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08/07/2012

(Mini-série UK) True Love : une suite d'instantanés amoureux doux-amers

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Fin juin, Dominic Savage s'est essayé à un exercice assez particulier sur BBC1. La chaîne a en effet proposé une mini-série, au format relativement court (cinq épisodes de moins d'une demi-heure), qui avait la particularité d'être semi-improvisée et d'adopter une format quasi-anthologique pour relater cinq histoires distinctes. La brièveté des développements rapproche l'ensemble du court métrage. Personnellement, cette ambiance m'a aussi beaucoup rappelé des séries japonaises au principe de départ assez proche, notamment certains ketai dramas (séries pour téléphone) comme Sweet Room par exemple que j'avais visionné en janvier dernier. Si la prise de risque était réelle et les moyens réunis avec un casting impressionant, le résultat a cependant été plus mitigé. Le public anglais lui-même n'a pas été convaincu : diffusée du 17 au 20 juin 2012, la mini-série n'a cessé de perdre des téléspectateurs, s'ouvrant avec 3,11 millions pour se conclure avec 1,49 millions.

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Se déroulant dans une bourgade du bord de mer, à Margate, True Love raconte en tout cinq histoires d'amour, caractérisées par les doutes et les remises en question qui les accompagnent, indépendantes entre elles, si ce n'est, exceptionnellement, par des personnages qui s'entre-croisent dans certaines épisodes. Sont mises en scène des situations très diverses. Le premier épisode explore l'impact du retour d'un premier amour sur un mariage jusqu'alors heureux. Le second parle de coup de foudre, peu importe les engagements que l'on a. Le troisième est celui d'une enseignante qui se cherche, et tombe amoureuse d'une élève. Le quatrième parle d'infidélité et d'un couple qui s'éloigne jusqu'à devenir étrangers. Enfin, le cinquième est celui d'une tentative de reconstruction d'un père de famille, alors même que la meilleure amie de sa fille commence à éprouver des sentiments pour lui.

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True Love aurait sans doute mérité un titre plus nuancé, moins affirmatif, qui aurait reflété les doutes qu'elle va surtout s'attacher à souligner tout au long de ses récits. Car elle propose autant d'histoires compliquées que d'épisodes : il s'agit d'instantanés fugaces de relations troublées, qui tendent plus vers un tragique potentiel pour ce "true love", que vers un bonheur simple et apaisé. A ce jeu souvent versatile des sentiments, se mêlent des questions de responsabilité et d'engagements préalables. Le principal attrait de la mini-série - mais aussi, peut-être, une de ses limites - tient au fait que les dialogues soient laissés à la semi-improvisation des acteurs. L'objectif est d'offrir un traitement naturel, avec une touche plus personnelle que l'on doit à la libre appréciation du casting. Cette idée, louable sur le papier, fonctionne d'ailleurs par intermittence : avec ses silences, ses regards échangés plus parlants que bien des mots et ses hésitations, True Love a quelques moments de grâce, délivrant plusieurs scènes à la sincérité aussi troublante que poignante.

Mais le format court - moins d'une demi-heure - conjugué à l'ambition narrative que présentent certains récits trop complexes, voire caricaturaux, et sources de bouleversements nombreux, pèse sur la démarche. Ne permettant qu'insuffisamment d'approfondir chaque personnage, cela donne souvent l'impression désagréable de survoler de manière superficielle, au pas de course, une histoire qui, parfois, s'éteint aussi vite qu'elle est née ou se forge une solidité surprenante après seulement quelques moments partagés. Plus problématique que le relatif manque de crédibilité de certains récits - les épisodes sont sur ce point inégaux -, la mise en scène accélérée empêche de véritablement s'attacher aux personnages. Conséquence inévitable, c'est l'empathie qui devrait émaner de l'ensemble qui en souffre. Finalement, à la place de l'authenticité voulue l'emporte une artificialité un peu pesante, et le sentiment d'un potentiel inexploité, inachevé...

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Pour accompagner ces tableaux amoureux, face à un fond aussi minimaliste, c'est la forme qui prend le dessus, plus particulièrement par le biais d'une bande-son très présente, qui souligne et expose encore plus formellement les différentes étapes des relations suivies. Ces excès musicaux - "clipesques" - accentuent l'impression d'un récit condensé à l'essentiel qui mise sur un ressenti plus que le contenu d'une histoire. Il manque le juste dosage, une certaine subtilité... Mais pour peu qu'on apprécie le genre, le choix des chansons n'est pas désagréable - une certaine mélancolie émane de l'ensemble, à l'image de la seule chanson qui retentit dans les 5 épisodes (cf. 2e vidéo ci-dessous). Reste que tout cela contribue à ralentir un peu plus un rythme narratif déjà lent. Parallèlement, il faut reconnaître que la réalisation propose une belle photographie. True Love met en avant son cadre du bord de mer, en offrant quelques superbes vues du large, la plage restant un lieu de rendez-vous incontournable.

