16/06/2012
(Pilote US) Longmire : une série policière dans le grand Ouest américain
Au début du mois (le 3 juin 2012), la chaîne américaine A&E a lancé une nouvelle série policière, adaptant les romans de l'écrivain Craig Johnson. Sa principale originalité réside dans son cadre : le Wyoming et ses grands espaces (même si, en vrai, la série est en réalité tournée au Nouveau-Mexique). A voir le poster promo et à jeter un oeil à la bande-annonce, dans l'esprit du téléspectateur, le chapeau de cowboy du héros, le faux parfum de western, les codes narratifs surannés mettant pourtant en scène une série policière moderne, évoquaient forcément Justified.
Pourtant Longmire se démarque vite de sa consoeur de FX. Plus traditionnelle, moins stylée, elle est aussi un appel de l'Ouest qui nous éloigne du Sud des Etats-Unis et de ses rednecks, pour introduire d'autres acteurs au potentiel tout aussi intéressant. Mais au-delà de son cadre qui ne manque pas d'attrait, les deux premiers épisodes de Longmire introduisent un strict cop show procédural, dont l'intérêt et la valeur ajoutée dans un paysage télévisuel saturé par le genre restent encore à démontrer. La série aura 10 épisodes pour se construire une identité.
Longmire se déroule dans le comté fictif d'Absaroka, dans le Wyoming. Son personnage principal, Walt Longmire, est le shérif en poste. Profondément marqué par le décès de sa femme il y a un an, il n'a été depuis que l'ombre de lui-même, laissant la douleur le submerger. Dans le pilote, il commence tout juste à faire son deuil, encouragé par sa fille Cady qui s'inquiète et veut qu'il se resaisisse. Au travail, il peut compter sur le soutien d'une nouvelle adjointe, Vic, une jeune femme qui a d'abord exercé dans des forces de l'ordre citadine avant de venir se perdre au fin fond de cet Etat.
Mais cette année d'inertie a aussi réveillé d'autres ambitions au sein du département du shérif. Walt découvre ainsi qu'un autre de ses adjoints, Branch, entend le concurrencer à l'élection prochaine où son poste est remis en jeu. Tous ces évènements l'encouragent à tenter de se reprendre en main. La série va donc le suivre dans son quotidien d'enquêtes (qui eut cru que le taux de criminalité était si élevé au fin fond du Wyoming ?). Les meurtres ont ici souvent des ramifications complexes, nous entraînant à la découverte d'autres communautés religieuses ou encore dans la réserve indienne.
Derrière son concept policier très classique, Longmire a tout d'abord pour elle de nous entraîner par-delà l'herbe (pas si verte, en fait) du Wyoming. Véritable appel de l'Ouest, le pilote s'efforce d'ailleurs de rendre justice aux particularités offertes par ce cadre, soulignant ce paysage aux vastes étendues de prairies, ces forêts denses de conifères, et même ces quelques coins enneigés qui permettent de réinventer les méthodes de la police scientifique (initiant ainsi la recherche de preuves par... sèche-cheveux, afin de faire fondre la couche de glace qui recouvre les lieux du crime).
La série a donc un parfum de dépaysement prononcé qui est très plaisant. De plus, cette situation géographique lui permet aussi d'introduire des problématiques que les cop show citadins ne peuvent aborder : les relations difficiles avec la réserve indienne voisine, et les trafics qui ont cours là-bas, ou encore, dans ses grands espaces où chacun peut cohabiter, avec des communautés religieuses repliées comme les Amish (dans le deuxième épisode). Même si le traitement de ces sujets reste ici assez superficiel et qu'on reste pour le moment un peu sur sa faim, le potentiel semble là.
Cependant, au-delà de ces atours, Longmire reste une simple série policière pour l'instant strictement procédurale, où les enquêtes, sur un épisode, ne brillent pas par leur originalité. C'est généralement très convenu. Plus problématique, en usant de ficelles trop classiques, la série se montre parfois assez maladroite dans ses développements : les raccourcis et certaines mises en scène pèsent sur le pilote ; le second épisode étant sur ce plan plus équilibré et homogène. L'apport de la série repose ici sur sur sa figure centrale, le shérif. D'une part, parce que c'est un personnage un peu hors du temps, il permet de cultiver le côté old school assumé de la fiction. L'épisode prend toujours volontairement son temps, loin de la mécanique sur-vitaminée et ultra-huilée de la ville. L'expérience y joue souvent un rôle décisif, Walt s'appuyant sur son passé et sa longue connaissance de son comté pour connecter les indices.
D'autre part, ce héros posé et assuré est aussi un homme brisé intérieurement par la mort de sa femme. Connaissant cette souffrance que représente la perte d'un être cher, il fait preuve d'une empathie rare envers les proches des victimes. La dimension émotionnelle et le traumatisme qu'engendrent les meurtres ne sont pas négligés dans cette série, et c'est un point positif à souligner. Walt est donc un personnage de romans policiers qui s'inscrit dans des canons certes très traditionnels, mais efficaces. Il reste à espérer que les personnages qui l'entourent n'en seront pas pour autant oubliés et pourront à terme être plus fouillés que les brèves esquisses proposées pour le moment (mais le deuxième épisode offre ici quelques pistes à suivre).
Au cours du pilote, je me suis demandée si une partie des maladresses de Longmire n'étaient pas liées à la forme. La prévisibilité de certaines scènes est en effet multipliée par les choix d'une caméra qui suggère et pointe des évidences, au risque de tomber dans la mauvaise caricature, comme le montre la scène du témoin abattu dans le premier épisode, avec cette fenêtre sur laquelle l'image insistait tant. Si les paysages s'imposent d'eux-mêmes dans toute leur splendeur, dès qu'il s'agit de créer une ambiance en huis clos, ou de suivre un personnage dans l'enquête, la réalisation manque d'initiative. Et la bande-son ne permet pas de corriger le tir. A sa décharge, il faut dire qu'elle démarre sur un très mauvais choix qui laisse un a priori négatif pour la suite : la scène d'ouverture est envahie d'une musique quelconque qui échoue à poser l'atmosphère à laquelle elle aspirait. En résumé, il y a une sacrée marge de progression sur le plan formel.
