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14/12/2014

(Mini-série UK) The Lost Honour of Christopher Jefferies : préjugés et déchaînement médiatique

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Construire une œuvre évoluant sur la fine ligne entre fait réel et dramatisation est une des spécialités de Peter Morgan. De sa trilogie sur la carrière politique de Tony Blair (The Deal, The Queen et The Special Relationship) à la pièce de théâtre Frost/Nixon (qui fut ensuite portée sur grand écran), le scénariste anglais a toujours montré un intérêt pour cet exercice de scénarisation particulier. Sa dernière mini-série, The Lost Honour of Christopher Jefferies, le confirme une nouvelle fois. Comptant deux parties, d'un peu plus d'une heure chacune, elle a été diffusée cette semaine en Angleterre, les 10 et 11 décembre 2014, sur la chaîne ITV1.

Cette mini-série replonge le téléspectateur dans l'emballement médiatique qui suivit la disparition, puis la découverte du corps sans vie d'une jeune femme, près de Bristol, durant les fêtes de fin d'année 2010. L'affaire secoua le Royaume-Uni. L'attention de la police se porta d'abord sur le propriétaire de l'appartement dans lequel vivait la victime. Après son arrestation pour être interrogé, les médias et autres tabloïds se déchaînèrent contre cet homme à l'allure un peu excentrique - un aspect qui faisait de lui un coupable tout désigné. Les portraits à charge, recélant d'anecdotes gonflées, voire inventées, se succédèrent dans la presse. Lorsque, quelques jours plus tard, Christopher Jefferies fut libéré faute d'éléments probants, sa vie avait été irrémédiablement bouleversée. Ni l'arrestation, puis la condamnation du véritable meurtrier, plusieurs semaines après, ne contrebalancèrent les torts causés.

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Peter Morgan relate cette histoire en plaçant le téléspectateur aux côtés de Christopher Jefferies (interprété par un magistral Jason Watkins). La première partie décrit comment la vie ordinaire d'une personne sans histoire peut basculer en un instant, sans autre raison que quelques jugements expéditifs basés sur des ressentis et sur le fait qu'elle ne rentrait pas exactement dans les cases que la société aime attribuer à chacun. En dressant le portrait précis de Christopher Jefferies et des aspects -dans sa gestuelle ou son élocution- qui ont à l'époque interpellé enquêteurs et médias, c'est en fait le public que la mini-série place face à ses propres préjugés. Elle pointe la propension qu'a chacun de juger défavorablement sur une image renvoyée qui sort des canons attendus, de mettre à l'index celui qui n'entre pas dans les codes... Cette intolérance se croise au quotidien, mais elle est décuplée dans le cadre d'une enquête criminelle. Le récit décrit ainsi comment d'"étrange", une personne devient "suspecte", même sans autre élément tangible corroborant la suspicion. Tout se déroule comme si la défiance face à cet autre - dont les gestes, la manière de s'exprimer, les remarques, le placent "à part" - empêchait toute prise de distance et paralysait la réflexion. Happant le téléspectateur, l'écriture le conduit à s'interroger sur lui-même et sur ses réactions : celles qu'il a pu avoir il y a quatre ans (pour ceux qui ont suivi l'affaire), mais aussi, de manière plus hypothétique, sur la façon dont il réagirait face à une situation similaire. C'est avec finesse et -surtout- une sobriété à saluer que la mini-série encourage ainsi une remise en cause personnelle.