Enfin, la mini-série rassemble un casting impressionnant. C'est sans doute là un argument qui pourrait convaincre plus d'un téléspectateur d'y jeter un oeil, en dépit des faiblesses rencontrées sur le fond. La plupart des acteurs n'apparaissent que le temps d'un épisode (sauf exception), et vont donc faire parler leur instinct/expérience pour mettre en scène ces histoires qui laissent une place à l'improvisation. Si certains se heurtent à des récits non adaptés au format court, dans l'ensemble, True Love permet quand même d'apprécier d'intéressantes prestations. On y croise, en figures centrales successives, David Tennant (épisode 1 - Blackpool, Doctor Who), Ashley Walters (épisode 2 - Top Boy), Billie Piper (épisode 3 - Doctor Who, Secret Diary of a call girl), Jane Horrocks (épisode 4 - Absolutely Fabulous) et David Morrissey (épisode 5 - State of play, Blackpool). A leurs côtés, on retrouve aussi Vicky McClure (épisode 1 - actuellement dans Line of Duty), Charlie Creed-Miles (épisodes 3/4 - Injustice), Jo Woodcock (épisodes 1, 3 et 5 - Collision, Land Girls), Alexander Siddig (épisode 4 - Star Trek - Deep Space Nine), Kaya Scodelario (épisode 3 et 5 - Skins), Jaime Winstone (épisode 2 - Dead Set), Joanne Froggatt (épisode 1 - Downton Abbey), Lacey Turner (épisode 1 et 2 - Bedlam) ou encore Genevieve Barr (épisode 4 - The Silence). Autant dire que cela fait un sacré casting réuni devant la caméra ; cela laisse quelques regrets que le résultat ne soit pas à la hauteur des ambitions.

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Bilan : Mini-série contemplative aux histoires d'amour douces-amères, True Love restera un essai de semi-improvisation intriguant, qui nous aura réservé quelques scènes émotionelles d'une rare justesse qu'il faut saluer, mais dont les ambitions narratives n'étaient sans doute pas adaptées au format choisi. Son fond minimaliste a été inégal et a toujours tâtonné difficilement pour trouver le juste dosage afin de relater des histoires à la fois crédibles et touchantes. A côté des performances d'acteurs, on retiendra de True Love aussi sa forme, notamment ses chansons, trop présentes mais entêtantes.

En résumé, une série pas déplaisante à suivre mais inachevée et vite oubliée.


NOTE : 6,25/10


La bande-annonce :

La chanson que l'on entend dans chacun des cinq épisodes :

25/02/2012

(Mini-série UK) Inside Men : trois individualités, un braquage

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En février, sur My Télé is Rich!, j'ai beaucoup parlé de télévision scandinave - un de ces cycles de téléphage monomaniaque -, au point de ne pas avoir encore consacré un seul billet au petit écran anglais. Il est grand temps d'y remédier, d'autant que ce début 2012 aura vu des fictions très intéressantes outre Manche. 

La belle surprise sera indéniablement venue de Call the Midwife, une série dont j'ai déjà eu l'occasion de vous parler et dont les scores d'audience (une moyenne de 8,7 millions de téléspectateurs) l'auront imposée comme le plus grand succès de ces dix dernières années (!) pour la BBC. Je n'aurais sans doute pas le temps de faire un bilan de cette première saison ; sachez donc qu'il s'agit d'un de ces period drama émotionnels et justes qui fait chaud au coeur, et que je conseille fortement ! Toujours pour les amateurs de séries historiques, notez aussi que Upstairs, Downstairs a repris dimanche dernier, pour une saison 2 que l'on espère plus maîtrisée et devant laquelle je me suis installée avec curiosité.

Parallèlement, du côté des fictions contemporaines, le bilan est un peu plus mitigé. J'émettrais des réserves à l'encontre de Prisoner's Wives qui ne m'a pas convaincue : toutes ces personnalités fortes n'auront jamais réussi à dépasser l'impression d'artificialité que j'ai éprouvée devant les trois premiers épisodes. Finalement, c'est dans le registre du thriller que BBC1 se sera démarquée, avec une mini-série composée de 4 épisodes, d'une heure chacun, diffusée du 2 au 23 février 2012 : Inside Men. Créée par Tony Basgallop, cette fiction se sera révélée très prenante et intrigante, mêlant introspection et suspense pour un cocktail détonnant.

