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22/02/2012

(J-Drama) Shokuzai : l'expiation impossible

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Restons au Japon en ce mercredi asiatique pour poursuivre l'exploration de la saison hivernale 2012. Comme annoncé la semaine dernière, je me suis donc lancée dans le j-drama dont j'attendais le plus en ce début d'année : Shokuzai. Il y a quelque chose de très rassurant et de réellement réconfortant quand une série ne déçoit pas les espoirs que vous aviez placés préalablement en elle... et j'ai le plaisir d'écrire que ça a été le cas cette semaine.

Diffusée du 8 janvier au 5 février 2012 au Japon, Shokuzai est une adaptation, scénarisée par Kurosawa Kiyoshi, d'un roman de Minato Kanae. Elle avait a priori sur le papier tout pour retenir mon attention : elle était proposée par la chaîne câblée WOWOW qui, si elle a aussi connu ses ratés (Prisoner...), reste une des plus fiables qui soient (et correspondant à mes goûts) ; elle disposait d'une longueur qui promettait une histoire condensée et peu de risque de s'égarer (5 épisodes) ; et son synopsis était intriguant. Construite autour d'une thématique dramatique troublante, celle de l'expiation, Shokuzai se sera révélée être une solide (et sombre) série. 

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La tragédie qui conditionne tous les destins personnels que va nous relater Shokuzai s'est produite il y a 15 ans. Alors que ses parents viennent d'emménager en provenance de Tokyo, la petite Emiri découvre l'école élémentaire locale. Sae, Maki, Akiko et Yuka deviennent rapidement ses compagnes de jeu. Mais un jour qu'elles s'amusent dans la cour de l'école, un homme vient demander de l'aide pour fixer un problème de ventilation qu'il ne peut atteindre. Emiri accepte de le suivre, seule. Un peu plus tard, se rendant compte que leur amie n'est toujours pas revenue, les quatre écolières rentrent à leur tour dans le gymnase où elles l'ont vue partir. Elles y découvrent, effarées, le corps sans vie d'Emiri.

Quelques mois plus tard, alors que la vie reprend difficilement son cours, les quatre jeunes filles sont invitées par la mère d'Emiri, Asako, en l'honneur de leur amie disparue. Il faut dire que, malheureusement, leurs témoignages n'ont guère été utiles à la police, aucune n'ayant été en mesure de décrire le suspect qui les avaient approchées. Asako se montre particulièrement dure à leur encontre, les considérant responsables de la non-arrestation du coupable. Elle leur promet solennellement que si le meurtrier n'est pas retrouvé, elles devront expier cette faute impardonnable. Les filles quittent ensuite secouées et marquées la maisonnée.

Quinze ans plus tard, jeunes adultes ayant chacune grandies de leur côté, sans plus aucun contact entre elles, ce drame du passé hante pourtant toujours leur vie, et conditionne leurs choix et leurs réactions. Le temps de l'expiation est-il venu ?

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Shokuzai porte parfaitement son titre, puisque son thème central, autour duquel elle va proposer diverses variations, est celui de l'expiation. La mort d'Emiri, le fait de l'avoir  laissée partir seule, mais aussi de n'avoir pu aider la police ensuite, s'apparentent à un lent poison qui, d'une façon ou d'une autre, ronge chacune des protagonistes. Portés par la voix accusatrice d'Asako, ils conduisent sur une voie létale. La série met ainsi en scène un véritable effet domino aux conséquences destructrices glaçantes.  En suivant une narration atypique, chaque épisode étant consacré à un personnage, elle va nous montrer combien le premier drame a influé, parfois bloqué, voire détruit, cinq vies, celles des quatre amies d'Emiri, mais aussi celle de mère qui, prostrée de douleur, n'en est pas moins aussi une victime.  

Prenant pleinement la mesure de son sujet, Shokuzai est logiquement un drama particulièrement sombre et troublant. Il expose des ressorts psychologiques qu'il est plus confortable de laisser inexplorés : ceux qui actionnent consciemment ou non une culpabilité pesante, et les manières dont celle-ci va se manifester. Chacune des filles a intégré le drame, et ce qu'il représente pour elle, suivant sa personnalité et son vécu d'alors. Si elles le vivent de façon très personnelle, elles partagent une même faille, nourrie de la détresse émotionnelle dans laquelle elles ont été submergées il y a 15 ans, mais aussi de ressentiments qu'elles éprouvent envers elles-mêmes. Ces éléments font d'elles de véritables bombes à retardement. 

