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05/08/2012

(US) Revenge, saison 1 : le retour du prime time soap

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Tout a commencé dans le courant de la semaine dernière par une panne de DSLAM de mon fournisseur d'accès internet. Privée de connexion, je me suis retrouvée prise au dépourvue face au dilemme de l'interminable soirée se profilant à l'horizon. C'était l'occasion ou jamais de ressortir mes dossiers de séries "à rattraper" qui prennent la poussière en attendant une impulsion subite de ma part (très aléatoire) ou l'instauration des journées de 48h (probablement utopique). Comme je n'avais pas la possibilité de récupérer des sous-titres, il me fallait une fiction anglophone, d'accès pas trop "argo-tique", et je me suis donc dit que c'était le moment d'essayer de me replonger dans une série américaine d'un grand network.

Sur cette liste des productions auxquelles (re)donner une chance figurait Revenge après les échos que j'avais pu lire ces derniers mois. Le pilote ne m'avait certes pas marqué - notamment, comme je l'avais expliqué, parce qu'il sonnait surtout comme un mauvais k-drama. Mais, dans le même temps, j'étais curieuse de voir ce que pouvait donner le développement d'un vrai prime time soap qui s'assume. Cela faisait une éternité que je n'avais pas vu de série de ce genre, alors que je garde de mon adolescence des souvenirs nostalgiques de la grande époque de Melrose Place. Vous vous en doutez, si, seulement quelques jours après, je vous propose (déjà) le bilan de la saison 1 de Revenge, c'est que je me suis prise au jeu d'une série qui n'a certes rien d'une grande, mais qui investit efficacement son genre et un registre de divertissement plaisant à suivre.

[La review qui suit contient des spoilers concernant des évènements de la saison.]

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La jeune Amanda Clarke a vu sa vie brisée le jour où les fédéraux ont débarqué dans la maison familiale pour arrêter son père, accusé d'avoir blanchi de l'argent pour une organisation terroriste ayant revendiqué la responsabilité du terrible attentat fomenté contre un avion de ligne américain qui venait de coûter la vie à plusieurs centaines de personnes. Arrachée à son père, qui est condamné à la prison à vie, elle va alors d'institutions en institutions, nourrie de récits sur les horreurs commises par cette figure paternelle qui était la seule famille qui lui restait. Tandis que son père est tué en prison, à 18 ans, elle est libérée du centre de détention pour mineurs où elle a passé la fin de son adolescence. Elle est attendue à sa sortie par une connaissance de son père qui a bien des révélations à lui faire.

Quelques années plus tard, alors que la région des Hamptons s'apprête à accueillir pour un nouvel été la haute société américaine au bord de l'océan, une nouvelle venue se présente : Emily Thorne. Après avoir appris la vérité sur le drame qui a mis fin à son enfance, Amanda Clarke a changé de nom et lentement façonné ses plans pour se venger de la destruction de sa famille. Se présentant comme une riche héritière sans histoire, elle loue l'ancienne maison que son père et elle occupaient et entreprend de se glisser dans ce microcosme luxueux où derrière les apparences lissées, chacun suit son propre agenda, ne reculant souvent devant rien pour parvenir à ses fins. Emily est déterminée à jouer avec les mêmes armes que ses cibles pour exécuter sa vengeance.

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Une fois dépassé mon agacement initial face aux parallèles purement marketing dressés durant la promo avec le Comte de Monte-Cristo (il y a des oeuvres auxquelles je tiens trop pour accepter de les voir citées à tort et à travers), j'attendais de Revenge d'être capable de faire revivre du vrai prime time soap qui s'assume avec aplomb et va au bout de ses idées, délivrant ainsi du pur divertissement. Sur ce point, j'ai été servie car la série use de toutes les ficelles légitimement associées à ce genre, enchaînant séductions et alliances de circonstances, espionnage et chantage en tout genre, mensonges et manipulations, complots et meurtres, le tout dans l'environnement feutré de la haute société. Son écriture fait rarement dans la subtilité ou la nuance, mais elle a le mérite de ne pas tergiverser et d'aller à l'essentiel. Son grand point fort, pour mener à bien toutes ces storylines, est justement son rythme. Sans temps mort, elle ne fait jamais traîner en longueur une situation et mise sur des rebondissements constants pour retenir l'attention du téléspectateur. Cette permanente redistribution des cartes permet en plus de vite dépasser les ratés, les laissant derrière elle tout aussi rapidement qu'ils ont été commis. Cependant, cette vitesse d'exécution est rendue possible l'emprunt sans remord de raccourcis narratifs, le plus artficiel étant sans aucun doute le débarquement du sensei japonais ayant éduqué Emily à l'art de la revanche.

Néanmoins il faut reconnaître que Revenge sait jouer sur les codes du soap que les scénaristes se réapproprient pleinement. Pour consolider la fidélité du public, elle assure même son propre teasing, abusant des flashforward au début de ses épisodes comme autant de promesses de confrontations et de drames à venir. La construction de la saison illustre la progressive affirmation de la série. Dans ses premiers épsodes, elle apparaît semi-procédurale, suivant le rythme d'une vengeance par épisode. Cela permet d'introduire les enjeux et de trouver sa tonalité, indiquant au téléspectateur sa finalité tout en étant consciente que ce schéma n'est que temporaire (ou bien Emily aurait décimé tous les résidents des Hamptons avant la fin de la saison 2). La série glisse ensuite vers l'arc majeur de la saison, introduit dans le flashforward ouvrant le pilote, celui du meurtre sur la plage. Elle n'exploitera cependant que partiellement (et insuffisamment) ce drame trop vite refermé, se focalisant sur Daniel alors qu'elle aurait pu jouer une partition plus large avec tous les protagonistes. Ensuite, le dernier quart de la saison est l'occasion d'entreprendre un renouvellement des dynamiques et déjà de poser les bases de la seconde.