Enfin, Longmire bénéficie d'un casting correct. C'est un acteur australien, Robert Taylor (croisé dans Killing Time l'an dernier), qui incarne ce shérif du fin fond du Wyoming : il a la présence et les épaules nécessaires pour faire de son personnage cette figure centrale un peu écorchée autour de laquelle tournent les intrigues. A ses côtés, j'ai retrouvé avec plaisir Katee Sackhoff (Battlestar Galactica) qui trouve vite le ton juste pour jouer une adjointe assurée qui ne manque pas de réparties. Je serais plus mitigée en revanche sur Bailey Chase (Saving Grace), l'autre adjoint, mais pour le moment, il faut dire que son personnage est resté cantonné en arrière-plan présenté sous un jour peu favorable. C'est Cassidy Freeman (Smallville) qui incarne la fille de Walt. Enfin, on retrouve également Lou Diamond Phillips (Stargate Universe, Numb3rs), Louanne Stephens (Friday Night Lights) ou encore Adam Bartley.
Bilan : Evasion vers l'Ouest, Longmire se démarque par son cadre dépaysant et par la lenteur de son rythme, symbolisé par un personnage principal patriarcal, dont les blessures mal cicatrisées font de lui un héros-type solide. Sans faire dans la subtilité, la série est efficace. Elle reste cependant pour le moment un cop show procédural extrêmement classique, avec des ambitions limitées. Telle quelle, elle peut plaire aux amateurs de séries policières souhaitant changer d'air, mais échoue à élargir son public. Il faut donc espérer que les scénaristes sauront se montrer plus entreprenants et moins réfractaires aux risques par la suite : si elle a du potentiel, elle ne se donne pas encore les moyens de pleinement l'exploiter.
Je pense lui accorder quelques épisodes, histoire de voir l'orientation prise (parce que je ne suis pas insensible à l'ambiance).
NOTE : 6,5/10
La bande-annonce de la série :
12:28 Publié dans (Pilotes US) | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : longmire, a&e, robert taylor, katee sackhoff, lou diamond phillips, bailey chase, cassidy freeman, louanne stephens, adam bartley | Facebook |
13/06/2012
(J-Drama) Jin, saison 2 : dans la tourmente de la restauration de Meiji
Chose promise, chose due ! Jin méritait de se voir consacrer un second mercredi asiatique d'affilée. A partir de la semaine prochaine, My Télé is Rich! repart en Corée du Sud, où on parlera des dernières nouveautés des grandes chaînes (et peut-être même plus). En revanche, il est probable qu'il s'agisse du dernier billet relatif à ces histoires de chirurgien propulsé au XIXe siècle. Je ne reviendrai sans doute pas sur le remake actuellement diffusé sur MBC, Dr Jin. Ayant non seulement réussi à vider de toute sa substance l'oeuvre d'origine, ce k-drama souffre de tant de poncifs maladroits que le visionnage des deux premiers épisodes aura été suffisamment douloureux pour me convaincre de ne pas persister. Inutile donc d'épiloguer : savourez le j-drama, oubliez le k-drama.
La série japonaise mérite d'autant plus le détour qu'après tous les louanges que sa saison 1 méritait, la seconde (diffusée au printemps 2011 au Japon) n'aura absolument pas dépareillé, et aura maintenu une qualité constante. Elle s'inscrit ainsi dans la continuité de la tonalité du drama, tout en apportant cependant de nouveaux éclairages. En effet, sans négliger le personnel et le médical - qui étaient centraux dans la saison 1 -, c'est désormais l'approche politique qui prend une place plus importante. Car Jin est rattrapé par l'Histoire, et plus précisément la restauration de Meiji. C'est toujours aussi riche, et passionnant. En somme, un j-drama qui vous fait vibrer, et en prime qui réussit à conclure de manière plutôt satisfaisante la mythologie de science-fiction le sous-tendant : que demander de plus ?
Pour apprécier l'orientation de cette seconde saison, il est utile de revenir sur la première : elle s'était concentrée sur les difficultés d'adaptation du chirurgien du XXIe siècle face à cette société japonaise du XIXe siècle, avec ses moeurs au parfum encore féodal et sa science médicale qui rencontrait tout juste l'occidentale. Le fil rouge était une intrigue personnelle qui tenait toute entière dans cette photo changeante, puis disparue, de Miki, la fiancée de Jin, abandonnée dans le coma dans le présent. Le dilemme qui se posait au chirurgien était le suivant : pouvait-il, par ses actes dans ce passé, la sauver d'une manière ou d'une autre et lui offrir un nouvel avenir ? L'arc autour du personnage de Nokaze était ainsi hautement symbolique : la réussite de l'opération de son cancer du sein, accompagnée de sa "libération" lui permettant de quitter le bordel, ouvrait la voie d'un possible futur. Cela s'inscrivait en écho à la faillite de l'opération de Miki qui avait précédé le voyage temporel, refermant la boucle par une note d'optimisme.