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Au fil du drama, l'expiation réclamée par Asako apparaît comme ce moment où, confrontées à une situation qui menace leur équilibre psychologique, quelque chose se rompt dans chacune de ces désormais jeunes femmes. Le plus perturbant - et réussi - dans cette mise en scène tient à la narration subjective choisie : l'histoire nous est en effet racontée du point de vue du personnage central de l'épisode, offrant donc une vue biaisée de tout ce qui l'entoure. Entraîné aux confins de la subjectivité, percevant les scènes et les dialogues à travers les yeux de l'héroïne de l'heure, le téléspectateur est amené plus d'une fois à s'interroger sur l'éventuelle distance pouvant exister entre la réalité et la perception des personnages, abusés qu'ils sont par leurs préconceptions forgées dans le drame passé.

Si les épisodes ne sont pas tous égaux en terme de qualité narrative, leur réussite est de parvenir à proposer à chaque fois un récit émotionnellement fort, qui ne laisse pas indifférent le téléspectateur. Si chaque fille a tenté de préserver, à sa façon, sa santé mentale, les épisodes s'apparentent à un compte à rebours inquiétant qu'on devine sans happy end. C'est le premier, parce qu'il donne le ton, qui restera pour moi le plus dérangeant : il met en scène une jeune fille qui a cessé de grandir, souhaitant se couper du monde. Acceptant une non-vie dans laquelle c'est elle-même qu'elle perd, sa tentative de fuite et les sacrifices occasionnés seront pourtant inutile. La prise de conscience de cela lui sera insupportable, et conduira à un drame. Enfin, notons que le dernier épisode referme opportunément la boucle en tendant à Asako un miroir pour lui faire vivre, à son tour, ce que les quatre autres ont traversé. 

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Ce qui contribue également beaucoup à la réussite de Shokuzai, c'est le fait que la série paraissent particulièrement aboutie sur le plan formel. La réalisation est impeccable, bénéficiant d'une mise en scène millimétrée à l'esthétique superbe. La photographie est très travaillée, s'adaptant à l'ambiance de chaque passage : elle glisse des teintes colorées du début à une image tendant vers le noir et blanc, d'où toute couleur semble avoir été drainée, à mesure que chaque personnage voit sa vie s'étioler. La bande-son est pareillement maîtrisée : avec une sobriété caractéristique, on trouve dans ce drama avant tout tout beaucoup de silences, mais également quelques instrumentaux utilisés à propos.

Enfin, Shokuzai dispose d'une galerie d'actrices très convaincantes qui prennent bien la mesure de leur rôle et des ambivalences de chaque personnages. Koizumi Kyoko (Manhattan Love Story) incarne cette mère meurtrie qui pleure son enfant tout en espérant que justice soit rendue, sans qu'on sache précisément dans quelle mesure elle a vraiment conscience que c'est la vie des quatre autres jeunes filles qu'elle a peut-être détruit lors de cette discussion sur l'expiation, quinze ans auparavant. Ces dernières sont interprétées respectivement par Aoi Yu (Camouflage), Koike Eiko (Smile), Ando Sakura (Kaze no Hate) et Ikewaki Chizuru (Fuurin Kazan, Keiji no Genba).

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Bilan : Shokuzai est un drama troublant, expliquant comme des vies peuvent être détruites par un passé qui influence toutes les réactions et perceptions de ses protagonistes. La thématique de l'expiation entraîne inexorablement les différents personnages sur un chemin autodestructeur où la logique et la fatalité empêchent de déterminer s'ils ont conscience de ce qui est réellement en jeu. En dépit de la surenchère dans laquelle versent certains développements, j'ai aimé l'ambiance sombre et le fait que le drama laisse souvent la place à l'interprétation du téléspectateur. Dotée d'une mise en scène sobre, avec un sens parfois presque contemplatif du drame propre à ce petit écran japonais, Shokuzai a donc été un série qui m'a beaucoup intrigué et fasciné. Mon j-drama de l'hiver 2012.  


NOTE : 8,25/10

Commentaires

Bravo, comme toujours tu mets en avant les points forts du drama de façon synthétique et exhaustive.
C'était mon premier drama WOWOW, et il s'est vraiment montré plus qu'à la hauteur sur tous les points. Encore une raison de plus de regarder Soratobu Taiya, si je n'en avais pas déjà assez ! ^^

Écrit par : Katzina | 02/03/2012

@ Katzina : Ah, Soratobu Taiya, ça reste pour l'instant le plus prenant/réussi drama que j'ai eu l'occasion de voir de WOWOW. Donc, oui, à mettre tout en haut de la pile ! ^^
Sinon, soulagée que tu te retrouves dans ma critique, car j'avoue que si Shokuzai est une série qui se vit et se ressent pleinement, elle est au final assez difficile à retranscrire en mots !