En outre, par-delà les questionnements sur les préjugés de chacun, l'autre grande problématique soulevée est celle du rôle joué par la presse. Les médias ont effet été une terrible caisse de résonance, amplifiant et décuplant hors de toute proportion cette défiance instinctive qu'avait éveillé chez beaucoup de personnes leur première rencontre avec Christopher Jefferies, qu'il s'agisse, pour les policiers, de leur premier entretien, ou bien, pour le public, de la première apparition du propriétaire face aux caméras de télévision qui campaient devant sa porte. Le déchaînement médiatique qui suivit son arrestation apparaît comme un cas d'école inversé, dans lequel tous les principes déontologiques furent allègrement bafoués. C'est la seconde partie de la mini-série qui s'attarde plus spécifiquement sur ces excès, en relatant le procès en diffamation qu'intentera ultérieurement Christopher Jefferies. Le récit rejoint ici une problématique plus large qui agite le Royaume-Uni ces dernières années, interrogeant les pratiques de sa presse, suite au scandale des écoutes téléphoniques impliquant notamment le journal News of the world. Après ces révélations, une commission d'enquête fut mise en place, la Leveson Inquiry, devant laquelle, d'ailleurs, Christopher Jefferies témoignera. Dans son dernier quart, la mini-série tente donc d'élargir son propos aux intrusions médiatiques plus générales dans la vie privée des individus - comme en témoigne le bref passage de Steve Coogan qui, jouant son propre rôle, échange quelques mots avec Christopher avant son passage devant la commission. The Lost Honour of Christopher Jefferies reste ici cependant sur la réserve. La complexité de ce débat sur l'usage de la liberté de la presse et de ses abus aurait nécessité de pouvoir y consacrer plus de temps ; or, ce n'était pas l'objectif premier de cette œuvre.

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Portant à l'écran une affaire qui a marqué le Royaume-Uni, The Lost Honour of Christopher Jefferies traite habilement, avec une sobriété et une sensibilité appréciables, d'un sujet très fort, qui interpelle le téléspectateur à plus d'un titre. En faisant le récit d'une trajectoire personnelle qui bascule en quelques jours, la mini-série interroge chacun sur ses propres préjugés et sur sa propension à regarder avec défiance toute personne ne correspondant pas aux canons attendus. Elle éclaire également les dérives médiatiques de ce cas particulier, lesquelles rejoignent d'autres pratiques abusives constatées ou révélées ces dernières années. Sans avoir le temps de s'approprier ce débat initié sur l'usage de la liberté de la presse, The Lost Honour of Christopher Jefferies a le mérite d'encourager à la réflexion. Récit avant tout intime, mais aux ramifications importantes dans la sphère publique, il s'agit d'une œuvre dense, soignée sur le fond comme sur la forme. À découvrir.


NOTE : 7,75/10


Un extrait de la mini-série :


[Retrouvez ce billet dans la sélection hebdomadaire Séries Mania]

30/11/2014

(UK) Grantchester, saison 1 : un (crime) period drama empreint de chaleur humaine

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De The Vicar of Dibley à Father Ted, en passant par Rev., on peut sans nul doute dire qu'il existe une solide tradition de comédies cléricales dans le petit écran anglais. Mais depuis l'année dernière, les téléspectateurs d'outre-Manche ont désormais l'occasion de se familiariser avec un autre genre de fictions cléricales, des whodunit les replongeant dans les années 50. En janvier 2013, BBC1 a ainsi lancé Father Brown (diffusée dans la journée). Cet automne 2014, c'est ITV1 qui proposait à son tour son propre homme d'Église pour résoudre quelques intrigues criminelles, en prime-time cette fois, dans Grantchester, une série basée sur les romans de James Runcie.

Six épisodes plus tard, il faut reconnaître qu'il est bien difficile de rester insensible au charme de cette série pleine d'humanité (et de ses acteurs, James Norton en tête, dans un rôle qui tranche du tout au tout par rapport au personnage qu'il interprétait dans Happy Valley un peu plus tôt cette année). On retrouve dans Grantchester cette saveur caractéristique des 'period dramas réconforts', un peu hors du temps, très prisés des téléspectateurs britanniques pour conclure leur week-end (même si la série a été diffusée le lundi - les dimanches soirs d'automne, sur ITV1, étant réservés à Downton Abbey). Une fiction donc typiquement anglaise, pour laquelle une seconde saison a (heureusement) d'ores et déjà été commandée.

