22/05/2013
(J-Drama / SP) Ri Kouran : une artiste entre Chine et Japon
En ce mercredi asiatique, poursuivons l'exploration du petit écran japonais avec un tanpatsu historique datant de quelques années. Ri Kouran a en effet été diffusé sur TV Tokyo en février 2007. C'est une mini-série en deux parties, de 2 heures chacune, qui nous entraîne dans la Chine des années 30 et 40, notamment dans la Mandchourie sous la tutelle du Japon impérial. Son thème, celui d'une personnalité s'efforçant d'être un pont entre les peuples chinois et japonais dans ce contexte très difficile, rappellera aux plus anciens lecteurs de ce blog un intéressant tanpatsu, datant de 2003, Ryuuten no Ouhi - Saigo no Koutei (Princess Hiro). Ce dernier relatait l'union d'un prince chinois de la dynastie Qing et d'une jeune noble japonaise.
Couvrant la même période, Ri Kouran propose lui d'aborder le sujet des rapports entre la Chine et le Japon sous un autre angle : celui du biopic d'une célèbre chanteuse et actrice japonaise qui se fit passer pour chinoise et fit d'abord carrière dans ce pays qui l'avait vue grandir. Le drama est d'ailleurs basé sur l'autobiographie de cette dernière, "Ri Kouran" wo Ikite: Watashi no Rirekish. Pour ceux qui ont vu Ryuuten no Ouhi - Saigo no Koutei, vous vous rappelerez peut-être que Ri Kouran y apparaissait brièvement : elle était alors interprétée par Amami Yuki [Vous pouvez revoir sa scène d'introduction par là]. Pour ce qui est de ce tanpatsu, le rôle a été confiée à Ueto Aya. Si Ri Kouran n'atteint pas la même ampleur que Ryuuten no Ouhi - Saigo no Koutei, il partage avec lui un sujet fort et une dimension culturelle et historique qui méritent un éclairage.
Ce drama s'intéresse à la période que Ri Kouran, de son vrai nom Yamagushi Yoshiko, passa en Chine, donc à ses vingt-cinq premières années (elle est née en 1920). Ce n'est d'ailleurs qu'à l'âge adulte que la jeune femme découvrira pour la première fois le Japon. En effet, Yoshiko est née et a grandi dans la Mandchourie occupée, bientôt érigée en Etat pantin, Mandchoukouo. Depuis toujours, elle a été immergée dans la culture chinoise. Non seulement son père, professeur de langue enseignant le mandarin, s'est-il assuré qu'elle serait bilingue, mais elle devient aussi la fille adoptive de dignitaires chinois, amis de ses parents. Elle est même envoyée faire ses études à Pekin, alors que les tensions sino-japonaises sont au plus fort.
Initiée au chant par une professeure russe lorsqu'elle était adolescente pour raffermir des poumons maladifs, elle fait ses débuts en tant que chanteuse et actrice chinoise, sous le nom de Li Xianglan (Ri Kouran en japonais). Si elle pensait avec la naïveté de la jeunesse que l'art pouvait unir les peuples, elle se retrouve vite embrigadée dans des oeuvres de propagande japonaise en Mandchourie, apparaissant dans des films qui déclenchent plus d'une controverse. Son étoile et son statut n'en continuent pas moins de s'élever, son chant traversant les nationalités et les frontières, sa popularité atteignant même le Japon.
Mais cette carrière initiée à la fin des années 30 est rattrapée par la réalité des conflits et la guerre. Ri Kouran est prise entre deux peuples, et deux loyautés. Après la reddition du Japon en 1945, elle est arrêtée et menacée d'être exécutée comme traître à la Chine.
Si Ri Kouran est le récit d'une destinée personnelle, son intérêt tient d'abord au fait qu'il relate une vie menée malgré les tourbillons d'une Histoire difficile. Il offre un éclairage complet sur la période des décennies 30-40 en Asie. En effet, suivre les pas de Yoshiko à travers la Chine, de la Mandchourie jusqu'à Shangai en passant par Pekin, est l'occasion de proposer en filigrane une riche reconstitution historique. Dès son plus jeune âge, celle qui deviendra Ri Kouran est témoin des exactions japonaises - notamment une exécution qui la marquera profondément. La politique expansionniste du Japon impérial se poursuivant, Yoshiko assiste impuissante à la montée des tensions. 1937 signe un premier tournant, avec le début de la guerre sino-japonaise. Au gré de ses périples, la jeune femme croisera différentes figures historiques, comme Kawashima Yoshiko, princesse mandchoue qui restera dans la mémoire collective surnommée la "Mata Hari orientale".