A la fin de la saison 1, Jin n'a désormais plus de moyens de connaître l'influence de ses actes sur le présent. Paradoxalement, il apparaît cependant en paix avec lui-même vis-à-vis de Miki. Il ne peut qu'espérer que l'avenir de cette dernière s'écrira, et laisser l'Histoire et la vie suivre son cours. Tout en jouant sur les parallèles entre Nokaze et Miki - la première se révélant l'ancêtre de la seconde -, la série a cependant toujours eu l'intelligence de ne pas céder à la facilité qui aurait consisté à reproduire dans le passé les schémas du présent. Elle préfèrera continuer de construire et de faire évoluer la vie de son héros au gré de ses rencontres. La saison 2 confirme que, au sein de cette esquisse de triangle amoureux qu'on devine confusément impossible, c'est avec Saki que Jin noue les liens les plus forts dans son quotidien de médecin révolutionnant les sciences. Le choix des scénaristes de reconnaître l'existence de cet amour, sans lui permettre de se concrétiser, apporte une dimension tragique supplémentaire dans la vie fort éprouvante de Jin. L'émotionnel à fleur de peau restant une des caractéristiques de l'écriture, la force de l'ensemble n'en est pas amoindrie : la fin en est tout aussi intense et poignante.
Si la saison 2 emprunte aux éléments médicaux et relationnels de la première, la série y prend un tournant beaucoup plus politique. L'Histoire est véritablement en marche. Jin se retrouve catapulté dans les soubresauts politiques de l'époque, lui-même victime de complots à son encontre. Dans une ambiance propre à la tension marquant la fin d'une ère, le pays bascule dans une guerre interne où il faut choisir un camp, et s'y tenir. C'est l'occasion dans ce contexte d'adversité de voir mûrir et s'affirmer les personnages : qu'il s'agisse de la gestion de l'établissement médical ouvert par Jin, que ses assistants prennent peu à peu en charge, ou bien du frère de Saki, Kyotaro, qui cherche toujours sa place et se retrouve dans le camp du shogunat. Les jours du régime sont pourtant comptés, et c'est un autre fil rouge qui s'impose sous forme de compte à rebours. Cette fois-ci, c'est à un destin déjà scellé que Jin s'attaque, une mort enregistrée et connue de tous : l'assassinat de Sakamoto Ryoma au cours de cette période de transition politique.
De manière générale, la grande réussite de la série au cours de cette saison 2 est de parvenir à entremêler grande et petites Histoires, l'approche personnelle se justifiant grâce au lien d'amitié qui unit Jin avec cette grande figure associée à cette période qu'est Sakamoto Ryoma. Ce dernier prend beaucoup plus de place dans cette deuxième partie. Il reste iconoclaste, mais gagne cependant en nuance et en maturité. Son rôle est double : il permet de mesurer les enjeux de la restauration, ainsi que les conditions dans laquelle elle va s'opérer, tout en servant de catalyseur dramatique. Ses rapports avec Jin sont dépeints de manière très intéressante, reflétant la rencontre de deux personnages extraordinaires chacun à leur manière. Tout l'enjeu de la saison sera de savoir jusqu'où Jin peut-il exercer son influence. Il a la faculté de modifier certaines destinées, d'introduire des améliorations - médicales - ou des idées - le système d'assurances -, mais l'Histoire n'a-t-elle pas aussi des points fixes sur lesquels il reste impuissant ? C'est en suivant cette trame solide du destin de Ryoma, qui apparaît comme une échéance inéluctable, que la saison 2 peut donc se développer.
Au sein de ce mélange de médical humaniste et de politique historique, il est un thème qui sera toujours resté plus en retrait au cours des deux saisons : la dimension fantastique du voyage temporel qui fonde le drama. Jin n'a jamais cherché à développer outre-mesure ce versant tendant plus vers la science-fiction. Il a intégré certaines problématiques propres à ce genre - peut-on, doit-on, et jusqu'où changer le passé, et ce, sans hypothéquer le futur ? -, mais il a toujours préféré une approche privilégiant l'humain au développement d'une mythologie qui aurait risqué de mobiliser toute l'attention. Assez logiquement, c'est donc sur une conclusion sobre que le drama se termine. S'il y a bien l'esquisse d'une théorisation sur tableau blanc pour expliquer le présent dans lequel Jin revient, avec ses évènements fixes et ses changements, cet outil pédagogique sonne artificiel. Cette justification s'adresse au téléspectateur curieux, mais il n'est clairement pas l'enjeu d'un dernier épisode qui fait vibrer une fibre émotionnelle autrement plus bouleversante. J'ai d'ailleurs beaucoup aimé cette fin douce-amère, toute en retenue, qui s'inscrit dans l'esprit de la série.
Sur la forme, cette saison 2 conserve tous les atouts de la première : une réalisation maîtrisée et posée, quelques plans magnifiques, notamment cette vue plongeante sur Edo. La musique demeure omniprésente et toujours aussi marquante. J'aurais rarement vu une OST faisant aussi corps, définissant l'identité et la tonalité de la série qu'elle accompagne. Cette fois-ci, la chanson du générique de fin est interprétée par Ken Hirai ; elle est plus intense que la première, déchirante à souhait et convenant parfaitement à la tournure dramatique que prennent les évènements. Enfin, côté casting, tout le monde maîtrise son sujet. Osawa Takao continue de m'impressionner : il aura vraiment su faire partager au téléspectateur toutes les émotions de son personnage face à toutes les épreuves qu'il doit affronter. Uchino Masaaki conserve une interprétation qui sur-joue, mais cependant l'écriture lui permet de gagner en subtiité ; peut-être cette aura particulière est-elle aussi liée au destin tragique l'attendant.
Bilan : Fiction passionnante, qui aura revêtu au cours de cette seconde saison une dimension dramatique supplémentaire, Jin reste une oeuvre originale et solide, à la richesse fascinante, qui aura réussi à jouer pleinement sur trois registres différents : la fiction médicale, le drame humain et le récit historique. C'est sur ce dernier plan que cette saison 2 se démarque le plus et apporte un nouvel éclairage : elle nous plonge en effet au coeur des soubresauts d'un changement de régime, au sein d'un Japon qui se modernise. L'enjeu de la série n'est pas le pourquoi/comment du voyage temporel, mais bien tout ce qu'il va faire vivre au cours de ces années passées à l'époque d'Edo. Ainsi, avec son héros humain et faillible, Jin est une belle aventure humaine, revigorante, qui mérite assurément le détour.