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Le charme de Grantchester repose sur une chaleur humaine qu'elle a communicative, bien plus que sur les enquêtes relatées dont les atours sonnent quelque peu datés. Se déroulant dans un coin de campagne anglaise, près de Cambridge -un décor champêtre que la réalisation sait admirablement mettre en valeur avec des plans soignés et une photographie lumineuse-, la série se situe dans l'après Seconde Guerre Mondiale. Il ne faut cependant pas attendre d'elle un tableau critique et acéré de l'Angleterre d'alors. Par petites touches, la série aborde certes de manière très classique certains thèmes de société et les préjugés qui ont cours dans ce cadre resté rigide et conservateur, mais elle n'en fait jamais l'objectif premier du récit. Et si l'ombre de la guerre est omniprésente -jusque dans des flashbacks-, c'est avant tout pour éclairer ses conséquences humaines et mieux souligner combien elle hante toujours les esprits et pèse sur les consciences, au premier rang desquelles figure celle de Sidney Chambers, jeune prêtre anglican officiant dans cette petite communauté. La dimension policière -au rythme d'un crime à résoudre par épisode- ne dépareille pas dans cet ensemble, cependant les investigations servent surtout de ressorts narratifs -d'aucuns parleraient de prétextes- parfaits pour faire évoluer et pousser dans leurs retranchements des protagonistes qui constituent le cœur véritable de l'histoire.

En effet Grantchester est entièrement dédiée à ses personnages. La série cultive l'art de mettre en scène des duos inattendus, dont les interactions, vivantes et rafraîchissantes, fonctionnent extrêmement bien à l'écran. Dans le premier épisode, c'est un doute concernant la réalité d'un suicide qui conduit Sidney à pousser pour la première fois les portes du commissariat local. Il y rencontre Geordie Keating (impeccable Robson Green), le policier en charge de l'enquête. Complémentaires dans la résolution des crimes, les deux hommes nouent très vite une solide amitié qui saura par la suite traverser diverses turbulences. L'entourage de Sidney n'est pas en reste et trouve aussi très bien ses marques, de Mrs Maguire, gouvernante énergique à la franchise toujours très directe, au jeune vicaire Leonard et ses débats théologiques abstraits qu'ils accueillent à la mi-saison. L'écriture accorde une large place aux états d'âme des personnages, et tout particulièrement de Sidney. Hanté par la guerre, mais aussi par les déchirements causés par un amour impossible et une vie sentimentale compliquée, il s'évade dans ses disques de jazz -des goûts musicaux accueillis avec perplexité- et noie ses regrets dans l'alcool. Au fil des épisodes et des péripéties, Grantchester s'attarde sur les failles de chacun, mais aussi sur les émotions et les doutes qui menacent de les submerger. Elle dresse ainsi des portraits, plein de sincérité et profondément attachants, qui ne laissent pas le téléspectateur insensible et représentent le vrai fil rouge de la série.

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Ainsi, Grantchester ne saurait se réduire à une simple -énième- fiction d'enquêtes. Plaçant l'humain, avec ses failles et ses passions, au cœur du récit, elle repose sur les dynamiques -entre respect, petites piques et soutien- qui s'installent entre ses personnages, ayant l'art d'associer des figures inattendues pour former des duos fonctionnant très bien à l'écran. Portée par un casting convaincant et une réalisation soignée, elle s'impose comme un period drama empreint de chaleur humaine dont le charme communicatif et sincère ne laisse pas indifférent. Une série qui se révèle donc attachante et parvient à se démarquer dans un genre -whodunit- saturé. Avis aux amateurs.

NOTE : 7,25/10


La bande-annonce de la série :

12/04/2013

(Pilote UK) Endeavour : les premières enquêtes de l'Inspecteur Morse

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Ce dimanche 14 avril 2013 débute en Angleterre la première saison d'une nouvelle série policière, Endeavour. Elle comptera 4 épisodes, commandés suite au succès rencontré par un premier téléfilm, diffusé le 2 janvier 2012 sur ITV, initialement conçu comme un simple unitaire et devenu donc pilote depuis. Cédant à la curiosité suscitée par les prequels, cette fiction nous plonge au début de la carrière au sein de la police d'un enquêteur emblématique du petit écran anglais, créé par Colin Dexter, l'Inspecteur Morse. De 1987 à 2000, de nombreux téléspectateurs l'ont accompagné au cours de trente-trois enquêtes. Depuis, un spin-off a même vu le jour, en 2006, au sein de cette franchise décidément riche, l'Inspecteur Lewis. Endeavour s'inscrit dans la continuité directe de ces différentes séries. Ce téléfilm originel a le mérite de se montrer très convaincant, proposant une enquête solide et un Shaun Evans très prometteur. De quoi espérer que la suite soit du même acabit.

