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30/11/2014

(UK) Grantchester, saison 1 : un (crime) period drama empreint de chaleur humaine

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De The Vicar of Dibley à Father Ted, en passant par Rev., on peut sans nul doute dire qu'il existe une solide tradition de comédies cléricales dans le petit écran anglais. Mais depuis l'année dernière, les téléspectateurs d'outre-Manche ont désormais l'occasion de se familiariser avec un autre genre de fictions cléricales, des whodunit les replongeant dans les années 50. En janvier 2013, BBC1 a ainsi lancé Father Brown (diffusée dans la journée). Cet automne 2014, c'est ITV1 qui proposait à son tour son propre homme d'Église pour résoudre quelques intrigues criminelles, en prime-time cette fois, dans Grantchester, une série basée sur les romans de James Runcie.

Six épisodes plus tard, il faut reconnaître qu'il est bien difficile de rester insensible au charme de cette série pleine d'humanité (et de ses acteurs, James Norton en tête, dans un rôle qui tranche du tout au tout par rapport au personnage qu'il interprétait dans Happy Valley un peu plus tôt cette année). On retrouve dans Grantchester cette saveur caractéristique des 'period dramas réconforts', un peu hors du temps, très prisés des téléspectateurs britanniques pour conclure leur week-end (même si la série a été diffusée le lundi - les dimanches soirs d'automne, sur ITV1, étant réservés à Downton Abbey). Une fiction donc typiquement anglaise, pour laquelle une seconde saison a (heureusement) d'ores et déjà été commandée.

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Le charme de Grantchester repose sur une chaleur humaine qu'elle a communicative, bien plus que sur les enquêtes relatées dont les atours sonnent quelque peu datés. Se déroulant dans un coin de campagne anglaise, près de Cambridge -un décor champêtre que la réalisation sait admirablement mettre en valeur avec des plans soignés et une photographie lumineuse-, la série se situe dans l'après Seconde Guerre Mondiale. Il ne faut cependant pas attendre d'elle un tableau critique et acéré de l'Angleterre d'alors. Par petites touches, la série aborde certes de manière très classique certains thèmes de société et les préjugés qui ont cours dans ce cadre resté rigide et conservateur, mais elle n'en fait jamais l'objectif premier du récit. Et si l'ombre de la guerre est omniprésente -jusque dans des flashbacks-, c'est avant tout pour éclairer ses conséquences humaines et mieux souligner combien elle hante toujours les esprits et pèse sur les consciences, au premier rang desquelles figure celle de Sidney Chambers, jeune prêtre anglican officiant dans cette petite communauté. La dimension policière -au rythme d'un crime à résoudre par épisode- ne dépareille pas dans cet ensemble, cependant les investigations servent surtout de ressorts narratifs -d'aucuns parleraient de prétextes- parfaits pour faire évoluer et pousser dans leurs retranchements des protagonistes qui constituent le cœur véritable de l'histoire.

En effet Grantchester est entièrement dédiée à ses personnages. La série cultive l'art de mettre en scène des duos inattendus, dont les interactions, vivantes et rafraîchissantes, fonctionnent extrêmement bien à l'écran. Dans le premier épisode, c'est un doute concernant la réalité d'un suicide qui conduit Sidney à pousser pour la première fois les portes du commissariat local. Il y rencontre Geordie Keating (impeccable Robson Green), le policier en charge de l'enquête. Complémentaires dans la résolution des crimes, les deux hommes nouent très vite une solide amitié qui saura par la suite traverser diverses turbulences. L'entourage de Sidney n'est pas en reste et trouve aussi très bien ses marques, de Mrs Maguire, gouvernante énergique à la franchise toujours très directe, au jeune vicaire Leonard et ses débats théologiques abstraits qu'ils accueillent à la mi-saison. L'écriture accorde une large place aux états d'âme des personnages, et tout particulièrement de Sidney. Hanté par la guerre, mais aussi par les déchirements causés par un amour impossible et une vie sentimentale compliquée, il s'évade dans ses disques de jazz -des goûts musicaux accueillis avec perplexité- et noie ses regrets dans l'alcool. Au fil des épisodes et des péripéties, Grantchester s'attarde sur les failles de chacun, mais aussi sur les émotions et les doutes qui menacent de les submerger. Elle dresse ainsi des portraits, plein de sincérité et profondément attachants, qui ne laissent pas le téléspectateur insensible et représentent le vrai fil rouge de la série.