NOTE : 9/10
La chanson du générique de fin (par Ken Hirai) :
07:57 Publié dans (Séries asiatiques) | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : j-drama, jin, tbs, osawa takao, ayase haruka, koide keisuke, aso yumi, nakatani miki, mizusawa elena, takaoka saki, musaka naomasa, mizusawa aki, kritani kenta, takeda tetsuya, taguchi hiromasa, kobayashi katsuya, okuda tatsuhito, uchino masaaki, kohinata fumiyo, nakamura atsuo, hirayama hiroyuki, yamamoto koji | Facebook |
10/06/2012
(US) Suits, saison 1 : un sympathique legal drama énergique et attachant
Tout vient à point à qui sait attendre, à commencer par la rédaction des bilans de saison ! C'est qu'il flirte un air d'été de plus en plus prononcé à mesure que ce mois de juin progresse. Et ce n'est pas le retour programmé de toutes les fictions de USA Network qui nous contredira. Ce jeudi 14 juin, démarrera ainsi la saison 2 de Suits. Or ces dernières semaines, après être restée bloquée au deuxième épisode de Common Law sans motivation pour lancer la suite, je me suis replongée dans la première saison de celle qui avait été la meilleure nouveauté de la chaîne l'an passé - et une de ses plus enthousiasmantes séries.
Après m'être rafraîchie la mémoire devant les trois derniers épisodes (que j'avais laissés de côté par manque de temps en septembre dernier), j'en profite donc pour rédiger une review sur cette saison 1 et rappeler la série au bon souvenir de chacun. Histoire de vous faire inscrire la date du 14 dans vos agendas ; ou bien, comme nous sommes encore début juin, signaler qu'il n'est pas trop tard pour ajouter quelques devoirs de vacances au programme américain (assez chargé) qui nous attend cet été. Parce que Suits est un legal drama énergique et fun qui aura tenu les promesses - et même plus - que son pilote laissait entrevoir : ne boudons donc pas notre plaisir !
Suits met en scène l'association détonante de deux juristes très différents. Harvey Specter, un des meilleurs avocats d'affaires New Yorkais, prend sous son aile un jeune homme, Mike Ross, qui ne sait plus vraiment où il en est dans sa vie. Particulièrement doué pour maîtriser les rouages du droit, ce dernier n'a cependant aucun diplôme d'avocat, et certainement pas de Harvard où le cabinet de Harvey recrute tous ses collaborateurs. Qu'importe, Harvey perçoit du potentiel en Mike, loin du formatage universitaire, et décide donc de l'embaucher. Tout en s'inscrivant dans la lignée des bromances chères à USA Network, la série dispose grâce à son concept de départ de versants relationnels multiples à exploiter. En effet, si elle met en scène une collaboration professionnelle productive et une amitié en construction, les deux personnages ne sont pas placés sur un pied d'égalité dans cette carrière d'avocat vers laquelle ils convergent. Mike a beau être astucieux, il n'en demeure pas moins jeune et inexpérimenté ; Harvey s'impose donc dans un rôle de mentor, qui apporte une dimension supplémentaire à leurs rapports.
Dans l'ensemble, la première saison de Suits est homogène et bien équilibrée. Construite comme un procedural show (1 épisode = 1 affaire), elle suit cependant une trame qui va permettre aux personnages de se dévoiler dans les difficultés, mais aussi d'apprendre - particulièrement pour Mike qui doit s'ajuster à l'environnement ultra-concurrentiel formé par tous ces jeunes loups ambitieux/collaborateurs du cabinet, déjà parfaitement intégrés dans le moule de ce milieu professionnel. Dans le même temps, Harvey fait le show à l'écran : fin stratège, calculant, contrôlant et maîtrisant tous les facteurs, il est le personnage génial par excellence. Il ne s'en humanise pas moins peu à peu, se dévoilant également à mesure que la saison progresse, certaines affaires révélant de nouveaux pans du personnage. La dynamique entre les deux est très intéressante par sa versatilité et l'évolution qu'elle connaît : si Harvey fait souvent la leçon à Mike, ce dernier doit parfois aussi remettre les choses au point. Au fil de la saison, le duo parvient à une forme de respect et de compréhension réciproques, des forces et faiblesses de chacun.
La réussite de la première saison de Suits tient au juste équilibre qu'elle trouve : savoir se montrer attachante et sympathique grâce à son duo principal, tout en jouant sur la fibre du legal drama pour dépeindre sans concession ce milieu juridique. Les affaires - parfois plusieurs en parallèle dans un épisode - y sont rondement menées. C'est surtout au droit des affaires que l'on touche, avec une série au final très procédurale qui laisse une large place aux négociations et à toute la préparation en amont, nos héros se retrouvant rarement devant un tribunal. La fiction ne cherche pas à s'interroger pas sur l'opportunité de la législation. En revanche, elle présente une mise en scène enthousiasmante et énergique des gymnastiques intellectuelles de ces praticiens du droit, rôdés dans l'art de tourner les textes et d'identifier la petite clause ou l'expertise perdue dans un dossier de trois kilomètres qui sera favorable à leur cause/client. Cela donne un legal drama dynamique qui exploite efficacement son parti pris de départ, sans pour autant tomber dans la caricature de l'avocat-sophiste.
