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16/11/2014

(J-Drama) Kanata no Ko : en quête d'expiation sur le Mt. Fuji

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Comment faire face au poids d'une responsabilité insoutenable ? C'est la difficile question qu'explore Kanata no Ko, une courte série japonaise de 4 épisodes, adaptation d'un roman de Kakuta Mitsuyo. Diffusée sur la chaîne payante WOWOW du 1er au 22 décembre 2013, sa transposition dans le petit écran a été confiée au réalisateur Omori Tatsushi, sur un scénario de Takahashi Izumi

Se déroulant sur les pentes du Mt. Fuji, ce drama entraîne le téléspectateur sur les sentiers tortueux et douloureux d'une expiation impossible. La fiction met en effet en scène plusieurs protagonistes qui ont provoqué -d'une façon ou d'une autre- l'irréparable, causant la mort d'un proche : un enfant, un ami, un être autrefois aimé... L'ascension du Mt. Fuji, symbole tout à la fois de fuite et de repentance, constitue le dépaysant fil rouge d'une œuvre aussi troublée que troublante. Au fil d'une randonnée qui prend des accents oniriques, la série revisite les parcours de ces figures brisées et les motifs qui les ont conduits à entreprendre cette randonnée.

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Kanata no Ko décline son thème central du pardon impossible par l'intermédiaire de plusieurs histoires personnelles. Elle adopte pour cela une narration atypique, qui exploite de manière assez particulière le format sériel. Ainsi, son premier et son quatrième épisode sont consacrés au même personnage, celui sur lequel s'ouvre la série : cette mère désemparée, courant dans les rues d'une ville en portant sa fille inanimée dans les bras. En revanche, les épisodes 2 et 3 peuvent presque être visionnés de manière indépendante, s'intéressant à deux autres protagonistes ayant eux-aussi un passé avec lequel il leur faut tenter de faire la paix.

Pour chacune des histoires relatées, le récit suit une même construction narrative. Il se déploie sur trois lignes temporelles différentes : d'une part, il y a l'ancrage dans le présent que constitue cette excursion sur le Mt. Fuji ; d'autre part, deux éclairages parallèles sur le passé du personnage sont proposés. Il s'agit d'essayer de comprendre sa vie et ce qui a pu conduire à l'événement tragique qui s'est produit, mais aussi parfois d'esquisser le si difficile "après" et l'incapacité de continuer à vivre qui en a résulté. La tendance du scénario à entremêler les lignes temporelles se révèle parfois déroutante, confrontant des scènes que le téléspectateur ne replace pas toujours immédiatement dans ces tableaux tragiquement humains que la série dévoile par petites touches. Pourtant derrière cet aspect un peu brouillon, patiemment, avec une lenteur assumée et une sobriété revendiquée, c'est une fiction ayant un cachet à part qui se construit sous nos yeux, une fiction dont on ne ressort pas indemne...

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Kanata no Ko relate trois parcours distincts dans lesquels elle s'efforce d'impliquer le téléspectateur -avec plus ou moins de réussite. L'histoire principale est celle de Hitoko (épisodes 1 et 4). Elle traite d'une thématique double : d'abord, il s'agit d'explorer son enfance et la déchirure que représente l'abandon par sa mère, puis, à l'âge adulte, sa vie est l'occasion de rappeler la difficile situation dans laquelle se trouvent les mères célibataires au Japon (un thème qui avait été, souvenez-vous, brillamment traité quelques mois auparavant à la télévision japonaise dans Woman). Le premier temps est donc celui d'une innocence éphémère, avec un récit métaphorique troublant qui emprunte au folklore japonais ; le second, celui d'une descente aux enfers déchirante. Le deuxième épisode, sur le thème d'un amour hors de contrôle, est sans doute le moins abouti, devant beaucoup à l'interprétation très juste de Mitsushima Hikari (Woman). Quant au troisième, il évoque l'insouciance brisée par des jeux d'enfants ayant mal tourné.