Par ailleurs, la jeune actrice-chanteuse ne sera pas seulement touchée par le conflit avec la Chine, voyant des amis chinois embrasser la lutte contre le Japon, elle perdra aussi des êtres chers dans l'escalade qui se poursuit, cette fois, avec la Guerre du Pacifique. A travers ses yeux, le drama relate de façon synthétique et didactique tous les évènements qui, de Pearl Harbor aux bombes atomiques, en passant par la bataille des Philippines et Iwo Jima, vont conduire à la reddition japonaise de 1945. Se voulant rigoureuse, la narration manque parfois un peu de fluidité. Mais il faut y voir surtout le sérieux avec laquelle tout cela est rapporté, car il y a une volonté manifeste de fidélité pour transposer à l'écran les passages les plus marquants de l'autobiographie dont le drama est l'adaptation. Cela occasionne des déchirements jusqu'aux dernières minutes du drama, lorsque Yoshiko apprend que les parents de sa meilleure amie russe furent victimes de l'unité 731.
Cependant si Ri Kouran est une occasion intéressante pour évoquer tout un pan d'Histoire, le drama se démarque d'autres fictions du genre en raison de la particularité de sa figure principale : ce n'est pas seulement l'histoire d'une japonaise, c'est surtout le portrait d'une figure profondément liée à la Chine, et qui va donc se retrouver prise entre deux cultures, écartelée entre deux loyautés qui ne peuvent qu'être antagonistes dans le contexte d'alors. Les premières années de la carrière de Ri Kouran sont d'ailleurs placées sous le signe de cette ambivalence constante, le drama n'hésitant pas à mettre en exergue ses rapports ambigus avec le Japon. Sa carrière se construit et se nourrit du flou entretenu autour de sa nationalité : parfaitement bilingue du fait de son éducation, elle peut sans difficulté se prétendre chinoise, et c'est ce qui lui sera demandé.
Du haut de son adolescence et d'une jeunesse forcément empreinte de naïveté, elle pense qu'une artiste peut s'élever par-dessus les frontières et les peuples, pour constituer un pont, un point d'union par-delà les tensions. D'une certaine façon, elle va réussir à trouver un écho auprès de ses deux peuples qui lui sont chers, mais au prix d'une instrumentalisation par l'industrie japonaise du spectacle installée en Mandchourie. Ri Kouran découvre en effet un monde de la culture politisé, aussi marqué par les tensions que le reste de la société, au sein duquel les oeuvres deviennent des outils de propagande. Ce n'est que progressivement qu'elle prend conscience du poids des images et des responsabilités qu'elle doit porter lorsqu'elle accepte de tourner des scènes très mal accueillies par son public chinois. Entre l'idéal de communion de ces deux cultures qu'elle chérit et l'époque dans laquelle elle vit, il y a un gouffre qu'elle ne pourra combler. Mais à son niveau, avec ses moyens, elle gardera ses certitudes et ses convictions, jusqu'à la chute finale du drama où c'est désormais une Yoshiko âgée, qui tout en ayant conscience du lourd passif existant entre la Chine et le Japon, reste sur ses positions de conciliation, pour réunir ces deux cultures qui sont toujours chacune une part d'elle-même.
Sur la forme, Ri Kouran mérite surtout le détour pour l'ambiance musicale dans laquelle elle immerge le téléspectateur, retraçant ces premières années de la carrière de Ri Kouran en proposant quelques unes de ses oeuvres les plus emblématiques (pour des exemples, cf. les vidéos ci-dessous). Ces chansons chinoises confèrent au drama un charme certain. La narration trouve le juste équilibre entre ces quelques parenthèses musicales et le récit, évitant tout excès de chant. La réalisation est en revanche plus limitée : si la reconstitution historique est honnête, avec le recours opportun à des images d'archives pour apporter une dimension plus authentique, Ri Kouran ne parvient à recréer l'impression d'immersion dans une véritable fresque à laquelle parvenait Ryuuten no Ouhi - Saigo no Koutei. La caméra et les effets d'images restent en retrait, se limitant à quelques effets de teinte colorés.
Enfin, côté casting, du fait du sujet du drama, Ri Kouran repose en grande partie sur les épaules de Ueto Aya (Attention Please, Zettai Reido). L'actrice n'a sans doute pas une palette de jeu la plus étendue qui soit, mais elle trouve la plupart du temps le ton qui convient pour interpréter ce personnage de star malmenée par les évènements et des circonstances si difficiles, et qui tente dont de trouver sa voie et de s'affirmer. A ses côtés, ce sont respectivement Hashizume Isao et Natori Yuko qui jouent les parents de Ri Kouran. On retrouve également au fil du drama Kikuawa Rei, Nakamura Shido, Sawamura Ikki, Ozawa Yukiyoshi, Ono Takehiko, Nakamura Fukusuke, Kaneda Akio, Tsuruta Shinobu, Nishida Ken ou encore Nakayami Megumi. L'ensemble demeure correct, même si quelques-uns versent dans le sur-jeu.
