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26/05/2012

(FR) Ardéchois coeur fidèle : vengeance, amitié et condition ouvrière sous la Restauration

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Essayer tant bien que mal de se tenir à jour des dernières nouveautés dans le monde des séries est un défi insurmontable. Le plus tôt le sériephile l'admet, le mieux il se porte. Trop de choses intéressantes et autres curiosités pour suivre le rythme. Il faut se faire une raison : impossible de tout voir. Mais on tâchera tant bien que mal de sélectionner l'essentiel d'une saison en fonction de nos affinités. Sauf que le petit écran a beau se renouveler constamment, cela n'est pas non plus une raison pour oublier les oeuvres passées. Et puis, ce n'est pas ma faute si je suis née plusieurs décennies après la naissance du petit écran et des séries ! Ces six derniers mois, j'ai fait de belles découvertes en m'aventurant dans les 60s' aux Etats-Unis avec Rawhide et dans les 70s' en Angleterre avec The Sandbaggers. Mais je n'étais encore jamais remontée dans l'histoire télévisuelle française.

Et puis, l'autre jour, j'ai eu envie d'expérimenter (parce que ce blog n'est qu'un vaste compte-rendu d'expériences téléphagiques plus ou moins téméraires). Armée de mon dictionnaire sur les séries (enrichi depuis par des contacts twitter) et d'une carte bleue, j'ai donc fait quelques emplettes DVD. Et c'est comme cela que je vous propose aujourd'hui de débuter ce qu'on appellera un "cycle ORTF" (à voir si on ira au-delà ou pas). J'évoquerai aussi d'autres genres, mais il me semblait logique de commencer par de l'historique. Pas seulement parce que je suis une grande amatrice, mais aussi parce que j'ai toujours entendu parler en grandissant d'un supposé "âge d'or de la fiction française historique" ; et jusqu'à présent, hormis les Rois maudits, je n'avais vraiment eu l'occasion de tester...

Mon choix s'est porté sur Ardéchois coeur fidèle (non cela n'a rien à voir avec mes racines ardéchoises). Cette série compte 6 épisodes, de 55 minutes environ (notez que, sur le DVD, les épisodes ne sont pas découpés). Au scénario, on retrouve Jean Cosmos et Jean Chatenay. Elle a été diffusée sur la deuxième chaîne de l'ORTF du 21 novembre au 19 décembre 1974, où elle a rencontré un franc succès d'audience (favorisé par les grèves qui touchaient alors l'ORTF). En ce qui me concerne, j'ai apprécié cette immersion dans la première moitié du XIXe siècle : elle est non seulement une série d'aventure humaine et historique, mêlant de grands thèmes de vengeance et d'amitié, elle s'impose aussi un portrait social d'une grande richesse.

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Ardéchois coeur fidèle se déroule dans les années 1820 sous la Restauration. Toussaint Rouveyre rentre chez lui, en Ardèche, après presque une décennie passée au loin, qui l'a entraîné jusqu'au Canada. Ancien capitaine des armées de Napoléon, il était en effet à Waterloo lors de l'ultime défaite de l'Empereur. Il retrouve une famille aux penchants républicains notoires qui a souffert sous la Terreur blanche, la réaction royaliste qui a accompagné l'instauration du nouveau régime. Toussaint ne sait comment reprendre le fil de sa vie. Il songe à repartir de l'autre côté de l'Atlantique. Son oncle l'encourage cependant sur une autre voie : celle du métier de menuisier, exercé dans le cadre d'une association particulière, celle des compagnons.

Toussaint le soldat ne s'imagine pas ouvrier, mais se trouvant rapidement en porte-à-faux avec les autorités policières, il reprend la route pour retrouver son frère qui est en train d'effectuer le tour de France des compagnons. Sans nouvelle de lui depuis trop longtemps, son enquête le conduit à Tournon, sur les lieux d'une rixe entre Compagnons du Devoir et Compagnons du Devoir de Liberté qui a dégénéré. Son frère, qui appartenait à la première, est mort dans la mêlée alors qu'il n'avait même pas 20 ans. Toussaint n'obtient qu'un nom : Tourangeau sans Quartier. Il décide alors d'entrer dans cette société des compagnons du Devoir de Liberté avec pour objectif de découvrir ce qu'il s'est vraiment passé et de tuer le meurtrier de son frère.

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Animée d'un sacré souffle narratif, Ardéchois coeur fidèle débute comme un récit de vengeance classique. Pourtant, la série va rapidement prendre un tournant plus subtil et nuancé pour s'imposer dans un autre registre. C'est avant tout une fiction empreinte d'une profonde humanité qui, détachée de tout manichéisme, va mettre en scène des personnages complexes, riches en paradoxes et en ambivalences. La quête de Toussaint le conduit en effet dans un milieu qui parle à l'ancien soldat : il y retrouve la solidarité et la solidité caractérisant ces liens humains qui ne peuvent naître qu'au sein de communautés unies par des conditions de vie difficiles. Avec leurs principes, mais aussi leurs contradictions et leurs fortes personnalités, tous les personnages se révèlent très attachants. L'écriture laisse pleinement s'exprimer l'intensité des émotions mal apprivoisées de ces ouvriers qui apprennent la vie en même temps qu'un métier. Cela permet de susciter une réelle empathie auprès du téléspectateur. Récit d'amitiés solides se créant sur les routes du tour de France, Ardéchois coeur fidèle traite aussi des rapports de l'individu au collectif, en essayant de tracer les limites d'un certain corporatisme. Marquée par le drame de cette rixe qui a mal tourné, elle éclaire avec beaucoup de justesse les dynamiques chargées d'ambiguïtés inhérentes à ce milieu. 