Si Kanata no Ko est parfois inégale, ses fulgurances marquent durablement. La série a en effet l'art de capturer des instantanés de vie avec une authenticité rare. La réalisation y est pour beaucoup : offrant quelques plans magnifiques et sublimant certaines scènes du passé, la caméra sait aussi se montrer intimiste, filmant en retrait, sans intrusion, ces passages clés menant à l'irréparable. Omori Tatsushi apporte ainsi au drama de vrais instants de grâce, tout en accompagnant invariablement le téléspectateur vers la tragédie. La narration a le mérite de ne jamais accélérer, ni rechercher le moindre artifice, en menant au moment fatal. L'attente en devient aussi insoutenable que la scène du drame elle-même, la sobriété constante du récit restant une de ses forces majeures. Quant à la quête d'expiation -impossible- sur le Mt. Fuji, elle confère à la série des accents oniriques, aux confins du réel, qui déroutent et achèvent de donner à l'ensemble une dimension à part. Car, à l'image de son thème musical principal (cf. la vidéo ci-dessous), Kanata no Ko est une fiction hantée... à plus d'un titre.

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Au final, Kanata no Ko apparaît comme une œuvre brute, caractérisée par des fulgurances marquantes et la capture d'instantanés à la justesse troublante. Les inégalités qui amoindrissent parfois le récit elliptique mis en scène sont contrebalancées par une réalisation soignée qui, notamment dans les flashbacks, a l'art de sublimer certains passages. Kanata no Ko mise ainsi souvent plus sur le ressenti et la décharge émotionnelle qu'elle va susciter. Dans ce registre de l'expiation impossible, elle n'a sans doute pas l'intensité dérangeante de Shokuzai, dont elle sera logiquement rapprochée (les deux séries proviennent d'ailleurs toutes deux de la même chaîne), mais elle est une fiction dramatique éprouvante qui hantera durablement le téléspectateur. Il s'agit par conséquent d'un drama japonais intéressant qui ne saurait laisser insensible et mérite la curiosité.


NOTE : 7/10


Le thème musical principal de la série, par Mono :

05/10/2014

(J-Drama / SP) Umoreru : Lanceur d'alerte... et après ?

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Le 'lanceur d'alerte' trouve un écho particulier dans l'actualité de ces dernières années. C'est par définition une figure qui interpelle et ne laisse personne indifférent. Héros pour les uns, traître pour d'autres, il a mené un combat pour exposer une vérité au grand jour et faire cesser des agissements qui, à ses yeux, compromettaient l'intérêt de tous. Action menée avec plus ou moins de succès. Les récits sur le sujet s'arrêtent souvent à ce moment-là, sur cette fin qui n'en est pas vraiment une. Mais, se demanderont les plus curieux, une fois la tempête médiatique retombée, que devient celui par qui les révélations sont arrivées ? C'est sur cette question particulière de l'après, sans s’appesantir sur les dilemmes éthiques qui ont conduit le protagoniste principal à faire ses choix, que revient Umoreru, un tanpatsu qui a été diffusé le 16 mars 2014 sur la chaîne japonaise payante WOWOW. L'occasion d'un billet dominical asiatique.

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Umoreru suit le parcours introspectif de Kitami, ancien cadre dans l'industrie agro-alimentaire, ayant informé des journalistes de pratiques illégales au sein de sa société. Le récit prend immédiatement à rebours celui qui attendrait la célébration d'un redresseur de torts et une vérité triomphante. Il est au contraire chargé d'incompréhensions, d'amertume, de regrets et d'interrogations, lesquels sont partagés avec un téléspectateur invité à la réflexion aux côtés de ce personnage principal en plein doute. Car le résultat de la mise en accusation médiatique n'a guère été probant : des dirigeants s'excusant jamais inquiétés réellement, 120 employés de la société sous-traitante sacrifiés comme boucs-émissaires, et un ami proche l'ayant aidé lui-aussi remercié... Poussé à la démission, Kitami doit faire face à des conséquences et un prix à payer qu'il n'avait jamais envisagés. Il pensait au droit du consommateur anonyme et voilà que, bien plus concrètement, sa fille est persécutée à l'école par des camarades lui reprochant l'attitude de son père. Sa famille éclate dans les mois qui suivent. C'est finalement un jeune divorcé que l'on suit, quittant Tokyo et toutes ces turbulences, pour un emploi à temps-partiel dans la mairie de sa petite ville d'origine.

