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19/06/2013

(J-Drama) Tsugunai (The Unforgiven) : l'histoire d'une reconstruction personnelle

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Retour au Japon en ce mercredi asiatique ! L'occasion de nous intéresser à un court renzoku diffusé à la fin de l'année dernière (du 17 novembre au 1er décembre 2012) sur NHK BS Premium : Tsugunai (The Unforgiven). Comptant en tout 3 épisodes d'une cinquantaine de minutes chacun, il s'agit de l'adaptation à l'écran d'un roman portant le même titre de Yaguchi Atsuko, publié en 2001. C'est une review de Kerydwen il y a quelques mois qui avait attiré mon attention sur cette fiction, son sujet paraissant prometteur : on y retrouve ce thème du retour à la vie (réussi ou non) qui reste prisé dans le petit écran japonais (pas plus tard qu'il y a trois semaines, souvenez-vous de Haitatsu Saretai Watashitachi par exemple). Mêlant un parcours introspectif personnel et des enquêtes criminelles, Tsugunai s'est révélée être une oeuvre intéressante à plus d'un titre, même si son approche n'est pas exempte de limites.

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Autrefois brillant neurochirurgien promis à une belle carrière, Hidaka Eisuke privilégiait son métier à sa famille. Mais un jour, tout a déraillé dans cette vie parfaitement ordonnancée : alors que ses ambitions professionnelles se sont assombries, se retrouvant réduit à un rôle de bouc-émissaire pour l'hôpital suite à une plainte, Eisuke est incapable d'empêcher le brusque décès de son fils. Sa femme ne se le pardonnera pas : elle se suicidera sous ses yeux quelques temps plus tard. Eisuke s'enfonce alors dans une spirale de désespoir. S'estimant responsable de ces tragédies, ayant perdu goût à tout, il devient un marginal. N'ayant plus de domicile, il erre désormais sans but apparent, perdu dans sa propre douleur et persuadé qu'il mérite tout ce qui lui arrive.

Lorsque le drama débute, ses pas le ramènent pourtant, malgré lui, dans sa ville de départ. Un soir, il est témoin du début d'un incendie dans un immeuble. Ayant donné l'alerte, il est vite suspecté par les policiers lorsque l'autopsie des victimes du feu révèle une agression antérieure. L'interrogatoire au commissariat fait ressurgir son identité, et le renvoie à un passé qu'il aurait aimé laisser derrière lui. Il est contraint de renouer avec une connaissance d'autrefois qui souhaite l'aider à sortir de l'enfer personnel dans lequel il s'est enfermé. Forcé de rester sur place sur ordre des autorités, Eisuke se retrouve en plus confronté à de nouveaux meutres dans le même quartier où a lieu l'incendie.

Impliqué dans l'enquête sur l'insistance des policiers, Eisuke voit ses soupçons se porter vers une personne qu'il a sauvée il y a 12 ans. A-t-il aussi sa part de responsabilité dans ces drames qui frappent la ville ?

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Tsugunai est un drama bâti autour de deux volets : il met en avant une approche intime qui va être l'histoire d'une reconstruction, tout en l'imbriquant dans une suite d'enquêtes criminelles. Ces dernières font office de fil rouge, mais restent pourtant en arrière-plan dans les enjeux, car il ne s'agit pas d'une fiction policière classique. L'intérêt de ce versant d'investigation tient à la collaboration exigée de la part d'Eisuke, laquelle va servir de catalyseur, d'électrochoc pour provoquer des rencontres et remobiliser l'ancien chirurgien. Ce qui est au coeur du récit, ce sont avant tout ses personnages ; les enquêtes n'ont d'intérêt que pour l'impact qu'elles ont sur ces derniers. Cela explique certaines limites : elles progressent à leur rythme, sans vraiment chercher ni tension, ni suspense. Si Tsugunai s'en tire au final assez honorablement pour proposer une résolution cohérente les différents crimes - connectés ou non -, le téléspectateur doit cependant passer outre un certain nombre de raccourcis ou de facilités auxquels cède le scénario, que les quelques twists attendus ne parviennent pas à masquer. Outre cette fonction de fil conducteur déclencheur, ce versant policier a aussi le mérite d'apporter au récit un duo d'enquêteurs à la dynamique intéressante,  dont les rapports avec Eisuke vont s'avérer déterminants.