De plus, la série peut s'appuyer sur une solide reconstitution historique. En toile de fond, elle expose les tensions politiques, et surtout sociales, de la société française de l'époque. Survolant aussi bien les agitations bonapartistes que l'appareil répressif de l'Etat avec sa défiance à l'égard de toutes associations ouvrières, elle fait preuve de beaucoup d'acuité dans le portrait dressé ; le passé de Toussaint et les liens qu'il conserve avec d'anciens fidèles de l'Empereur permettent ici d'enrichir le tableau. Reste que c'est logiquement par sa dimension sociale, par l'immersion dans le milieu du compagnonnage qu'elle retient tout particulièrement l'attention. La série prend une allure très pédagogique quand il s'agit de nous permettre d'apprécier les rites et raisonnements singuliers des membres de la société dans laquelle Toussaint s'introduit. Globalement, ce soin des détails apporte un parfum d'authenticité appréciable. En filigranne, c'est la condition d'une certaine catégorie d'ouvriers dans une France qui n'en est encore qu'aux premiers frémissements de la révolution industrielle qu'Ardéchois coeur fidèle éclaire. 

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Sur la forme, en terme d'images, il faut sans doute ici surtout s'arrêter pour parler de la qualité vidéo du DVD : cette dernière oscille de moyen à médiocre, suivant les scènes et l'éclairage. Cependant, cela n'affecte pas le visionnage, car l'histoire se suit sans problème et n'en est pas moins agréable. Le thème musical récurrent, entraînant, donne assez bien le ton de ce qui reste une aventure historique rythmée.

Enfin, Ardéchois coeur fidèle bénéfice d'un casting très convaincant, porté par un duo magistral sans lequel la série n'aurait sans doute pas eu la même force. Sylvain Joubert a la présence et l'intensité adéquates pour incarner cet ancien officier marqué par la mort de son frère, mais dont l'expérience passée et le recul joueront beaucoup dans son appréciation des évènements. Face à lui, Claude Brosset sait également retranscrire les ambivalences de son personnage : la brute sanguinaire initialement présentée se révèlera bien plus complexe que sa réputation ne pouvait le  laisser entrevoir. A leurs côtés, on retrouve notamment Pierre Guéant, Henri Marteau, Claude Furlan, Julien Verdier, Michel Robin, Alice Reichen, Max Doria, Jean Champion, Alain Doutey ou encore Michel Pilorgé.

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Bilan : Fresque historique riche et rythmée, Ardéchois coeur fidèle est une série qui marque par son éclairage social, mais aussi par son humanité. Bénéficiant de personnages tout en contradictions et en paradoxes qui s'imposent comme autant de de personnalités fortes et ambiguës, cette quête de vengeance dépasse rapidement les limites du genre pour devenir plutôt une histoire d'apprentissage et d'amitiés, dans ce milieu ouvrier particulier où une conscience de classe semble encore seulement en gestation.

C'est donc une série très intéressante à plus d'un titre. Pour les amateurs de fictions historiques et ceux qui apprécient ces vieux feuilletons français.


NOTE : 7,25/10


Le générique :


23/05/2012

(J-Drama) Chase : entre thriller financier et drames humains

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Restons au Japon en ce mercredi asiatique. Je continue de finir les dramas que j'avais en cours depuis le début de l'année, histoire - pour une fois - de prendre le temps de rédiger un bilan pour chacun. Et puis, je me suis aussi replongée dans un drama coup de coeur que j'avais déjà vu, histoire de cette fois-ci écrire cette review que j'ai trop longtemps remise au lendemain (et en lien direct avec l'actualité sud-coréenne de cette fin du mois - je vous laisse deviner de quelle série il s'agit). En attendant, le drama du jour est tout autre ; un mélange des genres intriguant qui m'avait été conseillé par Lynda.

Chase a été diffusé sur NHK du 17 avril au 22 mai 2010, dans la case horaire du samedi soir. Scénarisé par Sakamoto Yuji (à qui l'on doit notamment le marquant Mother), il compte 6 épisodes de 55 minutes environ. Si j'ai eu du mal à écrire ce billet, c'est que j'ai rarement croisé une série dont la lecture de son synopsis laissait si peu entrevoir l'orientation à venir de la fiction. Ayant a priori imaginé une sorte de procedural classique, je me suis retrouvée face à un cocktail feuilletonnant, oscillant entre vengeance, drame personnel et thriller financier.

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Haruma Sosuke est inspecteur des impôts à Tokyo. Zélé et appliqué, il traque les fraudes fiscales, se consacrant corps et âme à son travail. Il est donc souvent absent d'un domicile familial où il néglige son épouse et sa fille adolescente, rentrant tard le soir et prenant rarement du temps pour passer un moment avec elles. Si sa femme ne se plaint pas, sa fille est en revanche plus entreprenante. Elle le convainc de planifier un voyage en couple, espérant permettre à ses parents de se retrouver. Mais du travail surgit au dernier moment, Sosuke ne peut partir ; sa femme décide malgré tout de prendre l'avion prévu. Malheureusement ce dernier s'écrase sans survivant.