Umoreru s'articule autour d'une confrontation permanente entre les valeurs (de justice, de vérité) auxquelles Kitami se veut fidèle et le poids d'un conformisme rigide prôné par une société qui encourage à se fondre dans la masse et à ne pas se détacher du groupe (au travail, comme ailleurs). La fiction interroge sur le corporatisme, sur ses limites éventuelles, mais aussi sur l'impact que l'on peut avoir en agissant de l'intérieur d'une institution... Il faut dire que l'exil de Kitami n'a pas l'effet escompté, puisque son nouveau cadre de vie soulève des dilemmes pas si différents de ceux de la capitale : le fonctionnement de la mairie dans laquelle il échoue se révèle en effet loin d'être exempt de reproches. Les deux premiers tiers du tanpatsu retranscrivent donc, avec une certaine finesse et une ambivalence bien dosée, tous les doutes qui jalonnent la trajectoire personnelle d'un personnage chez qui tous ces événements produisent une logique remise en cause. Loin de toute évidence héroïque et de toute lecture manichéenne, l'angle choisi encourage au contraire la réflexion. Cependant, Umoreru ne parvient pas à maintenir son juste dosage jusqu'à la fin. Il dévie de la problématique initialement posée quand il se rapproche de sa conclusion, réduisant soudain ses enjeux à une quête de la vérité qui s'est greffée au fil du récit dans la vie personnelle de Kitami. Les ultimes tournants amoindrissent quelque peu la portée d'un ensemble dont les nuances avaient été jusqu'alors préservées.

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Doté d'une réalisation soignée, Umoreru reste un tanpatsu intéressant à plus d'un titre, interrogeant notamment sur les arbitrages difficiles entre intérêts général, collectif et personnel. De plus, par son traitement même d'un tel sujet et les choix que le scénario fait, il apparaît aussi comme un révélateur assez marquant des mécanismes sociaux et du poids du conformisme dans ce cadre japonais qui est le sien. Cet unitaire, à sa manière, encourage également à maintenir une certaine distance critique avec l'ensemble, avec un téléspectateur impliqué au plus près des réflexions du protagoniste principal.

En résumé, une curiosité du petit écran japonais à plus d'un titre, et qui dure moins de deux heures. Avis aux amateurs.


NOTE : 7/10

01/05/2014

(J-Drama) Woman : une série émouvante qui ne laisse pas insensible

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Le Festival Séries Mania s'est achevé hier soir. Je n'y suis restée que quatre jours, mais ils furent riches en visionnages et en rencontres sériephiles ! Parmi les différentes catégories de prix attribués, outre notamment un prix du public qui a couronné la mini-série anglaise Southcliffe (cf. ma critique écrite l'été dernier), figurait cette année un prix des blogueurs, auquel je participais, pour récompenser une "série du monde". La série japonaise Woman a remporté ce titre. C'est avec beaucoup de plaisir et un peu d'émotion que je l'ai vue s'imposer au sein de notre jury. Il sera temps dans les prochains jours de revenir sur les découvertes permises par Séries Mania, mais, pour aujourd'hui, quelques mots sur Woman, sur laquelle je n'avais pas encore eu l'occasion d'écrire un article complet, même si je vous en avais déjà parlé à plusieurs reprises. 

[La review qui suit a été prépubliée, dans une première version, sur le site du Festival.]

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Il est des séries dont on ressort marqué, des fictions qui touchent des cordes sensibles et interpellent leurs spectateurs. Woman est incontestablement de celles-là. Son scénariste, Yuji Sakamoto, est loin d’en être à son coup d’essai dans ce registre qui requiert finesse et subtilité. Il a par le passé su brillamment explorer de complexes dynamiques familiales. Woman s’inscrit ainsi dans la droite ligne d’une œuvre comme Mother datant de 2010. Elle raconte l’histoire de Koharu Aoyagi (interprétée par Hikari Mitsushima, magistrale), une jeune femme devant subvenir seule aux besoins et à l’éducation de ses enfants en bas âge.