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Ainsi, Grantchester ne saurait se réduire à une simple -énième- fiction d'enquêtes. Plaçant l'humain, avec ses failles et ses passions, au cœur du récit, elle repose sur les dynamiques -entre respect, petites piques et soutien- qui s'installent entre ses personnages, ayant l'art d'associer des figures inattendues pour former des duos fonctionnant très bien à l'écran. Portée par un casting convaincant et une réalisation soignée, elle s'impose comme un period drama empreint de chaleur humaine dont le charme communicatif et sincère ne laisse pas indifférent. Une série qui se révèle donc attachante et parvient à se démarquer dans un genre -whodunit- saturé. Avis aux amateurs.

NOTE : 7,25/10


La bande-annonce de la série :

23/11/2014

(NOR) Dag, saison 1 : un conseiller conjugal atypique pour une comédie acerbe

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"Listen. I don't despise you, or find you to be loathsome specimens. This isn't personal to me in any way. But I've heard everything you say from a hundred other couples. So please allow me to repeat : compatible personalities do not exist. When living together for an extended period, you end up repressing the other person's personality. Do yourself a favour : get divorced. End this misery. It'll be a mercy killing." (Dag, S01E01)


Imaginez un conseiller conjugal dont la philosophie de vie repose sur l'idée que chacun devrait vivre en solitaire. Cette certitude, Dag n'hésite pas à la partager avec les clients les plus divers qui osent pousser la porte de son cabinet. En guise de consultation, son écoute se conclut invariablement par un laïus déconstruisant minutieusement la notion de couple et, plus généralement, le soi-disant besoin de socialiser présenté comme inhérent à l'être humain. Ses thérapies ont donc l'avantage d'être courtes... et le taux de divorce, vertigineux, y défie toutes les statistiques.

Ce synopsis constitue le point de départ de Dag, une comédie norvégienne qui a rencontré un joli succès aussi bien critique que public dans son pays. Elle compte à ce jour trois saisons diffusées entre 2010 et 2013 sur la chaîne TV2. Après l'expérience concluante qu'avait été le visionnage de l'inclassable -et jubilatoire- Hellfjord l'an dernier, j'étais très curieuse de poursuivre l'exploration du petit écran norvégien, ainsi que la découverte de cet humour typiquement scandinave que l'on peut y croiser. Dag était la série parfaite pour cela. C'est en une petite semaine que j'ai terminé les 10 épisodes de la première saison - d'une durée d'environ 25 minutes chacun. En attendant la suite, aujourd'hui, poussons ensemble la porte du cabinet de ce thérapeute atypique.

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Dag est une comédie noire, à l'humour caustique, parfois féroce, souvent absurde. Centrée sur son personnage principal, la série fonctionne cependant comme un ensemble au sein duquel les figures secondaires contribuent tout autant à la tonalité corrosive ambiante. Tandis que Dag a toute latitude pour développer amplement ses théories sur l'asociabilité de l'être humain et l'incompatibilité naturelle entre deux individus auxquelles se heurte fatalement tout projet de vie commune, les autres protagonistes ne sont pas en reste. Chaque épisode est ainsi le témoin des derniers désastreux choix relationnels de Benedict, le -seul- ami de Dag, qui démarre la saison en abandonnant sa compagne, sur le point d'accoucher, à la maternité, se retrouvant poursuivi par les parents bouchers serbes de celle-ci pendant une bonne partie des épisodes. Au cabinet, les remarques de Malin, secrétaire intrusive pour qui la confidentialité est une notion inconnue, et les brèves sessions avec des clients, réguliers ou nouveaux venus, toujours hauts en couleurs, parachèvent de poser l'ambiance. La série se construit par petites touches souvent mordantes et sombres sur la nature humaine en général et les relations portées à l'écran en particulier. Agrémentée de tirades désillusionnées qui font mouche, elle cultive une tonalité résolument corrosive, rafraîchissante à sa manière dans cette façon atypique et décalée d'aborder ces grands thèmes classiques que sont la vie, la mort, la solitude... et l'amour.

