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03/10/2013

(K-Drama / Pilote) The Suspicious Housekeeper : une étrange gouvernante au sein d'une famille endeuillée


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Il vous avait manqué, le revoilà, le rendez-vous asiatique... du jeudi, pour cette semaine. Aujourd'hui, je vous propose de prendre la direction de la Corée du Sud pour un drama un peu particulier. Si vous me lisez régulièrement, vous connaissez mes réticences vis-à-vis des remakes : cela peut aller de la réaction épidermique à la franche mauvaise foi suivant la qualité de l'adaptation et de l'originale. Cependant, parallèlement, je reste une sériephile curieuse. Et quand la télévision sud-coréenne adapte le grand succès japonais de 2011, Kaseifu no Mita, je ne peux résister à l'envie d'y jeter un oeil. 

The Suspicious Housekeeper a débuté sur SBS le 23 septembre 2013, diffusée les lundi et mardi soirs. Elle est annoncée pour une durée de 20 épisodes, donc bien plus longue que l'originale qui comptait seulement 11 épisodes, lesquels étaient en plus beaucoup plus courts que le format sud-coréen d'épisodes dépassant 1h. Le scénario a été confié à Baek Woon Chul, et la réalisation à Kim Hyung Shik. Pour tout vous dire, même si je ne me suis pas installée devant ma télévision à reculons, je ne vous cache pas que j'étais assez sceptique de voir porter à l'écran un telle adaptation. Ces premiers épisodes n'ont pas balayé toutes mes réserves.

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The Suspicious Housekeeper s'ouvre sur des funérailles : celle d'une mère de famille laissant derrière elle quatre enfants sans repères, ainsi qu'un mari dépassé par le rôle de père et les responsabilités qui lui sont soudain confiées, lui qui préfèrerait se consacrer à sa carrière et à sa maîtresse. Ce dernier décide de louer les services d'une gouvernante pour remettre de l'ordre dans la maison et assurer les tâches du quotidien. L'agence à laquelle il s'adresse lui envoie une employée très particulière : Park Bok Nyeo. Appliquée et consciencieuse, elle est incapable de sourire et reste invariablement impassible. Elle exécute aussi tous les ordres - quels qu'ils soient - sans broncher. Sa supérieur conseille d'ailleurs de faire attention : si on lui donnait l'ordre de tuer quelqu'un, il se pourrait bien qu'elle l'exécute...

Malgré son étrangeté, Park Bok Nyeo s'intègre au sein de la famille brisée et dysfonctionnelle qui l'emploie, provoquant des réactions qui permettent à chacun d'exprimer ce qu'il a sur le coeur. Cependant, la maisonnée frôle l'implosion lorsque la vérité sur le drame qui les a durement touchés est révélée. Outre le récit d'une famille en ruines et à reconstruire, le drama invite le téléspectateur à s'interroger : qui est vraiment cette gouvernante ? Quels secrets passés dissimule-t-elle ?

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Au cours de ses deux premiers épisodes, la trame de The Suspicious Housekeeper suit un schéma relativement fidèle au drama d'origine. La série respecte les deux grandes sphères narratives qui avaient fait la force de Kaseifu no Mita : le mystère du personnage de Park Bok Nyeo et le difficile travail de deuil au sein de la famille Eun. Concernant le premier point, nul doute que la gouvernante intrigue. Sa froide impassibilité, combinée à l'excellence de ses compétences - de ses qualités de cuisinière à ses capacités de mathématicienne -, interpelle. Ses non-réactions et la manière abrupte dont elle peut prendre congé de conversations très importantes vont à rebours de toute convention sociale. Souvent, l'étalage de ses connaissances tient du spectacle, mais, dès qu'une pointe plus inquiétante se fait jour, The Suspicious Housekeeper prend son envol : la scène finale du premier épisode fait office d'électrochoc, à la suite de l'avertissement sur les dangers de l'obéissance aux ordres de Bok Nyeo. Deux problématiques sont ainsi à exploiter : en plus de se demander jusqu'où la gouvernante peut aller et quels actes elle peut commettre dans le cadre de ses fonctions, elle s'impose comme une énigme. Pourquoi est-elle ainsi ?

Si tous les ingrédients sont posés pour susciter le mystère, il faut cependant avouer que les débuts de cette version sud-coréenne fonctionnent moins bien que ceux de Kaseifu no Mita qui capitalisait sur une dimension inquiétante plus prononcée. La faute peut-être à une narration dont la tonalité se disperse trop facilement. De plus, l'écriture verse dans quelques excès dispensables, manquant de la subtilité attendue devant à certaines situations. Car, parallèlement aux questions provoquées par Bok Nyeo, c'est dans une famille en train d'imploser que The Suspicious Housekeeper nous plonge. Le drama évoque la douleur de ces enfants privés de leur mère, mais aussi la faillite complète de ce père et de ce mari. Des ajustements restent à opérer : certains enfants sont vite crispants, et le père est encore trop renfermé pour que le téléspectateur dépasse l'antipathie instinctive générée par ses actions. L'équilibre était plus immédiat dans Kaseifu no Mita. Cependant, au sein de ce tableau de famille désagrégée, et dans les déchirures qui se poursuivent au gré des révélations - s'accélérant efficacement durant le second épisode -, se perçoit un vrai potentiel narratif, lequel ne demande qu'à être mis en valeur par une écriture plus fine.

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Sur la forme, The Suspicious Housekeeper reste plutôt en dedans, avec une réalisation sans prise de risque, extrêmement classique. Si quelques scènes sont assez réussies - la scène dans la rivière du premier épisode, par exemple -, dans l'ensemble, le visuel est très quelconque. Quant à la bande-son, on y retrouve certaines des incertitudes liées à la tonalité du récit, avec le surgissement pas toujours opportun d'une musique soudain légère plus orientée comédie, avec des passages d'une ambiance à l'autre soient toujours bien dosés.