Woman impressionne d’abord par sa faculté à raconter, avec un sens du détail et une authenticité jamais prise en défaut, les scènes de vie ordinaires composant les journées de cette mère isolée. L’écriture instaure immédiatement une proximité et une empathie sincère avec Koharu. Le quotidien dépeint est dur : de l’épreuve journalière que représentent les transports bondés, jusqu’aux divers emplois à temps partiel cumulés dont les horaires la forcent parfois à laisser ses enfants seuls, la vie de Koharu est une course permanente. En proposant ces instantanés du quotidien, anecdotes souvent touchantes, parfois bouleversantes, Woman suscite de fortes décharges émotionnelles ; elle ne verse cependant jamais dans du mélodrame gratuit, faisant preuve de justesse et de retenue.

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Explorant une dimension intime, profondément humaine, la série voit son propos s’élargir au fil des premiers épisodes. Comme la situation financière de Koharu se détériore, la jeune femme se rend au bureau de l’aide sociale. La réception qui lui est réservée réveille d’autres blessures. Non seulement ces services la contraignent à se remémorer le drame à l’origine de sa précarité, mais ils conditionnent aussi leur aide éventuelle à l’absence de soutien de ses parents. Seule encore vivante, sa mère n’a pas reparlé avec Koharu depuis deux décennies. La situation va provoquer des retrouvailles douloureuses. S’entrouvre une autre histoire familiale, tout aussi chargée d’émotions, auprès de cette figure maternelle qui a refondé un foyer, devenue une étrangère pour sa propre fille.

En outre, le parcours de Koharu durant ces premiers épisodes apparaît comme un révélateur de la société japonaise. Par-delà ces portraits de dynamiques relationnelles difficiles, le choix de son sujet permet à Woman d’acquérir une dimension sociale qui ne peut laisser indifférent. Elle est l’occasion d’éclairer la place des mères célibataires au Japon et de montrer quel regard est porté sur elles. Il s’agit aussi d’insister sur la précarité dans laquelle elles vivent, alors même que revient régulièrement au Japon, dans les débats publics, la question de la réduction des aides auxquelles elles peuvent prétendre. C’est un thème de société fort qui est ainsi abordé, mettant en exergue l’ostracisme subi par ces femmes.

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Bilan : Délivrant un récit empreint de sincérité, Woman propose un équilibre convaincant sur un double registre à la fois émotionnel et intellectuel. Son récit trouve un écho particulier auprès d’un large public, porté par un casting impeccable au sein duquel l'actrice principale, ainsi que celle qui joue sa petite fille, savent faire fondre les coeurs. En somme, c'est une série aux accents universels qui marque, tout simplement. Avis aux sériephiles, bien au-delà des seuls amateurs de fictions asiatiques (la série compte seulement 11 épisodes) : n'hésitez pas à être curieux !


NOTE : 8,25/10


Une bande-annonce de la série :

23/02/2014

(J-Drama) Pan to Supu to Neko Biyori (Bread and Soup and Cat Weather) : une fiction emplie d'une chaleur humaine communicative


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Pour finir le week-end, un peu de réconfort : direction le Japon afin de revenir sur une série qui constitue une véritable petite bulle d'air frais dans les programmations télévisuelles. C'est une de ces fictions, pleine de chaleur, qui prend son temps et met du baume au cœur. Pan to Supu to Neko Biyori (Bread and Soup and Cat Weather) a en effet été un de mes visionnages coups de cœur de ces derniers mois. Il était donc grand temps que j'écrive quelques mots dessus.

Diffusé par la chaîne câblée WOWOW (qui se situe ici loin de son classique registre sombre "politico-médiatico-policier" de prédilection), du 21 juillet au 11 août 2013, ce drama est très court : il ne compte en effet que quatre épisodes de 50 minutes chacun. Il s'agit de l'adaptation d'un roman du même nom de Mure Yoko. La réalisation a été confiée à la cinéaste Matsumoto Kana. Et le travail de cette dernière est à saluer, car Pan to Supu to Neko Biyori est une expérience aussi bien visuelle que narrative. Il offre une invitation empreinte de calme et d'une certaine nostalgie à la culture japonaise. 