Pour autant, derrière ces apparences aussi désenchantées qu'acérées, la série n'en est pas moins pourvue d'une certaine sensibilité. Car, au fil de la saison, le portrait de Dag se nuance à mesure qu'il se précise. Si le conseiller conjugal tient farouchement à son indépendance, faisant tout pour que rien ne puisse ni l'atteindre, ni le toucher (en témoigne le véritable sas qu'il s'est aménagé dans son appartement entre l'extérieur et les pièces dans lesquelles il vit), des informations sur son passé et sur sa famille, dévoilées progressivement, viennent nous donner une meilleure compréhension du personnage. Mieux encore, sa carapace se fissure face à l'obstination de sa sœur, puis d'Eva rencontrée justement par son intermédiaire. En effet, Eva s'immisce dans la vie minutieusement réglée de Dag, perturbant son quotidien et faisant dérailler quelques-uns de ses principes cardinaux, sans qu'il puisse vraiment refuser quoique ce soit à cette jeune femme qui brouille les défenses qu'il a érigées autour de lui. La mort de son père vient aussi le questionner. En filigrane, une interrogation se dessine : cela vaut-il la peine de tenter de s'ouvrir au monde, ou du moins à quelqu'un d'autre ? Sa philosophie de vie solitaire, aussi rationalisée qu'elle paraisse, ne dissimule-t-elle pas surtout la peur du rejet, de l'échec, de l'aléa tout simplement inhérent à toute relation ? Construire quelque chose à deux, c'est accepter de prendre un risque. De donner et de recevoir. Dag en est-il capable ? Sans rien brusquer, cette saison 1 est ainsi une histoire d'évolutions, sans que nul ne sache vraiment où elles conduisent...

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Dotée d'un humour acerbe et mordant, Dag est une comédie noire chargée de désillusions sur la nature humaine, qui excelle dans un registre à la fois provocateur et absurde. Sa tonalité à part repose en partie sur les épaules de sa figure centrale, conseiller conjugal atypique à la philosophie de vie solitaire revendiquée, mais aussi sur une galerie de personnages secondaires qui contribuent pleinement au décalage ambiant. Souvent féroce, délicieusement corrosive, mais non dépourvue d'une humanité qui pointe derrière son désenchantement, Dag est une série qui peut faire office d'introduction parfaite dans le registre comique venu du Nord. Avis aux amateurs (et aux sériephiles curieux) !


NOTE : 7,5/10


Pour conclure, laissons le mot de la fin à Malin, la secrétaire de Dag, qui explique les raisons qui l'ont conduite à choisir son métier :

"I love human disappointment. Or, not disappointment, exactly. But suffering. People who obliterate their sense of dignity. People banging their head against the wall, their heart on their sleeve... I just love it. It's just my cup of tea." (S01E03)


Les premières minutes du pilote (sous-titrées en anglais) :


[Retrouvez ce billet dans la sélection hebdomadaire Séries Mania]

16/11/2014

(J-Drama) Kanata no Ko : en quête d'expiation sur le Mt. Fuji

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Comment faire face au poids d'une responsabilité insoutenable ? C'est la difficile question qu'explore Kanata no Ko, une courte série japonaise de 4 épisodes, adaptation d'un roman de Kakuta Mitsuyo. Diffusée sur la chaîne payante WOWOW du 1er au 22 décembre 2013, sa transposition dans le petit écran a été confiée au réalisateur Omori Tatsushi, sur un scénario de Takahashi Izumi