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Inside Men entreprend de nous relater le braquage d'un centre de dépôt et de traitement de fonds. Le premier épisode s'ouvre sur l'attaque à main armée en elle-même, pour ensuite, remonter aux origines de cette idée et à la planification minutieuse qui l'a précédée. Au-delà du but poursuivi, la mini-série s'intéresse surtout aux motivations et aux préoccupations de ceux qui ont imaginé et mis cette opération en place. Car, comme le titre l'indique, la particularité de ce braquage tient au fait qu'il est commis, avec une aide extérieure, par des employés du centre, des hommes de l'intérieur sans qui rien n'aurait été possible.

Ce basculement de l'autre côté de la loi réunit, autour de ce projet, trois personnes qui n'avaient a priori rien en commun, ni vraiment de prédispositions pour organiser une telle opération. On y trouve un des responsables managers du site, connu pour son comportement rigide et effacé ; un garde de la sécurité, avec son lot de soucis familiaux ; et un agent chargé de transférer les caisses de fond, pas forcément très ambitieux et plutôt adepte des petites combines. Inside Men nous retrace une année d'hésitations et de choix, de l'idée de départ aux semaines qui suivront le braquage, pour tenter de nous expliquer tous les ressorts de l'évènement et les dérapages qui vont avoir lieu.

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La réussite de Inside Men tient qu'elle dépasse rapidement la simple série sur une attaque à main armée, pour proposer un récit centré sur ses personnages, et les choix qu'ils vont être amenés à faire. Elle se démarque donc par sa dimension humaine : chacun bénéficie d'une caractérisation travaillée, avec ses ambivalences et ses failles. Dès le départ, l'alliance de circonstances entre les trois hommes apparaît très fragile, les causes de défiance ne manquent pas. Les relations entre les futures complices ont cette volatilité extrême qui sied aux rapports humains et crédibilise l'ensemble.

La préparation du braquage se révèle être un travail de longue haleine. Or, à mesure que l'échéance se rapproche, que le plan se concrétise, chacun voit ses doutes ou ses certitudes se renforcer, et c'est l'occasion finalement d'en apprendre plus sur lui-même que ce qu'il aurait pu imaginer. Dans le souci qu'ont certains de s'affirmer, de rompre cet anonymat anecdotique qui les étouffe, dans la volonté qu'ont d'autres de s'installer et au contraire d'embrasser une normalité bienvenue, sont ainsi dépeints des portraits très humains de personnages proches, auprès desquels le téléspectateur a envie de s'impliquer.

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Si la priorité est donc donnée à l'humain sur l'opération en cours, Inside Men obéit cependant à tous les codes classiques - et efficaces - du thriller. La narration, solide, distille un suspense supplémentaire grâce aux mélanges des lignes temporelles, nous faisant d'abord vivre le braquage - et ses dérapages - pour ensuite repartir en arrière et expliquer ce qu'il s'est passé pour en arriver là. Le tableau d'ensemble se dévoile peu à peu, à mesure que l'on comprend les personnages et leurs motivations. Les loyautés changeantes des trois hommes restent toujours au coeur du récit, demeurant le fil rouge constant autour duquel la planification de l'opération se greffe.

Construite suivant un compte à rebours qui nous mène inéxorablement au jour du braquage, la mini-série rend vraiment palpable l'escalade des tensions. La gestion de l'après permettra de préciser le propos principal de la fiction : si la dernière scène peut dérouter, tant le choix de John semble a priori illogique après tout ce qui a été fait, elle s'inscrit pourtant parfaitement dans la logique d'une oeuvre qui n'était pas tant consacrée à un braquage, qu'à une véritable introspection personnelle où chacun aura beaucoup appris sur ses priorités et ses limites.

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Sur la forme, Inside Men se révèle très soignée. Son esthétique travaillée, comme son alternance de plans larges et serrés, correspondent aux standards visuels de qualité auxquels BBC1 a habitué ses téléspectateurs. A noter que les scènes plus nerveuses sont également bien réussies, capturant parfaitement l'ambiance qui règne notamment lors du déroulement du braquage : sans trop en faire, la caméra sait mettre en scène les explosions et excès de violence les plus marquants.