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Endeavour débute en 1965. Elle va nous raconter les premiers pas, au sein de la police, d'Endeavour Morse. Ancien étudiant d'Oxford, ayant quitté l'université sans diplôme, c'est un jeune policier déjà désillusionné par son métier que l'on découvre dès les premières scènes. Il achève en effet de rédiger une lettre de démission qu'il compte remettre prochainement. Ses projets sont cependant perturbés par la disparition d'une adolescente, dont le cadavre est ensuite retrouvé. Il fait partie des effectifs de police mobilisés en renfort pour aider l'équipe d'investigation. C'est dans ces circonstances qu'il retourne donc sur ses pas, à Oxford.

Initialement cantonné à des tâches subalternes, Morse se fait vite remarquer, relevant des détails ayant échappé à ses collègues et faisant des déductions qui l'amènent à se heurter à des figures de l'establishment local sans s'en préoccuper. S'il s'attire de solides inimitiés, il retient également l'attention du DI Fred Thursday qui voit en lui un enquêteur fiable à qui il peut faire confiance pour démêler le fond d'une trop sensible et trop complexe affaire. L'investigation permettra aux deux hommes d'apprendre à travailler ensemble, et Thursday proposera à Morse, au terme de l'enquête, de rester à Oxford... Reprenant sa lettre de démission, le jeune policier acceptera.

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S'installer devant un prequel éveille souvent une suspicion instinctive chez un spectateur : nul ne souhaite se retrouver devant une fiction qui capitaliserait sur un nom évocateur, sur un cadre familier, mais qui aurait dans le même temps vidé de sa substance et de son charme l'oeuvre d'origine. Le pilote d'Endeavour rassure vite et balaie ces quelques craintes : il va habilement réussir à 'éviter tous les écueils propres à l'exercice du prequel. Mieux, il démontre sa capacité à se réapproprier cette figure policière emblématique pour raconter des investigations qui sont dignes d'attention. Capturant immédiatement l'atmosphère de la ville d'Oxford, avec une dimension historique apportée par les années 60, l'épisode réussit en fait sur tous les tableaux où on l'attendait légitimement. En premier lieu, il peut s'appuyer sur une intrigue policière extrêmement solide, rondement menée et très plaisante à suivre. Il propose en effet une enquête riche, aux rebondissements multiples, qui utilise pleinement et sans temps mort sa durée d'1h40. 

Signe de qualité, l'affaire apparaît aussi parfaitement choisie pour une première enquête. D'une part, sa nature et sa sensibilité, avec les cercles de notables et d'universitaires qu'elle touche, permettent d'esquisser un portrait sans fard de cette ville d'Oxford. D'autre part, elle révèle beaucoup sur cet enquêteur central dont il s'agit de réussir l'introduction, ce dernier ayant l'avantage et le désavantage d'être déjà connu du téléspectateur. La caractérisation du jeune Endeavour Morse s'avère réussie parce qu'elle trouve le juste équilibre entre une certaine fidélité et une réappropriation plus indépendante. Au cours d'une investigation où les impasses et autres twists s'enchaînent, nous avons l'occasion de voir se dessiner, face aux obstacles, un personnage multidimensionnel intéressant : policier intense, refusant toutes compromissions et décidé à aller au bout pour découvrir la vérité, il laisse aussi entrevoir une désillusion déjà très marquée, ainsi qu'une facette plus vulnérable notamment lorsqu'il évoque son enfance, avec cette porte d'entrée qu'est la musique. La résolution de l'affaire apparaît d'ailleurs très symbolique, entremêlant étroitement le policier et le personnel, et renforçant ainsi la force de la conclusion.

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Sur la forme, Endeavour bénéficie d'une réalisation très solide. L'exploitation du décor offert par Oxford et le côté "period drama" de ce retour aux années 60 accélérant l'immersion du téléspectateur dans l'histoire et posent l'ambiance. Il faut également relever et surtout saluer l'importance du rôle joué par la musique tout au long de l'épisode, avec une dimension toute particulière accordée à ce morceau que Morse écoute lorsque nous le rencontrons pour la première fois et qui va hanter l'épisode jusqu'à sa dénouement.

