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28/09/2014

(US) Manhattan, saison 1 : 'What about the next war ?'

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"What about the next war ? What happens when Stalin's got one ? China ? The Shah of Iran ? You know the story of the golem ? A rabbi wanted to protect the Jews of Prague, so he built an automaton out of mud, brought it to life. First the golem kills the enemies of the Jews. Then it turns on Jews themselves. See, he couldn't control it. He'd built Frankenstein's monster."
(Charlie Isaacs)


L'un des thèmes à la mode, en ce moment dans les fictions, ce sont les scientifiques et leurs rôles durant la Seconde Guerre Mondiale. En attendant la sortie d'un film comme The Imitation Game, présenté au festival de Toronto ce mois-ci, on peut citer par exemple le téléfilm unitaire proposé par BBC2 début septembre, Castles in the sky, consacré à la mise au point du radar par les Britanniques dans les années 30. De l'autre côté de l'Atlantique, les États-Unis ne sont pas en reste, puisque c'est la chaîne WGN - continuant ainsi à se positionner dans le domaine des séries après Salem - qui s'est appropriée ce sujet depuis le mois de juillet avec Manhattan. Neuf épisodes ont été diffusés à ce jour, sur les treize que comptera la première saison. Si elle est l'objet de ce billet dominical, c'est que cette série est certainement ma nouveauté américaine préférée de l'été.

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La première image de Manhattan lance un décompte : le récit débute 766 jours avant Hiroshima. Nous sommes en pleine Seconde Guerre Mondiale, mais la série éclaire un front particulier, celui d'une course contre-la-montre scientifique entre les grandes puissances engagées dans le conflit, en quête d'une arme nucléaire dont la mise au point sera décisive pour le pays qui la possèdera. L'issue de ces recherches est connue du téléspectateur. L'enjeu de la série n'est donc pas de savoir si les équipes réunies au sein du projet américain réussiront, mais la manière dont elles vont y parvenir, avec toutes les difficultés, mais aussi les questionnements, qui marqueront ce long parcours. Partant de là, ce qui frappe immédiatement le téléspectateur s'installant devant Manhattan, c'est à quel point le récit, servi par un rythme de narration rapide, est parcouru de tensions contradictoires permanentes. La série tout entière se construit sur des confrontations personnelles et des interrogations éthiques qui foisonnent à tous les niveaux. Cette approche lui permet de prendre pleinement la mesure de la richesse thématique qu'offrent ces événements se déroulant dans un coin reclus du Nouveau-Mexique.

Réunir dans un huis clos les plus grands cerveaux du pays pour travailler à l'élaboration d'une bombe ne pouvait que donner des relations de travail compliquées. L'humilité et le relationnel sont loin d'être les qualités premières de ces scientifiques toujours prompts à se concurrencer. Manhattan met donc en scène des rapports de force constants, où chacun avance ses pions et tente de peser sur les orientations du projet, sans pour autant négliger forcément son propre agenda de recherches. Tout se décline en rivalités. Les répliques y sont cinglantes et les réparties mordantes, apportant un piment appréciable à des dialogues souvent vifs. À ces tensions internes à une communauté universitaire délocalisée et reconstituée en plein désert, s'ajoutent des rapports difficiles avec l'armée et le contre-espionnage. La sécurité est en effet censée tout primer, légitimant la multiplication de mesures intrusives dans la vie quotidienne et l'intransigeance avec laquelle est accueillie la moindre infraction aux règles établies. Ce cadre aux accents kafkaïens contribue à cultiver une paranoïa vite pesante, presque oppressante, incessant rappel de cette guerre qui se déroule à des milliers de kilomètres de là.

Un autre des grands atouts de Manhattan est de ne jamais oublier où conduit ce projet et les questionnements légitimes soulevés. L'objectif de mettre fin à la guerre peut-il vraiment justifier la mise au point d'une telle arme ? Remettre cette bombe, capable d'une telle destruction, entre les mains des militaires peut-il être source de paix ? Quel avenir s'ouvre avec une ère où les grandes puissances disposeront d'une telle force de frappe ? Autant d'interrogations qui résonnent avec une acuité particulière auprès d'un téléspectateur qui sait très bien où tout cela mène. La situation est d'autant plus compliquée pour ces scientifiques qu'ils ont emmené avec eux leurs familles. Ces dernières subissent non seulement un dépaysement désertique loin de tout, mais aussi les prises de distance d'époux contraints de compartimenter leurs journées pour préserver la sécurité. Derrière les dynamiques de couples qui s'enraillent face aux secrets, se ressent en permanence le poids d'un projet qui hante les consciences de chacun de ses participants. vlcsnap-2014-09-28-11h58m33s177_zps18a63909.jpgvlcsnap-2014-09-28-11h58m58s196_zps8e024eeb.jpg