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Revenge repose sur ses intrigues entremêlées rythmées par des rebondissements, et sur les fonctions qu'elles confèrent aux différents personnages, mais parfois au détriment ces derniers. Car il faut bien l'avouer, dans la galerie des protagonistes, la majeure partie est fade et est limitée à une exploitation purement utilitariste. Seul un trio principal se dégage vraiment. Emily et Victoria tout d'abord, qui sont celles qui se démarquent en se trouvant au centre et souvent à l'initiative des confrontations. La façon dont chacune joue face à l'autre, usant finalement d'armes très semblables, offre quelques unes des meilleures scènes de la série - ou du moins des plus jubilatoires en dehors des exécutions des vengeances. L'autre personnage à s'imposer est Nolan. Je craignais initialement que son compte en banque infini et son étiquette de génie de l'informatique ne le réduisent à être le prétexte parfait à tous les raccourcis narratifs des scénaristes afin de mener à bien les vengeances. C'est le cas, mais pas seulement : car dans le même temps, étant le seul à connaître la vérité, sa présence est nécessaire pour humaniser le personnage d'Emily dont le point fort n'est certainement pas l'empathie qu'elle est capable de susciter (c'était un des problèmes principaux du pilote, et cela ne s'est pas amélioré). Et comme le personnage sait conserver au fil de la saison un certain recul et une relative ambivalence, il devient le pendant indispendable pour la dynamique des intrigues.

A côté de ce trio, les autres personnages laissent entrevoir moins de potentiel, voire sont complètement transparents. Charlotte suit le développement classique d'une adolescente en crise, le secret de sa naissance justifiant finalement son existence. Les frères Porter nourrissent l'équation clichée : "pauvres = simples = innocents". Si la présence de Jack se justifie pour ce qu'il représente pour Emily, en 22 épisodes, je n'ai toujours pas compris l'utilité de Declan. Daniel commence lui à prendre un semblant d'intérêt dans les derniers épisodes, désormais au courant de certains secrets. Dans le sillage de son père, il peut sans doute continuer sur cette voie, la duplicité étant le seul moyen d'étoffer le personnage. Seulement, sur ce point, il faut se méfier des inconsistances des scénaristes, lesquels ont tendance à lancer certaines idées sans les mener à bout. C'est le cas pour Ashley, inutile assistante/amie à laquelle ils esquissent par intermittence une personnalité et une ambition, notamment au contact de Tyler. Ce dernier, aussi extrême qu'ait pu tourner sa storyline, aura malgré tout apporté de la fraîcheur et une bonne dose de machiavélisme à ses épisodes, prouvant aussi que la série a besoin de bousculer ses lignes pour rester à flot.

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Sur la forme, Revenge est une série bien calibrée. La photographie est claire, avec une réalisation qui prend le temps de mettre à l'honneur le beau cadre maritime des Hamptons et ses plages, ce qui lui confère une tonalité estivale plaisante dans la première partie et met en exergue la froideur et l'isolation dans le dernier quart de la série. Les choix des chansons agrémentant sa bande-son sont souvent assez judicieux, sans que ce recours musical ne devienne excessif. Une série qui se conclut sur un cliffhanger au cours duquel retentit un morceau de Florence and The Machines ne peut être mauvaise musicalement parlant, non ?

Enfin, Revenge bénéficie d'un casting où les performances oscillent entre le correct et le médiocre. Je ne peux pas être totalement objective face à Emily VanCamp (Brothers & Sisters) en raison des souvenirs d'Everwood qu'elle réveille en moi. Elle a ses limites en terme de présence, mais sait s'adapter et faire une très correcte Emily Thorne. Face à elle, Madeleine Stowe (Raines) n'a pas son pareil pour mettre mal à l'aise en arborant le large sourire hypocrite récurrent de son personnage. Gabriel Mann s'est sort plutôt bien, appréhendant le rôle de Nolan avec la distance nécessaire. Les deux autres hommes de la vie d'Emily, Josh Bowman (Make it or Break it) et Nick Wechsler (Roswell), se situent en revanche dans un registre beaucoup plus limité. Henry Czerny (The Tudors) fait le job tout en glissant dans la caricature vers la fin de la saison. Et Connor Paolo et Christa B. Allen jouent ces rôles d'adolescents trop prévisibles pour ne pas être dispensables, tandis qu'Ashley Madekwe (Teachers, Secret Diary of a call girl, Bedlam) ne peut pas faire grand chose dans le rôle dans lequel elle est enfermée.

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Bilan : Parce qu'elle repose presque entièrement sur un rythme de narration enlevé, où la redistribution des cartes est fréquente et les révélations constantes, Revenge est par nature une série très fragile, souvent sur le fil du rasoir, mais justement capable de retomber sur ses pieds parce qu'elle ne s'éternise et ne tergiverse jamais. Cela durera le temps que cela durera, mais cette première saison remplit son office en délivrant avec beaucoup d'aplomb un prime time soap qui a du répondant et se montre efficace pour happer l'attention du téléspectateur. Plus que l'écriture et les intrigues, où le over the top est attendu (le cliffhanger final en étant la parfaite illustration), le point le plus problématique reste le manque de consistance de nombre de personnages secondaires, fades et unidimensionnels, qui plombent vraiment certains épisodes.