Enfin, Endeavour peut s'appuyer sur un casting convaincant. Le choix de l'acteur interprétant Morse était déterminant à la réussite de l'épisode : Shaun Evans (Teachers, The Take) s'en tire avec les honneurs, campant un personnage dense, aux facettes multiples, capturant les attitudes de son personnage tout en se les réappropriant. A ses côtés, le DI Thursday qui devient son supérieur et va faire office de mentor est interprété de façon tout aussi solide par Roger Allam (The Thick of It, Parade's End) qui trouve ses marques et s'impose véritablement aux côtés de Morse. La série permettra de retrouver également James Bradshaw, Abigail Thaw, Sean Rigby ou encore Anton Lesser.

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Bilan : Négociant habilement toutes les difficultés propres à l'exercice du prequel, Endeavour signe un pilote de très bonne facture. Tout en proposant une enquête complexe, riche en twists, qui happe le téléspectateur jusqu'à l'ultime révélation, il offre une introduction réussie à ce jeune Morse, déjà familier, esquissant un portrait multidimensionnel des plus intéressants. En résumé, Endeavour devrait retenir l'attention des fidèles de Morse, mais plus généralement de tout amateur de fiction policière anglaise. Peu importe que vous connaissiez ou non cet inspecteur avant de vous lancer dans cette série. En ce qui me concerne, je serai au rendez-vous et suis curieuse de voir si la suite sera du même niveau ! A surveiller.


NOTE : 7,75/10


La bande-annonce de ce pilote :

La bande-annonce de la série à venir, débutant ce dimanche 14 avril sur ITV1 :

09/03/2013

(UK) The Scapegoat : l'histoire d'une deuxième chance inattendue

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Ma pile de fictions à regarder est une haute tour sans fin (dont je sais pertinemment que je n'en viendrais jamais à bout), au sein de laquelle j'oublie parfois même certaines de ces oeuvres, mises de côté lors de leur diffusion, englouties depuis dans l'océan des séries "qu'il faudra que je rattrape un jour". Dans ces conditions, entreprendre un peu de rangement a parfois du bon : cela permet de se remémorrer quelques oublis, à l'image du téléfilm que j'ai finalement (enfin) visionné dimanche dernier.

The Scapegoat a été diffusé sur ITV1 le 9 septembre 2012. Il s'agit d'une adaptation d'un roman du même nom de Daphne du Maurier, datant de 1957. A noter qu'une adaptation cinématographique a déjà eu lieu, en 1959, mettant en scène Alec Guinness dans le rôle principal. Dans cette version de 2012, d'une durée d'1h40, c'est à Matthew Rhys qu'est confié cet intriguant double rôle, pour une fiction qui s'est révélée vraiment très plaisante à suivre. 

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Il faut préciser d'emblée que The Scapegoat (2012) prend un certain nombre de libertés avec l'histoire d'origine (que je n'ai pas lue). Le téléfilm s'ouvre en Angleterre, en 1952, dans un contexte de préparation des festivités pour le couronnement de la reine. John Standing est enseignant. Il vient d'être renvoyé de son établissement, sa matière ayant été sacrifiée au nom d'arbitrages pédagogiques. Sans attaches, ni famille, il envisage de partir à la découverte du monde. Mais, dans un bar, il croise un individu étonnamment semblable à lui en apparence, Johnny Spence. Les deux hommes semblent être des doubles l'un de l'autre. Il s'ensuit une soirée, arrosée, de discussions où ils échangent sur leurs vies respectives, toutes deux à problèmes.

Le lendemain matin, John Standing se réveille difficilement dans une chambre qui n'est pas la sienne, avec, disposés dans la pièce, des vêtements qui ne sont pas non plus à lui. De Johnny Spence, plus aucune trace, l'homme étant parti avec les papiers de Standing. Or ce dernier passe sans difficulté pour Johnny Spence auprès de son personnel, à commencer par son chauffeur. Pour en apprendre plus sur l'homme qui a volé son identité, John décide un temps de jouer le jeu et se laisse conduire dans la belle demeure qui est celle des Spence. Il y découvre une situation maritale, familiale et professionnelle extrêmement tendue, son double étant loin d'être irréprochable moralement. Presque malgré lui, il s'introduit dans ce quotidien et entreprend d'essayer de sauver ce qui peut encore l'être.