Enfin, côté casting, c'est Choi Ji Woo (Winter Sonata, Can't Lose) qui interprète la mystérieuse gouvernante : l'impassibilité exigée par son rôle rend la performance presque minimale. Ayant logiquement tendance à la comparer avec Matsushima Nanako, j'ai trouvé qu'il lui manquait ce petit quelque chose grâce auquel l'actrice japonaise apportait une aura très particulière à cette figure étrange ; cependant, Choi Ji Woo est pleinement entrée dans son personnage. Au sein de la famille qui l'accueille, Lee Sung Jae (A wife's credentials) incarne ce père dépassé : c'est en faisant ressortir ses failles qu'il saura l'humaniser. Quant aux quatre enfants, les performances sont très diverses : Chae Sang Woo, dans le rôle du fils le plus âgé, vite l'insupportable, tandis que Kim So Hyun sait se montrer plus assurée en tant que fille aînée ; Nam Da Reum et Kang Ji Woo complètent le tableau familial. Il manque peut-être pour l'instant l'homogénéité du drama japonais. Enfin Wang Ji Hye (President, Personal Preference) interprète la maîtresse de Sang Chul.

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Bilan : A mi-chemin entre le drame familial et le mystère intrigant que représentante la gouvernante, The Suspicious Housekeeper se réapproprie assez fidèlement les ingrédients qui avaient fait l'efficacité de la série d'origine. Ce drama entraîne le téléspectateur dans des dynamiques difficiles, mais ambitieuses, face à une famille en cours de désagrégation suite au deuil qui l'a frappé. L'écriture est correcte, mais manque de finesse, notamment avec des changements de tons et des excès pas toujours heureux. L'ensemble intrigue, sans pour autant parvenir à susciter la même aura inquiétante que Kaseifu no Mita.

En résumé, des réglages sont encore nécessaires. Je pense que si je n'avais pas vu et apprécié Kaseifu no Mita, j'aurais donné quelques épisodes de plus à The Suspicious Housekeeper pour s'installer. Je retenterai peut-être un peu plus tard en fonction des échos que je lirai sur le drama. Pour les curieux amateurs de mélange des genres.


NOTE : 6,25/10


Un extrait du premier épisode :


Une chanson de l'OST :


17/07/2013

(K-Drama / Pilote) Empire of Gold : ton univers impitoyable

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En ce mercredi asiatique, je vous propose de rester en Corée du Sud. Il est en effet temps de jeter un oeil aux nouveautés de ces dernières semaines, et plus précisément, sur celle qui, comme je vous l'avais annoncée, aiguisait le plus ma curiosité : Empire of Gold et ses promesses de confrontations implacables, parsemées de twists.

Ce drama est diffusé sur SBS, les lundi et mardi soirs, depuis le 1er juillet 2013. Côté coulisses, on retrouve à l'écriture Park Kyung Soo, à la réalisation Jo Nam Kook, et à la production Lee Hyun Jik. Ces derniers n'en sont pas à leur coup d'essai ensemble, puisqu'il s'agit de l'équipe à qui l'on doit The Chaser, un drama diffusé l'an dernier également sur SBS. L'occasion de me rappeler que je n'ai toujours pas vu The Chaser... Mais il figure en bonne place parmi ma liste sud-coréenne à visionner ! Une envie de rattrapage d'autant plus accentuée par les débuts très prometteurs que signe Empire of Gold : c'est aussi sombre et impitoyable qu'attendu, mais c'est aussi très prenant en dépit de l'aridité du monde des affaires dans lequel le téléspectateur est entraîné.

[La review qui suit a été rédigée après le visionnage des 4 premiers épisodes de la série.]

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Empire of Gold s'ouvre au début des années 90. Jang Tae Joo est alors un simple étudiant, issu d'un milieu modeste. Son père, travailleur infatigable, espérait pouvoir ouvrir un petit restaurant, objectif pour lequel il a travaillé toute sa vie. Malheureusement, un mauvais investissement immobilier le laisse ruiné, pion impuissant dans une bataille d'enjeux financiers autour de la reconstruction de quartiers. Dans les incidents qui émaillent les protestations qui suivent, il est mortellement brûlé. Tae Joo sacrifiera vainement son avenir pour quelques liquidités qui devaient permettre de lui offrir un traitement nécessaire à sa survie. Avec une mère et une soeur endeuillées et devant se débrouiller seules, Tae Joo se retrouve en prison. Cet enchaînement d'évènements va le conduire à redéfinir ses priorités et à reconsidérer les opportunités qui méritent d'être saisies...

Le puissant groupe Sungjin qui a broyé la famille de Tae Joo dans ces affaires immobilières appartient à la famille Choi, mais, dévorée par les ambitions et les égos de chacun, l'entente est loin d'y régner en interne. Tandis que le patriarche décline et doit affronter la maladie, tous les coups sont permis entre cousins, voire même entre frères et soeurs, pour prévaloir, avec des décisions prises qui seront fatales à certains. Fille de l'actuel président, Choi Seo Yoon l'assiste armée d'une détermination sans faille. Son principal rival est son cousin, Choi Min Jae : les deux perpétuent la relation conflictuelle de leurs pères respectifs. Min Jae est justement celui qui était responsable du projet immobilier qui a brisé la famille de Tae Joo.

Lorsqu'il sort de prison en exploitant un drame dans la famille Choi, Tae Joo décide de se glisser à son tour dans le monde des affaires immobilières, se montrant aussi audacieux que résolu. Il bâtit une entreprise qui le conduit à se heurter aux différents représentants de la famille Choi...