Enfin, la mini-série repose sur les épaules d'une galerie d'acteurs qui constituent des valeurs sûres du petit écran britannique, et qui sont - sans surprise - tous à la hauteur. Steven Mackintosh (Criminal Justice, Luther, The Jury II) retranscrit admirablement la dualité de son personnage, de patron effacé et passif, il s'affirme, dérivant progressivement en plannificateur impitoyable du braquage. J'ai aussi beaucoup aimé Ashley Walter (Five Days, Outcasts, Top Boy) et Warren Brown (Luther, Single Father), fidèles à eux-mêmes, avec un jeu tout en sobriété pour nous montrer les doutes et évolutions de leurs personnages. A leurs côtés, on retrouve aussi Kiertson Wareing (The Shadow Line, Top Boy), Paul Popplewell, Nicola Walker (Spooks ; c'est toujours un plaisir de la croiser), Hannah Merry, Ruth Gemmel, Tom Mannion, Rebekah Staton, Leila Mimmack, Irfan Hussein et Gregg Chillin (Kidnap and Ransom).

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Bilan : Construite comme un thriller tournant entièrement autour de la réalisation d'un braquage, Inside Men est une mini-série à suspense, très prenante et sans temps mort, qui sait utiliser à propos flashforward et flashback pour créer et cultiver une tension permanente. Cependant sa valeur ajoutée à ce sujet assez classique réside avant tout dans le soin apporté à sa dimension humaine, la mini-série proposant une très intéressante caractérisation des personnages, de leurs relations et (surtout) de leurs ambivalences. A découvrir.


NOTE : 7,75/10


La bande-annonce de la série : 

19/11/2011

(UK) Top Boy, saison 1 : histoires de gangs et de drogue dans l'Est londonien

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Au rang des bonnes surprises de ces dernières semaines, à la télévision anglaise, c'est Channel 4 qui s'est agréablement démarquée en proposant une très intéressante série, Top Boy, traitant de thématiques liées aux gangs et au trafic de drogue. Sans ambitionner d'atteindre les fictions de référence du genre avec lesquelles le sériephile dresse automatiquement des parallèles (The Corner, The Wire), elle s'impose comme une solide chronique humaine, dont la sobriété et la consistance méritent assurément le détour.

Créée et écrite par l'écrivain nord-irlandais Ronan Bennett, sa première saison, comportant quatre épisodes de 45 minutes environ, a été diffusée sur une semaine, du 31 au 3 novembre 2011 sur Channel 4. La bonne nouvelle, c'est qu'une seconde saison a d'ores et déjà été commandée.

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Se déroulant dans le quartier fictif de Summerhouse, dans l'Est londonien, Top Boy suit une galerie de personnages dont la vie va se retrouver liée, directement ou indirectement, aux trafics de drogue et aux gangs qui sévissent dans ces barres d'immeubles. 

La série se concentre tout particulièrement sur le jeune Ra'Nell, adolescent de 13 ans. Il est confronté à une situation familiale difficile : un père absent, une mère qui souffre de problèmes psychologiques agravés par une dépression. Cette dernière est hospitalisée au début de la saison, laissant son fils se débrouiller avec l'aide de connaissances, telle une voisine qui fait pousser de la marijuana dans un appartement. A un âge où les tentations et le besoin d'argent se font plus pressants, Ra'Nell et son meilleur ami, Gem, sont également invités par le chef de gang local, Dushane, à rejoindre leur bande qui écoule leur stock de drogue dans le quartier. Mais ce dernier est confronté aux attaques répétées d'un autre gang, conduit par Kamale. Si la rivalité débute par des vols de plus en plus importants, les tensions s'exacerbent rapidement. Les choses vont peu à peu dégénérer, les codes de la rue s'effaçant derrière la réalité de rapports de force simplement dictés par les poings, mais aussi les revolver. 

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Le premier intérêt de la série réside dans son sujet principal. Top Boy opte pour une approche classique des thématiques liées aux gangs et aux trafics qui en découlent. Nous immergeant dans ce milieu à travers le parcours d'un duo d'associés qui entendent s'y imposer, elle va dépeindre sans complaisance, mais non sans habileté et nuances, les rapports de force constants et les formes d'auto-régulation qui le régissent. A défaut de réelle originalité, la série se démarque par son souci d'authenticité et de réalisme. Si les affrontements apparaissent rapidement inévitables, trop d'ambitions personnelles se heurtant les unes aux autres, c'est avec une retenue intéressant qu'elle va relater les évènements, en évitant de tomber dans les excès du genre.