Se déroulant sur les pentes du Mt. Fuji, ce drama entraîne le téléspectateur sur les sentiers tortueux et douloureux d'une expiation impossible. La fiction met en effet en scène plusieurs protagonistes qui ont provoqué -d'une façon ou d'une autre- l'irréparable, causant la mort d'un proche : un enfant, un ami, un être autrefois aimé... L'ascension du Mt. Fuji, symbole tout à la fois de fuite et de repentance, constitue le dépaysant fil rouge d'une œuvre aussi troublée que troublante. Au fil d'une randonnée qui prend des accents oniriques, la série revisite les parcours de ces figures brisées et les motifs qui les ont conduits à entreprendre cette randonnée.

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Kanata no Ko décline son thème central du pardon impossible par l'intermédiaire de plusieurs histoires personnelles. Elle adopte pour cela une narration atypique, qui exploite de manière assez particulière le format sériel. Ainsi, son premier et son quatrième épisode sont consacrés au même personnage, celui sur lequel s'ouvre la série : cette mère désemparée, courant dans les rues d'une ville en portant sa fille inanimée dans les bras. En revanche, les épisodes 2 et 3 peuvent presque être visionnés de manière indépendante, s'intéressant à deux autres protagonistes ayant eux-aussi un passé avec lequel il leur faut tenter de faire la paix.

Pour chacune des histoires relatées, le récit suit une même construction narrative. Il se déploie sur trois lignes temporelles différentes : d'une part, il y a l'ancrage dans le présent que constitue cette excursion sur le Mt. Fuji ; d'autre part, deux éclairages parallèles sur le passé du personnage sont proposés. Il s'agit d'essayer de comprendre sa vie et ce qui a pu conduire à l'événement tragique qui s'est produit, mais aussi parfois d'esquisser le si difficile "après" et l'incapacité de continuer à vivre qui en a résulté. La tendance du scénario à entremêler les lignes temporelles se révèle parfois déroutante, confrontant des scènes que le téléspectateur ne replace pas toujours immédiatement dans ces tableaux tragiquement humains que la série dévoile par petites touches. Pourtant derrière cet aspect un peu brouillon, patiemment, avec une lenteur assumée et une sobriété revendiquée, c'est une fiction ayant un cachet à part qui se construit sous nos yeux, une fiction dont on ne ressort pas indemne...

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Kanata no Ko relate trois parcours distincts dans lesquels elle s'efforce d'impliquer le téléspectateur -avec plus ou moins de réussite. L'histoire principale est celle de Hitoko (épisodes 1 et 4). Elle traite d'une thématique double : d'abord, il s'agit d'explorer son enfance et la déchirure que représente l'abandon par sa mère, puis, à l'âge adulte, sa vie est l'occasion de rappeler la difficile situation dans laquelle se trouvent les mères célibataires au Japon (un thème qui avait été, souvenez-vous, brillamment traité quelques mois auparavant à la télévision japonaise dans Woman). Le premier temps est donc celui d'une innocence éphémère, avec un récit métaphorique troublant qui emprunte au folklore japonais ; le second, celui d'une descente aux enfers déchirante. Le deuxième épisode, sur le thème d'un amour hors de contrôle, est sans doute le moins abouti, devant beaucoup à l'interprétation très juste de Mitsushima Hikari (Woman). Quant au troisième, il évoque l'insouciance brisée par des jeux d'enfants ayant mal tourné.

Si Kanata no Ko est parfois inégale, ses fulgurances marquent durablement. La série a en effet l'art de capturer des instantanés de vie avec une authenticité rare. La réalisation y est pour beaucoup : offrant quelques plans magnifiques et sublimant certaines scènes du passé, la caméra sait aussi se montrer intimiste, filmant en retrait, sans intrusion, ces passages clés menant à l'irréparable. Omori Tatsushi apporte ainsi au drama de vrais instants de grâce, tout en accompagnant invariablement le téléspectateur vers la tragédie. La narration a le mérite de ne jamais accélérer, ni rechercher le moindre artifice, en menant au moment fatal. L'attente en devient aussi insoutenable que la scène du drame elle-même, la sobriété constante du récit restant une de ses forces majeures. Quant à la quête d'expiation -impossible- sur le Mt. Fuji, elle confère à la série des accents oniriques, aux confins du réel, qui déroutent et achèvent de donner à l'ensemble une dimension à part. Car, à l'image de son thème musical principal (cf. la vidéo ci-dessous), Kanata no Ko est une fiction hantée... à plus d'un titre.