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Empire of Gold démarre sur un ressort narratif le plus classique qui soit dans le petit écran sud-coréen : celui de l'antagonisme social entre riches et pauvres, puissants et faibles. Mais à partir de cette base de départ, il se démarque vite en ne s'enfermant pas dans une approche manichéenne. C'est un drama résolument sombre, impitoyable dans tous les sens du terme, dans lequel aucun personnage n'incarnera une figure de chevalier blanc. Tandis que les Choi s'affrontent pour les commandes du groupe dans une lutte où tous les coups sont permis, Tae Joo intègre vite les codes de ce milieu qu'il abhorre. Mieux, il se prend au jeu de l'adrénaline et des confrontations. Il lui aurait été possible de se retirer après un premier coup réussi, ayant offert à sa mère le restaurant dont elle rêvait tant. Mais il ne peut se résoudre à se détourner de cette voie qui a le potentiel de lui ouvrir les sommets. Poussant le parallèle jusqu'au bout, les affaires immobilières sont ici assimilées aux jeux d'argent : les projets sont autant de paris où on peut, à chaque fois, perdre entièrement sa mise initiale, voire bien plus.

Décidé à prendre sa destinée en main, Tae Joo évolue à partir du moment où il goûte au parfum de la force et du pouvoir. Il peut certes un temps opposer à ses détracteurs qu'il a, lui, conscience du mal qu'il est capable de faire aux plus faibles pour avoir été dans leur situation, seulement il dérive rapidement vers la même gestion brutale que celle de ses adversaires. De manière générale, Empire of Gold est en effet une fiction dure qui présente la vie comme un rapport de forces permanent : il s'agit d'écraser ou d'être écrasé. Dès le quatrième épisode, la compromission définitive de Tae Joo semble actée par une confrontation symbolique avec une jeune femme dont il vient de briser la vie du père : il est renvoyé dos à dos avec les Choi. La noirceur ambiante domine donc véritablement l'ensemble du drama. Chaque protagoniste agit par calcul, selon ses intérêts et sans le moindre scrupule même familial, avec un apparent détachement émotionnel qui n'est remis en cause que lors d'une poignée de situations exceptionnelles.

Fiction presque désensibilisée par le décor ainsi posé, Empire of Gold doit en plus composer avec l'aridité du monde des affaires dépeint. Les jeux immobiliers, entre spéculations et manipulations, sont des problématiques peu accessibles à l'observateur extérieur. La réussite du drama est de savoir les intégrer à la tension ambiante, avec des enjeux et des confrontations qui sont, eux, clairement identifiés. Le téléspectateur s'implique donc, happé par un rythme de narration très vif, qui ne laisse aucun temps mort. Il faut vraiment saluer une écriture qui fait preuve d'une intensité jamais prise en défaut. Les numéros de duettistes et autres confrontations s'enchaînent, parfaitement orchestrés. C'est d'ailleurs dès les premières scènes de l'épisode 1 que la série avait frappé fort et placé la barre très haut. Le contrat est par conséquent parfaitement rempli pour ce qui est de retenir l'attention. Un seul bémol sur ces développements, ou plutôt un avertissement : Empire of Gold doit se méfier du sur-régime et de la tentation d'une surenchère que ces 4 épisodes, solides, frôlent parfois. A elle de savoir s'inscrire dans la durée.

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Si l'écriture est homogène et convaincante, avec plusieurs passages mêmes franchement enthousiasmants, Empire of Gold reste extrêmement académique sur la forme. La réalisation a tendance à privilégier les plans serrés, et il y a peu d'initiatives de la part de la caméra. Le drama retrouve cependant du souffle et une ampleur grâce à son ambiance musicale : il bénéficie d'une bande-son riche en instrumentaux, avec quelques envolées de musique classique qui accompagnent parfaitement la montée des tensions. En résumé, c'est un drama musicalement happant, mais visuellement un peu plat.

Enfin, côté casting, au sein du trio principal, on retrouve tout d'abord Go Soo (My Fair Lady, Will it snow for Christmas ?), à qui est confié le rôle de Tae Joo. Il a la présence qu'il faut à l'écran pour imposer son personnage - et il le prouve dès la marquante scène d'ouverture avec la confrontation face au politicien et puis sa gestion des conséquences. Je vous avoue en plus que c'est un acteur que j'ai tendance à apprécier : cela me fait donc plaisir de le retrouver ! Face à lui, Son Hyun Joo (The Chaser) est impeccable : glaçant en adversaire imperturbable et machiavélique, mais aussi capable de souligner les déchirements auxquels il se résout, notamment dans sa vie maritale. Lee Yo Won (Queen Seon Deok, 49 days) reprend, elle, le rôle de l'héritière, pour l'instant froide et déterminée, pour lequel elle délivre une interprétation honnête qu'il faudra juger dans la durée. Parmi les rôles plus secondaires, on croise également notamment Ryu Seung Soo (Sirius), ou encore Jang Shin Young (The Empress), en associée de Tae Joo, deux acteurs qui figuraient également dans The Chaser

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Bilan : Plongeant le téléspectateur dans une atmosphère aussi sombre que prenante, Empire of Gold signe des débuts convaincants. L'écriture est assurée, et le rythme narratif rapide, avec une bonne exploitation des diverses rivalités. L'intensité du récit et la noirceur ambiante contrebalancent efficacement l'aridité certaine des affaires immobilières mises en scène. Dans ce milieu calculateur où les émotions semblent comme proscrites et où les sentiments ne sont pas une donnée prise en considération, le flashforward du début du premier épisode annonce un développement (un mariage) qui aiguise la curiosité sur ses motivations réelles, d'autant que pour le moment Tae Joo et Seo Yoon sont au mieux indifférents l'un l'autre, au pire adversaires. En résumé, ce sont là des débuts prometteurs qui savent retenir l'attention du téléspectateur. A surveiller... en espérant que le drama assure dans la durée !


