est toujours là. Et c'est grâce à tout ça que je pourrais vous parler dans mon prochain article, d'un énorme coup de coeur, une vraie claque téléphagique... venue d'une série récente dont je n'aurais sans doute même pas connu l'existence s'il n'y avait pas eu ces 500 billets la précédant... et vous.

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27/05/2012

(Pilote US) Bunheads : des débuts attachants sur lesquels flotte un parfum familier

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Je l'avoue, ABC Family n'est pas vraiment une chaîne dont je surveille les séries. Question d'âge, de goût, d'affinité... Mais même si je fais rarement partie du public visé par ses productions, je reconnais qu'elle sait aussi parfois s'entourer de noms qui retiennent l'attention du sériephile, comme Huge par exemple il y a 2 ans (de Winnie Holzman, la créatrice de Angela 15 ans). Cet été, la nouveauté qui aiguise la curiosité est signée par une autre valeur sûre du petit écran américain, Amy Sherman-Palladino.

La créatrice de Gilmore Girls revient ici à la recette qui a fait son succès, réunissant plusieurs générations de femmes dans Bunheads. Cette série débutera le 11 juin 2012 sur ABC Family, avec une saison 1 qui comprendra 10 épisodes. Et, au vu de ce pilote sur lequel flotte indubitablement un parfum caractéristique qui ne peut que rappeler Stars Hollow, je serai au rendez-vous pour voir quelle orientation prendra la série.

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Ce premier épisode de Bunheads s'intéresse au tournant que prend soudain la vie de Michelle. Danseuse à Las Vegas, avec une carrière qui n'est plus que l'ombre du potentiel entre-aperçu par le passé, elle subit une nouvelle audition négative, sans même avoir eu l'occasion de prouver son talent. Abattue, elle accepte l'invitation à dîner d'un de ses plus fidèles admirateurs. Or ce dernier, simplement de passage en ville, décide de la demander en mariage. Après une nuit de festivités, Michelle accepte et quitte les paillettes de Las Vegas pour la petite bourgade côtière dans laquelle vit celui qui est désormais son mari.

Ce dernier avait bien présenté la superbe vue promise de la chambre à coucher, mais il avait omis certains détails non négligeables. Comme le fait qu'il vive toujours avec sa mère, laquelle dirige une école de danse dans un bâtiment attenant à la propriété. Pour Michelle, le contraste avec Las Vegas est marquant : elle découvre une petite ville tranquille où chacun se connaît, sans réelles animations, ni sorties. Ce premier jour sur place, et la fête qui vient le clôturer, est l'occasion pour elle de découvrir ceux dont elle semble désormais destinée à partager le quotidien, et notamment quatre adolescentes qui fréquentent l'école de danse de sa belle-mère.

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Même si vous ratez le nom d'Amy Sherman-Palladino en début d'épisode lorsqu'il apparaît à l'écran, il n'existera très vite aucun doute dans votre esprit sur l'identité de la scénariste se trouvant à l'origine du pilote que vous êtes en train de découvrir. Des parallèles se font naturellement avec Gilmore Girls tant l'inspiration commune et l'influence sont perceptibles. La scénariste a à l'évidence souhaité renouer avec le genre qui a fait son succès passé, à l'égard duquel elle avait démontré un savoir-faire certain. On retrouve ainsi un style d'écriture très caractéristique : beaucoup d'énergie communicative dans le récit, porté par des dialogues dynamiques que ponctuent quelques longues tirades-monologues aux accents familiers. Le cadre même de la série n'est pas inconnu : dans le calme confondant de cette bourgade, on entre-aperçoit une communauté où tous les habitants se connaissent. Une ambiance de petite ville côtière qui est un écho évident à celle légèrement sucrée et feutrée de Stars Hollow. Pour le moment, ce sont surtout les intérieurs de quelques lieux clés qui sont entrevus : à voir si la série saura faire du décor un acteur à part entière de l'histoire.

Et puis, il y a le plus important, le thème central de Bunheads : tout en suivant cette figure centrale arrivant tout droit de Las Vegas, le pilote nous présente l'école de danse qui va permettre de réunir autour d'une passion commune trois générations : Fanny Flowers, la belle-mère, Michelle et plusieurs adolescentes qui y suivent des leçons. La caractérisation des personnages est convaincante dans cette première introduction qui dessine des personnages féminins forts, avec du potentiel. Le groupe d'adolescentes a une bonne dynamique. Michelle est très attachante, héroïne qui vit pleinement ses passions, tout en ayant aussi par son vécu son lot de regrets. Quant à Fanny, derrière son air revêche, elle est malgré tout prête à donner une chance à sa belle-fille. Le principal objet de ce pilote est d'organiser le parachutage de Michelle dans cette petite ville retirée où tout n'attend qu'elle pour s'animer. Il use pour cela de ficelles un peu grosses, assume quelques raccourcis, et l'ultime twist de fin d'épisode renforce cette impression tout en soulevant des questions sur l'orientation future. Cependant, il est difficile de ne pas se laisser entraîner par la dynamique de l'ensemble : en effet, comme la scénariste, le téléspectateur n'a vite qu'une seule envie, poser ses bagages et s'installer. Mission peut-être pas parfaitement exécutée, mais accomplie avec succès !

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Sur la forme, le pilote de Bunheads  bénéficie d'une réalisation correcte, avec une ambiance musicale appropriée à la tonalité de la série. Le principal enjeu pour la suite tiendra sans doute à la façon d'exploiter le cadre de cette ville, sans se contenter de simplement naviguer entre deux ou trois lieux clés - en alternant scènes en intérieur et en extérieur - ; mais le décor de la maison dans laquelle Michelle met les pieds vaut à lui-seul le déplacement et tend à prouver que la fiction devrait également soigner cet aspect.

Enfin, Bunheads dispose d'un casting sympathique. Sutton Foster incarne avec beaucoup d'énergie Michelle, sachant retranscrire aussi bien la passion animant son personnage, le sarcasme que lui apporte son expérience et une nature tendance à prendre du recul par rapport à sa situation. Contribuant à renforcer les parallèles avec Gilmore Girls, c'est avec beaucoup de plaisir qu'on retrouve Kelly Bishop qui incarne avec le style qu'on lui connaît la belle-mère. Enfin, les adolescentes sont assez justement interprétées par Kaitlyn Jenkins, Julia Goldani, Bailey Buntain et Emma Dumont.

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Bilan : Doté d'une écriture fine à l'énergie communicative, Bunheads délivre un pilote attachant qui réussit sa principale mission : celle d'organiser l'arrivée de Michelle au sein de l'école de danse, de façon à pouvoir ensuite exploiter les éléments narratifs ainsi réunis. Ce premier épisode dispose d'un charme certain et d'une chaleur humaine très plaisante. Le potentiel est donc là, le principal enjeu pour le futur sera de trouver le juste équilibre entre les différents personnages féminins, en trouvant une place à chacun. Pour le reste, à Bunheads de grandir et de trouver sa tonalité propre pour ne pas être qu'une forme d'ersatz ABC Family-ien de Gilmore Girls. En tout cas, j'ai ajouté cette série à mon planning estival ; en espérant qu'elle tienne ses promesses.


NOTE : 7/10


La bande-annonce de la série :