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Au final, Kanata no Ko apparaît comme une œuvre brute, caractérisée par des fulgurances marquantes et la capture d'instantanés à la justesse troublante. Les inégalités qui amoindrissent parfois le récit elliptique mis en scène sont contrebalancées par une réalisation soignée qui, notamment dans les flashbacks, a l'art de sublimer certains passages. Kanata no Ko mise ainsi souvent plus sur le ressenti et la décharge émotionnelle qu'elle va susciter. Dans ce registre de l'expiation impossible, elle n'a sans doute pas l'intensité dérangeante de Shokuzai, dont elle sera logiquement rapprochée (les deux séries proviennent d'ailleurs toutes deux de la même chaîne), mais elle est une fiction dramatique éprouvante qui hantera durablement le téléspectateur. Il s'agit par conséquent d'un drama japonais intéressant qui ne saurait laisser insensible et mérite la curiosité.


NOTE : 7/10


Le thème musical principal de la série, par Mono :

09/11/2014

(UK) Detectorists, saison 1 : 'Will you search through the lonely Earth for me ?'

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♪ Will you search through the lonely Earth for me?
Climb through the briar and brambles?
I'll be your treasure
I felt the touch of the kings and the breath of the wind
I need the call of all the songbirds
They sang all the wrong words
I'm waiting for you
I'm waiting for you ♪

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Parmi les concepts inattendus scénarisés pour le petit écran, figure sans aucun doute l'idée de suivre le quotidien de deux chercheurs de métaux vivant dans une petite bourgade anglaise. Écrite et réalisée par Mackenzie Crook (croisé dans des séries comme The Office, Game of Thrones ou encore Almost Human) qui interprète également l'un des protagonistes principaux aux côtés de Toby Jones (lequel, après Marvellous, confirme qu'il a décidément figuré dans certaines des plus chouettes fictions britanniques de cet automne 2014), Detectorists est une série qui a été diffusée sur BBC Four du 2 octobre au 6 novembre 2014. Elle compte pour l'instant 6 épisodes d'une demi-heure chacun. Au terme de cette première saison, cela aurait été un vrai crève-cœur de devoir abandonner si tôt l'univers créé ; heureusement, la série a été renouvelée en même temps qu'elle se concluait dans le courant de la semaine dernière.

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Detectorists est une comédie douce-amère, teintée de mélancolie, s'imposant immédiatement dans ce registre un peu à part dans lequel les Anglais excellent. Elle bénéficie d'une écriture simple, où la sobriété est reine. Tout s'y construit par petites touches, entre tranches du quotidien et instantanés imprévus bouleversant soudain les habitudes bien réglées de chacun. C'est une fiction qui ne recherche ni enchaînement de gags, ni burlesque forcé : l'humour s'y fait subtil, diffus, se glissant dans les scènes sans le moindre artifice. La série a l'art de capturer et de transposer à l'écran un anodin qui happe le téléspectateur, mettant en scène des échanges empreints d'un naturel aussi déconcertant que réconfortant. Les dialogues -qu'il s'agisse de débats techniques sur les appareils utilisés pour détecter ou de discussions sur l'émission télévisée de la veille- cultivent un léger décalage indéfinissable. La narration est posée ; le récit lent, fluide et régulier. Se démarque de l'ensemble une humanité sincère qui met du baume au cœur.