Sosuke est anéanti par ce décès ; sa fille le considère en plus responsable. Mais en se replongeant dans ses enquêtes en cours, Sosuke découvre que l'avion avait peut-être été utilisé dans un stratagème permettant une évasion fiscale. Il discerne derrière la main de quelqu'un de suffisamment expert en finances pour orchestrer des fraudes à grande échelle. Par déduction, il vient en effet de déduire le rôle joué par un mystérieux homme d'affaires, Murakumo Shuji. Une confrontation à distance se construit peu à peu au fil du récit, tandis que Shuji entreprend la mise en place d'un plan bien particulier, aux motivations très troubles : quelles blessures se cachent derrière cette froideur apparente ?

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L'intérêt de Chase repose sur le mélange des genres très riche qu'il propose. On assiste à une constante mutation du drama tout au long de ses six épisodes ; et cette durée brève permet à l'histoire d'être concentrée et de se dérouler sans temps mort. La série débute par un premier épisode d'exposition, où le procédural - la particularité étant ici qu'il s'agit d'un inspecteur des impôts, non de la police - se mêle au thriller financier, nous introduisant dans le jargon et les montages complexes qui vont asseoir son propos. Cependant l'écriture feuilletonnante nous entraîne rapidement dans une dimension plus humaine et dramatique, reléguant les chiffres en arrière-plan. L'histoire relatée est en réalité celle de destins qui s'entre-choquent, avec des personnages liés par les circonstances. L'enjeu dépasse la simple volonté d'arrêter l'organisateur des fraudes : le drama se mue en une sorte de quête de rédemption, pour chacun de ces protagonistes qui se perdent et se cherchent sous nos yeux. Cet aspect, plus personnel et assez tragique, est certainement ce qui est le mieux réussi.

Malheureusement, Chase est aussi un drama qui ne va jamais réussir à dépasser une dualité inégale inhérente à son scénario. La série a en effet des ambitions, mais pas toujours les moyens pour les porter à l'écran de manière homogène. Sa faiblesse tient ici principalement à son volet thriller : les machinations financières, exposées de manière trop didactiques, peinent à générer une véritable tension (on est loin par exemple des jeux de bourse de Story of a man). Le récit manque de souffle, et l'ensemble est trop figé pour réussir à susciter un vrai suspense. Cela explique l'impression que le drama tend parfois à trop se disperser entre les genres, avec une écriture manquant de liant. Pour autant, l'évolution des enjeux au fil des épisodes apporte une profondeur et une intensité émotionnelles qui vont faire sa force. C'est par ces tragédies que Chase saura toucher le téléspectateur. La série gagne alors en complexité à mesure que les personnages se dévoilent, devenant alors beaucoup plus intéressante même si certaines maladresses demeurent.

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Sur la forme, Chase propose une réalisation classique, sans prise de risque, ni initiative notable. La seule spécificité de ce drama tient à sa bande-son, qui adopte une tonalité jazzy, déchirante à l'occasion, qui constitue ce que je qualifierais de "touche expérimentale" de la série. Si l'essai est à noter, j'avoue que j'ai été peu convaincue : même si parfois, on pourrait presque croire que la série souhaiterait exhumer une atmosphère de vieux polar, l'OST échoue à construire une ambiance, restant en décalage par rapport aux attentes et au ton du récit.

Enfin, Chase bénéfice d'un casting correct. Si Eguchi Yosuke campe efficacement cet inspecteur des impôts qui se bat du bon côté de la loi et tente de faire son deuil de son épouse, celui qui s'impose véritablement à l'écran est ARATA, sans doute parce que le rôle de ce dernier permet un jeu tout en ambivalence où il peut vraiment s'exprimer. C'est un acteur que je ne connaissais pas, mais il va bien prendre la mesure de la dimension torturée qui anime ce mystérieux financier de l'ombre qui se dévoile peu à peu sous nos yeux : ma révélation personnelle côté acteurs dans ce drama. A leurs côtés, on retrouve notamment Aso Kumiko, Mikura Tae, Saito Takumi, Nakamura Kazuo, Masuoka Toru, Okuda Eiji, Hirata Mitsuru ou encore Sato Jiro.

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Bilan : Intéressant par la richesse de ses thèmes,Chase est un drama qui ne va jamais réussir à dépasser une dualité structurelle handicapante. Peu convaincant dans le registre du thriller à suspense, il s'affirme immédiatement dès qu'il bascule dans l'intime de ses personnages et met en scène des storylines plus personnelles. Dans le registre dramatique, lorsqu'il s'agit de capturer des états d'âme, on perçoit le savoir-faire du scénariste. Mais au final, même si le drama expérimente des idées intéressantes, on reste sur sa faim devant cet ensemble certes ambitieux, mais trop dispersé et inégal, alors même que son sujet laissait entrevoir un potentiel certain qui ne demandait qu'à être exploité. 


NOTE : 6,5/10

20/05/2012

(Pilote AUS) Bikie Wars - Brothers in Arms : l'histoire d'une rivalité conclue dans le sang

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L'Australie et les histoires de gangsters, c'est devenu toute une tradition dans l'univers des séries télévisées. En début d'année, ABC1 tentait avec The Straits une approche originale (peu récompensée côté audiences), mais ce printemps, c'est Channel 10 qui revient, elle, aux fondamentaux en puisant dans l'histoire criminelle australienne pour exhumer un fait divers sur lequel construire une série. Cela ne surprendra pas si on précise que la boîte de production de Bikie Wars est Screentime, à qui l'on doit, justement, la célèbre franchise Underbelly, représentante la plus aboutie de ce genre dans le petit écran australien.