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Le concept de départ de The Scapegoat, qui voit deux individus identiques échanger leurs vies et se faire passer l'un pour l'autre, est un ressort narratif très fréquemment utilisé dans certains petits écrans comme la Corée du Sud. Il l'est en revanche moins dans la fiction occidentale. Pour rentrer dans l'histoire, il faut donc admettre le postulat de départ suivant : l'idée que Standing puisse donner le change et se faire vraiment passer pour son double physique auprès des proches qui connaissent Johnny Spence intimement. La réussite du récit est ici de proposer une narration fluide et cohérente, entraînant sans difficulté le téléspectateur à la suite du personnage de Standing et des péripéties qu'il a à solutionner. On assistera ainsi tout d'abord à ses efforts, souvent maladroits, pour comprendre la vie menée par son vis-à-vis, puis à ses tentatives pour redresser des situations semblants brisées au-delà de toute réparation.

En filigranne, se construit peu à peu l'opposition entre les deux hommes. Car Standing et Spence ont tous deux des caractères, mais aussi des valeurs, très différents. L'approche choisie est un autre grand classique, celle manichéenne du "bon jumeau" et de son "double maléfique". L'intérêt de l'histoire tient au fait que la confrontation qui viendra, on le pressent, à un moment ou à un autre, n'est pas au centre de l'intrigue. L'enjeu de l'ensemble est avant tout une réalisation humaine et relationnelle. Endossant le costume de Spence, Standing rebâtit et rétablit peu à peu des ponts, oubliés ou depuis longtemps détruits, entre chaque personne de son entourage. Il avance avec une sincérité et une bonne volonté assez touchantes. Il règne sur The Scapegoat une forme de chaleur humaine, plutôt optimiste, qui provoque l'attachement du téléspectateur. C'est ainsi un divertissement solide et à plaisant à suivre, jusqu'à la conclusion qui diffère de celle du livre d'origine.

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Sur la forme, The Scapegoat propose une belle reconstitution des années 50 - la demeure des Spence offrant un de ces décors de la haute société que nombre de period dramas affectionnent. La réalisation est soignée, l'image est belle avec une teinte qui sied parfaitement à l'époque mise en scène. Quant à la bande-son, elle ne se fait jamais trop intrusive, mais accompagne posément le récit.

Côté casting, le téléfilm repose en grande partie sur Matthew Rhys (Brothers & Sisters, The Americans) qui cumule les rôles de ces deux "faux jumeaux", aux inclinaisons et caractères très différents. L'acteur s'en sort dans l'ensemble bien. Le fait que le "double maléfique" ait finalement assez peu de scènes lui permet surtout d'explorer le personnage autrement plus franc et digne de confiance qu'est Standing ; cependant, les quelques scènes communes aux protagonistes - notamment au début - sont bien menées. Autour de lui gravite un entourage au sein duquel on retrouve quelques têtes très familières, comme Eileen Atkins (Smiley's People, Psychoville, Doc Martin) qui interprète la matriarche de la famille Spence, ou encore Andrew Scott (aka Moriarty dans Sherlock) qui incarne le frère de Johnny. On croise également Alice Orr-Ewing, Sheridan Smith (Mrs Biggs), Jodhi May (Emma, Strike Back, The Jury II), Eloise Webb, Sylvie Testud (avec un accent de l'Est prononcé), Anton Lesser (Little Dorrit, The Hour), Pip Torrens (The Promise) ou encore Phoebe Nicholls.

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Bilan : The Scapegoat est l'histoire surprenante d'une deuxième chance inattendue, tout autant que le récit d'une reconstruction de diverses vies au bord de l'implosion. Il flotte sur l'ensemble le parfum caractéristique, un peu à part, d'une fable aussi improbable qu'attachante. L'histoire apparaît somme toute très simple, mais le récit assuré se déroule de façon fluide et sans à-coups. Et les ouvertures et les possibilités permises par ce concept étonnant achèvent de séduire un téléspectateur qui passe, devant son petit écran, 1h40 très agréables. En résumé, un visionnage plaisant donc recommandé (parfait pour un dimanche). 