Servie par un casting solide et une écriture dynamique qui rend le visionnage agréable, Manhattan est une série qui traite de thèmes qui ont toujours une résonance particulière aujourd'hui. Au fil des épisodes, s'esquisse en effet un portrait qui ne peut qu'interpeller : est mise en scène une course aux armements avec tous les moyens d'un État moderne, lequel rationalise à l'extrême le processus et sacrifie, en conscience, un certain nombre de principes et de droits élémentaires au nom d'un intérêt supérieur. Face aux problématiques soulevées, chaque personnage permet d'apporter un éclairage personnel, fruit de ses origines et/ou de sa propre expérience. C'est donc une série aux propos riches, qui sait happer le téléspectateur. Espérons qu'elle poursuive sur cette voie, notamment en continuant à doser sans déséquilibre les deux versants professionnel et personnel des protagonistes. À suivre.


NOTE : 7,5/10


La bande-annonce de la série :

Le générique de la série :

21/09/2014

(US) E.R. (Urgences) : petit hommage à une série fondatrice

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Si ce dimanche marque le véritable coup d'envoi de la rentrée des networks américains, la semaine écoulée a été marquée par un autre type de célébration. Une rentrée plus ancienne occupait l'esprit du sériephile enclin à la nostalgie, celle de 1994. Il y a déjà vingt ans (et deux jours), NBC lançait en effet une série qui n'a pas usurpé le qualificatif souvent galvaudé de "générationnelle". Un style, une durée et des personnages qui en ont marqué plus d'un : c'était E.R. (Urgences). Débutée en 1994, elle n'a débarqué qu'à l'été 1996 en France. Elle allait pourtant créer un rituel télévisuel automnal incontournable, allégeant d'autant le retour sur les bancs du collège ou du lycée (pour les premières saisons en ce qui me concerne). Installés devant France 2, nous terminions immanquablement le week-end dans les couloirs du Cook County. Suivant ainsi le chemin défriché par X-Files sur M6, Urgences a contribué à asseoir les séries américaines en prime-time, familiarisant le téléspectateur, dans cette ère sans haut débit, à la temporalité sériephile.

Urgences est un des monuments fondateurs de ma passion pour le petit écran. Elle est sans doute arrivée un peu tôt pour produire le déclic que provoquera cinq ans plus tard A la Maison Blanche, mais elle a construit, avec quelques autres séries de sa décennie, mon éducation sériephile et des réflexes toujours bien présents. Cette série populaire réunit les ingrédients qui représentent encore aujourd'hui, à mes yeux, l'essence même de ce que doit être une œuvre télévisée. Au sein de ce service des urgences de Chicago, ce sont autant d'importants enjeux liés aux services de santé, et de manière générale de grands thèmes de société, qui faisaient irruption dans le sillage des patients se succédant à l'hôpital. Le cadre se prêtait parfaitement à une fiction, permettant de jouer sur une dimension théâtrale et un rythme incertain et changeant, capable de s'emballer comme peu de récits. Pour reprendre l'expression chère à Martin Winckler, Urgences était un véritable "miroir de la vie", reflet réaliste, esquissé sans complaisance, d'une grande ville américaine, de sa population et des problématiques auxquelles elle était confrontée.

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Vingt ans après, demeure le souvenir d'une longue chronique de société, seulement achevée en 2009, au terme de 15 saisons. Le parcours n'a pas été homogène, avec des accidents et une qualité devenue en dents de scie. Par-delà l'importance du discours tenu et des thèmes traités, la force d'Urgences a aussi été de savoir reposer sur un facteur humain déterminant pour l'engagement du téléspectateur. Certes, avec le recul, il me faut constater que c'est l'équipe des premières saisons qui est restée inchangée dans ma mémoire. Les autres personnages, condamnés à n'être que d'éternels nouveaux venus, ont été les greffes d'un renouvellement nécessaire qui, inconsciemment ou non, n'a jamais été totalement enregistré. Pour autant, le lien humain ne fut pas rompu. Une des règles classiques du scénariste, pour immerger le téléspectateur dans les codes d'un univers particulier, est d'utiliser comme clé d'entrée narrative un nouveau. Urgences est de celles qui ont réussi cet exercice au-delà de toutes espérances. Débarqué durant le pilote avec sa blouse blanche immaculée trop bien taillée, Carter a été l'âme de la série. Il a mûri devant nous et est resté notre fil rouge. Je reconnais n'avoir jamais pu regarder que par intermittence les saisons où il a été absent.