Revenge se passant en majeure partie l'été, dans le cadre maritime et aisé des Hamptons, si vous cherchez une série pour les vacances, divertissante sans être exigeante, elle peut être un programme aoûtien adéquat. Sa saison 2 débutera à la rentrée sur ABC.


NOTE : 6,25/10


Une bande-annonce de la série :

03/08/2012

(ISL) Pressa (The Press), saison 2 : une efficace série entre presse et investigations criminelles

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C'est l'été, il fait chaud. Comme cela est un peu devenu la tradition sur ce blog : il est temps de partir sous des latitudes plus clémentes ! Parmi mes destinations nordiques fétiches, figure un petit pays que vous devez commencer à connaître si vous passez par ici régulièrement : l'Islande. C'était il y a presqu'un an jour pour jour que j'avais achevée ma première série islandaise et avais consacré un premier billet à ce pays. Il s'agissait de Pressa, une fiction à suspense mêlant affaires policières et enjeux de presse, et venant donc prendre place aux côtés d'autres fictions sur le journalisme, de Reporters à The Hour en passant par The Newsroom.

La série ayant été renouvelée, j'attendais de pouvoir visionner sa seconde saison avec impatience. Cette dernière a été diffusée sur Stöð 2 durant l'hiver 2010. Et le succès a été au rendez-vous : non seulement elle a été accueillie de façon très positive par les critiques, mais elle est devenue le plus grand succès d'audience de Stöð 2 pour une de ses séries. Aprés visionnage, je dois dire que cela est mérité : tout en restant fidèle à elle-même (et en conservant la même équipe, Sigurjón Kjartansson au scénario, Óskar Jónasson derrière la caméra), Pressa 2 est apparue plus maîtrisée, parvenant à mieux jouer sur une tension et un suspense qui avaient pu faire défaut par moment durant la saison 1.

[Edit : Après recherches, bonne nouvelle, une troisième saison a été commandée. Elle comportera 6 épisodes et sera diffusée à l'automne 2012 en Islande. Vous n'avez donc pas fini d'en entendre parler !]

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Pressa débute quelques temps après la fin de la première saison. Lára vit désormais avec Halldor. Même si leur couple bat de l'aile, notamment en raison du nouveau travail de son compagnon qui souhaiterait émigré au Canada, leur famille s'est agrandie : ils viennent d'avoir leur premier enfant ensemble. La journaliste est encore en congé maternité, loin du stress et des rotatives du Post, ce grand tabloïd pour lequel elle travaille. Cependant les soucis professionnels ne lui laissent aucun repos : elle perd en effet un procès intenté contre elle pour atteinte à la vie privée et est condamnée à une lourde amende que Nökkvi refuse de faire payer par le journal. Ce sont ces raisons qui vont la conduire à s'intéresser à un fait divers qui défraye la chronique.

Dans une Islande où la situation économique reste difficile et au sein de laquelle la plupart des grands entrepreneurs sont tombés en 2008, en même temps que le système bancaire dont ils nourrissaient les failles, Hrafn Jósepsson fait jusqu'alors figure d'exception : jamais inquiété par la justice pour sa gestion financière, ses affaires pétrolières se portent bien. Mais c'est une histoire de moeurs, ou plutôt de meurtre, qui le rattrape : une jeune femme avec qui il a passé la soirée est retrouvée morte, pendue dans un square. Inquiété par la police, il engage Lára pour enquêter afin de le disculper. Toutefois, très vite, la journaliste découvre des zones d'ombre inquiétante dans le passé du pdg. Sa position au Post est également compromise du fait du conflit d'intérêt ainsi né. 

Ce qui commence comme une question d'éthique va vite prendre une autre tournure : le tabloïd a-t-il seulement les moyens de s'attaquer à un homme si puissant ? Quand l'industrie commence à se mêler de la presse, la liberté de cette dernière en sort rarement grandie. D'autant que Lára n'est pas au bout de ses problèmes lorsqu'elle décide de faire la lumière sur un trafic de drogue conduit par un gang de motards ambitieux.

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Le premier atout de Pressa, c'est d'avoir conservé la recette qui fait toute l'identité et l'intérêt de cette série : une dualité initiale lui permettant d'emprunter à la fois au thriller et à la fiction de journalisme. L'immersion dans les coulisses du tabloïd et les questionnements qui accompagnaient son quotidien avaient été l'aspect le plus réussi de la première saison. La série garde une même approche, tout en sachant se réinventer. Plutôt que de revenir une nouvelle fois explorer les méthodes discutables qui régissent la course aux scoops et la fascination/répulsion suscitée par les Unes voyeuristes, la saison 2 va cette fois s'attacher à mettre en avant la fragilité de l'indépendance de la presse.

D'une part, elle aborde les enjeux financiers derrière la publication du quotidien, tandis que The Post doit faire face à son rachat par un puissant industriel. Assister à la mise au pas du personnel, accompagné d'un inéluctable changement de direction, met en lumière par quel glissement dangereux, servi par le jeu des ambitions, un journal peut perdre sa liberté et son âme. D'autre part, en s'attaquant à un crime organisé qui opère en quasi-impunité, Lára doit faire face à un autre type de pressions, les menaces directes contre son intégrité physique. Entre le métier de reporter et la protection de sa famille, l'arbitrage est impossible. Si Pressa ne fait pas toujours dans la subtilité, elle aborde sans détour et avec un aplomb appréciable tous les tenants et aboutissants de ces diverses problématiques. 