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Pan to Supu to Neko Biyori raconte le parcours d'Akiko et de tout un ensemble de personnages gravitant autour d'elle. Lorsque le drama débute, elle travaille pour une maison d'édition, aimant prendre part à la création de livres. De son côté, sa mère tient un restaurant, avec une ambiance qui lui est propre, dans une petite rue passante. Mais un jour, la mère d'Akiko décède brusquement. Akiko hérite alors du restaurant. Au même moment, une restructuration dans son entreprise l'éloigne du contact quotidien des écrivains.

Même si elle a déjà une carrière bien avancée, Akiko décide de quitter son travail et de reprendre le restaurant maternel. Dans ce nouvel établissement ainsi ouvert, elle choisit de ne servir que deux types de plats : des sandwichs et des soupes. Pour l'aider, elle se trouve vite une assistante dont la façon de fonctionner correspond à l'atmosphère qu'elle veut insuffler dans ce petit espace. Akiko tente peu à peu de trouver son style, mais aussi de se positionner par rapport à sa mère, et à la relation parfois compliquée qu'elles ont pu avoir sur laquelle elle réfléchit toujours...

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Pan to Supu to Neko Biyori est un drama à part. C'est une fiction d'ambiance, assez contemplative, qui nous introduit dans les existences d'une poignée de personnages s'interrogeant sur leur vie, les choix qu'ils ont fait et ceux qu'ils leur restent à faire. L'intrigue y apparaît minimaliste : elle est faite d'instantanés du quotidien, de petites anecdotes inattendues et de rencontres. Le récit prend volontairement son temps, capturant les détails d'une scène et l'ensemble des échanges qui peuvent en résulter. Si le téléspectateur se laisse happer par cette narration particulière qui déjoue tout sensationnalisme et s'affranchit du format sériel un peu à la manière d'un Going My Home il y a deux ans, c'est parce que Pan to Supu to Neko Biyori sait lui parler, l'impliquer et le toucher. Le drama brasse en effet, avec pudeur et subtilité, des thèmes universels, cherchant à éclairer la manière dont chaque individu se construit peu à peu, et comment il appréhende, au fil de sa vie, l'empreinte laissée par la famille et le passé. Une de ses interrogations constante est notamment celle de la part d'héritage que chacun est prêt à accepter.

Par-delà la suite d'introspections personnelles dans laquelle la série nous glisse, c'est le relationnel qui reste au cœur de l'histoire. Rarement une fiction aura pris soin de cultiver une chaleur humaine communicative comme peut le réussir Pan to Supu to Neko Biyori. Il y a quelque chose de profondément réconfortant qui émane de ce drama. Ce dernier s'emploie à renouer des liens, notamment ceux distendus du passé, tout en étant aussi une invitation à s'ouvrir à de nouvelles connaissances. Le restaurant joue dans ce registre de socialisation un rôle clé : il apparaît à la fois comme un lieu de rencontres et un espace de travail. A partir de ce parti pris, le scénario se bâtit sur des conversations qui prennent souvent une tournure intime : il s'agit de mieux connaître l'autre, mais aussi d'apprendre à se connaître. Pour parachever la tonalité particulière, l'ensemble se développe suivant un fil culinaire que ne renierait aucun food drama. L'attention réservée au contenu des repas confirme à quel point cette série joue sur le ressenti du téléspectateur, pour lui offrir une incursion lente et posée dans un petit bout de société japonaise.

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Pan to Supu to Neko Biyori mise beaucoup sur sa faculté à toucher le téléspectateur. Si la série y parvient aussi efficacement, elle le doit également au style formel adopté. La réalisation est en effet particulièrement réussie : la caméra se réapproprie pleinement l'espace, maîtrisant très bien les plans larges et offrant aussi quelques jolis instantanés esthétiques de scènes du quotidien. Le récit respire une chaleur humaine qui est renforcée par une photographie soignée dans laquelle domine les teintes claires et les couleurs chaudes. Le tout est en plus accompagné par une bande-son discrète, mais parfaitement dosée, d'où ressortent notamment les chansons accompagnant les génériques de fin. Tout concourt donc à cultiver une ambiance très particulière qui laisse difficilement indifférent.