NOTE : 7,25/10


Une bande-annonce de la série :

27/02/2013

(K-Drama / Pilote) That winter, the wind blows : des personnages entre ombres et lumières pour un mélodrame ambivalent

 

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En ce mercredi asiatique, restons en Corée du Sud où l'année 2013 débute de façon un brin morose, avec peu de dramas se démarquant vraiment. Mais il y en a cependant au moins un qui, qualitativement, tire son épingle du jeu dans son registre de mélodrame bien huilé : il s'agit de That winter, the wind blows. Ce dernier trouve son origine dans un drama japonais datant de 2002, Ai Nante Irane Yo, Natsu. L'histoire avait déjà fait l'objet d'une adaptation en Corée du Sud avec un film Love me not, sorti en 2006. That winter, the wind blows propose donc cette fois un remake à destination du petit écran.

Ce drama est diffusé sur SBS depuis le 13 février 2013, les mercredi et jeudi soirs. 16 épisodes sont prévus. C'est l'occasion de retrouver derrière la caméra l'équipe à qui l'on doit, l'hiver dernier, Padam Padam sur jTBC, avec un scénario signé Noh Hee Kyung et une réalisation confiée à Kim Kyu Tae. Côté audiences, après cinq épisodes, ces dernières semblent solides. En ce qui me concerne, je débute That winter, the wind blows sans aucune référence, n'ayant vu aucune des versions précédentes. Après quatre épisodes, au-delà de l'émotion propre au genre, je retiens une construction narrative bien huilée et exécutée, témoignant d'un savoir-faire réel afin de convaincre les téléspectateurs de s'impliquer.

[La review qui suit a été rédigée après visionnage des 4 premiers épisodes.]

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Oh Soo est un joueur, un playboy endurci par la vie. Abandonné à sa naissance, il a grandi dans un orphelinat. Désormais adulte, il n'a que quelques attaches véritables : Jo Sung, son plus proche ami, mais aussi un homonyme également appelé Oh Soo qui utilise son adresse pour envoyer son courrier. Décidé à profiter pleinement de la vie, il enchaîne les aventures, ne voulant pas s'attacher, notamment avec ce souvenir d'une de ses amies ayant perdu la vie dans un accident sur lequel la série sera sans doute amenée à revenir. Mais c'est une de ses conquêtes qui va causer sa perte : décidée à ne pas rester qu'une simple passade, elle le piège et le fait tomber pour une escroquerie qu'il n'a pas commise. Oh Soo est envoyé en prison où il passera une année. Au cours de son arrestation, mouvementée, son homonyme est victime d'un accident et perd la vie.

A sa libération, criblé de dettes, Oh Soo n'a plus qu'une vie en sursis s'il ne parvient pas à rembourser ce qu'il doit. C'est alors qu'une opportunité d'escroquerie inattendue lui offre une voie pour s'en sortir. Son ami-homonyme désormais décédé affirmait bien être le fils d'un important PDG, parti vivre avec sa mère après le divorce, mais ses camarades n'avaient jamais cru à ses histoires. Or Oh Soo est un jour contacté par l'avocat du président du conglomérat, qui le prend pour le véritable Oh Soo puisque les deux cohabitaient à la même adresse. Le décès du chef d'entreprise a ouvert la succession : l'héritage destiné à sa fille ne doit-il pas aussi être étendu à ce fils perdu de vue ? Oh Soo voit là une opportunité unique pour éponger ses dettes : se faire passer pour son ami. Il fait alors la rencontre de sa soeur, de qui tout dépend pour obtenir une part de la fortune en jeu.

Seulement Oh Young est une jeune femme qui a connu, elle aussi, son lot d'épreuves. En plus du divorce déchirant de ses parents, elle est tombée malade durant son enfance et a perdu la vue. Devenue aveugle, chargée de regrets, elle se protège par une méfiance constante et désillusionnée, souvent proche de la paranoïa. Elle avait bien gardé l'espoir de renouer avec son frère, mais elle le manqua de peu le jour de l'arrestation de Oh Soo qui lui fut justement fatal. Un an plus tard, elle accueille froidement celui qui prétend être son seul parent encore en vivant. Oh Soo va devoir essayer de gagner sa confiance, et pour cela, lui réapprendre à vivre, elle qui s'est si bien protégée dans sa tour d'ivoire.

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That winter, the wind blows a tout d'abord pour lui une narration assurée et maîtrisée. L'écriture est fluide, le rythme régulier, permettant une progression de l'intrigue sans temps mort. Le drama se réapproprie les ingrédients classiques du mélodrame, avec ses tragédies et ses nombreuses épreuves qui s'abattent sur les personnages, sans tomber dans un pathos trop pesant. Tout n'est pas sacrifié sur l'autel de l'émotion : la fiction peut avant tout s'appuyer sur un scénario aux ressorts familiers, où tout s'emboîte efficacement dans un engrenage qui prend des allures d'inélectable. Derrière des atours traditionnels, la mise en scène est appliquée, exploitant chaque thème avec sérieux. A partir de là, l'atout de ce drama va reposer sur les rapports, tout en ombres et lumières, de ses différents personnages.

La paire formée par le duo principal fonctionne en effet très bien : elle cultive et se nourrit des ambivalences de chacun, pour dévoiler peu à peu leurs différentes facettes. Oh Soo n'est pas qu'un playboy, c'est un être abîmé par la vie qui n'en reste pas moins intensément attaché à cette dernière. A mesure qu'il s'investit auprès de Oh Young, la neutralité de l'escroc disparaît peu à peu derrière une humanité qui prend le dessus et l'amène à s'investir au-delà du plan initial uniquement matériel. Quant à Oh Young, elle suit aussi une trajectoire nuancée : elle débute armée d'une dignité froide et hautaine, entièrement sur la défensive. Mais derrière cette force apparente, c'est une jeune femme dont les blessures accumulées depuis l'enfance sont toujours béantes. A la fois dure et fragile, traversée par un désespoir profond qui la conduit à flirter avec la mort, elle a tout d'une héroïne de fiction qui peut fasciner.