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Parallèlement à cette immersion dans les coulisses de la presse, Pressa est une série à suspense. Cette fois, à la différence d'une saison 1 qui avait peiné à générer jusqu'au bout une réelle tension en dépit de ses bonnes intentions, l'ensemble est ici plus homogène et abouti. Sa grande réussite tient à son rythme. Multipliant les rebondissements, redistribuant constamment les cartes, ajoutant de nouvelles intrigues à celles déjà existantes, cette saison 2, comprenant toujours six épisodes, est extrêmement dense. Certes, certains développements peuvent paraître presque trop rapides, cependant on perçoit vraiment la volonté des scénaristes d'avoir cherché à écrire un récit très dense, sans le moindre temps mort. 

En réalité, c'est une double intrigue qui se construit sous nos yeux. D'une part, on a une histoire de meurtre et de puissant dont on se demande s'il est suspecté du fait d'une réputation créée par des jalousies ou s'il a été jusque là protégé par son statut privilégié. D'autre part, est mise en scène une investigation plus dangereuse qui conduit The Post à traiter de la grande criminalité. Dans les deux cas, le ressort narratif central - parfois un peu facile - permettant de faire progresser l'histoire demeure les prises de risque, pas toujours réfléchies, de Lára qui a cette capacité hors du commun à mettre le doigt dans des engrenages létaux. Si l'équilibre dans la gestion parallèle des storylines est parfois un peu vacillant, l'important est que l'ensemble fonctionne. Portés par une tension qui ne se dément pas, les épisodes s'enchaînent tout seul.

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Plus maîtrisée sur le fond, Pressa l'est également sur la forme. Si la réalisation conserve une nervosité caractéristique, la fébrilité de la caméra m'a paru moins forcée que lors du visionnage de la première saison. A la différence d'une série comme Tími Nornarinnar où l'on trouve vraiment une volonté de faire des paysages enneigés islandais (bien connus des sériephiles qui regardent Game of Thrones) un acteur à part entière du récit, Pressa reste un polar qui préfère les ambiances pesantes d'intérieur, le ciel bas et grisâtre et des paysages sombres. La photographie conserve une froideur qui sied parfaitement à l'atmosphère, tout comme la bande-son aux instrumentaux rythmés.

Enfin, la série bénéficie d'un casting solide. Parmi les nouvelles têtes de la saison, les téléspectateurs familiers du petit écran danois reconnaîtront avec plaisir Bjarne Henriksen (Forbrydelsen, Borgen) qui apparaît dans trois des six épisodes en gangster danois dont l'organisation criminelle envisage de s'étendre sur l'île. Sinon, on recroise des acteurs qui avaient déjà su trouver leurs marques en première saison. Sara Dögg Ásgeirsdóttir trouve le juste milieu entre la spontanéité parfois très insouciante de Lára et cette persévérance inarrêtable qui prouve que la jeune femme est plus solide qu'elle ne paraît. A ses côtés, on notera aussi la présence de Kjartan Guðjónsson, Þorsteinn Bachmann ou encore Stefán Hallur Stefánsson.

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Bilan : Série feuilletonnante à suspense, empruntant aussi bien au thriller qu'au récit de journalisme, Pressa propose une saison 2 dense et complète. Elle soigne le développement des personnages comme la manière dont elle conduit ses grands arcs narratifs. Distillant une tension prenante, elle se montre convaincante sur le fond et sur la forme, et fait preuve d'une maîtrise dans l'art du cliffhanger qui ferait vraiment espérer une saison 3. Elle est sans doute ce que l'Islande propose de mieux actuellement à la télévision dans le registre du polar, par conséquent, profitez de la période estivale et n'hésitez pas à être curieux !


NOTE : 7,75/10


[Comme beaucoup de séries islandaises, le coffret DVD de cette saison 2 comprend une piste de sous-titres anglais.]

01/08/2012

(J-Drama / Pilote) Iki mo Dekinai Natsu : du problème administratif à la crise existentielle

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La saison estivale bat actuellement son plein au Japon. Beaucoup de nouveautés sont arrivées en juillet. Comme je vous l'avais dit, peu avait initialement retenu mon attention sur le papier. Mais le rythme du petit écran mondial étant quand même un peu moins soutenu durant cette période - plus si creuse - qu'est l'été, j'ai pris le temps de tester quelques dramas que j'aurais sans doute laissés passer en temps normal. Par curiosité pour une affiche, por un casting, ou tout simplement parce que j'étais intriguée de voir comment serait porté à l'écran et avec quelle approche tel ou tel concept.

A l'heure d'un premier bilan de visionnage, Magma est, malgré certaines limites, pour le moment le drama qui m'a le plus intéressé. J'y reviendrai dans un prochain billet d'ensemble (vivement la sortie des sous-titres anglais du dernier épisode). En attendant, arrêtons-nous aujourd'hui sur un pilote en particulier parmi ceux que j'ai visionnés, celui de Iki mo Dekinai Natsu. Diffusé le mardi soir sur Fuji TV, ce drama a débuté le 10 juillet dernier au Japon. Je savais qu'il n'appartenait pas un genre avec lequel j'ai beaucoup d'affinité (du mélodrame, des accidents de vie, de la romance...). Ce premier épisode m'a laissé une impression mitigée, mais je ne regrette pas de l'avoir vu.

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L'héroïne de Iki mo Dekinai Natsu, Tanizaki Rei, est une jeune fille qui semble avoir sa vie bien en main. Elle vit avec sa mère et sa plus jeune soeur, a fini ses études au lycée et s'épanouit en faisant un travail qu'elle aime dans une grande enseigne de pâtisserie. Tout semble aller pour le mieux, d'autant plus que sa supérieure lui propose un contrat d'embauche au sein de l'entreprise qui lui permettrait de postuler à des formations prestigieuses, notamment à Paris. La persévérance de Rei a donc payé. Or c'est pourtant cette offre qu'elle attendait sans y croire qui va faire vaciller sa vie. En effet, pour devenir une employée à temps complet, elle doit fournir un certain nombre de justificatifs, notamment d'identité et de sécurité sociale. Mais en allant demander ces documents, elle découvre qu'elle n'a pas été inscrite sur le registre de sa famille à sa naissance.