Cependant, c'est dans son thème central, celui de la quête expiatoire, que Tsugunai forge son ambiance particulière. Un questionnement sous-tend l'ensemble du récit : une personne brisée peut-elle guérir ? Ceux dont l'âme même a été atteinte peuvent-ils retrouver, d'une façon ou d'une autre, grâce au temps ou à des évènements, ce goût à la vie perdu ? Le drama propose un récit très humain et personnel en suivant les pas d'Eisuke. Les circonstances lui offrent, pour ce retour dans la ville où tout a commencé, une voie possible vers la reconstruction. Entraîné dans les enquêtes policières malgré lui, il est contraint de sortir de sa léthargie. Des réflexes oubliés ressurgissent alors, et il s'implique à nouveau dans la vie de personnes qu'il croise, et il va même agir, à son niveau, sur leur existence. Dans ce cadre, la série ne ménage pas le recours à des parallèles symboliques pour caractériser le parcours d'Eisuke, lui faisant renouer avec son passé, mais aussi faire face aux conséquences d'anciennes actions. Cela permet la mise en scène d'une évolution progressive d'Eisuke (il n'y a pas de miracle du jour au lendemain), rendue touchante par le partage de ses états d'âme. Le téléspectateur s'implique ainsi à ses côtés. De plus, l'expiation et la guérison seront des thèmes qui toucheront au-delà du protagoniste principal : en lui offrant la possibilité d'aider certains, c'est lui-même qu'il va aider.

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Sur la forme, Tsugunai bénéficie d'une mise en scène relativement soignée, avec une photographie bien dosée aux couleurs souvent épurées. Le temps caniculaire dans lequel se déroule le drama se traduit par quelques effets à l'écran illustrant la vague de chaleur et qui renforcent un ressenti d'atmosphère poisseuse et lourde. De manière générale, il se dégage de l'ensemble une sobriété et un ton posé, renforcés par une bande-son qui reste sur la réserve, accompagnant l'histoire sans jamais se faire envahissante.

Enfin, côté casting, Tsugunai offre avant tout une belle occasion à Tanihara Shosuke (Love Shuffle, Mop Girl, Magma) de s'exprimer pleinement dans un rôle qui ne laisse pas insensible. L'acteur se révèle capable d'apporter ce qu'il faut de nuance à la douleur et à la prostration dans laquelle son personnage semble s'être noyé, apportant progressivement à ce portrait des touches de ce retour à la vie qu'il connaît. A ses côtés, on retrouve notamment Kimura Tae (LADY~Saigo no Hanzai Profile~), Ashina Sei (Cleopatra na Onnatachi, Yae no Sakura), Imai Yuki (Shima no Sensei), Komoto Masahiro (Marks no Yama, Magma) ou encore Nakahara Takeo (Hagetaka, Zettai Reido).

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Bilan : Récit empreint d'humanité, Tsugunai est une déclinaison particulière, engageante et assez convaincante, de ce thème fort qui est celui de la guérison, d'un retour à la vie aux accents de reconstruction. L'histoire retient l'attention avant tout pour le parcours personnel mis en scène, le volet policier étant un fil rouge provoquant ces évolutions, sans prendre le pas sur elles. Si le drama se concentre sur Eisuke, il faut cependant saluer le fait qu'il sait créer différentes dynamiques relationnelles intéressantes, même si le format court ne permet pas de toutes les explorer pleinement. La narration se heurte à certaines limites et cède à des facilités, mais Tsugunai reste une histoire simple et touchante, sur la manière de clôturer les tragédies du passé afin de pouvoir envisager un futur, qui se visionne avec plaisir.


NOTE : 7/10

11/07/2012

(J-Drama / SP) Kyogu : des destinées croisées sur fond de kidnapping

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Depuis le succès rencontré par le film Kokuhaku (Confessions) en 2010, qui transposait sur grand écran un de ses romans, on peut dire que l'écrivaine Minato Kanae connaît une période faste : ses livres sont considérés comme un matériau de choix pour servir de base à des adaptations télévisées et cinématographiques. Ma première rencontre avec son univers a eu lieu, souvenez-vous, avec le marquant Shokuzai, drama diffusé en début d'année sur WOWOW. Un autre projet, à destination du cinéma cette fois, est également programmé pour la fin de l'année, Kita no Canaria-tachi (A Chorus of Angel). Mais aujourd'hui, c'est sur un tanpatsu datant de fin 2011 que nous allons nous arrêter.

Kyogu a été diffusé sur TV Asahi le 3 décembre 2011, un samedi soir en prime-time. Cet unitaire d'une durée totale de 1 heure 45 a fait de bons scores d'audience. C'est Yajima Masao qui s'est chargé de l'adaptation du roman à la télévision. C'est lorsque j'avais fait des recherches suite au visionnage de Shokuzai que je l'avais noté sur ma liste à découvrir, puis la critique faite par Katzina m'avait confortée dans mon idée. Au final, c'est un intéressant récit, très humain, de deux destinées croisées.

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Kyogu met en scène deux amies d'enfance, ayant grandi ensemble dans un orphelinat, sans connaître leurs origines. Entrées dans l'âge adulte, elles ont suivi des chemins différents. Takakura Yoko mène jusqu'alors une vie heureuse : elle a épousé un homme de bonne famille, politicien élu au Parlement, avec lequel elle a un fils de 5 ans, Yuta. En plus de cette vie personnelle épanouie, elle vient de remporter une récompense pour son premier livre illustré à destination des plus jeunes. L'histoire y est semi-autobiographique au sens où il parle de leur enfance et de ce que représentait l'image d'un ruban bleu pour elle et son amie, Aida Harumi - dont c'est en quelque sorte l'histoire. Harumi, très entreprenante, exerce elle le métier de journaliste.