Bilan : Ri Kouran est un tanpatsu intéressant qui repose sur un sujet fort, bénéficiant d'une figure centrale magnétique dont les rapports avec la Chine et le Japon sont chargés d'une ambivalence à part. Entremêlant la destinée personnelle de cette star et les violents soubresauts de la grande Histoire, le drama se fait souvent assez didactique, mais il reste capable d'impulser à l'ensemble une vitalité appréciable. Cependant certaines limites d'écriture et de mise en scène l'empêchent d'exploiter tout son potentiel. Sur ce dernier point, il est aussi possible que Ri Kouran souffre du fait que je l'ai visionné après Ryuuten no Ouhi - Saigo no Koutei (Princess Hiro). Les thèmes des deux tanpatsus sont proches, mais je retiens du premier une oeuvre plus aboutie capable de marquer émotionnellement. Reste que ce sont toutes deux des fictions qui méritent assurément un coup d'oeil pour leur éclairage sur cette période, et pour leur message, porteuses chacune à leur manière d'espoir et de conciliation entre la Chine et le Japon.
NOTE : 6,5/10
Un extrait (musical) du drama :
Une chanson de Ri Kouran (avec des photos de la chanteuse/actrice) :
20:37 Publié dans (Séries asiatiques) | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : j-drama, ri kouran, tv tokyo, tanpatsu, ueto aya, hashizume isao, natori yuko, kikukawa rei, nakamura shido, sawamura ikki, ozawa yukiyoshi, ono takehiko, nakamura fukusuke, kaneda akio, tsuruta shinobu, nishida ken, nakayama megumi, saito yoichiro, fukami motoki, ishibashi tamotsu, maeda koyo | Facebook |
11/07/2012
(J-Drama / SP) Kyogu : des destinées croisées sur fond de kidnapping
Depuis le succès rencontré par le film Kokuhaku (Confessions) en 2010, qui transposait sur grand écran un de ses romans, on peut dire que l'écrivaine Minato Kanae connaît une période faste : ses livres sont considérés comme un matériau de choix pour servir de base à des adaptations télévisées et cinématographiques. Ma première rencontre avec son univers a eu lieu, souvenez-vous, avec le marquant Shokuzai, drama diffusé en début d'année sur WOWOW. Un autre projet, à destination du cinéma cette fois, est également programmé pour la fin de l'année, Kita no Canaria-tachi (A Chorus of Angel). Mais aujourd'hui, c'est sur un tanpatsu datant de fin 2011 que nous allons nous arrêter.
Kyogu a été diffusé sur TV Asahi le 3 décembre 2011, un samedi soir en prime-time. Cet unitaire d'une durée totale de 1 heure 45 a fait de bons scores d'audience. C'est Yajima Masao qui s'est chargé de l'adaptation du roman à la télévision. C'est lorsque j'avais fait des recherches suite au visionnage de Shokuzai que je l'avais noté sur ma liste à découvrir, puis la critique faite par Katzina m'avait confortée dans mon idée. Au final, c'est un intéressant récit, très humain, de deux destinées croisées.
Kyogu met en scène deux amies d'enfance, ayant grandi ensemble dans un orphelinat, sans connaître leurs origines. Entrées dans l'âge adulte, elles ont suivi des chemins différents. Takakura Yoko mène jusqu'alors une vie heureuse : elle a épousé un homme de bonne famille, politicien élu au Parlement, avec lequel elle a un fils de 5 ans, Yuta. En plus de cette vie personnelle épanouie, elle vient de remporter une récompense pour son premier livre illustré à destination des plus jeunes. L'histoire y est semi-autobiographique au sens où il parle de leur enfance et de ce que représentait l'image d'un ruban bleu pour elle et son amie, Aida Harumi - dont c'est en quelque sorte l'histoire. Harumi, très entreprenante, exerce elle le métier de journaliste.
Mais alors que tout semble aller pour le mieux dans sa vie, Yoko va voir plusieurs évènements venir la troubler. Dans un premier temps, il lui faut faire face à des accusations faites contre son mari, interrogé par la police sur de possibles financements illégaux. Puis, c'est son fils qui disparaît de son club de natation, alors que son époux est à l'étranger. L'hypothèse du kidnapping se confirme lorsqu'un mystérieux fax est reçu à la permanence lui intimant de révéler au public "la vérité" pour espérer revoir Yuta. Pressée de ne pas prévenir la police et de tout faire pour sauver son enfant, Yoko appelle alors à l'aide Harumi...