La combinaison et la confrontation de ces personnalités multidimensionnelles permet à That winter, the wind blows de s'orienter vers des dynamiques classiques en empruntant des chemins détournés, chargés d'ambiguïtés à l'image des rapports qui se construisent entre Oh Soo et Oh Young durant ces premiers épisodes. Le frère de Oh Young était son protecteur, et elle chérit toujours des souvenirs d'enfance. Oh Soo prend sa place. Si Oh Young apparaît d'abord à ses yeux comme une cible, elle devient ensuite une femme. Son infirmité a ici son utilité narrative : elle permet de jouer sur l'ambivalence des regards de Oh Soo, voire de ses gestes, qui laissent transparaître des émotions contradictoires. La manière dont les positionnements de chacun fluctuent intrigue et interpelle. Le traitement de certains personnages secondaires suit d'ailleurs une même recette, à l'image de la caractérisation de la belle-mère de Oh Young.

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Si That winter, the wind blows présente un ensemble solide sur le fond, son autre grand atout est formel : ce drama est tout simplement superbe visuellement. Prenant le temps de jouer sur le décor et sur les couleurs, la caméra offre de belles images aux yeux du téléspectateur, notamment quelques passages en extérieur absolument magnifiques après une scène d'ouverture glacée et enneigée à souhait. Durant les tout premiers épisodes, il est sans doute possible de lui reprocher une tendance à préférer les gros plans qui parfois rend les coupes un peu brutales, mais en dehors de ce petit détail, c'est un plaisir que de s'installer devant ce drama. D'autant plus que la bande-son est également parfaitement à la hauteur, avec toute la palette musicale propre au mélodrame qui y est exploitée, qu'il s'agisse de thèmes instrumentaux au piano ou au violon, ou de ballades musicales mélancoliques. On a là une OST riche qui accompagne parfaitement la tonalité du drama.

Enfin That winter, the wind blows dispose d'un casting très correct, avec deux acteurs principaux qui savent s'approprier leur rôle respectif. Si Jo In Sung (What happened in Bali) a parfois tendance à un peu trop en faire, il capture très bien l'ambivalence de son personnage, entre escroc endurci et une humanité qui laisse entrevoir quelques éclats de vulnérabilité. Quant à Song Hye Kyo (Full House), elle sait pareillement jouer sur la corde sensible, sa froideur restant un moyen de défense dont la jeune femme a d'autant plus besoin qu'elle est infirme. A leurs côtés, ou plus précisément entourant Oh Sook, ses deux complices sont interprétés par Kim Bum (Padam Padam) et Jung Eun Ji (Answer Me 1997) ; leurs jeux sont limités, mais ils ont l'assurance qui convient. On croise également quelques têtes familières du petit écran sud-coréen, comme Bae Jong Ok, Kim Tae Woo ou encore Kim Kyu Chul.

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Bilan : That winter, the wind blows signe des débuts solides, en proposant une exploitation plutôt habile et intéressante d'un mélodrame dont les ressorts restent classiques. La fiction dispose de deux atouts ne demandant qu'à être exploités. D'une part, il faut signaler une narration fluide où l'on retrouve une impression d'enchaînements inéluctables : tout se succède sans temps mort et il est facile de se laisser prendre au jeu. D'autre part, elle peut capitaliser sur un duo principal aux facettes multiples dont on a envie de voir se développer les rapports et les connaissances l'un de l'autre.

Entre ambivalence et tradition, porté par des émotions contradictoires, That winter, the wind blows semble avoir trouvé un intéressant équilibre à cultiver. A suivre.


NOTE : 7/10


Une bande-annonce de la série :

Une chanson de l'OST :

19/12/2012

(K-Drama / Pilote) Cheongdamdong Alice : Se Kyung au pays du luxe et de la mode

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En ce mercredi asiatique, reprenons quelques bonnes habitudes et penchons-nous donc sur les nouveautés de ces dernières semaines en Corée du Sud. J'ai été à deux doigts de traiter à nouveau d'un drama special de KBS, à l'image de l'enthousiasmant Art de la semaine dernière, car j'avoue que les séries actuellement diffusées sur les grandes chaînes m'enthousiasment pour le moment assez peu. Aucun de mes visionnages-tests des premiers épisodes n'a été pleinement concluants. J'ai cependant sélectionné celui qui m'a semblé avoir le plus de potentiel, avec certaines réserves : Cheongdamdong Alice.

Ce drama est diffusé sur SBS depuis le 1er décembre 2012, les samedi et dimanche soirs. Il est pour l'instant envisagé pour une durée de 16 épisodes. Cette fiction, dont l'écriture a été confiée à Kim Jo Woon et Kim Jin Hee, et la réalisation à Jo Soo Won, apparaissait sur le papier extrêmement classique dans ses thèmes comme dans la situation mise en scène. Son attrait principal réside en fait dans sa capacité à dépasser le manichéisme avec lequel sont présentés les antagonismes de classe habituellement, pour proposer une héroïne consistante auprès de laquelle il est possible de s'investir.

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Han Se Kyung est une jeune femme ambitieuse qui souhaiterait faire carrière comme designer dans le milieu de la mode. Issue d'une famille avec peu de moyens, sa maxime est la suivante "l'effort est ma force" (en français dans le texte !). Elle est persuadée que si elle s'en donne les moyens, elle pourra réussir ses objectifs, et ce, en dépit des difficultés quotidiennes qu'elle connaît bien, voyant combien ses parents peinent pour joindre les deux bouts. Elle pense son heure enfin arrivée lorsqu'elle décroche un travail dans une société de mode. Cependant, très vite, elle doit déchanter : elle est confinée dans un rôle d'employée à tout faire, devant s'occuper des courses de la femme de l'héritier à qui reviendra la direction de la compagnie.