En effet, se déroulant à l'échelle relativement modeste du quartier de Summerhouse, Top Boy met en scène des bandes qui évoluent au bas de la hiérarchie criminelle : il s'agit d'une zone laissée aux prises d'initiative de chacun. La série a ainsi l'intelligence de décrire un basculement progressif dans une violence dans laquelle les protagonistes perdent peu à peu leurs repères ; comme un déclic, le premier seuil franchit, la fin semble alors justifier tous les moyens. Cette construction narrative permet à la fiction de bâtir une tension de plus en plus palpable, décrivant une logique de radicalisation de l'action qui suit un engrenage létal devenu inévitable. Dotée d'un scénario solide, même s'il reste prévisible, Top Boy atteint logiquement son plein potentiel au cours de son dernier épisode qui représente l'apogée et l'aboutissement logique de toute l'évolution de cette première saison.

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Au-delà de cette toile de fond entre drogues et gangs, Top Boy demeure également une chronique sociale et humaine, dont le caractère choral renforce l'impression d'authenticité qui émane du récit. En effet, l'histoire se bâtit à partir de ses personnages. Chaque scène a vocation à s'emboîter dans un tableau d'ensemble plus large qui apparaît au final comme un instantané de ce quartier de Summerhouse. La caméra paraît ainsi s'effacer derrière la galerie de portraits dépeints ; cette mise en scène, volontairement en retrait, rapproche la série d'un style quasi-documentaire dans lequel elle va trouver sa tonalité propre et son équilibre.

Au sein de ses protagonistes, Top Boy opère une distribution des rôles qui ne recherche pas l'originalité, mais reste logique et solide. Si la saison est brève, la série va prendre le temps de développer ses principales figures, leur permettant de gagner en épaisseur. Ra'Nell restera le repère du téléspectateur : adolescent obéissant, il ne peut cependant complètement demeurer imperméable à ce qui se trame dans le quartier, entraîné dans ces trafics. Parallèlement, l'épopée de Dushane et Sully offre un penant plus violent au récit, reflet de ce que Ra'Nell peut devenir dans une dizaine d'années, suivant les choix qu'il fera. La radicalisation progressive de leurs actions pour servir leurs ambitions, mais aussi l'antagonisme que leurs différences de style éveillent, sont autant d'éléments qui nuancent et précisent leurs rapports. Sully est celui qui, une fois les codes traditionnels de la rue brisés, va se révéler le plus instable, éclairant tant la dangerosité que la volatilité de cette zone de semi non-droit qu'est Summerhouse. L'ensemble forme ainsi une assise humaine consistante et nuancée sur laquelle Top Boy va pouvoir s'appuyer.

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Par ailleurs, il convient de saluer le soin apporté à la forme par Top Boy. La série se révèle particulièrement aboutie, méritant amplement le détour pour sa réalisation. La photographie, très travaillée, jouant habilement sur la saturation des couleurs et les teintes au gré des différentes scènes, est vrai un plaisir pour les yeux. La caméra, fébrile dans l'action, sait aussi se poser et offrir de superbes plans larges qui vont mettre en valeur, tant les décors que les différents personnages. Privilégiant l'authenticité et la sobriété, la bande-son reste opportunément très en retrait, faisant intervenir des instrumentaux plus nerveux lorsque la tension monte.

Enfin, Top Boy bénéficie d'un très solide casting, dont l'homogénéité est une des forces. Il permet d'asseoir la légitimité de la série dans son ambition de chronique sociale et humaine. Les acteurs sont parfaitement au diapason de la tonalité de la série et renforcent l'impression de réalisme qui émane de l'ensemble. On y retrouve notamment Ashley Walters (Outcasts, Five Days), Kane Robinson, Malcolm Kamulete, Kierston Wareing (Luther, The Shadow Line), Geoff Bell, Sharon Duncan Brewster, Nicholas Pinnock, Giacomo Mancini ou encore Shone Romulus.

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Bilan : Proposant une immersion brute dans l'envers d'un quartier au quotidien rythmé par ses gangs et ses trafics, Top Boy opte pour une approche aussi classique que solide de ses diverses thématiques. Si on peut regretter qu'elle reste parfois trop en surface des problématiques esquissées (mais sa saison 1 ne comporte que 4 épisodes), la série bénéficie d'une écriture sincère et directe qui confère à l'ensemble une tonalité très authentique. Sa grande force réside dans sa faculté à mettre en scène une galerie de portraits qui sonnent juste et ne laissent pas indifférent. A découvrir.


NOTE : 7,5/10


La bande-annonce de la série :