Par conséquent, aux yeux de l'Etat et de l'administration, Rei n'existe pas et n'a donc aucun droit. Cet incident n'est pas unique : c'est un problème qui se rencontre lorsqu'une mère entendait contourner la présomption légale irréfragable posée dans le droit de la famille japonais, au terme de laquelle le mari est automatiquement le père d'un enfant qui serait né moins de 300 jours après la dissolution du mariage. Prise au dépourvu par cette situation déstabilisante, alors que sa mère fuit pour l'instant ses responsabilités, Rei s'interroge sur sa place au sein de sa famille et de la société. Elle va se lier avec l'employé administratif qui l'a reçue et lui a appris la situation. Ce dernier est touché par son cas, peut-être parce qu'il s'est lui-même retrouvé en marge de la société après avoir subi de graves désillusions dans sa carrière journalistique précédente.

Se noue peu à peu une surprenante relation entre Rei et cet homme qui aurait l'âge d'être son père. Les deux pourront-ils se guérir l'un l'autre ?

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Il faut reconnaître au pilote de Iki mo Dekinai Natsuse une réelle efficacité dans sa construction narrative. Correspondant en tout point à ce qu'on pouvait légitimement en attendre pour introduire la situation, il met en scène avec une impression d'inéluctabilité poignante l'engrenage des évènements qui fait dérailler la vie jusque là si bien ordonnée de Rei. L'écriture apparaît solide et consistante, et le rythme est globalement maîtrisé. Judicieusement, c'est avant tout sur l'héroïne que se concentre l'épisode : il s'agit de créer un lien affectif avec le téléspectateur. Ce dernier ne pourra rester insensible aux conséquences que la révélation - sa non-inscription dans les registres - va avoir sur Rei. Le cauchemar administratif devient familial, pour se transformer ensuite en une remise en cause existentielle touchante et qui a du potentiel si elle est bien menée. Mais s'il avait jusque là su rester relativement sobre, l'épisode négocie mal le tournant une fois le problème exposé au grand jour.

En effet, Iki mo Dekinai Natsuse bascule alors dans une sur-dramatisation au cours de laquelle le récit perd en force et en crédibilité. Cette évolution trouve son apogée dans le cliffhanger sur lequel se conclut le pilote : il laisse en suspens le sort de l'héroïne blessée, alors même que l'on vient de nous expliquer qu'une des conséquences de sa non inscription sur le registre serait le non accès aux soins. Cette fin a été pour moi la goutte d'eau faisant déborder le vase. Alors que le concept de départ était intéressant en tant que tel par la réflexion autour de crises identitaires vers laquelle il pouvait conduire, ce dernier quart d'heure donne l'impression que le scénariste s'est senti obligé de sur-ajouter. Il a voulu trop en faire, cherchant absolument à faire vibrer la corde la plus sensible du téléspectateur. En forçant le trait larmoyant, le drama tombe dans la démesure face au problème existant (d'ordre simplement bureaucratique) et perd en justesse et en authenticité. Sachant que c'est une histoire qui doit jouer sur un registre émotionnel, il ne faudrait pas que cette surenchère inutile soit une technique qui se répète.

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Sur la forme, Iki mo Dekinai Natsu est classique, mais sa réalisation fait preuve de maîtrise. Sa photographie très claire renvoie une impression soignée et épurée tout en restant colorée qui m'a séduite. C'est visuellement un drama qui, en dépit de certaines limites inhérentes, sait nous immerger dans ses décors et son ambiance. En revanche, les images de son générique d'ouverture sont un peu moins inspirée (ou plutôt, devrais-je dire, "travaillées"), mais il a la bonne idée d'emprunter une chanson anglaise d'Adele qui donne bien le ton (pour un aperçu, cf. la première vidéo ci-dessous).

Enfin, le casting est homogène et devrait tenir la route. Takei Emi (GOLD, W no Higeki) sait susciter l'empathie requise pour son personnage : elle gère plutôt correctement la transition à l'écran, passant du bonheur stéréotypé initial à une perte de repères et à des doutes qui lui font questionner son existence. Face à elle, Eguchi Yosuke retrouve cette sobre efficacité que j'avais pu apprécier dans Chase : c'est un genre de rôle qu'il maîtrise, et je ne me fais donc aucun souci le concernant. Kimura Yoshino (Hatsukoi) doit elle relever un défi plus difficile : elle sait se montrer expressive, mais son personnage souffre d'une écriture qui l'instrumentalise pour accentuer à outrance le mélodrame. On retrouve également à l'affiche Nakamura Aoi, Hara Mikie, Kirishima Reika, Koshiba Fuka, Hamada Mari ou encore Kaname Jun.

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Bilan : Iki mo Dekinai Natsu signe un pilote efficace, agréable visuellement et solide dans sa construction narrative. Malheureusement l'épisode se sent obliger de verser dans une sur-dramatisation discutable, qui rend ses derniers développements artificiels et forcés. Pour la suite, tout dépendra si le drama entend poursuivre dans cette tonalité, ou s'il s'agissait surtout de retenir l'attention du téléspectateur (même si cela a eu pour moi l'effet opposé). Passer d'un problème bureaucratique à une crise existentielle est en soi une idée qui réclame de rester sobre, or Iki mo Dekinai Natsu n'a pas encore trouvé son équilibre.

