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11/07/2012

(J-Drama / SP) Kyogu : des destinées croisées sur fond de kidnapping

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Depuis le succès rencontré par le film Kokuhaku (Confessions) en 2010, qui transposait sur grand écran un de ses romans, on peut dire que l'écrivaine Minato Kanae connaît une période faste : ses livres sont considérés comme un matériau de choix pour servir de base à des adaptations télévisées et cinématographiques. Ma première rencontre avec son univers a eu lieu, souvenez-vous, avec le marquant Shokuzai, drama diffusé en début d'année sur WOWOW. Un autre projet, à destination du cinéma cette fois, est également programmé pour la fin de l'année, Kita no Canaria-tachi (A Chorus of Angel). Mais aujourd'hui, c'est sur un tanpatsu datant de fin 2011 que nous allons nous arrêter.

Kyogu a été diffusé sur TV Asahi le 3 décembre 2011, un samedi soir en prime-time. Cet unitaire d'une durée totale de 1 heure 45 a fait de bons scores d'audience. C'est Yajima Masao qui s'est chargé de l'adaptation du roman à la télévision. C'est lorsque j'avais fait des recherches suite au visionnage de Shokuzai que je l'avais noté sur ma liste à découvrir, puis la critique faite par Katzina m'avait confortée dans mon idée. Au final, c'est un intéressant récit, très humain, de deux destinées croisées.

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Kyogu met en scène deux amies d'enfance, ayant grandi ensemble dans un orphelinat, sans connaître leurs origines. Entrées dans l'âge adulte, elles ont suivi des chemins différents. Takakura Yoko mène jusqu'alors une vie heureuse : elle a épousé un homme de bonne famille, politicien élu au Parlement, avec lequel elle a un fils de 5 ans, Yuta. En plus de cette vie personnelle épanouie, elle vient de remporter une récompense pour son premier livre illustré à destination des plus jeunes. L'histoire y est semi-autobiographique au sens où il parle de leur enfance et de ce que représentait l'image d'un ruban bleu pour elle et son amie, Aida Harumi - dont c'est en quelque sorte l'histoire. Harumi, très entreprenante, exerce elle le métier de journaliste.

Mais alors que tout semble aller pour le mieux dans sa vie, Yoko va voir plusieurs évènements venir la troubler. Dans un premier temps, il lui faut faire face à des accusations faites contre son mari, interrogé par la police sur de possibles financements illégaux. Puis, c'est son fils qui disparaît de son club de natation, alors que son époux est à l'étranger. L'hypothèse du kidnapping se confirme lorsqu'un mystérieux fax est reçu à la permanence lui intimant de révéler au public "la vérité" pour espérer revoir Yuta. Pressée de ne pas prévenir la police et de tout faire pour sauver son enfant, Yoko appelle alors à l'aide Harumi...

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Il est difficile de rédiger une review sur Kyogu sans en dire trop, alors qu'il s'agit d'un récit qui mérite d'être découvert avec un regard neuf sans connaître préalablement ses aboutissants. En premier lieu, il faut cependant préciser que, contrairement à ce que le synopsis aurait pu laisser croire, ce tanpatsu n'est pas un thriller au sens propre du terme. Il ne mise par vraiment sur le suspense. Le kidnapping de Yuta est certes un évènement déclencheur, mais très vite, ce n'est pas tant le sort de l'enfant, ni même l'identité du kidnappeur qui retiennent l'attention du téléspectateur : ce qui interpellent, le vrai mystère, ce sont les motivations derrière l'acte commis. Qu'est-ce qui a pu pousser quelqu'un à recourir à une telle extrémité ? Qui est vraiment visé, Yoko ou son mari ? Et qui peut vouloir ainsi forcer à exposer publiquement cette "vérité" réclamée dans le premier fax ? 

Après une première partie où Kyogu met surtout en scène les premières réactions et esquisse une enquête, semi-artisanale, loin de la police, le récit prend sa réelle dimension lorsque Yoko en appelle à Harumi et que les deux jeunes femmes unissent leurs forces. A un suspense qui ne prenait pas, succède une tension psychologique autrement plus intéressante. L'histoire prend un tournant plus personnel et introspectif. Tout en exhumant des drames oubliés faits de déchirements qui ont toujours des conséquences actuelles sur les vies, le tanpatsu met aussi en lumière, de façon troublante, la complexité tellement humaine des liens d'amitié forgés dans des circonstances difficiles. A ce titre, la manière dont est exploitée l'image du ruban bleu accentue la dimension poignante d'un récit à la fois simple et touchant : cet objet, qui est aussi le fil rouge du livre de Yoko, reste un symbole maternel pour des orphelines chez qui il représente aussi bien le lien vers leurs origines qu'un espoir pour le futur. La jolie - mais un peu facile - conclusion prouve d'ailleurs combien cet aspect prime sur le reste du récit. 