Bikie Wars : Brothers in Arms a débuté mardi dernier sur Channel 10. Elle sera composée de 6 épisodes et a très bien démarré côté audiences, dominant sa case horaire en rassemblant 1,261 millions de téléspectateurs devant leur petit écran. L'inspiration d'un fait réel est indéniablement un atout, mais si ce pilote a pu séduire les Australiens, je vous avoue qu'il m'a laissé assez mitigée. Le trailer m'avait intrigué, l'épisode m'a plutôt rappelé certains des problèmes que j'ai avec la franchise Underbelly...

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Si ,à la lecture du projet, certains avaient pu faire des parallèles avec l'américaine Sons of Anarchy, c'est parce que Bikie Wars nous plonge dans le milieu des bikers. Cependant, l'approche est ici différente car la série va nous raconter le sort de deux bandes rivales, les Comancheros et les Bandidos (un groupe qui a fait scission avec les premiers), et la montée des tensions jusqu'à leur fatal apogée. L'engrenage va en effet conduire, le 2 septembre 1984, au massacre de Milperra, au cours duquel, dans un bref affrontement, sept personnes trouveront la mort et 28 autres seront blessées.

Dans ce pilote, Bikie Wars nous introduit dans le club des Commancheros encore uni, à travers Snoddy, un ancien militaire qui est recruté par leur leader, Jock Ross. Ce dernier a certaines ambitions pour leur groupe. Pour les mener à bien, il recherche de nouveaux bikers, si possibles solides et n'ayant pas peur de se battre. Si nous assistons aux premières explosions de violence, ce sont les tensions à l'intérieur du club dont il va falloir prendre garde.

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Le premier aspect sur lequel Bikie Wars retenait l'attention, c'était par sa volonté de mettre en scène le milieu des bikers dans la fin des années 70 et le début des années 80, avec ses codes et sa culture. A l'image de Snoddy, on y trouve notamment des anciens militaires peinant à retrouver la vie civile. En jouant un rôle d'exposition, l'épisode nous permet de suivre la découverte du club par ce nouveau membre. L'approche est cependant très superficielle, sonnant souvent convenue et cédant à tous les clichés du genre dont elle finit par abuser : motos, alcool et sexe tournent ainsi en boucle à l'écran. Sauf rares passages, le pilote ne prend jamais le temps de vraiment s'intéresser aux dynamiques particulières de ce groupe. Cette présentation, bénéficiant d'un rythme de narration efficace, se laisse suivre, mais, si l'on ne s'ennuie pas, on regrette le manque de souffle, mais aussi de profondeur du récit.

En effet le pilote de Bikie Wars ne fait pas vraiment d'effort pour introduire les enjeux de l'histoire, se présentant plutôt comme une promesse d'explosion à venir. Pourtant, la série est légitiment attendue sur sa dimension tragique : non seulement elle relate une confrontation entre bikers issus d'un même club qui se terminera en drame national, mais il s'agit d'évènements réels qui ont marqué la mémoire australienne. Or ce pilote, tout à sa certitude que le fait divers trouvera un écho particulier auprès du public, semble tenir pour acquis que la force de son concept seule maintiendra la fidélité du téléspectateur. En ce sens, il n'a sans doute pas complètement tort : pour peu que l'on ait visionné la bande-annonce (ou qu'on soit australien, j'imagine), on a en effet envie d'assister au glissement vers la rivalité. Mais ce manque d'ambition initial, se reposant trop sur ce qui est à venir sans donner de garanties qualitatives, est une entrée en matière décevante. 

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L'impression de manque de relief du fond est accentué par certains choix formels. Si la réalisation est correcte, avec quelques plans extérieurs qui jouent bien sur les attraits du monde des bikers - notamment une scène "sur la route" entre Snoddy et Lee, le principal problème vient d'une bande-son omniprésente et envahissante. Le choix d'enchaîner les chansons rock pouvait sur le papier paraître pertinent pour poser l'ambiance des clubs d'alors, mais la musique est sur-utilisée et perd vite tout attrait : elle transforme l'épisode en grand clip, où les images typiques du milieu s'enchaînent en arrière-plan. Cela renforce l'impression que Bikie Wars a dans ce pilote assez peu de choses à dire.

Enfin, Bikie Wars bénéficie d'un casting volontaire qui doit faire avec des dialogues qui manquent de naturel. Parmi les deux acteurs principaux, Callan Mulvey (éternel Drazic de mon adolescence dans Hartley Coeur à vif, Rush) qui interprète Snoddy, nouveau recruté, s'en sort pour l'instant un peu mieux que Matthew Nable (East West 101), qui le prend sous son aile, devenant en quelque sorte son mentor. En love interest, le premier n'est pas insensible aux charmes de Maeve Dermody, tandis que le second est marié avec le personnage joué par Susie Porter (East West 101). A leurs côtés, on retrouve quelques têtes familière du petit écran comme Anthony Hayes (The Slap), Richard Cawthorne, Luke Ford, Todd Lasance (Crownies) ou encore, à venir plus tard dans la série, Aaron Fa'aoso (East West 101, The Straits).

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Bilan : A partir d'un sujet intéressant, avec le récit d'une rivalité aux accents tragiques, Bikie Wars s'ouvre sur un pilote manquant de consistance. En essayant de poser l'atmosphère de ce milieu des bikers, l'épisode cède à la facilité et à tous les clichés du genre, avec des scènes qui se transforment trop souvent en clip musical. Cette écriture trop superficielle pèse aussi sur des personnages qui peinent à prendre de l'ampleur. En somme, une introduction décevante, même si le concept et les évènements à venir demeurent une promesse intriguante qui peut permettre de dépasser ce début poussif.