En résumé, c'est un pilote moyen, avec des atouts et des limites, mais la série n'est sans doute pas faite pour moi. Je reconnais avoir un seuil de tolérance assez bas à ce registre mélodramatique. Si le genre ne vous déplaît pas a priori, jetez-y quand même un oeil.


NOTE : 6/10


Le générique du drama :


29/07/2012

(US) Sports Night, saison 1 : une comédie dynamique dans les coulisses d'une émission sportive

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Poursuivons ce week-end à thème olympique ! Après Twenty Twelve et la préparation de l'évènement, intéressons-nous aujourd'hui aux Jeux en eux-mêmes. Il faut dire que pour les vivre, la plupart d'entre nous n'allons pas avoir la chance d'aller jusqu'à Londres afin d'assister aux épreuves. Ce sera installés sur notre canapé, derrière l'écran d'un télévision, que l'on vibrera pour quelques exploits sous la dictée de commentateurs sportifs. Or le monde des séries a déjà eu l'occasion d'explorer les coulisses d'une émission sportive... C'était à la fin du siècle dernier, cela s'appelait Sports Night, et, ça tombe bien, je viens justement d'achever le revisionnage de la première saison en ce mois de juillet.

Lancée à la rentrée 1998, sur ABC, Sports Night est la première série créée par Aaron Sorkin, un an avant que The West Wing ne débarque sur NBC. Cette comédie, adoptant le format d'une sitcom avec des épisodes d'une durée de 20 minutes environ, n'a duré que 2 saisons (jusqu'en 2000), pour un total de 45 épisodes. En France, elle n'a été diffusée que sur Série Club ; et les coffrets DVD n'ont été édités qu'aux Etats-Unis (donc en zone 1). Portée par un dynamisme communicatif, c'est une série très intéressante et plaisante à suivre, servie par un sacré casting. On y retrouve aussi, déjà au point ou encore en gestation, plus d'un Sorkinism.

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Sports Night nous plonge dans les coulisses d'une émission télévisée d'informations sportives, diffusée sur la chaîne fictive CSC (Continental Sports Channel). Imaginée sur le modèle de l'émission SportsCenter de ESPN, elle met en scène un duo de présentateurs, Casey McCall et Dan Rydell, qui animent le show, lançant les reportages et donnant les dernières news en passant en revue tous les sports. Se déroulant quasi uniquement dans les locaux de la chaîne, la série s'intéresse à l'ensemble des dynamiques à l'oeuvre dans la conception de l'émission.

Il faut dire que c'est une équipe de passionnés, très soudée, qui officie devant la caméra, mais aussi en régie, vivant intensément un quotidien rythmé par les directs et les programmations d'évènements sportifs. La série saisit l'occasion d'explorer leurs difficultés, de la gestion des imprévus et des aléas du live aux pressions éditoriales de la direction, en passant par les dilemmes moraux parfois posés. Si chacun mène une vie professionnelle très prenante, leur vie personnelle n'est pas pour autant oubliée : la solidarité d'ensemble, l'amitié et parfois l'amour qui se nouent dans les couloirs ont aussi leur importance pour la réussite du show.

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Sports Night est une comédie dont le charme repose en premier lieu sur l'extrême dynamisme de ses dialogues. L'écriture y est enlevée et fluide, sacrément réjouissante, retenant instantanément l'attention du téléspectateur. Signe qui ne trompe pas, on y retrouve parfaitement utilisée la fameuse technique du "walk and talk" : elle n'a pas son pareil pour insuffler du rythme dans des épisodes qui laisse la part belle aux répliques stimulantes et à l'art de la répartie des personnages. L'humour s'insère dans ces échanges sans jamais paraître forcé ou artificiel, misant opportunément sur le rafraîchissant sens de l'auto-dérision des protagonistes, tout en jouant aussi sur l'absurdité ou l'improbabilité des situations rencontrées en plateau.

Conséquence de cette approche, Sports Night est une comédie qui dispose d'une large palette de tonalités et de nuances qu'elle va savoir pleinement exploiter. Cela fait sa richesse. Elle est en effet tout aussi capable de jouer sur le burlesque de certains développements (des incidents lors du direct, ou encore la fuite puis la chute d'une dinde congelée sur le plateau), que d'aborder de manière posée et avec beaucoup de justesse des thèmes sérieux - la saison 1 offrant quelques fulgurances, notamment quand la série s'aventure dans le domaine politique, où la plume d'Aaron Sorkin s'emballe de façon caractéristique (l'affaire du drapeau confédéré, par exemple).

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La versatilité et l'éclectisme dont fait preuve Sports Night s'imposent ainsi très vite comme un de ses grands atouts. Ils trouvent leur origine dans le concept de départ de la série : raconter les coulisses d'une émission d'informations reste un prétexte permettant de capturer tout ce qui gravite autour, donnant l'opportunité de traiter d'une multitude de problématiques très différentes liées au journalisme. La fiction met alors en lumière le fragile équilibre existant derrière le show, entre la passion sincère qu'éprouvent tous ces intervenants, non seulement pour leur émission mais plus généralement pour l'information et l'exploit sportif en lui-même, et les contraintes commerciales et d'audience d'une chaîne de télévision, avec toutes les questions d'éthique qui peuvent se rencontrer.