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Sur la forme, Kyogu bénéficie d'une réalisation assez soignée et très épurée, qui propose quelques beaux plans. La caméra semble faire preuve d'empathie et a une façon très pudique de capter la détresse de certains personnages. Je retiendrai aussi plus particulièrement la belle photographie d'ensemble, notamment lorsque le réalisateur entreprend de jouer à l'écran sur les déclinaisons de bleu, couleur au coeur du récit. Quant à la bande-son, elle accompagne tout en retenue la narration, restant avec justesse assez minimaliste.

Enfin, pour asseoir son histoire, Kyogu a le mérite de pouvoir s'appuyer sur un solide casting dans l'ensemble convaincant. Parce que c'est avant tout un drama au coeur duquel se trouve un duo de femmes marquant, il faut tout d'abord saluer les interprétations de Matsuyuki Yasuko (Mother) et de Ryo (Code Blue, Bitter Sugar), qui incarnent Yoko et Harumi. Les scènes qu'elles partagent sont les plus réussies du tanpatsu, et elles offrent toutes les deux des performances intenses. A leurs côtés, on retrouve notamment Sawamura Ikki, Azuma Mikihisa, Tabata Tomoko, Ashina Sei, Nagura Jun, Kishibe Ittoku, Shirakawa Yumi, Nishimura Masahiko, Nogiwo Yoko et enfin Nishimoto Haruki.

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Bilan : A partir d'une histoire de kidnapping qui aurait pu le rapprocher du thriller, Kyogu se révèle être un tanpatsu poignant qui privilégie habilement l'émotionnel au suspense. Avec simplicité et tact, il nous glisse dans une histoire d'amitiés, de destinées entrecroisées, s'intéressant aux empreintes laissées par le passé. En résumé, c'est une histoire avant tout humaine qui, après s'être un peu cherchée dans un premier temps, trouve son équilibre et une justesse de ton intéressante dans sa seconde partie.


NOTE : 7/10

12/05/2010

(J-Drama / Pilote) Mother : un drame humain fascinant et bouleversant

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En ce mercredi asiatique, poursuivons la découverte des nouveautés de ce printemps 2010 au Japon, avec une série diffusée depuis le 14 avril 2010 sur la chaîne NTV, Mother. S'il est rare qu'un pilote atteigne directement une telle dimension, ce premier épisode m'a tout simplement laissée sans voix, tout autant bouleversée que fascinée par l'histoire qu'il esquisse.