Se Kyung découvre vite que cette dernière est en réalité une ancienne connaissance de lycée avec laquelle elle avait eu plus d'une altercation, du fait de leurs divergences de vues sur la manière de faire carrière. Yoon Joo est une opportuniste qui a toujours fait en sorte d'utiliser les talents des autres et ses charmes pour parvenir à ses fins : on peut dire qu'elle a réussi puisqu'elle est désormais l'épouse richissime d'un important homme d'affaires. Se Kyung accepte dans un premier temps comme elle peut la situation difficile dans laquelle elle se trouve, peinant à trouver sa place au sein cette compagnie. Finalement, elle comprend que pour réussir, c'est elle-même qui doit changer et s'adapter à ce milieu. Il est trop simpliste de croire que la seule persévérance peut lui permettre d'atteindre ses rêves.

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Si Cheongdamdong Alice peut retenir l'attention du téléspectateur, c'est qu'il semble bien que ce drama ne soit pas un énième simili-conte de fée trop bien huilé, où une innocente pauvre accède au clinquant à paillettes et conquiert l'héritier. Le personnage de Se Kyung est le grand atout de ce drama : c'est une jeune femme ordinaire, qui, si sa famille a en effet peu d'argent, a toujours mené une existence classique, sans avoir subi aucun drame particulier. Elle vit chez ses parents, a un petit ami depuis 6 ans, et cherche sa voie côté professionnel. De plus, elle n'a rien de l'innocente insouciante et/ou ingénue par laquelle démarrent trop de fictions sud-coréennes : au contraire, elle connaît les galères financières et elle a expérimenté le fossé creusé par les différences de conditions sociales. En résumé, c'est une femme moderne, au caractère entier, qui va revoir ses certitudes sur la manière dont elle peut réussir : elle parle donc naturellement au public.

Un des premiers moments clés de la série pour comprendre ce personnage est l'incident autour de la parure en diamants dont elle perd la garantie : cela ne peut que signifier qu'elle a ouvert le sac et a essayé le collier qui n'était pas pour elle. Mais Se Kyung le nie avec innocence à son supérieur. Ce n'est qu'ensuite qu'on découvre qu'elle n'a en effet pas résisté. Le drama quitte ici les éternels clichés du conte de fée : la jeune femme n'est pas une simple employée modèle qui va persévérer obstinément dans son approche besogneuse. En découvrant la position occupée par son ancienne ennemie du lycée qui, partie elle aussi du bas de l'échelle sociale, a, à sa façon, réussi l'ascension et l'accession à ce milieu que les deux femmes ambitionnaient dans leur jeunesse, elle comprend qu'elle doit évoluer. L'amère désillusion qui frappe Se Kyung au cours de ces premiers épisodes, devant rafaler sa fierté et encaisser humiliations et critiques, est un prétexte cohérent à son changement d'approche. Lorsqu'elle confronte son ancienne ennemie sur les ressorts derrière sa réussite, elle entrevoit pour la première fois une façon de véritablement intégrer ce milieu : il faut commencer par le comprendre.

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L'éventuel talent ne fait pas tout. Telle Alice, Se Kyung découvre que un nouvel univers avec des règles qui lui sont propres. Cheongdamdong Alice est assez pessimiste dans sa mise en scène des rapports sociaux, chacun gardant jalousement sa place dans ce monde argenté. Derrière les luxueuses apparences policées, les jalousies et les concurrences sont une réalité permanente : il est nécessaire de se battre constamment. On pourrait y voir une énième déclinaison autour de la thématique de l'argent, chère à nombre de k-dramas, cependant le discours tenu est un décryptage assez cynique qui permet à la fiction de trouver un ton qui lui est propre. Ainsi, comme l'explique le PDG d'Artemis, "Jean Thierry" Cha", en matière de mode, l'apparence est fondamentale. Mais ce n'est pas tant le produit affiché, que son prix qui est déterminant : il est le référent qui fait exhiber fièrement tel sac à main, tel bijou... Les firmes exploitent à leur profit cette surenchère à la consommation qu'elles orchestrent. Derrière cet exposé, on sent que la série essaye de démontrer, sans toujours y parvenir, que l'éclat du luxe mis en scène à outrance n'est pas juste un prétexte narratif, mais qu'elle a quelque chose à dire sur cette démesure. 

Cependant, si son thème peut être intéressant, le démarrage de Cheongdamdong Alice est poussif, notamment en raison d'une écriture qui fait quelques choix discutables. Parmi les problèmes gênants, il y a tout d'abord une tendance à la surenchère émotionnelle, et à une sur-dramatisation de certains enjeux, qui deviennent pesantes, à l'image des tirades larmoyantes qui accompagnent la fragilisation de la relation entre Se Kyung et son petit ami, criblé de dettes. Mettre un terme à une histoire pour une question d'argent, cela est cohérent avec les codes de l'univers posé, mais la façon dont tout cela est amené, avec une telle sur-dose émotionnelle, rend l'ensembe très forcé et artificiel. Ce qui m'inquiète sur la capacité du drama à gérer ensuite le relationnel sans trop de mélo. La deuxième réserve que je formulerais tient plus généralement à la personnalité du PDG d'Artemis : oscillant entre le professionnel doué et aguéri, et l'homme puéril et revanchard derrière le masque, il échappe à tout classement. Cette imprévisibilité pourrait être un atout si les différentes facettes de son caractère avaient plus de liant et de cohésion. Là, on frôle tout simplement la schizophrénie. Et puis, avec de telles bases, il est difficile d'envisager comment pourront évoluer avec cohérence ses rapports avec Se Kyung.

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Cheongdamdong Alice ne compense pas ces limites de fond par des atouts formels. La réalisation est assez quelconque, ne parvenant pas vraiment à souligner les scènes les plus importantes. Sa bande-son est correcte, mais assez vite oubliable, qu'il s'agisse de son thème musical récurrent ou des chansons rythmées qui retentissent. L'ensemble est donc de facture très classique, et le drama ne pourra s'appuyer que sur son scénario pour espérer retenir l'attention du téléspectateur.