NOTE : 7,5/10


La bande-annonce du téléfilm :

08/03/2013

(Pilote UK) Broadchurch : who killed Danny Latimer ?

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Cette semaine était placée sous le signe des enquêtes criminelles pour le téléspectateur anglais. Les deux chaînes principales du pays (BBC1 et ITV1) lançaient en effet toutes deux leur nouveauté, produite par Kudos, rassemblant chacune un intéressant casting, et dont les bases de départ étaient sur le papier pour le moins proches : la disparition d'un enfant sur ITV1 dans Broadchurch, d'une adolescente pour BBC1 dans Mayday. Au vu de leurs pilotes, les deux fictions semblent cependant destinées à exploiter leur histoire avec des approches différentes.

L'autre particularité de Mayday est qu'elle a fait l'objet d'une programmation spéciale toute cette semaine, à raison d'un épisode diffusé chaque soir depuis dimanche. Elle s'est donc achevée hier. C'est en revanche pour 8 semaines que va nous donner rendez-vous, les lundis soirs, Broadchurch. C'est pourquoi son premier épisode mérite cette review, a fortiori car, à défaut de se montrer original, il pose de manière efficace les bases d'une fiction policière qui s'est assurée sans difficulté de ma fidélité pour les épisodes suivants.

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Broadchurch est une petite ville fictive du bord de mer, où le taux de criminalité est un des plus bas du pays. Tous les habitants se connaissent dans ce coin de campagne anglaise qui vit un quotidien des plus tranquilles. Mais tout est bouleversé un matin par la découverte d'un corps sur une de ses plages. La victime est un garçon de 11 ans, Danny Latimer, dont les parents, sans histoires apparentes, sont bien connus et impliqués dans la vie de la communauté. Très vite l'hypothèse du suicide est écartée. La police classe la mort comme "suspecte".

L'affaire est confiée à un nouveau Detective Inspector (DI), arrivé depuis seulement une semaine, Alec Hardy. Il a obtenu ce poste au détriment d'une DS locale, Ellie Miller, qui a le déplaisir de découvrir que la promotion promise lui est passée sous le nez en rentrant de vacances, le matin où tout débute. Si Alec Hardy est sans conteste le plus expérimenté dans ce genre de cas au sein d'un commissariat habitué au calme de Broadchurch, sa réputation est loin d'être irréprochable, une affaire passée pesant lourdement sur lui. D'autant plus que cette mort attire l'attention de journalistes aussi curieux qu'ambitieux.

Dans cette petite ville qui ne manque cependant pas de secrets, l'enquête s'annonce difficile et éprouvante pour beaucoup.

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A défaut d'innover dans un genre policier sur-exploité, Broadchurch signe un épisode introductif des plus solides dans lequel le téléspectateur peut percevoir quelques sources d'influence scandinaves. La fiction se réapproprie de façon convaincante une recette classique : le meurtre apparaît comme une porte d'entrée dans cette petite communauté, en apparence lisse, au sein de laquelle il se devine que la suite exhumera non-dits et autres secrets. La série a le mérite de ne pas se contenter de la seule perspective de la police, mais bien d'aborder l'enquête criminelle au sens le plus large, en faisant graviter autour une vaste galerie de protagonistes, pour certains marqués par le drame, pour d'autres y voyant un moyen de promotion professionnelle. Ce sont ainsi toutes les conséquences de la mort du garçon sur cette petite ville qui vont être traitées et explorées, promettant, outre l'investigation policière, du drame familial, des enjeux relationnels, mais aussi l'intervention importante des médias qui ne devrait faire qu'ajouter à la fébrilité et à la tension ambiantes.