A ce jeu des rapports de force, où chacun rivalise d'égo, d'astuce et de ruse, Suits est très plaisante à suivre. C'est un solide divertissement qui tient la route, même si, certes, tout n'est pas exempt de reproche. Certaines résolutions d'affaires seront un peu expédiées. Mais l'important étant finalement tout ce qu'elle a pu générer pour arriver au résultat, cela reste très anecdotique. De même, le relationnel amoureux de Mike, fil rouge hésitant lié au risque de découverte des mensonges que contient son CV, est vite un peu répétitif, sans avoir véritablement de marge de manoeuvre pour évoluer. Bon gré, mal gré, à partir du triangle subliminal introduit dans le pilote, la saison nous conduit vers un ultime cliffhanger très prévisible, suivant un enchaînement de choix que l'on pouvait voir venir dès le début. Cependant, la série restant honnête avec elle-même, sans trop s'apesantir sur cette dimension personnelle, le téléspectateur ne lui en tient pas rigueur.
Attachante sur le fond, Suits l'est tout autant côté casting. Gabriel Macht (Les médiums) fait le show avec un aplomb jubilatoire, avocat jusqu'au bout de la cravate et de sa coiffure bien ordonnée. Face à lui, Patrick J. Adams parvient bien à retranscrire un personnage à multiples facettes, intelligent, mais aussi peut-être pas assez tueur pour devenir un très bon avocat. Dans le cabinet, Gina Torres (Firefly, Huge) et Rick Hoffman (The Street, Samantha Who) sont aussi à la hauteur, pour occasionner quelques numéros de duettistes savoureux.
Enfin, le dernier grand atout, une autre bonne raison de jeter un oeil à Suits, tient au cadre dans lequel elle se déroule. En effet, cette série respire New York - version carte postale (qui reste sans doute la seule grande ville américaine que j'aime retrouver). Et pour qui apprécie cette ville, à la manière d'un White Collar (la filiation avec la première, en terme d'identité visuelle, est manifeste), Suits sait indéniablement très bien mettre en valeur ce décor, notamment en offrant quelques magnifiques vues. Les yeux du téléspectateur peuvent donc briller devant leur petit écran :
Bilan : Legal drama dynamique et sympathique, bénéficiant de personnages attachants qui fidélisent sans difficulté un public vite séduit, Suits est la digne représentante d'une combinaison réussie dans la recette classique de USA Network. Série divertissante et plaisante à suivre, elle conserve toujours un rythme rapide, avec des épisodes bien exécutés, où les stratégies élaborées et les différents twists retiennent jusqu'au bout l'attention du téléspectateur. On ne s'ennuie pas et on passe un bon moment : amateurs de fictions judiciaires agréables à suivre, à vos petits écrans !
NOTE : 7,5/10
La bande-annonce de la saison 2 (Début 14 juin 2012, USA Network) :
11:06 Publié dans (Séries américaines) | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : usa network, suits, gabriel macht, patrick j. adams, gina torres, rick hoffman | Facebook |
09/06/2012
(Pilote NOR) Koselig Med Peis (Norwegian cozy / Esprit norvégien) : un drama familial touchant
Février dernier avait été l'occasion d'une première incursion dans le petit écran norvégien avec une co-production réalisée avec les Etats-Unis, la dépaysante Lilyhammer. Aujourd'hui, c'est une série 100% venue de Norvège dont je vais vous parler : Koselig Med Peis. Encore que son créateur, Thomas Torjussen, n'hésite pas à citer Six Feet Under parmi ses sources d'inspiration dans un registre du drame familial dont certains ingrédients seront en effet familiers au téléspectateur. Cependant cette fiction sur laquelle il a travaillé trois années n'en est pas moins empreinte d'une atmosphère caractéristique, propre aux oeuvres d'Europe du Nord.
Koselig Med Peis (Norwegian Cozy à l'international ; ou encore Esprit norvégien en version française) est une mini-série de six épisodes, d'une durée d'1 heure chacun environ. Elle a été diffusée en Norvège sur NRK1 en début d'année 2011. Pour les curieux parmi vous, sachez qu'elle arrive très prochainement en France sur Eurochannel, où sa diffusion débutera le dimanche 17 juin à 19h45. Et si vous ne recevez pas cette chaîne, tout n'est pas perdu : le coffret DVD norvégien comprend en effet une piste de sous-titres anglais, il est disponible notamment par là. En ce qui me concerne, après tout le bien qu'avait pu en dire LadyTeruki, cette série figurait sur ma liste "à voir" depuis plus d'un an. Je me suis enfin lancée ; et si j'ai mis un peu de temps à rentrer dans ce pilote, j'en suis ressortie très intriguée.
Koselig Med Peis s'ouvre sur le retour de Georg, 36 ans, qui vient rendre visite à ses parents. Enfin, à sa mère surtout qui a refait sa vie avec une femme, tandis que les relations très dégradées qu'il entretient avec son père, Frank, font de ce dernier presque un étranger. Georg retrouve aussi à la table familiale son jeune frère, Terje, et son sens de l'entreprenariat mené en dehors des sentiers battus. Mais c'est seul qu'il arrive chez sa mère, s'étant encore disputé avec sa petite amie, une chanteuse qui vient tout juste de sortir un disque et avec laquelle il n'a plus grand chose en commun alors qu'elle lance sa carrière. Son couple ne tient plus qu'à un fil, ou même peut-être est-il déjà bel et bien fini.
Georg aurait pourtant une annonce à faire : peu avant leur dernière rupture, sa compagne lui avait dit être enceinte. L'idée d'être parent un jour l'amène à essayer de renouer avec ce père à l'égard duquel il nourrit plus de rancoeur que de sentiments. Pousser la porte de la vieille demeure famliale le fait retourner sur les traces d'une enfance lointaine, à la source de ses doutes sur sa vie d'adulte et sur sa conception de la paternité. L'état de son père s'est cependant considérablement dégradé loin d'eux. Son médecin pense qu'il faut que quelqu'un s'occupe désormais de lui, et sollicite Georg. Si ce dernier refuse dans un premier temps, la confirmation de la rupture avec son amie et le fait qu'il ne travaille pas le conduit à accepter la surprenante proposition de son père qui, par une tirade lapidaire, l'invite à revenir habiter dans la maison.