Outre ce versant professionnel, le téléspectateur s'attache également à la série grâce à sa dimension humaine. Les personnages sont très sympathiques, toujours solidaires entre eux quand il faut. Ils sont bien caractérisés, conservant leurs principes, leur talent, mais aussi leurs failles et leurs insécurités. Sports Night laisse en plus une large place au relationnel : la vie amoureuse des protagonistes empiète dans leur quotidien en studio. Il ne faut en effet jamais sous-estimer les coups de foudre ayant lieu au travail (comme Jeremy et Natalie le prouvent). Mais plus généralement, nous sommes projetés dans un petit microcosme où la vie privée n'a pas vraiment vocation à rester "privée" et où chacun finit par avoir une opinion sur la manière dont les autres devraient mener leur vie sentimentale. Sur ce point, la série en fait parfois un peu trop, mais ces quelques déséquilibres restent anecdotiques et les triangles/rectangles amoureux qui s'esquissent permettent un fil rouge progressant au fil de la saison.

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Sur la forme, Aaron Sorkin s'était notamment adjoint des collaborateurs dont les noms vous sont forcément familiers si vous connaissez ses séries ultérieures : la réalisation d'un certain nombre d'épisodes est confiée à Thomas Schlamme (l'art de prendre les tournants d'un couloir pour suivre un "walk & talk" animé est parfaitement maîtrisé par la caméra), tandis que W. G. Snuffy Walden se charge de la bande-son. De manière générale, l'évolution la plus notable de la série est la disparition progressive des rires enregistrés qui, initialement, en raison de la construction de la série reposant sur la dynamique des dialogues avaient du mal à s'insérer comme dans une sitcom plus traditionnelle.

Enfin, Sports Night rassemble un casting impressionnant. Les deux présentateurs sont interprétés respectivement par Josh Charles (The Good Wife) et Peter Krause (Six Feet Under, Parenthood), tandis que Felicity Huffman (Desperate Housewives) joue la productrice de l'émission. Sabrina Lloyd (Sliders) est son assistante, avec à ses côtés Joshua Malina (The West Wing, Scandal). Enfin, Robert Guillaume incarne leur supérieur. A noter que les fans de The West Wing ont aussi le plaisir de croiser quelques visages familiers au gré des guest de cette première saison, comme Janel Moloney, Lisa Edelstein (House MD) ou encore Nina Siemaszko.

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Bilan : Portée par des dialogues parfaitement ciselés et une écriture extrêmement dynamique, Sports Night est une comédie réjouissante et stimulante. Son concept lui permet une richesse dans les sujets abordés, mais aussi dans les tonalités, qu'elle sait très bien exploiter. Les épisodes, qui ne durent qu'une vingtaine de minutes, se regardent ainsi avec beaucoup de plaisir et s'enchaînent très facilement. Et j'ai pu constater qu'elle a conservé une saveur intacte au revisionnage.

Une série recommandée pour tous les amateurs du style d'Aaron Sorkin, pour les curieux s'intéressant aux coulisses des médias et plus globalement pour tout sériephile qui souhaite découvrir une attrayante comédie !


NOTE : 8/10


Une bande-annonce de la série :

27/07/2012

(UK) Twenty Twelve, saison 2 : un savoureux mockumentary dans les coulisses de l'organisation des Jeux Olympiques de Londres


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A moins de passer vos vacances dans un îlot perdu loin de tout média, vous n'avez sans doute pas pu échapper au raz-de-marée médiatique : ce soir débutent officiellement les Jeux Olympiques de Londres. Mais en vous installant devant la cérémonie d'ouverture, pourrez-vous imaginer alors les heures/mois/années de travail en amont qui ont rendu possible la tenue de cet évènement colossal ? Les Anglais ont fait mieux qu'y penser, ils ont créé une série sur le sujet : Twenty Twelve. Souvenez-vous, j'avais déjà évoqué les premiers épisodes il y a plus d'un an, un peu perplexe alors, mais intéressée par ce mockumentary dans les coulisses de cette organisation forcément compliquée.

Depuis, j'ai poursuivi mon visionnage. La série a finalement été renouvelée pour une saison 2, dont les quatre premiers épisodes ont été diffusés au printemps sur BBC2, puis les trois derniers l'ont été en ce mois de juillet 2012. La série s'est clôturée en Angleterre ce mardi soir, il y a donc trois jours. Si je l'avais débutée avec des réserves, Twenty Twelve est une série que je suis venue à apprécier avec le temps, la première saison trouvant progressivement son ton et son rythme. Et la seconde m'a semblé plus maîtrisée, plus réussie aussi dans sa façon d'exploiter des situations entre réalisme et improbabilité.

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Rappelons brièvement l'objet de la série : Twenty Twelve prend la forme d'un (faux) documentaire qui nous fait suivre le quotidien du comité en charge de la préparation des Jeux Olympiques de 2012. Placée sous la direction de Ian Fletcher, est rassemblée une équipe composée de personnalités très diverses, plus ou moins efficaces et investies dans leur travail. Ils ont la responsabilité de toutes les facettes de cette organisation. En premier lieu, il s'agit de s'assurer que les Jeux Olympiques eux-mêmes se dérouleront sans le moindre accroc : le comité doit se préoccuper aussi bien du sort des différentes épreuves sportives (et du lieu où elles se tiendront), que de la gestion des athlètes et du public, ou bien encore de la vie des Londoniens (et de leurs - si problématiques - transports).

La série a l'occasion d'aborder toutes les difficultés inhérentes à de telles manifestations, s'intéressant aux questions d'infrastructure, de logique, de sécurité, mais aussi aux campagnes de communication et de sensibilisation à certaines causes qu'elles permettent. De plus, l'équipe doit également penser à l'enjeu sensible que représente l'après Jeux Olympiques : il s'agit de s'assurer que les équipements et autres constructions seront exploitables sur le long terme, et que la facture ne sera pas trop salée (objectifs pour le moins utopiques). C'est donc un quotidien rempli de casse-têtes, de défis insurmontables, de compromis discrets et de voeux pieux inévitables, qui nous est raconté... pour aller jusqu'au 24 juillet 2012. L'équipe en charge du direct a alors pris la succession, la suite... vous la connaîtrez ce soir en allumant votre télévision.