NOTE : 5,75/10


Le générique de la série :


La bande-annonce :

17/05/2012

(ISRL / Pilote) Hatufim (Prisoners of War) : le difficile retour de prisonniers de guerre israéliens

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My Télé is Rich! découvre enfin Israël (et ça mérite même la création d'une nouvelle catégorie) ! La semaine dernière, en Angleterre, Sky Arts 1 débutait la première saison de Hatufim. C'était donc l'occasion rêvée de découvrir la série dont s'est inspirée l'américaine Homeland. Jusqu'à présent, la première (et dernière) série israélienne que j'avais eu l'occasion de suivre remontait à plus d'une décennie. C'était un teen show du nom de Face Caméra que France 2 avait diffusé en 2000. De Face Caméra, j'ai quelques souvenirs très vagues, un générique qui défile dans la tête, et pas vraiment d'avis sur la qualité éventuelle d'une série de mon adolescence que je suivais sans déplaisir mais qui ne m'a pas marqué. Douze ans après, j'ai donc lancé ma deuxième série israélienne.

Créée par Gideon Raff (qui a également participé à l'adaptation américaine), la saison 1 de Hatufim (Prisoners of War à l'internationale) a été diffusée en Israël, sur Channel 2, au printemps 2010. Elle compte 10 épisodes (et une saison 2 a été commandée). Elle y a rencontré un important succès d'audience et a été récompensée d'un Israeli Academy Award. Comme l'explique Gideon Raff dans les différentes interview qu'il a pu donner (comme dans cet article), la question des prisonniers de guerre est particulièrement sensible en Israël (ce qui explique aussi les critiques qui ont pu être formulées face à la série). Si l'on se souvient dans l'actualité récente de la libération de Gilat Shalit (dont des scènes - notamment médiatiques - du pilote de Hatufim résonnent comme un écho), ce que deviennent ces individus une fois de retour au pays a été peu traité par la fiction.

Si j'étais très impatiente de découvrir Hatufim, je craignais aussi que le fait d'avoir déjà vu Homeland ne me permette pas de pleinement l'apprécier (pour être honnête, si j'avais eu l'espoir de découvrir Hatufim si vite, j'aurais attendu avant de regarder la série de Showtime). Cependant ce pilote m'a rassurée : à partir d'une thématique proche et d'idées similaires, il adopte une approche très intéressante et surtout différente de sa consoeur américaine. L'autre bonne nouvelle, c'est que le DVD de cette saison 1 sortira dès le mois de juillet en Angleterre (comme toujours, il s'agit de VOSTA).

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Hatufim raconte l'histoire de trois soldats israéliens ayant été capturés au Liban au cours d'une mission de reconnaissance au-delà de la frontière. Après 17 années passées en captivité, un accord est finalement trouvé pour obtenir leur libération. Mais seuls deux d'entre eux rentrent vivants. Nimrod et Uri retrouvent un pays qui a changé et où ils n'ont plus leurs repères, des familles qui ont continué de vivre malgré tout et qui leur sont devenues étrangères, à l'image de ce fils que l'un d'entre eux découvre adolescent et qu'il n'a jamais connu.

L'évènement que représente ce retour inespéré des deux soldats est célébré en grandes pompes par les médias. Mais derrière la fête, très vite, il faut recommencer ces vies interrompues pendant presque deux décennies. Beaucoup de questions appellent des réponses, aussi bien les conditions de leur détention - tant de choses a pu se passer durant une si longue période - mais aussi de leur libération. Dès le lendemain de leur arrivée en Israël, un debriefing est ainsi programmé par les services de sécurité. La réacclimation va être lente et difficile.

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Il est sans doute impossible au téléspectateur ayant vu Homeland d'aborder Hatufim sans établir naturellement des parallèles avec la version américaine. Si l'inspiration commune se perçoit jusque dans certaines scènes que l'on retrouve dans les deux pilotes (comme celles de l'aéroport où attérissent les soldats libérés), ce sont paradoxalement plutôt les différences de tonalités qui frappent. Il apparaît en effet vite clair que Hatufim n'a pas les mêmes priorités, ni la même approche de ce sujet de départ partagé qu'est le retour de prisonnier de guerre. Le concept s'adapte ici au pays dans lequel l'histoire se déroule : tandis que Homeland embrasse dès le départ - et son générique en est la parfaite illustration - le registre du thriller paranoïaque, Hatufim entame, elle, une exploration plus psychologique et intime du sort des anciens prisonniers, ainsi que de leurs familles.

Les différences factuelles notables sont d'ailleurs particulièrement révélatrices de l'orientation propre à la version israélienne. Soulignant le fossé encore plus grand qui a pu se creuser, ce ne sont pas huit années mais dix-sept années de captivité qu'ont enduré les prisonniers, soit quasiment une génération. De plus, ce n'est pas un homme seul, potentiel héros de guerre pouvant être présenté ainsi dans les médias, mais deux hommes - et un troisième absent, mais dont l'ombre plane sur le récit - brisés par cette détention qui reviennent. Les storylines familiales qui, dans Homeland, étaient concentrées uniquement dans le personnage de Brody sont ici réparties entre les deux soldats. Cela permet de prendre le temps de mieux explorer chacune de ces difficultés et l'impact qu'elles ont sur tous les protagonistes.