Le pilote de Koselig Med Peis démarre lentement, mais à mesure que l'on découvre les Broch-Hansen, s'impose très vite une atmosphère particulière : celle d'un drama familial, aux caractérisations justes, qui se nourrit des peurs de ses personnages. L'épisode nous introduit en effet au sein d'une famille éclatée, guère harmonieuse, privée de toute figure fédératrice, où l'absence de communication règne et chacun semble vivre de ses désillusions, jetant un regard désabusé sur ce qui l'entoure. La prise de distance apparente est pourtant illusoire : chaque personnage est marqué par ces relations, leurs dysfonctionnements et les craintes qui en découlent.
Dans ce tableau familial, on a ainsi tout d'abord Georg : de retour chez ses parents, il se retrouve célibataire, sans aucune vie professionnelle, à déjà 36 ans. De son côté, son frère cultive ses postures à contre-courant. Après avoir publié un livre, il a trouvé refuge sur le net pour mener à bien des projets d'un genre très particuliers, comme l'idée de vivre de la publicité rapportée par un site internet dont il veut booster les visites en... mettant en ligne des vidéos de lui déféquant sur les drapeaux des pays du monde (en commençant dès le pilote par celui de la Norvège !). Les deux fils se positionnent dans leurs choix de vie par rapport à leur père, Frank, qui nous est d'abord présenté à travers leur regard négatif : désagréable, de plus en plus marginal, il est en plus malade. Finalement, seule la mère semble avoir su s'affranchir de cet environnement névrosé : justement parce qu'elle a refondé une famille, refaisant sa vie avec une femme et semblant vivre heureuse en couple. Mais elle n'en conserve pas moins un regard sans illusion sur son ex-mari, voire même parfois sur ses enfants.
Au cours de cet éclairage sur cette famille dysfonctionnelle, le pilote s'intéresse plus particulièrement aux rapports père/fils. On est frappé par cette aspiration farouche à la normalité de Georg, sur laquelle vient s'ajouter une impression de fuite irrépressible. Revenir dans la demeure familiale qui est comme figée dans le temps, réveille les sources des peurs adultes du personnage. Les deux fils partagent d'ailleurs la même crainte de devenir comme leur père : pas seulement pour la froideur et le rejet qu'ils ont dû endurer, mais aussi pour cette absence de communication, devenue une véritable déconnexion sociale suite aux manifestations d'instabilité mentale. Chacun a leur manière, cette peur d'un glissement vers la folie les paralyse. Ils recherchent instinctivement l'opposé, agissant en antithèse du comportement paternel pour fuir ce risque. L'écriture de la série, retranscrivant leurs actes et les maladresses qui les accompagnent, met en exergue le troublant paradoxe d'une attitude qui semble plus rapprocher les fils qu'elle ne les éloigne de ce père.
Si Koselig Med Peis a un versant désabusé, la tonalité n'est pas pesante. La série conserve une dose d'humour noir qui apporte une relative légèreté bienvenue. De plus, elle n'omet pas de se tourner vers l'avenir, avec une dose d'espoir. En effet, tout rêve pour le futur n'est pas oublié. Georg espère une famille. L'idée est inaccessible pour le moment, mais le désir existe. Et il se manifeste par les scènes les plus réussies de ce pilote, embrassant un registre surréaliste opportun : dans les scènes d'ouverture (dont on ne comprend pas immédiatement la portée) et de conclusion, Georg délivre un monologue d'une sincérité et d'une émotion simples et désarmantes adressé à un fils fantasmé, déjà nommé Joakim, désormais avorté, auquel il expose ses vues et ses attentes. La scène finale est particulièrement touchante, elle parachève la tonalité douce amère de l'épisode et vous convainc d'être au rendez-vous pour le suivant.
Sur la forme, Koselig Med Peis bénéfice d'une réalisation posée. Dans les images, dominent des couleurs froides et/ou sombres. Les flashback du passé surgissent à travers un filtre beige claire, comme des instantanés semi-effacés directement issus de la mémoire des personnages. Toute l'identité visuelle qui se dégage de cette série est très travaillée, et reflète vraiment bien l'atmosphère particulière d'un récit, où la tonalité oscille entre pathos et nostalgie, où percent instants émotionnelles et humour noir.
Enfin, le casting se met au diapason de cette ambiance, avec un jeu extrêmement sobre, à la simplicité recherchant une certaine authenticité. Anders Baasmo Christiansen (Dag) incarne ce fils qui avait tenté vainement de laisser derrière lui sa famille et ce coin de son enfance, pour finalement devoir revenir habiter dans la demeure familiale, rouvrant ainsi la source de tous ses doutes sur sa vie. Anders Danielsen Lie joue son frère, atypique et sombre. On retrouve également Stein Winge, Tone Danielsen (Jul i Blåfjell, Jul på månetoppen), Kristin Kajander, Viktoria Winge ou encore Anna Bache-Wiig (Gutta Boys, Åse Tonight).
Bilan : Dotée d'une écriture très sobre, où la désillusion poignante cohabite avec un certain humour noir, et saupoudrée d'une dose de surréalisme bienvenue, Koselig Med Peis se révèle être un très intéressant drama familial auquel il faut laisser le temps de s'installer. Evoquant des rapports compliqués avec un père étranger et la manière dont ils scellent la vie d'adulte, ce portrait de famille aux personnages dysfonctionnels trouve le moyen de toucher le coeur du téléspectateur.
La série n'est sans doute pas à mettre entre toutes les mains, mais les amateurs de ce mélange particulier devraient apprécier ! Tout comme ceux qui s'intéressent aux fictions scandinaves.