La vie des deux personnages principaux, Andy et Lance, se répartit entre leur passion pour la recherche de métaux et une vie relationnelle compliquée. C'est avec une certaine tendresse que la série les évoque, les rendant vite attachants. Mi-historiens du dimanche, mi-chasseurs de trésor, ils sont surtout deux amis se retrouvant pour le plaisir de partager ce hobby particulier qui fait passer par toutes les émotions : de la patience qui s'étiole à mesure que la journée avance et que les recherches s'éternisent, à l'excitation lorsque l'alarme du détecteur de métaux se réveille, pour finir par la quasi invariable déception que provoque finalement l'extraction d'un obscur bouton, d'une pièce de quelques centimes à moitié rouillée ou encore d'une vieille voiture oubliée sur un terrain de jeu. C'est pourtant la quête de la tombe (légendaire ?) d'un roi saxon du VIIe siècle qui va constituer le fil rouge de la saison. Cela sera l'occasion d'apporter son lot de tensions et de petits drames, les recherches de nos deux compères suscitant diverses convoitises et autres quiproquos.

De plus, c'est également sur la forme que Detectorists se démarque. Il s'agit d'une œuvre visuellement très aboutie. En effet la série met pleinement à profit le fait qu'une bonne partie de ses scènes se déroule en plein air. La réalisation est soignée ; elle capture à merveille les nuances de tons de la campagne anglaise environnante, comme autant de jeux de couleurs et de palettes de dégradés qui sont portés à l'écran, à la fois dépaysants et apaisants pour le téléspectateur. Enfin, pour parachever l'ambiance particulière ainsi cultivée, il faut signaler que la série est accompagnée d'une bande-son folk, très sympathique, qui lui sied bien. En son sein, on retient tout particulièrement la chanson principale, interprétée par Johnny Flynn (lequel fait d'ailleurs une apparition sur scène dans le 3e épisode, au cours d'une soirée au bar durant laquelle Lance et Andy poussent aussi la chansonnette). Faisant office de générique pour une partie des épisodes, elle rythme et retranscrit parfaitement, avec une pointe de douce mélancolie, la quête au trésor des deux héros (à écouter sans modération - cf. la 2e vidéo ci-dessous).

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Comédie tendre et attachante, teintée d'une amertume diffuse, Detectorists est une jolie réussite, un peu à part, qui mérite la curiosité. Avec son écriture simple et sincère, son cadre champêtre de campagne anglaise dépaysant particulièrement bien mis en valeur par la réalisation, et un casting impeccable, elle réunit de solides atouts pour porter à l'écran un concept de départ plutôt surprenant. En somme, une série profondément humaine et réconfortante, à la tonalité typiquement britannique, que je recommande chaudement : je serai au rendez-vous pour la saison 2. À découvrir !


NOTE : 8/10


Une preview du premier épisode :

La chanson thème de la série, par Johnny Flynn :

02/11/2014

(ITA) Gomorra, saison 1 : luttes de pouvoir dans l'empire de la Camorra

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Pour qui s'intéresse aux fictions de gangsters, la télévision italienne est un petit écran à surveiller. Depuis La Piovra dans les années 80 jusqu'à des biopics historiques récents comme Il Capo dei Capi (Corleone en VF) retraçant, à travers le parcours de Salvatore Rinaa, un demi-siècle de mafia sicilienne, les séries, mini-séries ou téléfilms ne manquent pas, qu'il s'agisse de porter à l'écran des faits réels ou des versions romancées de ces organisations criminelles. Et dans ce genre, c'est tout particulièrement le bouquet payant Sky Italia qui s'est fait remarquer ces dernières années avec l'adaptation du livre de Giancarlo De Cataldo, Romanzo Criminale : comptant deux saisons, et diffusée de 2008 à 2010, elle est certainement l'une des meilleures séries italiennes de ces dernières années.