Il est difficile de rédiger une review sur Kyogu sans en dire trop, alors qu'il s'agit d'un récit qui mérite d'être découvert avec un regard neuf sans connaître préalablement ses aboutissants. En premier lieu, il faut cependant préciser que, contrairement à ce que le synopsis aurait pu laisser croire, ce tanpatsu n'est pas un thriller au sens propre du terme. Il ne mise par vraiment sur le suspense. Le kidnapping de Yuta est certes un évènement déclencheur, mais très vite, ce n'est pas tant le sort de l'enfant, ni même l'identité du kidnappeur qui retiennent l'attention du téléspectateur : ce qui interpellent, le vrai mystère, ce sont les motivations derrière l'acte commis. Qu'est-ce qui a pu pousser quelqu'un à recourir à une telle extrémité ? Qui est vraiment visé, Yoko ou son mari ? Et qui peut vouloir ainsi forcer à exposer publiquement cette "vérité" réclamée dans le premier fax ?
Après une première partie où Kyogu met surtout en scène les premières réactions et esquisse une enquête, semi-artisanale, loin de la police, le récit prend sa réelle dimension lorsque Yoko en appelle à Harumi et que les deux jeunes femmes unissent leurs forces. A un suspense qui ne prenait pas, succède une tension psychologique autrement plus intéressante. L'histoire prend un tournant plus personnel et introspectif. Tout en exhumant des drames oubliés faits de déchirements qui ont toujours des conséquences actuelles sur les vies, le tanpatsu met aussi en lumière, de façon troublante, la complexité tellement humaine des liens d'amitié forgés dans des circonstances difficiles. A ce titre, la manière dont est exploitée l'image du ruban bleu accentue la dimension poignante d'un récit à la fois simple et touchant : cet objet, qui est aussi le fil rouge du livre de Yoko, reste un symbole maternel pour des orphelines chez qui il représente aussi bien le lien vers leurs origines qu'un espoir pour le futur. La jolie - mais un peu facile - conclusion prouve d'ailleurs combien cet aspect prime sur le reste du récit.
Sur la forme, Kyogu bénéficie d'une réalisation assez soignée et très épurée, qui propose quelques beaux plans. La caméra semble faire preuve d'empathie et a une façon très pudique de capter la détresse de certains personnages. Je retiendrai aussi plus particulièrement la belle photographie d'ensemble, notamment lorsque le réalisateur entreprend de jouer à l'écran sur les déclinaisons de bleu, couleur au coeur du récit. Quant à la bande-son, elle accompagne tout en retenue la narration, restant avec justesse assez minimaliste.
Enfin, pour asseoir son histoire, Kyogu a le mérite de pouvoir s'appuyer sur un solide casting dans l'ensemble convaincant. Parce que c'est avant tout un drama au coeur duquel se trouve un duo de femmes marquant, il faut tout d'abord saluer les interprétations de Matsuyuki Yasuko (Mother) et de Ryo (Code Blue, Bitter Sugar), qui incarnent Yoko et Harumi. Les scènes qu'elles partagent sont les plus réussies du tanpatsu, et elles offrent toutes les deux des performances intenses. A leurs côtés, on retrouve notamment Sawamura Ikki, Azuma Mikihisa, Tabata Tomoko, Ashina Sei, Nagura Jun, Kishibe Ittoku, Shirakawa Yumi, Nishimura Masahiko, Nogiwo Yoko et enfin Nishimoto Haruki.
Bilan : A partir d'une histoire de kidnapping qui aurait pu le rapprocher du thriller, Kyogu se révèle être un tanpatsu poignant qui privilégie habilement l'émotionnel au suspense. Avec simplicité et tact, il nous glisse dans une histoire d'amitiés, de destinées entrecroisées, s'intéressant aux empreintes laissées par le passé. En résumé, c'est une histoire avant tout humaine qui, après s'être un peu cherchée dans un premier temps, trouve son équilibre et une justesse de ton intéressante dans sa seconde partie.
NOTE : 7/10
20:19 Publié dans (Séries asiatiques) | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : j-drama, tanpatsu, kyogu, tv asahi, kanae mitano, matsuyuki yasuko, tanimura mitsuki, ryo, ichikawa yui, sawamura ikki, azuma mikihisa, tabata tomoko, ishida ayumi, ashina sei, nagura jun | Facebook |