NOTE : 7,75/10
La bande-annonce de la série :
L'ouverture (qui capture l'ambiance du retour) :
13:35 Publié dans (Séries européennes autres) | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : norvège, nrk, koselig med peis, norwegian cozy, esprit norvégien, eurochannel, anders baasmo christiansen, anders danielsen lie, stein winge, tone danielsen, kristin kajander, viktoria winge, anna bache-wiig | Facebook |
06/06/2012
(J-Drama) Jin, saison 1 : un chirurgien parachuté au XIXe siècle dans l'époque d'Edo
Il était écrit que cette semaine serait placée sous le signe du voyage temporel ! En ce mercredi asiatique, c'est d'une série à la saveur très particulière dont il va être queston, avec une review promise il y a longtemps que j'ai (enfin) pris le temps de rédiger sur un des plus marquants (et incontournables) dramas japonais de ces dernières années : Jin. Car avant de me lancer dans le remake sud-coréen Dr. Jin, actuellement en cours de diffusion au pays du Matin Calme, ces dernières semaines, je m'y suis préparée en revisionnant la version japonaise. Principalement parce que je ne pouvais imaginer évoquer le k-drama sans avoir écrit une critique complète sur le j-drama.
A l'origine de ces séries, se trouve un manga populaire de Murakami Motoka (dont l'édition est en cours en France, 16 tomes étant à ce jour disponibles). La série japonaise compte - c'est assez rare pour être souligné - deux saisons, de 11 épisodes chacune. Diffusée le dimanche soir sur TBS, la première l'a été du 11 octobre au 20 décembre 2009, tandis que la seconde le sera du 17 avril au 26 juin 2011, rencontrant un succès public non démenti. Pour des raisons "pratiques" (histoire de vous proposer un article à longueur... humaine), ce billet portera sur la première saison uniquement, en s'arrêtant sur les grandes caractéristiques de Jin. Un autre article suivra pour évoquer les spécificités de la seconde, et l'évolution que connaîtra la série. De qualité constante, chaque saison a des orientations qui lui sont propres, justifiant cette distinction.
Minakata Jin est un chirurgien, exerçant de nos jours dans un grand hôpital de Tokyo. Il a longtemps semblé promis à une grande carrière, mais depuis qu'il a échoué dans une opération chirurgicale incertaine sur sa fiancée, Miki, la laissant dans un coma végétatif, il n'est plus le même, ayant perdu confiance en lui. Une nuit, alors qu'il est de garde, il opère un mystérieux patient atteint d'une tumeur au cerveau. Plus tard, son malade tente de s'enfuir de l'hôpital avec une trousse de survie. Dérapant dans les escaliers alors qu'il le poursuit, Jin chute... dans une faille temporelle. Lorsqu'il réouvre les yeux, l'instant d'après, il est désormais allongé dans l'herbe. Dans des bois qu'il ne reconnaît pas, il tombe alors sur une rixe entre... samourais, dont il est sauvé par le jeune Tachibana Kyotaro.
Incrédule, le médecin découvre qu'il a voyagé dans le temps pour se retrouver au XIXe siècle : il découvre l'époque d'Edo (ancien nom de Tokyo) dans les dernières années du shogunat Tokugawa. A une période où la médecine occidentale commence tout juste à parvenir jusqu'au Japon, où les épidémies de choléra font toujours des ravages, où bien des maladies ne peuvent être guéries, Jin découvre que ses connaissances médicales sont en mesure de jouer un rôle important. Mais sauver des vies peut avoir un prix : de quelle marge de manoeuvre dispose-t-il ? Peut-il vraiment changer et re-écrire l'Histoire alors qu'il sait quelle période troublée s'annonce et qu'il rencontre plusieurs grandes figures historiques ? Tandis qu'il s'interroge sur les raisons de son arrivée dans le passé, Jin s'inquiète aussi pour son futur : pourra-t-il retourner dans le présent ?
Fiction d'une richesse rare, la grande réussite de Jin sera d'être capable d'exploiter pleinement le potentiel impressionnant de son concept de départ, qui lui permet d'aborder de multiples thématiques. Se situant ainsi à la croisée de différents genres (médical, historique, science-fiction même) qu'il est rare de voir mélangés de manière si homogène, le drama marque en premier lieu par sa profonde humanité. C'est en effet une série à l'émotivité à fleur de peau (ou d'écran) : chaque péripétie se vit et se ressent avec une intensité qui ne peut laisser le téléspectateur indifférent. Abordant les évènements souvent sous un angle introspectif et personnel, l'écriture traite avec une sincérité à la fois troublante et désarmante des épreuves placées sur la route de nos héros et de leurs réactions, qu'il s'agisse des tragédies éprouvantes contre lesquelles ils resteront impuissants ou des défis qu'ils sauront relever admirablement et dont ils ressortiront plus forts.
De manière générale, Jin s'apparente à un véritable kaléidoscope d'émotions qui se fraye un chemin directement jusqu'au coeur du téléspectateur. Le personnage principal influe ici beaucoup : son éthique professionnelle chevillée au corps et son courage sont certes une source d'inspiration, mais il ne bascule jamais dans le syndrome du héros unidimensionnel. Au contraire, sa sensibilité naturelle, ses doutes constants et sa spontanéité parfois maladroite maintiendront toujours l'image d'un personnage très humain, vulnérable, tiraillé entre des impulsions contradictoires : protéger son futur ou agir sur ce passé. Autour de lui, gravite toute une galerie de personnages très différents. Figures historiques et anonymes plongés dans cette période troublée de la fin du shogunat, ils se nuancent et acquièrent une véritable épaisseur psychologique au fil des épisodes. Au contact d'un Jin qui semble toujours vouloir voir le meilleur dans ses interlocuteurs, chacun apprend sur lui-même, et découvre comment se surpasser. Il y a dans ce drama une dimension initiatique et de prise de conscience qui conduit chacun à agir à son niveau.