Enfin, Pan to Supu to Neko Biyori peut aussi s'appuyer sur un casting solide qui est au diapason de la tonalité recherchée. Il s'agit avant tout de faire ressortir la spontanéité, l'humanité, mais aussi la vulnérabilité de ces personnes qui s'interrogent, se cherchent - et finissent par se trouver en prenant des décisions. C'est Kobayashi Satomi (Don Quixote) qui interprète, avec une justesse jamais prise en défaut, Akiko. A ses côtés, on retrouve Kana, qui joue son assistante, Mitsuishi Ken (Lady Joker, Henshin Interviewer no Yuuutsu), Shiomi Sansei (Rondo, BOSS), Minami, Ichikawa Miwako (Mother, Kumo no Kaidan), Kase Ryo (Camouflage), Motai Masako (My Boss, My Hero) et Kishi Keiko (99-nen no Ai ~ Japanese Americans). Tous ces acteurs forment un casting homogène qui donne une assise solide au récit.

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Bilan : Fiction calme, emplie de chaleur humaine, Pan to Supu to Neko Biyori est un drama qui s'affranchit en partie des contraintes calibrées du format sériel. Doté d'une écriture simple et pudique, il nous introduit avec sobriété dans le quotidien de différents protagonistes. Par sa façon de chérir les relations humaines et de s'interroger sur l'héritage que chacun doit au passé, il est une forme de retour aux sources, tout autant qu'une invitation à s'accomplir personnellement. S'il nous glisse dans un pan de culture japonaise, les questionnements existentiels qu'il fait partager, sur les choix à faire et la manière dont chacun peut trouver sa place, ont une résonance universelle qui interpellera tout téléspectateur. D'autant plus que, par-delà son sujet, la série se démarque par l'ambiance très particulière qu'elle parvient à installer.

En résumé, c'est un mets sériephile japonais à part, mais que je conseille de consommer sans modération.


NOTE : 8,25/10


L'ultime générique (chorégraphié) concluant la série (qui confirme le côté un peu "à part" du drama) :

13/11/2013

(J-Drama / Pilote) Henshin Interviewer no Yuutsu : un mélange improbable de mystère et de comédie

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En ce mercredi asiatique, je vous propose de prendre la direction du Japon et de commencer cette nouvelle saison d'automne par un instant de détente. Je ne savais pas trop à quoi m'attendre en m'installant devant Henshin Interviewer no Yuutsu, mais j'espérais cependant y retrouver cet humour décalé caractéristique des dramas de Miki Satoshi que j'ai déjà eu l'occasion d'apprécier : en effet, Jikou Keisatsu, ou plus encore, Atami no Sousakan (qui reste un de mes grands coups de cœur japonais de ces dernières années), m'ont laissé de bons souvenirs.

Débuté le 21 octobre 2013 sur la chaîne TBS, Henshin Interviewer no Yuutsu promettait un mélange de mystère et de comédie. Ses deux premiers épisodes sonnent indéniablement sympathiques, en dépit de quelques excès. De plus, la durée relativement brève des épisodes (30 minutes seulement) permet à l'ensemble de conserver un rythme soutenu. Si bien que, même s'il est trop tôt pour savoir précisément jusqu'où nous entraînera ce drama qui surfe sur une diffuse excentricité, je pense pouvoir m'y laisser prendre sans difficulté.

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Shirakawa Jiro est un écrivain prolifique qui a publié, depuis ses débuts, 99 romans à mystère. Il doit désormais s'atteler à ce qui sera rien moins que son centième livre. Seulement, en dépit des pressions de sa maison d'édition, l'auteur est frappé par le syndrome de la page blanche. Il a déjà plus de trois mois de retard dans les délais qui lui étaient fixés, et pas le moindre début d'intrigue à coucher sur le papier. En quête d'inspiration, il surfe sur le net en recherchant quelques mystères irrésolus qui pourraient éveiller son imagination.

Jiro tombe alors sur une étrange affaire : un double meurtre, ayant eu lieu dans une petite ville, dont la mise en scène interpelle, et qui n'a jamais été élucidé. Il décide de se rendre sur place pour en apprendre plus, et peut-être trouver là une base pour son nouveau roman. Il entraîne dans cette excursion la jeune Kahima Rika, son éditrice. Pour interagir avec de potentiels témoins, Jiro est cependant contraint de se déguiser, son accoutrement habituel provoquant plus la fuite que les confidences de ceux qu'il croise. Sous un pseudonyme, il entreprend donc de percer le mystère de cet étrange meurtre... dans une bien étrange ville.