Mais alors que tout semble aller pour le mieux dans sa vie, Yoko va voir plusieurs évènements venir la troubler. Dans un premier temps, il lui faut faire face à des accusations faites contre son mari, interrogé par la police sur de possibles financements illégaux. Puis, c'est son fils qui disparaît de son club de natation, alors que son époux est à l'étranger. L'hypothèse du kidnapping se confirme lorsqu'un mystérieux fax est reçu à la permanence lui intimant de révéler au public "la vérité" pour espérer revoir Yuta. Pressée de ne pas prévenir la police et de tout faire pour sauver son enfant, Yoko appelle alors à l'aide Harumi...

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Il est difficile de rédiger une review sur Kyogu sans en dire trop, alors qu'il s'agit d'un récit qui mérite d'être découvert avec un regard neuf sans connaître préalablement ses aboutissants. En premier lieu, il faut cependant préciser que, contrairement à ce que le synopsis aurait pu laisser croire, ce tanpatsu n'est pas un thriller au sens propre du terme. Il ne mise par vraiment sur le suspense. Le kidnapping de Yuta est certes un évènement déclencheur, mais très vite, ce n'est pas tant le sort de l'enfant, ni même l'identité du kidnappeur qui retiennent l'attention du téléspectateur : ce qui interpellent, le vrai mystère, ce sont les motivations derrière l'acte commis. Qu'est-ce qui a pu pousser quelqu'un à recourir à une telle extrémité ? Qui est vraiment visé, Yoko ou son mari ? Et qui peut vouloir ainsi forcer à exposer publiquement cette "vérité" réclamée dans le premier fax ? 

Après une première partie où Kyogu met surtout en scène les premières réactions et esquisse une enquête, semi-artisanale, loin de la police, le récit prend sa réelle dimension lorsque Yoko en appelle à Harumi et que les deux jeunes femmes unissent leurs forces. A un suspense qui ne prenait pas, succède une tension psychologique autrement plus intéressante. L'histoire prend un tournant plus personnel et introspectif. Tout en exhumant des drames oubliés faits de déchirements qui ont toujours des conséquences actuelles sur les vies, le tanpatsu met aussi en lumière, de façon troublante, la complexité tellement humaine des liens d'amitié forgés dans des circonstances difficiles. A ce titre, la manière dont est exploitée l'image du ruban bleu accentue la dimension poignante d'un récit à la fois simple et touchant : cet objet, qui est aussi le fil rouge du livre de Yoko, reste un symbole maternel pour des orphelines chez qui il représente aussi bien le lien vers leurs origines qu'un espoir pour le futur. La jolie - mais un peu facile - conclusion prouve d'ailleurs combien cet aspect prime sur le reste du récit. 

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Sur la forme, Kyogu bénéficie d'une réalisation assez soignée et très épurée, qui propose quelques beaux plans. La caméra semble faire preuve d'empathie et a une façon très pudique de capter la détresse de certains personnages. Je retiendrai aussi plus particulièrement la belle photographie d'ensemble, notamment lorsque le réalisateur entreprend de jouer à l'écran sur les déclinaisons de bleu, couleur au coeur du récit. Quant à la bande-son, elle accompagne tout en retenue la narration, restant avec justesse assez minimaliste.

Enfin, pour asseoir son histoire, Kyogu a le mérite de pouvoir s'appuyer sur un solide casting dans l'ensemble convaincant. Parce que c'est avant tout un drama au coeur duquel se trouve un duo de femmes marquant, il faut tout d'abord saluer les interprétations de Matsuyuki Yasuko (Mother) et de Ryo (Code Blue, Bitter Sugar), qui incarnent Yoko et Harumi. Les scènes qu'elles partagent sont les plus réussies du tanpatsu, et elles offrent toutes les deux des performances intenses. A leurs côtés, on retrouve notamment Sawamura Ikki, Azuma Mikihisa, Tabata Tomoko, Ashina Sei, Nagura Jun, Kishibe Ittoku, Shirakawa Yumi, Nishimura Masahiko, Nogiwo Yoko et enfin Nishimoto Haruki.

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Bilan : A partir d'une histoire de kidnapping qui aurait pu le rapprocher du thriller, Kyogu se révèle être un tanpatsu poignant qui privilégie habilement l'émotionnel au suspense. Avec simplicité et tact, il nous glisse dans une histoire d'amitiés, de destinées entrecroisées, s'intéressant aux empreintes laissées par le passé. En résumé, c'est une histoire avant tout humaine qui, après s'être un peu cherchée dans un premier temps, trouve son équilibre et une justesse de ton intéressante dans sa seconde partie.


NOTE : 7/10