En second lieu, Jin va savoir tirer le meilleur parti possible de cette idée de voyage dans le temps impromptu, en l'exploitant non pas dans le registre de la science-fiction, mais plutôt dans celui de l'historique. La reconstitution d'Edo est soignée. La série va très bien jouer sur le dépaysement occasionné pour ce chirurgien moderne : une bonne partie de la première saison évoque ainsi la manière dont il doit s'adapter aux moeurs (notamment par rapport à la jeune Saki, fille d'une famille respectable de samourais), mais aussi aux particularités sociales et politiques de cette période. Sur ce dernier point, l'enjeu est d'importance puisque des bouleversements sont à venir. La saison 1 les évoque encore de manière assez lointaine, mais bien présente cependant : la décennie des années 1860 est en effet celle de la restauration de Meiji. Jin n'est pas historien, mais il sait que des heures sombres se profilent. Le poids de l'Histoire se matérialise plus particulièrement avec l'introduction dans le récit de figures célèbres : l'amitié qui se noue entre Jin et Sakamoto Ryoma sera destinée à jouer un rôle de fil rouge pour nous faire vivre ces évènements.
De plus, l'originalité de la dimension historique tient au fait que Jin reste également une série médicale. Elle adopte certes une approche un peu hybride car, tout en mettant en scène des blessures typiques de l'époque (les entailles faites au sabre) ou des maladies qui font encore des ravages (choléra, syphillis), le chirurgien apporte avec lui des connaissances particulières qui ouvrent de nouveaux horizons aux gens d'Edo. Mais l'approche médicale demeure très rigoureuses. Les opérations chirurgicales sont détaillées, ayant souvent tendance à éclairer l'ingéniosité dont il faut faire preuve pour réussir à réaliser des opérations complexes sans outils modernes. Globalement, l'histoire de cette saison 1 est structurée autour de ces grands enjeux médicaux : avec notamment la conception de médicaments, et notamment la fameuse pénicilline que Jin va rendre accessible plus d'un demi-siècle avant sa découverte "officielle". Ce drama prouve une fois encore, comme le sud-coréen JeJoongWon par exemple, que le "médical historique", lorsqu'il est bien traité, est un sujet passionnant.
Par ailleurs, Jin est également une belle réussite sur le plan formel. La réalisation est soignée. La caméra sait bien mettre en valeur quelques images symboliques comme cette vue plongeante sur Edo, de cette colline sur laquelle Jin se rend pour s'isoler. Elle jouera aussi sur les filtres de couleur, variant les teintes suivant l'atmosphère des scènes. Mais c'est surtout par son OST, somptueuse, que Jin marque les esprits : l'accompagnement musical, très présent, fait vraiment corps avec le récit, rythmant la narration, sublimant certains passages, sans jamais donner l'impression d'en faire trop. C'est bien simple : l'orchestration musicale est une des plus belles qu'il m'ait été donné d'écouter dans une série japonaise (et elle me hantera longtemps).
Enfin, Jin bénéficie d'un solide casting, au sein duquel Osawa Takao s'impose avec beaucoup de présence. C'est une interprétation très intense et émotionnelle qu'il délivre pour incarner ce chirurgien s'efforçant de faire face à la situation ; il n'est pas pour rien non plus dans l'empathie que le téléspectateur peut éprouver à son égard. Ayase Haruka (Byakuyako, Hotaru no Hikari) apporte la fraîcheur et l'énergie qu'il convient pour le personnage de Saki, à la fois assistante, disciple et confidente. Koide Keisuke (Perfect Report) est son frère qui, lui, cherche encore sa place dans la société de l'époque. C'est Nakatani Miki qui joue la fiancée dans le présent de Jin, et Nokaze, son ancêtre, dans le passé : elle fait preuve d'une grande classe dans la série. Uchino Masaaki (Rinjo) interprète quant à lui Sakamoto Ryoma : il ne trouve pas toujours l'équilibre entre le sur-jeu et le héros historique à l'aura impressionnante mais qui doit encore apprendre à se maîtriser, même si dans l'ensemble, dans cette première saison, le personnage reste ainsi intriguant. Par ailleurs, on retrouve beaucoup de têtes familières du petit écran japonais comme Aso Yumi, Kiritani Kenta, Takeda Tetsuya, Taguchi Hiromasa, Kobayashi Katsuya, Okuda Tatsuhito, Kohinata Fumiyo, Nakamura Atsuo ou encore Hirayama Hiroyuki.
Bilan : D'une richesse narrative impressionnante, Jin est une perle rare qui allie différents registres que l'on a peu l'occasion de voir aussi bien entremêlés : le médical, l'humain, l'historique, et même la science-fiction en arrière-plan puisque tout débute par cette faille temporelle. Capable d'émouvoir et de faire vibrer le téléspectateur avec une intensité rare, Jin est une belle histoire, initiatique pour ses personnages, mais aussi pour le pays dans lequel elle se déroule et qui se situe à l'aube d'un important bouleversement. Portée par une magnifique OST, une réalisation intéressante et une diversité des thématiques qui maintiennent un rythme narratif sans temps mort, elle délivre un récit qui redonne du baume au coeur. S'il s'avère poignant et tragique à l'occasion, il est en effet animé par un volontarisme plein de vitalité. Une série incontournable.
NOTE : 9/10
Le générique :
Le thème principal de l'OST :
17:05 Publié dans (Séries asiatiques) | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : j-drama, jin, tbs, osawa takao, ayase haruka, koide keisuke, aso yumi, nakatani miki, mizusawa elena, takaoka saki, musaka naomasa, mizusawa aki, kiritani kenta, takeda tetsuya, taguchi hiromasa, kobayashi katsuya, okuda tatsuhito, unchino masaaki, kohinata fumiyo, nakamura atsuo, hirayama hiroyuki, yamamoto koji | Facebook |