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Extravagants et décalés à souhait, les débuts de Henshin Interviewer no Yuutsu sont sympathiques. Le drama manie avec versatilité un humour oscillant entre absurdités et excès, répétitions se changeant en running gag et chutes improbables. Il en fait souvent trop, mais sait entraîner le téléspectateur dans la dynamique d'ensemble du récit et sa diffuse graine de folie. Le duo principal, une association détonante, tient pour l'instant ses promesses. Shirakawa Jiro a tout du prodige spécialisé dans les mystères, mais insortable en société. Poussant ce concept à son maximum, le scénariste ajoute à cela l'idée de lui faire jouer un rôle déguisé pour mener l'enquête : la mise en scène de la métamorphose de Jiro est certainement la plus improbable qui soit. Mais l'épisode 2 démontre que la série pourra avoir une carte supplémentaire à jouer grâce à la dualité du personnage : de quoi nourrir quelques ressorts humoristiques à défaut de convaincre de sa crédibilité.

Afin de s'assurer la fidélité du téléspectateur, Henshin Interviewer no Yuutsu met tout ce versant comique au service d'un fil rouge mystérieux qui rapproche l'histoire d'une fiction d'enquête. Cette dernière prend vite des accents pour le moins surréalistes. Au double meurtre initial, se greffent d'étranges coïncidences et des récits qui laissent songeurs. Pour construire son ambiance, le drama a recourt au cadre le plus classique qui soit, une recette immuable qui fonctionne : celle de la petite ville isolée, avec ses secrets, ses particularités et son omerta face aux étrangers. Intrigante, voire inquiétante à ses heures, l'histoire regorge de figures secondaires décalées, exploitées à la fois dans le registre de l'humour mais aussi pour apporter à l'enquête. Il est difficile pour l'instant d'apprécier vers quoi nos deux héros nous emmènent, mais la curiosité du téléspectateur est piquée.
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Sur la forme, Henshin Interviewer no Yuutsu compose sans budget. Cela donne une réalisation minimaliste, très dynamique et souvent brouillonne, avec une caméra énergique qui frôle l'effet mal de mer par moment. La bande-son est assez passe-partout, et la chanson du générique de fin (par KAT-TUN - l'acteur principal faisant partie de ce groupe) ne restera pas dans les annales même si elle a ce petit côté entraînant qui sied à la série.

Côté casting, les excentricités des uns, le sur-jeu des autres, correspondent à l'atmosphère de comédie recherchée dans le drama. Nakamaru Yuichi (Machigawarechatta Otoko) s'en sort à peu près honorablement dans ce rôle central de l'écrivain/interviewer autour duquel se construit l'histoire. Son assistante/éditrice est interprétée par Kimura Fumino (Kumo No Kaidan). Les deux trouvent assez bien leurs marques ensemble. Les habitués des dramas de Miki Satoshi retrouveront en personnages secondaires quelques figures familières, comme Fuse Eri (Jikou Keisatsu, Atami no Sousakan) ou encore Matsuo Suzuki (Atami no Sousakan). On croise également Mashima Hiekazu, Mitsuishi Ken, Murasugi Seminosuke ou encore Morishita Yoshiyuki.
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Bilan : Comédie d'enquête cultivant ses décalages,  Henshin Interviewer no Yuutsu entremêle excentricité et mystère dans un style assez caractéristique des œuvres de Miki Satoshi. Une partie du charme du drama, par-delà ses excès qui rebuteront sans doute certains publics, repose sur son art de la chute et sur sa façon de multiplier les détails détonnants. Sans se prendre au sérieux, la série pique la curiosité du téléspectateur et, surtout, l'amuse. Le défi sera de parvenir à obtenir une résolution à peu près cohérente de l'intrigue, mais ce parcours humoristique reste l'objet véritable du drama. A tester, pour les amateurs de j-drama qui recherchent une comédie divertissante.


NOTE : 6,5/10


Une bande-annonce du drama :