Écrit par : Livia | 03/03/2012

Salut Livia, comme promis un petit mot sur mon expérience de Shokuzai vu au ciné cette semaine. J'aurais tellement à dire tellement cette œuvre est foisonnante et marquante surtout pour un novice comme moi des fictions japonaises.
Je parle d'expérience car c'est vraiment ça, une soirée entière au ciné pour regarder ces deux films et évidemment la première questions qu'on se pose, c'est pourquoi ? pourquoi avoir pris cette série japonaise, la transformer en deux long métrage, j'avoue que je trouve cela encore très étrange. Bon personnellement et si je ne pense qu'à mon confort personnel, je ne vais pas me plaindre, ça m'a permit de découvrir une œuvre dans des conditions optimales, un écran de ciné quand même plus grand que ma petite télé cathodique. Mais pourquoi ne pas juste la transposer sur une chaîne française, et c'est en disant cela que je me rends compte que malgré l'ouverture des séries à certaines nouvelles contrées (scandinaves notamment), l'Asie en général en est encore exclue.
Pour en revenir à Shokuzai, la première chose qui me revient à l'esprit et que j'ai retrouvé dans ta critique, c'est la maîtrise formelle à couper le souffle, des actrices et des acteurs captivants, touchants voir effrayants. Pour faire vite je suis en revanche plus partagé par le dénouement de l'histoire. Autant découvrir les 4 vies de Sae, Maki, Akiko et Yuka étaient passionnant, autant le climax final manque d'abord de punch à cause peut être de ce qui est dévoilé au spectateur et que les personnages apprennent par la suite, du coup, cela fait un peu répétition. Ensuite, je ne suis pourtant pas avare de critique envers les fictions trop culcul, et là j'ai été gâté, lol, mais j'ai trouvé qu'à un certain point c'était presque trop. (le moment où on apprend les circonstances de la "conception" d'Emili) là ça fait un peu, n'en jetez plus, la coupe est pleine. Après, ce sentiment est aussi peut être du à une certaine fatigue au bout de presque 4h30 de visionnage. Mais vraiment, malgré cette réserve, ça n’entache rien du plaisir que j'ai eut à admirer chaque plans du film tous plus beaux et travaillés les uns des autres. Oui je dis film, mais c'est une série, je laisse ma faute volontairement.
J'aurais encore des choses à dire, mais je vais quand même m'arrêter là pour le moment.
Au plaisir ;-)

Écrit par : iinno | 19/07/2013

Il me revient une petite question ... A deux reprises j'ai été marqué par la musique de Shokuzai, pourtant discrète la plupart du temps, mais à un moment donné, il y a de la musique irlandaise (episode 3 ou 4 je ne me souviens plus :-() et dans le dernier épisode il y a de la musique balkanique (genre Goran Bregovic).

Loin de moi l'idée qu'on ne devrait entendre de la musique irlandaise dans des fiction qui parlent de l'ETA, et de la musique balkanique dans les films de kusturica, mais ça m'a quand même relativement étonné.

Chère Livia, penses-tu avoir une clé d'explication ou d'interprétation concernant ces musiques ?

Écrit par : iinno | 24/07/2013

@ iinno : Merci pour ton retour sur cette belle série/ce double film :)

La société de distribution française qui a acheté les droits a capitalisé sur le nom du cinéaste derrière cette oeuvre, et a sans doute estimé avec toutes les préconceptions d'usage que le tampon "cinéma" permettrait de toucher le public français qui aurait eu plus de réticences devant le tampon "série". Il faut espérer que des chaînes sautent le pas, mais la production asiatique est vraiment foisonnante, et il faut savoir s'y retrouver. Je pense que c'est autant une frilosité devant trop d'exotique, mais aussi des repères qui restent à construire chez le personnel des chaînes susceptibles d'accueillir de tels programmes.

Pour ce qui est de la musique employée, j'avoue que j'ignore s'il y a une symbolique particulière derrière ces choix. Je n'ai pas de clé d'explication particulière à t'offrir. Juste que l'ensemble se marie parfaitement, de façon plus dosée que la moyenne des dramas japonais. Mais je vais essayer de voir si certains ont écrit là-dessus.

Écrit par : Livia | 26/07/2013

Oui comme tu dis, il reste "un peu" de chemin à faire avant la diffusion de ces œuvres sur notre petit écran. Quand j'y pense le cinéma asiatique non plus n'est pas courant à la télé. mais je lance ça peut-être un peu à la va-vite.

Sinon écoute, oui si tu trouves quelques pistes pour la musique de Shokuzai, je serais curieux d'en savoir plus !
Merci.

Toujours un plaisir que de venir te lire !

Écrit par : iinno | 26/07/2013

buon giorno a tutti,
bien encore une oeuvre majeur de la serie tv japonaise.
vu par épisode et non au ciné. ce que je retiendrais principalement c est ce portrait de femmes et leurs trajectoires après un événement marquant sur leurs vie personnelles. Un casting béton armée belle photographie une histoire intéressante même si pour moi cela s essouffle sur la fin du principalement au manque de charisme de l' assassin (homme). une histoire de femmes je vous dis.
a presto d avanti lo schermo

Écrit par : Dibs | 19/08/2013

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