Cependant, il dispose d'un autre atout de choix : son actrice principale. Moon Geun Young (The Painter of the wind, Cinderella's Sister) revient au petit écran après un Marry me, Mary! que l'on préfèrera oublier, et elle revient en grande forme. Elle capture à merveille l'ambivalence de son personnage, jouant sur une part d'innocence, mais aussi une détermination sans faille, pour laisser entrevoir, progressivement, toute l'ampleur de Se Kyung. Face à elle, Park Shi Hoo (Prosecutor Princess, The Princess' Man) s'en donne à coeur joie dans le rôle difficilement cernable du PDG d'Artemis ; mais ce côté schizophrénique mal maîtrisé lui en faire un peu trop pour être totalement convaincant. A leurs côtés, on retrouve notamment So Yi Hyun (Swallow the sun, Gloria), Kim Ji Suk (Personal Preference) ou encore Kim Yoo Ri.

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Bilan : Les premiers épisodes de Cheongdamdong Alice laissent une impression mitigée. La grande force du drama est une héroïne au potentiel certain, et un traitement de ses enjeux avec un accent social plus cynique et réaliste que la moyenne. Cela lui permet de dépasser les éternels clichés inhérents aux ascensions sociales relatées comme des contes de fée modernes. Cependant, l'écriture a ses excès et ses maladresses, notamment dans le traitement des relations amoureuses (soit celle passée mal digérée de Jean Thierry Cha, soit celle actuelle de Se Kyung). Si bien qu'on ressort de ces débuts avec une prudente réserve...


NOTE : 5,75/10


Une bande-annonce de la série :

Une chanson de l'OST :


14/11/2012

(K-Drama / Pilote) The King of Dramas : dans l'univers impitoyable de la conception des dramas

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Quand on regarde autant de séries que nous, forcément, c'est avec une curiosité mêlée d'excitation que l'on se glisse devant une fiction sur le fameux envers d'un décor qu'on connaît trop bien. L'exercice est risqué : il est toujours difficile de tendre un miroir vers soi-même pour dresser le portrait d'une industrie dont le drama en question ne reste pas moins une émanation. Il faut éviter de se complaire dans le récit romancé glamour et un peu vide, mais aussi de renvoyer l'impression d'une certaine hypocrisie à mettre l'accent sur des dysfonctionnements et excès qui sont également présents à l'origine du drama regardé. En Corée du Sud, des dramas ont déjà essayé ces dernières années de se glisser dans les coulisses : de On Air à Worlds Within, les résultats ont été pour le moins mitigés.

Avec de tels antécédents, se posait la question de savoir comment allait se positionner la dernière nouveauté du genre, lancée par SBS le 5 novembre 2012, The King of Dramas (aka The Lord of Dramas). Sans qu'il s'agisse d'une de mes réelles attentes pour cette fin d'année, la sériephile que je suis résiste rarement à l'invitation à une immersion dans le monde des producteurs, scénaristes et autres diffuseurs. Ces deux premiers épisodes n'ont pas démérité : sans échapper à certains excès (sur le fond, comme sur la forme), ils proposent une introduction énergique. Reste à espérer que le drama n'en fasse pas trop et ne se disperse pas ; une de mes principales craintes à terme.

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Anthony Kim est un producteur à succés à qui tout semble réussir. Requin aux dents acérées dans un milieu où personne ne se fait de cadeaux, il n'hésite pas à provoquer sa chance, poussant toutes ses équipes à bout pour atteindre les objectifs qu'il se fixe. Pour lui, une seule chose compte : faire de l'argent et donc rentabiliser le produit qu'il développe, à savoir le drama. Pour assurer un product placement efficace ou pour passer une barre d'audience symbolique, il n'hésite pas à sacrifier sans hésiter toute créativité scénaristique, voire même la logique de l'histoire mise en scène. Que ses dramas génèrent des sous, voilà le seul objectif qui importe à ses yeux.

C'est lors de la finalisation d'une de ses séries qu'il entre dans la vie de Lee Go Eun, une jeune assistante scénariste qu'il va manipuler pour finir les dernières scènes d'un drama que la scénariste principale vient de quitter en claquant la porte. Mais à trop forcer sa chance, Anthony Kim va être à son tour broyé par le système dont il s'est tant de fois servi à son profit. Un scandale éclate en effet suite à la mort d'un coursier qu'il avait mandaté pour un service extrêmement dangereux. Chacun en profite dans l'industrie pour se retourner contre cet être qui a suscité autant de jalousie qu'il s'est fait d'ennemis. Anthony Kim perd alors tout, y compris sa compagnie.

Trois ans plus tard, il se morfond en rêvant d'un come-back et, surtout, de vengeanace. Il croit venue sa chance lorsqu'il met la main sur un projet de financement japonais de drama. Mais le thème l'oblige tout d'abord à recontacter Go Eun, laquelle a abandonné toute idée de carrière suite à ses mensonges. Non seulement il va devoir essayer de la convaincre de travailler avec lui, mais en plus le Japonais commanditaire semble avoir lui-aussi son propre agenda...

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Si les débuts de The King of Dramas capturent immédiatement l'attention du téléspectateur, c'est qu'ils reposent sur une première demi-heure sur-vitaminée et assez réjouissante, proposant un aperçu condensé - de la manière la plus excessive possible - de la réalité derrière la façade policé et doré de l'hallyu. On a l'occasion d'apprécier le véritable contre-la-montre, tellement tendu et éprouvant, que représentent les tournages en "live", avec la mise sous pression de toute l'équipe et les rythmes dantesques à tenir dans lesquels chacun - du scénariste aux acteurs, en passant par le réalisateur - se ruine la santé. En outre, le volet marketing n'est pas absent : tous ces psychodrames naissent en effet de la nécessité de caser un jus d'orange en product placement dans la scène finale du drama qui voit le héros mourir. Savoureuse absurdité. Devant cet attentat à sa création, la scénariste en avale son stylo, et renvoie le producteur insistant dans les cordes, laissant toute la production en stand-by tandis que, le soir-même, ce fameux épisode dont les dernières minutes n'ont même pas encore été écrites doit être diffusé à la télévision.