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Le grand atout de Twenty Twelve réside dans l'impression de réalisme brut qu'elle renvoie. La série évolue sur le fil de la comédie, forçant un peu les traits ça et là, grossissant un brin les réactions, mais prenant toujours garde de ne pas en faire trop, restant dans une satire qui refuse l'excès de caricature. Avec un flegme tout britannique, personnifié par Ian Fletcher, elle investit ainsi un humour froid. N'imposant pas d'enchaînement de plaisanteries ou de véritables gags, elle préfère jouer plus subtilement sur le ridicule qui ressort en filigrane de certains échanges ou situations parfaitement sérieux, insistant sur ces moments de confus flottement, à la fois plein d'authenticité mais sonnant aussi surréaliste quand on en vient à penser à l'ampleur des responsabilités confiées à un tel comité. Comme chaque participant se sait filmer, il modère consciemment ou non ses réactions, cherchant (souvent vainement) à travailler son image pour la caméra. Cette extrême sobriété d'ensemble a nécessité quelques épisodes d'ajustement dans la saison 1 pour parfaire leur rythme et leur construction. Arrivé en saison 2, le problème ne se pose plus, et l'excellent double épisode d'ouverture est l'occasion de démontrer combien les scénaristes maîtrisent désormais leur tonalité comme leur format.

Au fil de ses deux saisons, Twenty Twelve a su fidéliser le téléspectateur en le familiarisant avec les personnalités bien définies de ses intervenants. Par exemple, les quelques monosyllabes répétitives d'une Siobhan bafouillante quand elle est prise au dépourvu sont devenus un de ces classiques qu'il est toujours savoureux de retrouver. La gestion, par Ian Fletcher, des égos, de la concurrence ou de l'incompétence de ses subordonnés permet d'apprécier le développement de tout un art du management et de la diplomatie qui, derrière notre écran, prête à plus d'un sourire. Parallèlement, la série retient aussi l'intérêt du téléspectateur en jouant sur la frontière entre réalisme et libertés permises par la fiction. Elle a un constant souci du détail dans toutes les situations dépeintes, concernant la communication publique, les enjeux pratiques, ou encore les solutions - parfois vraiment d'équilibriste - trouvées, qui renforce sa crédibilité. Il y a d'ailleurs eu à l'occasion de troublantes proximités entre les "crises" de la série et celles de la réalité (comme l'horloge géante). C'est donc une série qui s'est révélée capable d'exploiter pleinement son idée de départ (montrer les coulisses de l'organisation), en n'hésitant pas à aborder des issues potentiellement sensibles - comme la religion et le lieu de culte des athlètes, traités avec quelques rebondissements opportuns et un compromis savoureux dans le double épisode d'ouverture de la saison. En résumé, Twenty Twelve a réussi sa mission de mockumentary.

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Sur la forme, la série se réapproprie les codes propres à son genre : une réalisation nerveuse, avec un cameraman qui suit la scène et permet de nous faire vivre au plus près cette vie des coulisses "caméra à l'épaule" (avec toutes les péripéties que peut donc vivre cet acteur à part entière, notamment lorsque certains protagonistes refusent d'être filmés). On a également quelques belles vues londoniennes qui posent bien le cadre. Et j'en suis venue à beaucoup aimer le générique d'ouverture, avec cette chanson entre insouciance et annonce d'ennuis qui colle très bien à la tonalité ambiante (cf. la 1re vidéo ci-dessous). 

Enfin, Twenty Twelve bénéficie d'un solide casting, sobre et efficace pour retranscrire le parti pris des scénaristes. Dirigeant ce comité, Hugh Bonneville (Lost in Austen, Downton Abbey) est parfait dans un rôle qui oscille entre pragmatisme et diplomatie, s'efforçant de gérer, avec le sérieux exigé face à de telles responsabilités, tous ces collaborateurs aux personnalités assez particulières. A ses côtés, on retrouve Amelia Bullmore (State of Play, Ashes to Ashes), Olivia Colman (Rev., Peep Show), Vincent Franklin (The Thick of It), Jessica Hynes (Spaced, The Royle Family), Karl Theobald (Primeval) et Morven Christie (Sirens). Enfin, notons que la voix off du documentariste qui sert de narrateur et fait la transition entre certaines scènes est celle de David Tennant (Blackpool, Doctor Who).

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Bilan : Mockumentary qui gagne en saveur au fil des épisodes, Twenty Twelve cultive une mise en scène volontairement réaliste, caractérisée par une rigoureuse sobriété. L'humour y est subtile, fonctionnant à froid. On a l'impression d'assister à un récit d'anecdotes, plus ou moins fictives, plus ou moins théoriques (le téléspectateur s'interrogeant parfois sur la frontière avec la réalité), qui sont l'occasion d'évoquer tous les types de questions et de problèmes soulevés par la tenue d'un tel évènement. Dans l'ensemble, cette saison 2 aura été bien maîtrisée, avec une tonalité désormais parfaitement au point.

Voilà donc une série qui mérite un investissement au-delà des premiers épisodes. En guise de programmation alternative (ou complémentaire), pour rester dans l'air du temps actuel, un rattrapage de Twenty Twelve apparaît tout indiqué pour le sériephile au cours des prochaines semaines.


NOTE : 7/10


Le générique de la série :

Une bande-annonce :