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Le pilote de Hatufim met avant tout l'accent sur le relationnel. Les enjeux de sécurité intérieure et les interrogations sur ce qui a pu se passer en dix-sept années d'emprisonnement restent pour le moment en arrière-plan. Seules quelques scènes - apartés volontairement fugaces - peuvent soulever des questions sur d'éventuels non-dits. Le debriefing à venir des anciens prisonniers par les services de sécurité est bien annoncé (et devrait introduire la paranoïa sécuritaire logique), mais l'enjeu est pour l'instant clairement ailleurs : il est dans ce retour, dont la force narrative tient à l'ambivalence troublante et poignante qui l'accompagne. La scène des retrouvailles à l'aéroport symbolise sans doute le mieux l'essence de l'épisode : ce face-à-face dans un silence assourdissant et les hésitations qui le marquent de part et d'autre sont d'une intensité bouleversante. Les émotions ressortent ici à l'état brut, submergeant le téléspectateur comme les personnages.

Durant cette première heure, Hatufim s'intéresse donc aux conséquences humaines de ce retour. La célébration médiatique à laquelle on assiste tranche avec les réactions si nuancées des familles concernées. Parmi ces dernières, la première est une cellule trop longtemps monoparentale où la crise couve ; la femme ne sait que faire devant un mari devenu un étranger, tandis que ses enfants ont grandi presque adultes sans figure paternelle et rejettent ce changement. Dans la seconde, la fiancée n'a pas attendu un retour hypothétique, elle a refait sa vie et a épousé le frère de l'ancien prisonnier... L'épisode n'occulte pas non plus la troisième famille, traitant alors de l'impact de ce non-retour qui est encore plus dévastateur. Cette soeur qui a la détresse de ne pas voir revenir son frère vivant est en effet la seule à être isolée : c'est celle qui aurait eu tant besoin de le retrouver. Parallèlement, la réadaptation difficile des soldats demeure au coeur du récit : si leur famille ne les connaît plus, ne sait comment les traiter, eux non plus n'ont plus de repères dans un Israël qui a tant évolué en dix-sept années. Chacun gère les choses à sa manière, confronté aux particularités de son foyer. Mais le processus est d'autant plus complexe que les choix faits pour les protéger sont discutables, et parfois même contreproductifs.

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Sur la forme, Hatufim fait preuve d'une sobriété appropriée qui n'en rend que plus intenses certains passages. La réalisation est fluide et maîtrisée, capitalisant sur une mise scène qui est à l'image de la retenue dont la série fait preuve dans son récit. La bande-son est peu présente, la fiction n'hésitant pas à donner au silence une place importante dans le récit - le silence est dans plusieurs scènes plus fort et suggestif que n'importe quels dialogues que les scénaristes auraient pu imaginer. Ce choix permet aussi de faire ressortir les moments où un fond musical retentit, qui n'en sont alors que plus marquants.

Enfin, Hatufim dispose d'un casting homogène. Les deux prisonniers libérés sont interprétés respectivement par Yoram Toledano et Ishai Golan, les deux acteurs arrivant parfaitement à faire passer à l'écran la perte de repères, les hésitations, voire le malaise auxquels leurs personnages sont confrontés. C'est Assi Cohen qui joue le troisième prisonnier, que sa soeur, incarnée par Adi Ezroni, voit encore à ses côtés. Parmi les autres figures, je retiendrais tout particulièrement Yael Abecassis qui s'impose rapidement à l'écran en épouse un peu dépassée ne sachant comment réagir face à ce mari de retour. On retrouve également à l'affiche Mili Avital, Aki Avni, Sendi Bar, Salim Dau, Yael Eitan (qui incarne presque trop bien l'adolescente en crise), Adi Ezroni, Adam Kent, Nevo Kimchi, Guy Selnik ou encore Gal Zaid.

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Bilan : Avec ce pilote bien construit et solide, Hatufim signe des débuts très convaincants. La justesse de son écriture lui permet de prendre pleinement la mesure du sujet difficile qu'elle aborde : elle renvoie une impression d'authenticité qui lui confère une force émotionnelle marquant durablement le téléspectateur. De plus, en choisissant d'explorer prioritairement la dimension humaine du retour des prisonniers, la série israélienne se démarque clairement de sa version américaine. Ses priorités vont au relationnel, aux soldats comme à leurs familles, s'interrogeant sur la vie après la captivité sans imposer dans ce pilote le thriller au premier plan. Une série à suivre !

Hatufim mérite donc d'être vue en tant que telle ; et le fait d'avoir déjà regardé Homeland n'est pas problématique, tant les deux fictions exploitent de manière différente leur même concept.

[EDIT : A lire, mon bilan d'ensemble de la saison 1.]


NOTE : 8/10


La bande-annonce de la série :

Gideon Raff au dernier Festival SeriesMania :

16/05/2012

(J-Drama / Pilote) Unmei no Hito : le scandale de la rétrocession d'Okinawa

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J'ai beaucoup hésité sur le sujet de ce mercredi asiatique. J'avais d'abord esquissé un bilan de premier visionnage des pilotes des différentes nouveautés printanières japonaise (parce qu'aucune ne m'a marqué suffisamment pour y consacrer un article entier pour le moment). Il y avait aussi ce drama plus ancien que je suis en train de finir. Mais finalement, après avoir déjà failli y consacrer le billet de la semaine dernière, je n'ai pu résister à l'envie de prendre la plume pour vous parler de mon dernier coup de coeur japonais... Entre politique, journalisme, Histoire, il y a tant à dire sur cette série. Et si Unmei no Hito est un drama de la saison hivernale, son sous-titrage a débuté le mois dernier ; pour le moment, les quatre premiers épisodes sont disponibles.