L'introduction de The King of Dramas prend donc un malin plaisir à croquer toutes les dérives trop bien connues de l'industrie des k-dramas, oscillant entre la caricature presque satirique et une pointe d'autodérision, portées par une écriture énergique et sans nuance. Les thèmes abordés ne laissent pas le téléspectateur amateur de dramas insensible, lui qui s'est plus d'une fois arraché les cheveux devant les aléas de scénarios dont l'écriture souffre du rythme à tenir, ou encore devant l'insertion inutile de flashbacks faisant gagner une poignée de minutes (quand ce ne sont pas des épisodes que l'on ajoute avec ces extensions dans lesquelles trop de dramas se perdent). La thématique principale de The King of Dramas revêt d'ailleurs un intérêt particulier, avec un potentiel indéniable : dès le départ, est mis l'accent sur la tension entre marketing et créativité. Forcer Anthony Kim et Go Eun à travailler ensemble promet beaucoup. Personnifiant les deux natures presque antinomiques du drama, à la fois produit commercial et création issue de l'imaginaire, ces personnages vont devoir collaborer pour essayer de construire une fiction qui satisfera leurs deux exigences. Un tel résultat est-il possible ?

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Nous glissant dans la conception d'une série, The King of Dramas n'en demeure pas moins un k-drama qui s'assume et se réapproprie les recettes très familières du genre. Ce sera là une de mes réserves : la caractérisation des personnages s'esquisse sur des bases très calibrées, rentrant trop parfaitement dans les canons. Face à l'abrasif ambitieux et arrogant personnage masculin, se dresse la naïve apprentie entendant faire ses preuves en tant que scénariste. Tout sonne ici très prévisible, jusqu'au détail qui vient fendiller la froideur apparente d'Anthony Kim - le fait de devoir enchaîner les anti-dépresseurs pour ne pas fondre constamment en larmes. Il y a une impression d'artificialité qui se dégage de ces personnages encore trop standards, et auprès desquels, conséquence logique de cette prévisibilité un peu superficielle, le téléspectateur met un temps à s'impliquer. 

De manière générale, The King of Dramas a le clinquant, assumé et même revendiqué, propre à l'environnement dans lequel il nous plonge, s'inscrivant ainsi en continuité avec le sujet traité. Il s'agit d'un drama plein de vitalité, avec le lot d'excès qui lui est inhérent. Le cocktail fonctionne pour le moment car l'écriture est assurée, et les traits de caractères comme les situations ont les traits volontairement forcés. Cependant cette énergie n'est pas toujours bien canalysée, et se perçoivent certaines limites : le risque de trop en faire, en versant dans une surenchère discutable (le "cliffhanger" du deuxième épisode est une de mes sources d'inquiétude). Tout dépendra de la manière dont le ton s'équilibrera, mais attention à la dispersion et à la volonté de tenter de se lancer à la poursuite d'un tel rythme pour tout le drama. Une fiction solide permettant la confrontation et l'évolution des deux figures principales suffira amplement.

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Cette tendance à trop d'effets se retrouve sur la forme de la série. Plus que par sa réalisation qui répond bien au clinquant du milieu du showbiz, The King of Dramas est surtout un drama saturé musicalement. Pareillement au scénario qui semble craindre le moindre temps-mort et relance constamment l'histoire, il n'ose envisager la possibilité d'une scène au fond sonore silencieux : les musiques s'enchaînent, interchangeables et vites oubliables pour la plupart, mais faisant que tout l'épisode ronronne musicalement sans véritable nuance, ni sans trouver la tonalité qui lui est propre.

Enfin, côté casting, j'ai retrouvé avec beaucoup de plaisir Jung Ryu Won, à laquelle je me suis attachée et dont j'avais beaucoup aimé la performance dans History of a salaryman. Elle a une façon de se réapproprier ses personnages qui les rend immédiatement attachants, sachant retranscrire la détermination inébranlable et les sautes d'humeur, comme les moments de vulnérabilité. Cela explique qu'en dépit de mes réticences face au traitement des protagonistes, elle ait su m'interpeller. Face à elle, Kim Myung Min (que je n'avais pas revu depuis Beethoven Virus, soit une éternité) délivre une interprétation parfaitement maîtrisée, dans le registre du businessman, véritable requin prêt à tout, pour qui seul l'argent importe. Reste à voir comment se développeront les nuances qui viendront forcément (et j'espère, pas uniquement via quelque chose d'aussi artificiel que la prise de médicaments psychotropes). Le reste de la distribution principale est confiée à Choi Si Won (Oh! My Lady, Poseidon), Jung Man Shik (The King 2 Hearts) et Oh Ji Eun (I Live in Cheongdam-dong).

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Bilan : N'en cachant ni les dérives, ni les excès, et sans tomber dans le glamour romancé, The King of Dramas propose une incursion dans l'univers impitoyable de la conception et de la production des k-dramas. L'écriture est énergique, ne cherchant pas à faire dans la nuance. Du fait de personnages encore trop stéréotypés, qui empruntent à des recettes assez convenues, le principal attrait du drama réside dans son sujet, et cette alliance malaisée entre marketing et créativité qu'il va nous relater. Quelques tendances à la surenchère me laissent un peu réservée pour la suite. Mais, vous me connaissez, je serai forcément là pour vérifier, et croiser les doigts pour que The King of Dramas tienne le cap.


NOTE : 6,5/10


Une bande-annonce de la série :

Une chanson de l'OST :