Enfin, si Urgences a été une fiction capitale à plus d'un titre, elle n'est pas seulement une œuvre à analyser et à intellectualiser pour y trouver une radiographie de la société américaine d'alors. Elle a légué au téléspectateur bien plus que cela, avec quelques flashbacks à jamais profondément ancrés dans le panthéon du sériephile. Ce sont des scènes qui pincent encore le cœur et humidifient les yeux comme au premier visionnage lorsqu'elles se rejouent dans nos têtes, ou lorsqu'on les recroise au détour d'une rediffusion. Parce que personne n'oubliera jamais Lucy, agonisant dans cette salle des urgences tandis que le service fait la fête à côté, inconscient du drame qui se noue. Parce que la chanson Over the rainbow, à la légèreté entêtante, est restée celle d'un adieu. Urgences a laissé à son téléspectateur une suite de souvenirs empreints d'émotions brutes, intacts après toutes ces années, et que l'on chérit toujours comme autant de parts de ce monument télévisuel protéiforme.

En résumé, Urgences a posé sa marque indélébile, dans des registres bien différents, sur l'univers des séries télévisées. Il faut donc me pardonner cet élan nostalgique, mais ces 20 ans d'anniversaire méritaient bien un billet dominical, un hommage forcément trop court mais une petite célébration nécessaire... le tout avant de se lancer dans la nouvelle saison des networks US.

 

Somewhere over the rainbow...

14/09/2014

(UK) The Village, saison 2 : chronique villageoise dans la société en changement de l'après-guerre

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"For five years, since the end of the war, my generation had been looking over their shoulders at the ghosts of older brothers who would always be young." Cette phrase prononcée en voix-off par Bert dans le premier épisode hante les débuts de la saison 2 de The Village. Si rien n'est oublié, si le souvenir de Joe humidifie toujours certains yeux -des personnages comme du téléspectateur-, le village est désormais entré dans les années 20. Les temps changent jusque dans ce coin isolé de campagne anglaise. Les femmes s'apprêtent à voter pour la première fois ; l'emprise de l'aristocratie se fait moins assurée, se crispant sur une position dominante et un passé révolu. Marqué par de nouveaux rapports de force, l'ordre social établi a perdu l'impression d'immutabilité qui lui était associée. Pas de réel bouleversement à constater en pratique, mais l'idée d'une alternative possible qui ne demande qu'à grandir. À partir d'un tel cadre, la série s'attache avec toujours autant de soin à la description du quotidien des villageois, entremêlant l'intime et le collectif : la vie a continué, au rythme des sentiments naissants, des ambitions contrariées et de coups du sort qui rappellent à chacun la précarité de sa situation.

Au sein du récit choral qui s'esquisse -du château des Allingham jusqu'au bar du village-, la famille Middleton demeure le point de repère du téléspectateur. Elle est parfaitement représentative de l'époque. Bert a grandi ; à peine entré dans l'âge adulte, il est à l'heure des choix, se retrouvant face aux mêmes questionnements que ceux qui tiraillaient Joe à la veille de la guerre : rester dans cet espace étriqué, ou partir voir le monde. L'évolution la plus notable est cependant celle de Grace. La mère de famille n'a pas seulement perdu un fils à la guerre, elle a aussi dû sacrifier un petit-fils aux convenances des Allingham. Capable désormais d'exprimer les frustrations et les colères si longtemps ravalées, elle s'affirme progressivement dans un nouveau registre. Tandis que son mari raisonne comme autrefois, à l'échelle de sa ferme et du travail accompli pour y survivre, une forme de conscience de classe est née chez Grace, conférant au personnage une dimension supplémentaire. Ainsi traversée d'aspirations très diverses, la famille Middleton symbolise toutes les mutations comme les continuités de cette seconde saison.