Initialement, je pense avoir plutôt tendance à me tourner vers la télévision asiatique en quête de dépaysement et de détente. Cependant, ce serait très réducteur de ne retenir que cet aspect "divertissement léger" dans le paysage particulièrement éclectique qui y est proposé. Si j'ai l'habitude de ne faire que picorer dans les offres de la télévision japonaise, il y a une chose que cette expérience m'a fait retenir, c'est cette capacité inimitable des Japonais pour relater de véritables drames humains, parvenant à faire vibrer d'émotions le téléspectateur, sans jamais tomber dans un pathos larmoyant excessif et pesant. Avec une sobriété admirable, Mother s'inscrit dans cette lignée.
Cette série ne ressemble à aucun j-drama que j'ai pu voir par le passé. Mais devant ce pilote à la narration parfaitement maîtrisée, on ne peut que rester considérablement impressioné par la force du récit mis en scène. J'ai bien envie de sortir de ma réserve habituelle pour vous le conseiller chaudement, amateur de série asiatique ou non, il s'agit d'une histoire à la portée universelle.
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A la lecture de son synopsis, Mother laissait ouverte de nombreuses options dans la façon dont elle aborderait la thématique sensible qu'elle se proposait de traiter : maltraitance, enlèvement d'enfant, voire même interrogation sur la nature de la cellule familiale. Rien ne préjugeait de la tonalité qu'elle allait adopter. Les écueils à éviter étaient nombreux : du lourd mélodrame indigeste jusqu'à la dédramatisation glissante et inadéquate. C'était une histoire difficile, dans laquelle trouver le ton juste allait être déterminant. Or, le résultat dépasse en bien des points mes attentes. En adoptant une dimension à la fois intimiste et poignante, dans le cadre d'une narration admirable de retenue, cette transposition à l'écran renvoie une impression d'authenticité rare, qui accentue la force du récit ainsi délivré.
Mother raconte une histoire atypique et troublante. Suzuhara Nao est devenue une institutrice remplaçante dans une école primaire, à la suite de la perte de son emploi de biologiste à l'université. D'un naturel distant, elle ne s'anime que lorsqu'elle évoque ses chers oiseaux migrateurs, préférant s'isoler pour les observer plutôt que de rechercher le contact humain du quotidien. Elle n'éprouve ainsi aucune affinité à l'égard des enfants, ne voyant dans son travail qu'un salaire de subsistance, une parenthèse professionnelle qui devrait bientôt se clôturer. Le contact n'est pas des plus faciles avec ses élèves, mais l'attention de Nao va être attirée par l'une d'entre elles, Michiki Rena.
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Parfois dissipée, toujours très dynamique, l'enfant la prend en affection dès leurs premiers échanges. A mesure qu'elles se croisent, en dehors du cadre scolaire, maladroitement mais sûrement, des rapports privilégiés se nouent entre ces deux êtres, perdus chacun à leur manière sur le chemin de la vie. Aussi enjouée soit-elle en apparence, Rena subit un quotidien compliqué. Nao la découvre ainsi traînant dans les rues à la nuit tombée, ou se nourrissant régulièrement de crème glacée et de soda. Les soupçons de maltraitance se précisent à la vue des bleus qui marquent tout le corps de la petite fille. Mais les services sociaux, excessivement prudents, ne réagissent pas.
Un jour, Nao se rend chez Rena à l'improviste. Elle découvre l'enfant enfermée dans un sac poubelle jeté dans l'allée, avec les autres détritus. Sur la plage où elle la conduit ensuite pour lui faire admirer ses oiseaux migrateurs, Nao prend alors une décision radicale, agissant de manière impulsive. Elle annonce à Rena son intention de l'enlever, l'invitant à partir avec elle loin de cette région connue, dans un lieu où elles pourront former, ensemble, une "famille". Planifiant une mise en scène pour expliquer la disparition de Rena, l'adulte et la petite fille prennent ensuite un train, partant dans l'inconnu mener une vie basée sur le mensonge, et laissant derrière elles des soucis familiaux auxquelles elles ne pourront probablement pas éternellement échapper.
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Tout en nous narrant cet enchaînement d'évènements qui conduit à la prise de décision irrémédiable de Nao, c'est dans ses personnages principaux que ce pilote trouve sa première richesse. En effet, Mother fait preuve d'un tact et d'une nuance particulièrement matûres pour  dépeindre chacun des protagonistes.
Par quel qualificatif commencer pour décrire Rena ? Adorable et attachante, elle semble en apparence pleine de vie. Pourtant, en elle, quelque chose s'est déjà brisé. On frôle l'irréparable à plusieurs reprises au cours de ce pilote, tandis que le cercle vicieux s'accélère au sein de son cercle familial. Le petit ami de sa mère entraîne cette dernière toujours plus loin sur une voie dangereuse, la dressant progressivement contre son enfant. Le téléspectateur ne peut que sentir son coeur se serrer en assistant, impuissant, aux efforts faits naturellement par Rena pour maintenir un semblant de normalité dans un quotidien où la peur règne. Le simple plan de la caméra montrant le regard de Rena qui fixe un instant les chaussures du petit ami, laissées à l'entrée de la maison, lui indiquant qu'il est donc bien sur place, est plus fort et poignant que tous les discours. Entre brimades, humiliations et restrictions alimentaires, Rena survit, avec un pragmatisme enfantin. Elle a déjà perdu l'innocence de son âge ; mais elle reste capable de rechercher des chemins d'évasion pour continuer à aller de l'avant.
Mother contient des scènes particulièrement marquantes, voire choquantes, qui ne pourront laisser insensibles le téléspectateur, témoin privilégié du dérapage de plus en plus dangereux que prennent les choses. Rena voit ses livres et jouets jetés dehors, afin de s'en débarasser avec les ordures. Puis, c'est son cher hamster, qui ne la quittait pas, qui disparaît. Au-delà de la maltraitance, c'est à une progressive réification de la petite fille à laquelle on assiste. Réification qui culmine lors de ce face-à-face, d'une perversité malsaine, entre Rena et le petit-ami, où ce dernier la maquille. L'explosion de violence de la mère lorsqu'elle rentre entérine cette déshumanisation de l'enfant. L'habitude aidant, sa mère ne voit plus en elle qu'un poids dans sa vie, la réduisant à une simple chose avec laquelle on peut s'amuser, mais le plus souvent ennuyeuse et inutile.
Ce sont des moments qui sont particulièrement durs à regarder. La force de la série est de les relater avec une mise en scène d'une sobriété presque glaçante. Pas de pathos inutile, pas de mélodrame excessif, simplement des fragments bruts d'une réalité inavouable, qui laisse sous le choc.
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Si Rena joue impeccablement sur le registre le plus sensible, Mother prend également le temps d'explorer son autre personnage principal, adulte lui. Le pilote nous retrace ainsi l'évolution de Nao. En porte-à-faux avec son milieu professionnel, sans tendresse particulière pour les enfants, elle cache derrière cette apparence froide ses propres soucis et blessures personnelles. Son progressif attachement, puis sa prise de conscience du quotidien de l'enfant, sont des processus qui sont relatés avec beaucoup de justesse et de retenue. Sans assister à un épanchement sentimental inutile, le téléspectateur ressent pleinement l'implication émotionnelle de la jeune femme qui grandit, au fil de ses rapports avec Rena. Nao a pourtant aussi un passif conséquent qu'elle révèle en fin d'épisode à la petite fille et qui éclaire sous un jour nouveau sa terrible décision : la jeune femme a été abandonnée quand elle était enfant, et a été ensuite adoptée. Sa mère adoptive l'aime ; nul doute là-dessus, elle l'a toujours bien traitée. Mais quelques scènes nous apprennent à quel point leurs rapports sont détériorés, comme si le lien entre elles n'avait jamais pu être établi.
Mother est aussi un drame humain qui se joue à plusieurs niveaux, sur un plan personnel, mais aussi relationnel. Ce pilote nous raconte la rencontre de deux êtres, avec chacun un lourd passif, très différent. En toile de fond, se dessine une réflexion sur la famille, sur son immutabilité, et, plus généralement, sur les rapports et confusions pouvant naître entre les liens biologiques, juridiques et affectifs. Dans ce premier épisode, on retrouve une première réflexion des plus troublantes sur l'ambivalence des sentiments que l'on peut éprouver pour des personnes que nous sommes pourtant "programmés" à aimer. Avec beaucoup de tact et de nuance, sans préjugés moralisateurs, ce drama dresse un portrait d'une authenticité rare et d'une force fascinante.
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La forme se met parfaitement au service du fond, à la hauteur de la dimension atteinte par le contenu du drame qui nous est relaté. La tonalité d'ensemble de la série trouve en effet un reflet parfait dans sa bande-son. La musique consiste principalement en un superbe accompagnement au piano, tout en retenue. Magnifiant les scènes qu'elle accompagne, elle n'est jamais envahissante et ne verse à aucun moment dans la surenchère instrumentale pour souligner plus que de raison la portée de certains passages. En somme, tout est juste comme il faut, complément parfait à la sobriété globale de la série.