La construction de ce premier épisode suit une narration bien huilée, sans temps morts. L'intrigue en elle-même n'est qu'introduite, mais la fin du pilote prouve que la série saura accélérer et surtout épaissir ses mystères quand il le faut, une dernière scène interpellant le téléspectateur et s'assurant qu'il sera devant son poste la semaine suivante. Accordant une place à l'exploration psychologique des personnages, Broadchurch laisse entrevoir des figures intéressantes, à commencer par son duo central, une paire d'enquêteurs tellement désaccordée qu'on peine à l'imaginer parvenir à travailler ensemble. Alec Hardy est un solitaire endurci avec un passé qui ne demande qu'à être exploré plus avant ; Ellie Miller est une locale dont le garçon était le meilleur ami de la vicime... Leurs approches sont diamétralement opposées, de même que leurs points de vue sur l'affaire : c'est tout l'intérêt de cette association si peu complémentaire de prime abord. Par ailleurs, ce pilote s'arrête tout particulièrement sur la réception par la famille de la victime de la terrible nouvelle : l'inquiétude montante de la mère, le refus du père d'y croire tant qu'il n'a pas vu le corps... Les réactions sonnent justes et poignantes à l'écran, confirmant le fait qu'il s'agisse d'une fiction soignée.

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Convaincante sur le fond, Broadchurch l'est également sur la forme. Non seulement la série bénéficie de belles images, aux teintes travaillées, capables d'exploiter pleinement le cadre de bord de mer dans lequel se déroule la série, laquelle a été principalement filmée dans les environs de Bristol. Mais en plus la réalisation nous propose également quelques moments de belle maîtrise, vraiment enthousiasmants, à l'image de la longue séquence d'ouverture durant laquelle le père de la victime débute une journée "type" en saluant chacun des habitants qu'il croise dans la rue principale de la ville. Une façon habile, parfaitement menée visuellement, d'introduire les différents protagonistes et leurs fonctions, et de nous immerger dans le quotidien de ces lieux jusqu'alors si tranquilles, presque insouciants. La bande-son est en revanche moins subtile, avec une certaine tendance à sur-souligner les instants dramatiques. Cependant l'ensemble s'apprécie sans véritable réserve.

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Enfin, je ne plaisantais qu'à moitié sur twitter, l'autre soir, lorsque j'attribuais "dix étoiles" au casting que rassemble Broadchurch et sur lequel elle va pouvoir s'appuyer pour porter son histoire. En guise de duo policier principal, la série réunit devant la caméra David Tennant (Blackpool, Doctor Who) et Olivia Colman (Exile, Twenty Twelve, Rev), pour former une paire pour le moins dissemblable, dont les oppositions promettent de retenir l'attention du téléspectateur. En guise de policier ombrageux au passé lourd, David Tennant devrait trouver ici un rôle dans lequel pleinement s'exprimer, tandis que Olivia Colman prouve dès ce premier épisode l'étendue de son talent, avec un personnage qui passe par tous les états durant ces 45 minutes.

De plus, outre un tel duo principal très solide, Broadchurch peut s'appuyer sur un ensemble choral tout aussi convaincant. Incarnant les parents de la jeune victime, Jodie Whittaker (Marchlands) et Andrew Buchan (The Fixer, Party Animals, Garrow's Law) proposent tous deux une poignante interprétation des plus bouleversantes dans ce premier épisode. Du côté des journalistes, Jonathan Bailey (Leonardo, Me and Mrs Jones), reporter local, est rejoint par Vicky McClure (Line of Duty). Arthur Darvill (Little Dorrit, Doctor Who) interprète le révérend de la petite ville sous le choc après cette mort. On croise également Pauline Quirke, David Bradley (Our Friends in the North, Reckless, Blackpool), Will Mellor (In with the Flynns, White Van Man), Carolyn Pickles, Matthew Gravelle, Charlotte Beaumont, Susan Brown, Tracey Childs ou encore Joe Sims.

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Bilan : Mettant en scène une enquête criminelle qui va lui permettre de suivre une approche relativement chorale ne se limitant pas à la seule investigation policière, en traitant d'un drame humain ainsi que de la réception plus générale du meurtre au sein d'une communauté, Broadchurch ne propose rien d'original dans son genre. Mais la série n'en signe pas moins des débuts sérieux et solides, pouvant en plus s'appuyer sur un très bon casting. Le pilote remplit donc son office : nous introduire dans les premiers enjeux, et piquer notre curiosité, avec une accélération dès la fin de l'épisode qui s'assure que le téléspectateur sera bien au rendez-vous pour le suivant.

Reste à Broadchurch à confirmer sa faculté à construire ses mystères tout en explorant plus avant ses personnages. A suivre.


NOTE : 7,75/10


La bande-annonce de la série :