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Dans la multitude des period dramas diffusés à la télévision britannique, The Village n'a jamais cherché à capitaliser sur une fibre nostalgique, ni à jouer sur l'attrait dépaysant des fictions costumées. Œuvre dramatique, derrière laquelle Peter Moffat entreprend un véritable travail de mémoire avec pour point d'entrée le récit de Bert, narrateur situé dans le présent, elle est plus à rapprocher de The Mill, série de Channel 4 dont la suite a également été proposée cet été en Angleterre -a fortiori avec les luttes sociales qui prennent corps. La première saison de The Village avait été une des plus éprouvantes -pour ne pas dire 'traumatisante'- de l'année 2013. Si cette seconde ne manque pas de passage durs, la tonalité ambiante se fait un peu moins lourde et pesante. La série a cependant conservé ce qui faisait sa force, notamment une sobriété caractéristique renforçant l'impression de réalisme et d'authenticité laissée par le récit. Elle sait aussi toujours délivrer des scènes brutes et intenses, terriblement humaines, parfois profondément déchirantes, qui sont autant de pics émotionnels touchant en plein cœur le téléspectateur. Les atouts de l'an dernier sont donc toujours là, mais mis en avant par l'intermédiaire d'une écriture qui a gagné, avec la maturité, en homogénéité.

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Cette saison 2 de The Village est une confirmation, portée et confortée par un casting impeccable qui mérite aussi d'être salué (Maxine Peake et John Simm tout particulièrement). Une découverte recommandée à tout amateur de fictions historiques.

La saison 2 de The Village se termine ce dimanche soir sur BBC1. Elle n'a pour le moment pas été renouvelée.

NOTE : 7,5/10


La bande-annonce de la saison 2 :

07/09/2014

[Blog] Annonce de rentrée sériephile (et bloguesque)

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Septembre, mois des rentrées, notamment celle attendue des sériephiles (peu importe qu'il y ait désormais des fictions toute l'année à un rythme qui ne faiblit pas, les vieux rituels reviennent pour quelques semaines). L'occasion d'entrouvrir à nouveau les portes de My Télé is rich!. Le hiatus de ces derniers mois n'a rien résolu à mes problèmes de travail et d'absence de temps libre. Mais, j'ai pris conscience d'une chose durant cette pause : le visionnage d'une série ne me semble jamais complet tant que je n'ai pas formalisé en quelques mots les impressions que telle ou telle fiction m'a laissées. Comme un point final qui manque avant d'archiver l’œuvre. Et twitter, aussi pratique que soit ce réseau, ne remplit pas cette fonction.

En guise de résolution, c'est donc un nouveau départ que je propose en cette rentrée. À partir de la semaine prochaine, il y aura au moins un rendez-vous hebdomadaire sur ce blog, chaque dimanche. Je reviendrai sur un visionnage de la semaine, sur un rattrapage impromptu (j'accumule tant de retards) ou sur un coup de cœur un peu plus ancien (l'été a encore une fois été riche, de The Honourable Woman à Manhattan, en passant par quelques retours réussis comme Rectify ou The Village). Finies les longues analyses, les billets seront désormais plus courts, fonctionnant sur le modèle d'instantanés (faisons comme si j'avais jamais réussi à rédiger quelque chose de "bref" dans ma vie...). En modifiant le format des critiques, j'espère surtout retrouver un équilibre qui fait défaut depuis un an. L'objectif de My Télé is Rich! demeure inchangé : capturer, par le petit bout subjectif de la lorgnette bloguesque, la diversité jamais démentie du petit écran mondial.

Dans cette optique, septembre est un de ces mois où s'entremêlent excitation sériephile et pointe de fatalisme face aux déceptions pressenties. Parmi les nouveautés à surveiller, notez mardi prochain (9 septembre), le début de la diffusion, en Australie, d'une des découvertes proposées par le Festival SériesMania en avril dernier : Devil's Playground. Les premiers épisodes m'avaient beaucoup intrigué ; je vous renvoie à ma critique écrite au printemps. Avec la saison 2 à venir de Ainsi soient-ils, mais aussi, dans un autre registre, les mystères de Grantchester qui débarqueront en Angleterre (James Norton, dans un registre totalement différent par rapport à Happy Valley), cette fin d'année laissera donc une large place aux fictions cléricales. De ce qu'elles ont laissé entrevoir pour le moment (Ainsi soient-ils était aussi proposée en avant-première à SériesMania), elles donnent envie : à suivre !

La bande-annonce de Devil's Playground :

A partir du 9 septembre sur Showcase (Australie).

La bande-annonce de Grantchester :

Cet automne, sur ITV1 (Angleterre).


Il me reste à conclure en vous souhaitant une bonne rentrée sériephile. J'espère pouvoir partager avec vous les bonnes impressions qu'elle laissera. À très vite.