La réalisation est également de bonne facture, avec une image assez épurée et des teintes globalement froides qui cadrent bien avec l'atmosphère du drama. La caméra profite aussi pleinement du décor glacial et dépaysant de la petite ville portuaire où se déroule l'action pour proposer quelques très beaux plans en extérieur, entre neige et mer.
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Enfin, le casting se révèle très solide, même si, pour le moment, le pilote nous a surtout permis d'apprécier ses deux figures centrales. Matsuyuki Yasuko (First Kiss) incarne avec une certaine ambiguïté et une retenue savamment dosée cette institutrice qui n'est pas d'un relationnel facile, mais qui va progressivement s'ouvrir au contact de Rena. Cette dernière est interprétée, avec une innocence et un enthousiasme communicatif à l'écran, par la petite Ashida Mana, absolument adorable.
A leurs côtés, on retrouve des habitués du petit écran japonais, tel Yamamoto Koji, Sakai Wakana, Kurashina Kana, Kawamura Yosuke, Ichikawa Miwako ou encore Otoo Takuma.

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Bilan : Le pilote de Mother pose les bases d'un superbe drama humain, d'une sobriété poignante. Bénéficiant d'un cadre assez intimiste, la série se révèle d'une grande justesse pour aborder le difficile sujet de la maltraitance. Tout en esquissant une réflexion sur la cellule familiale, sa nature et les sentiments qui peuvent la traverser, ce drama réunit deux personnages très différents, une adulte et une enfant, dans une relation étonnante d'authenticité et de naturel.

Fascinante dans la mise en scène de son récit, Mother est aussi un drama très dur, chargé émotionnellement, mais qui contient également des scènes difficilement supportables. On ne ressort pas indemne du visionnage de ce pilote. Cependant, la découverte de ce drama est sans doute à classer dans les indispensables.


NOTE : 8,5/10


Une vidéo reprenant quelques images du pilote, avec en fond sonore la chanson principale de la série (Nakigao Smile, interprétée par Hinaco) :