Sky Atlantic a récidivé cette année avec Gomorra. Le livre de Roberto Saviano, publié en 2006, avait déjà connu une adaptation cinématographique (comme Romanzo Criminale), saluée à Cannes en 2008. C'est cette fois à destination du petit écran qu'est esquissé le portrait du système de criminalité organisée de la Camorra prospérant à Naples. Le parallèle avec Romanzo Criminale ne s'arrête pas là puisque, derrière la caméra, à côté de Francesca Comencini et de Claudio Cupellini, on retrouve Stefano Sollima, qui avait déjà œuvré sur la première. Comprenant 12 épisodes, Gomorra a été diffusée en Italie du 6 mai au 10 juin 2014. Une seconde saison a d'ores et déjà été commandée. En France, après une avant-première au Festival Séries Mania en avril dernier, elle sera proposée par Canal +, puis par Arte. Et pour les plus impatients, notez que la série vient de se terminer en Angleterre, où elle est désormais disponible en DVD (avec sous-titres anglais).

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L’œuvre de Roberto Saviano se voulait une immersion complète et rigoureuse dans l'empire de la Camorra. En plongeant le téléspectateur dans un quotidien marqué par les rivalités de clans et des tensions permanentes, la série reprend à son compte l'ambition de dresser un portrait sonnant le plus authentique possible de ce système criminel. Pour ce faire, Gomorra met à profit son format long (12 épisodes) afin de prendre le temps d'explorer diverses facettes de l'organisation qu'elle dépeint. Par-delà le fil rouge central que constituent les turbulences traversées par le clan Savastano, la saison va être l'occasion de proposer des épisodes centrés sur différents thèmes, en s'intéressant également à des acteurs se situant à la périphérie du système. Elle évoquera ainsi le blanchiment d'argent organisé par certains financiers, le contrôle mafieux sur la démocratie locale pour faire main basse sur les projets immobiliers, ou encore le rayonnement international de la Camorra, de ses liens avec l'Amérique du Sud jusqu'aux implantations espagnoles de certains clans. C'est donc une présentation de ce système criminel sous toutes ses facettes qui est recherchée.

Ce parti pris explique que l'histoire reste toujours relatée du point de vue mafieux. La série ne s'attarde pas sur les réactions des autorités, ni sur l'impact sur la population napolitaine des actes commis. Seul un passage en prison et quelques extraits de journaux télévisés laissent entrevoir un angle extérieur. En optant pour une immersion sans prise de distance, Gomorra fonctionne comme une fiction coup de poing, qui cherche à interpeller par le réalisme - parfois suffocant - avec lequel elle décrit l'univers de cette criminalité organisée. La série s'attache tout particulièrement à souligner la volatilité des rapports entre les membres de l'organisation. Elle éclaire la violence constante et mal contenue qui y règne, exacerbée par un sentiment d'impunité et une désensibilisation aux tueries glorifiée et même érigée en rite initiatique. Seule la quête d'une maximisation des profits semble capable de contrebalancer ces tendances et limiter les explosions, la guerre interne n'étant jamais une période propice aux affaires. Mais c'est un équilibre fragile, impossible... Car c'est bel et bien dans un engrenage sanglant que nous entraîne cette première saison.

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Tout en expliquant le fonctionnement du système criminel napolitain, Gomorra se réapproprie également des partitions narratives traditionnelles pour une fiction mafieuse. En effet, la série met en scène l'évolution des rapports de force au sein d'un des clans les plus puissants de Naples, le clan Savastano. C'est une lutte létale pour le pouvoir, en plusieurs actes, qui se joue. Ses protagonistes apparaîtront familiers à tout amateur de ce genre d'histoires : un patriarche sous pression policière dont le parcours touche à sa fin, une épouse au sens des affaires trop acéré, un fils héritier présomptif qui a encore tout à prouver, un lieutenant ambitieux qui n'entend pas être laissé de côté lors de la redistribution des responsabilités, ou encore un chef de clan rival avec qui les relations sont extrêmement tendues... Partant de là, Gomorra signe une histoire au classicisme assumé, parfaitement huilée et efficace. C'est un récit implacable de déchéances et d'ascensions au sein d'une organisation en quête d'un chef. Tout conduit à une confrontation finale, inévitable, dont le cadre -une école- témoigne combien la situation aura fini par échapper à tout contrôle et à toute retenue.