Diffusé sur TBS du 15 janvier au 18 mars 2012, le dimanche soir dans la case horaire de 21h, Unmei no Hito compte 10 épisodes de 45 minutes environ. Il s'agit d'une adaptation d'un roman éponyme de Yamasaki Toyoko, qui s'inspire lui-même d'un évènement réel, le scandale ayant entouré la rétrocession d'Okinawa par les Etats-Unis au Japon dans les années 70. La responsabilité de porter à l'écran cette histoire a été confiée au scénariste Hashimoto Hiroshi (qui a déjà pu démontrer ses talents d'adaptation historique dans Karei Naru Ichizoku par exemple). C'est une fiction très dense qui nous plonge dans les coulisses de la société japonaise, soldant certains comptes avec la Seconde Guerre Mondiale, mais qui parle aussi de démocratie avec une interrogation sur la place de la presse, le tout en mêlant grande et petites Histoires.

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Unmei no Hito s'ouvre dans le Japon du début des années 70. Ce drama va suivre sur une décennie le destin d'un journaliste, Yuminari Ryota, qui est alors en pleine ascension professionnelle. En charge du service politique du grand quotidien qui l'emploie, l'ambitieux reporter a ses entrées dans les cercles gouvernementaux du pouvoir. Il a dans le même temps une idée claire de son métier : dans sa quête de scoops et de vérité, il n'hésite cependant ni à poser les questions qui fâchent, ni à se montrer entreprenant et tacticien pour obtenir des informations. Avec ses quelques soutiens de l'ombre et son travail rigoureux, il semblerait que rien ne puisse venir entraver une carrière qui s'annonce très prometteuse.

Mais, 1971, c'est aussi la date de la signature d'un traité entre le Japon et les Etats-Unis, organisant la rétrocession d'Okinawa, et précisant notamment le sort des bases militaires américaines et le paiement d'indemnités. Lors des négociations diplomatiques qui eurent lieu, le gouvernement américain exigea certaines contre-parties stratégiques et financières de la part du gouvernement japonais que ce dernier ne pouvait, politiquement, rendre publiques. Or grâce à une de ses sources au ministre des affaires étrangères, Ryota met la main sur des documents confidentiels évoquant un accord secret qui prévoit le versement de plusieurs millions de dollars aux Etats-Unis. Le journal publie l'information sans pouvoir directement dévoiler le document, ce qui risquerait de compromettre leur source.

Mais devant les démentis fermes du gouvernement et l'indifférence à laquelle il se heurte, Ryota s'indigne et va tenter de faire bouger les choses... au risque de se brûler face au pouvoir.

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Unmei no Hito marque tout d'abord par sa richesse et la densité de son propos. La série aborde des thématiques multiples, certaines très personnelles aux protagonistes, d'autres dignes des fictions politiques les plus abouties. C'est ce second aspect que mettent d'abord en valeur les premiers épisodes. Bénéficiant d'une écriture solide qui permet de prendre la mesure de la complexité de ce milieu, le drama nous introduit dans les coulisses du pouvoir de l'époque, à travers une problématique particulière, très intéressante, celle des rapports entre la presse et la classe dirigeante. Plus que certains cas de compromission ou de corruption, ce qui frappe dans le portrait ainsi dressé, c'est la connivence régnante dictée par les usages et les moeurs journalistiques de l'époque. La liberté de la presse semble tenir au mieux à un équilibre aussi fragile que précaire, au pire n'être qu'une chimère tant les reporters les plus influents apparaissent comme des pions à part entière sur l'échiquier du pouvoir ; beaucoup courtisent plus qu'ils ne songent au droit d'informer. La course aux scoops est une compétition encadrée, au sein de laquelle c'est le pouvoir qui dicte les limites et pose les bornes infranchissables. Des discussions de couloir aux déjeuners symboliques, la série nous fait ainsi assister à la montée des uns et à la chute des autres au gré des faveurs et des rapports de force.

Ce qui rend cette approche si passionnante, c'est qu'en plus de cette dimension politico-médiatique, Unmei no Hito, c'est aussi de l'Histoire. Elle revient sur les conditions de la rétrocession d'Okinawa, sur ses zones d'ombre, sur ce que le Japon a réellement accepté et ce que le gouvernement d'alors a officialisé. Le sujet est complexe pour qui (comme moi) connaît peu ces problématiques, mais si certaines subtilités peuvent au départ échapper au téléspectateur profane, la réussite de la série est de parvenir à rendre accessible les grands enjeux. L'intérêt du drama est ici double. Il permet de parler du Japon et de sa démocratie en éclairant la gestion gouvernementale de l'affaire ; mais il s'arrête aussi sur une problématique de géopolitique internationale, avec les relations entre le Japon et les Etats-Unis. Et moi qui n'aime rien tant que pouvoir apprendre grâce aux séries, autant dire que j'ai été particulièrement servie. J'ignorais tout de ces questions avant de débuter le drama, mais les informations existent en anglais pour bien les replacer dans leur contexte - attention cependant aux spoilers, cliquer à vos risques et périls ! - avec des articles tels que Okinawa-Gate : The Unknown Scandal, ou encore une interview du journaliste par qui le scandale est arrivé (de son vrai nom, Takichi Nishiyama). Unmei no Hito s'inscrit donc pour ces débuts dans la lignée des dramas capable de jouer sur la grande et les petites histoires, à la fois très enrichissant par ce qu'il évoque du Japon, mais qui en même temps ne perd pas de vue ses personnages, car ce sont eux qui en sont l'essence.