Gomorra est donc une série ambitieuse qui mêle deux agendas différents : d'une part, rester fidèle à l’œuvre de Roberto Saviano en ce sens qu'il s'agit d'exposer l'empire de la Camorra et son fonctionnement, d'autre part, s'adapter au format sériel en construisant une trame dramatique correspondant à une fiction. Or ces deux ambitions ne se recoupent pas forcément. Si bien qu'elles ne coïncident pas toujours à l'écran, et cela va nuire parfois un peu à l'homogénéité de la narration. Cependant la rapidité d'exécution de l'ensemble lui permet de ne jamais perdre le fil des enjeux. La recherche d'authenticité explique aussi la froideur globale du récit : il adopte une sobriété un peu distante qui s'inscrit dans la continuité des fictions de gangsters dites "réalistes", ne souhaitant pas donner la moindre prise à une vision romancée des actes commis à l'écran. Tout cela renforce l'aspect "exposé d'un système criminel", lequel est particulièrement mis en avant dans le premier épisode d'exposition. Cela peut dérouter un téléspectateur qui attendrait une priorité plus importante accordée au versant fiction. Mais il faut laisser à Gomorra le temps de s'installer et de trouver un équilibre narratif. En effet, les épisodes s'enchaînent par la suite avec une redoutable efficacité.

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Enfin, il faut noter que la forme joue également un rôle non négligeable dans la réussite de cette plongée au sein de l'empire de la Camorra. Outre une réalisation nerveuse à souhait, c'est surtout sa bande-son qui confère à la série un cachet particulier. Les chansons, notamment du rap napolitain, sont toujours choisies avec soin pour accompagner la tonalité d'une scène. Mieux encore, Gomorra bénéficie de toute une ambiance musicale instrumentale qui sait parfaitement souligner la montée des tensions, les confrontations et les explosions auxquelles le récit mène - le dernier tiers de la saison est particulièrement convaincant sur ce plan. Il y a un travail vraiment intéressant qui a été réalisé, donnant une dimension supplémentaire à l'histoire relatée, en faisant notamment ressortir un côté tragique.

Quant au casting, il est au diapason du ton donné par la fiction. Parmi les acteurs principaux, Marco D'Amore se signale notamment par une prestation assez intense et implacable dans le rôle de Ciro, lieutenant trop ambitieux pour le bien de son clan. Face à lui, Salvatore Esposito interprète Genny Savastano, l'héritier qui s'affirme progressivement au fil de la saison, suivant une trajectoire personnelle qui l'amène à s'émanciper de tous ceux qui souhaitent le contrôler. Fortunato Cerlino incarne le patriarche du clan Savastano, lequel suit un parcours inverse qui le conduit à être éclipsé de la scène. Maria Pia Calzone, à la fois épouse et mère, tire les ficelles du clan en s'impliquant dans un jeu de pouvoir bien dangereux. Enfin, Marco Palvetti incarne Salvatore Conte, chef d'un clan rival avec lequel les relations ne vont jamais vraiment s'apaiser.

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Cherchant à dresser un portrait authentique et complet de la mafia napolitaine, Gomorra propose une immersion dans les luttes qui agitent l'empire de la Camorra, aussi bien entre les différents clans concurrents qu'au sein même de la famille Savastano que l'on suit. Partagée entre la volonté de décrire le fonctionnement du système criminel mis en scène et la dramatisation des jeux de pouvoir sur lesquels repose la fiction, la série ne manque pas d'ambitions. Si elle ne réussit pas toujours à remplir de front ces deux objectifs, le premier desservant parfois le second en terme d'homogénéité de la narration, elle n'en délivre pas moins un récit efficace, de plus en plus prenant au fil des épisodes, la tension allant crescendo vers une confrontation annoncée.

Avis donc aux amateurs de séries de gangsters, aussi bien que de fictions italiennes. Une confirmation aussi que Sky Italia est décidément à surveiller. A suivre !

NOTE : 7,5/10


La bande-annonce de la série :