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Unmei no Hito va en effet s'intéresser aux destinées que la fuite de l'accord secret passé avec les Etats-Unis bouleverse, et à toutes les conséquences d'un scandale qui, d'une affaire d'Etat, finira par toucher la part la plus intime de ses protagonistes. Le flashforward des premières minutes donne immédiatement le ton : c'est au récit d'une déchéance que l'on va assister. Au début du drama, Yuminari Ryota est un professionnel à qui tout réussit, au point de s'imaginer peser sur ces cercles de pouvoir qu'il fréquente. Trop arrogant et sûr de ses forces, il pourrait être antipathique s'il n'était pas animé d'une passion sincère pour son métier, qu'accompagne une certaine éthique. Il est en effet prêt à beaucoup pour décrocher un scoop, mais tout ne se réduit pas à une simple compétition avec la concurrence. Le sort d'Okinawa, problématique particulièrement sensible au Japon, va être révélateur des limites de la connivence qu'il peut accepter. Lorsqu'il découvre le contenu réel du traité, Ryota cherche à prendre à témoin l'opinion publique pour le remettre en cause. Ce qui est le motive ici, ce n'est pas seulement la liberté d'informer ou l'exigence de transparence du gouvernement, c'est aussi la conscience du citoyen. D'où ses erreurs d'appréciation. Le drama touche ici à une thématique assez universelle en démontrant à quel point capter l'opinion publique est un jeu complexe ; et à l'époque, le pouvoir le maîtrise tout aussi bien.

De manière générale, ces premiers épisodes de Unmei no Hito permettent d'asseoir une galerie de personnages forts, dont on perçoit la complexité et les ambivalences. Outre le personnage central de Ryota, on y trouve notamment deux figures féminines au potentiel intéressant. Avec leurs forces et leurs faiblesses, elles sont en bien des points représentatives de la condition de la femme au Japon dans les années 70. Yuriko est l'épouse au foyer modèle, supportant et défendant son mari, même contre ceux qui comprennent mal ce qu'elle peut trouver à ce professionnel trop froid qui fait toujours passer son métier avant sa famille. On devine que les épreuves à venir vont la forcer à reconsidérer sa place et ses choix. Travaillant au ministère des affaires étrangères, Miko Akiko, elle, a déjà dû évoluer : son mari incapable de travailler, c'est elle qui doit subvenir aux besoins du foyer. Loin d'être une forme d'émancipation, cela pèse lourdement sur son couple. Elle subit en effet les brimades d'un époux ne supportant pas cette inversion des rôles. C'est justement cette tension intenable qui explique qu'elle va se tourner vers Ryota, devenant sa fameuse source.

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Sur la forme, Unmei no Hito est une série soignée. La réalisation est maîtrisée, d'une sobriété travaillée, en sachant également mettre en valeur le cadre et les symboles qui peuvent accompagner la mise en scène. Beaucoup de choix judicieux sont faits : ainsi, le premier épisode qui s'ouvre sur un flashforward à Okinawa, nous fait découvrir un océan bleuté d'une beauté à couper le souffle qui souligne parfaitement l'importance des enjeux qu'elle va concentrer. De plus, le drama bénéficie également d'une bande-son riche et très intéressante qui pose bien la tonalité ambiante ; elle est signée Sato Naoki, un habitué des OST dont le dernier travail notable était sur Ryomaden, mais que j'avais déjà beaucoup apprécié dans Hagetaka.

Enfin, Unmei no Hito dispose d'un casting dans l'ensemble solide et convaincant. Motoki Masahiro (Saka no ue no kumo, 87%) incarne bien la rigidité et l'aplomb sans faille du carriériste qui a réussi, mais en conservant des failles qui ne vont que croître à mesure que la situation va lui échapper. C'est Matsu Takako (Hero, Saka no ue no kumo) qui interprète son épouse, tandis que Maki Yoko (Loss Time Life) est sa source au ministère. Sinon, cela m'a fait plaisir de retrouver Omori Nao (Prisoner, Ryomaden), un acteur qui garde une place à part pour moi depuis Hagetaka. On croise également d'autres têtes familières du petit écran japonais, comme Kitaoji Kinya (Karei Naru Ichizoku), Matsushige Yutaka (Shinya Shokudou, Last Money ~Ai no Nedan~), Hasegawa Hiroki (Second Virgin, Suzuki Sensei, Kaseifu no Mita), Ishibashi Ryo (Gaiji Keisatsu), Harada Taizo (Kurumi no Heya) ou encore Emoto Akira (Karei naru Spy).

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Bilan : Bénéficiant d'une écriture solide, Unmei no Hito délivre un récit dense et complexe parcouru par une tension très prenante. Tout en ayant un parfum prononcé de fiction politique (et historique) par l'éclairage qu'elle offre sur la démocratie japonaise du début des années 70, et sur les rapports qu'entretiennent alors la presse et le pouvoir, la série va tout particulièrement s'intéresser à des destinées personnelles auprès desquelles le téléspectateur est prêt à s'investir. L'équilibre est rapidement trouvé entre toutes les composantes de cette histoire ; le résultat est intéressant et consistant. A suivre !


NOTE : 8,5/10