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07/10/2012

(Pilote UK) The Paradise : au bonheur de l'amateur de period drama ?

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Je me souviens que lorsque BBC1 avait annoncé la commande de The Paradise, j'avais souligné la news avec un plus d'insistance qu'à l'accoutumée. La raison ? Si les cours de français du lycée ont pu m'écoeurer d'un certain nombre d'auteurs classiques dont je suis désormais incapable d'ouvrir un livre (adieu les Maupassant, Balzac et autres), ils m'ont aussi introduit dans les oeuvres de mon auteur du XIXe siècle préféré, Emile Zola, par l'intermédiaire d'un premier roman qui fut justement Au bonheur des Dames. Je me souviens de ces longues descriptions colorées nous immergeant dans les coulisses d'un grand magasin et éveillant mille étoiles dans les yeux de l'adolescente que j'étais.

Autant prévenir tout de suite cependant : The Paradise est une adaptation très libre, dont le point à retenir est surtout qu'elle a été confiée à Bill Gallagher, plus connu pour le period drama Lark Rise to Candleford, avec lequel The Paradise partage certainement plus de points communs et d'influence qu'avec son oeuvre d'origine qu'est Au Bonheur des Dames. La série a débuté le 25 septembre 2012. Elle comptera 8 épisodes. Au terme de son pilote (j'avoue ne pas avoir résisté et avoir enchaîné directement avec le deuxième), il est clair que l'approche sera extrêmement classique et calibrée. Mais je suis une grande incorrigible, car je me suis aisément prise au jeu de l'ambiance et de l'univers créés.

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The Paradise suit l'arrivée en ville d'une jeune campagnarde, Denise, qui espère venir travailler pour son oncle, propriétaire d'un petit magasin en ville. Mais les temps sont durs pour le commerçant qui est contraint d'expliquer à sa nièce qu'il ne peut l'engager pour le moment. En effet, face à lui, s'est installé et développé un immense magasin qui ne cesse de s'étendre et de gagner en activité, comme en clientèle. La concurrence est rude pour la petite entreprise familiale. Ne pouvant envisager de rester inactive en attendant que la situation s'arrange, Denise décide de prendre sa destinée professionnelle en main : elle postule pour une position de vendeuse dans cette gigantesque entreprise qu'est le Paradise.

Embauchée pour une période d'essai, elle découvre, fascinée comme toutes les jeunes femmes du magasin, le maître de lieu, Moray. Veuf depuis la mort accidentelle - et quelque peu suspecte aux yeux de certains - de sa femme, c'est un entrepreneur ambitieux, magnétique et séducteur, qui a de très grands projets pour son magasin. Il est actuellement très proche de Katherine Glendenning, la fille d'un riche Lord, et il se murmure que le mariage serait dans l'air. Denise découvre également l'envers du décor de ce milieu très concurrentiel, avec ses règles et des employés qui ont pour objectif de saisir toutes les opportunités qui s'offrent à eux dans leur travail. La jeune provinciale qu'est Denise, et qui a encore beaucoup à apprendre, va tenter de trouver sa place dans ce nouveau monde.

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Ce dont je me souviens le plus clairement dans l'oeuvre d'origine est son atmosphère, caractérisée notamment par de longues descriptions méticuleuses d'étalages de produits à perte de vue. Dès la première incursion dans le magasin, The Paradise capture parfaitement ce mélange de luxe et d'abondance qui assaille les sens des clients et affole les porte-monnaies. La reconstitution de cet intérieur trop riche en couleurs chatoyantes et remplis de produits jusqu'à l'excès donne un aperçu de ce qui fait l'attractivité - et en un sens, l'âme - des lieux. L'impression faite sur les clients, cet enchantement des sens qui confine à l'émerveillement, est bien retranscrite. Lieu de passage, mais aussi lieu de vie, ce vaste bâtiment est un centre commercial animé qui est le cadre adéquat pour mettre en scène toute une galerie de protagonistes, de toutes conditions et de toutes ambitions. Les employés y travaillent, y mangent et y dorment : en quasi-huis clos, la série peut donc s'épanouir au rythme de la frénésie des journées au sein du magasin.

Si le téléspectateur - comme le visiteur - peut se laisser un temps emporter par ces débordements de luxe, The Paradise présente ces lieux pour ce qu'ils sont : un temple du consumérisme, où tout est fait justement pour faire tourner la tête du client. Les passages concernant la gestion de l'entreprise sont intéressants, mais sur ce point, la série se contente d'un traitement très superficiel des thèmes abordables, en retrait par rapport à l'oeuvre d'origine. Grâce à l'oncle de Denise et à quelques réflexions par-ci, par-là, on mesure globalement la révolution que représente, dans le commerce, la montée de ce grand magasin. On devine également la concurrence avec le modèle familial qui ne peut lutter à armes égales. Mais The Paradise ne fait aucun effort particulier de recontextualisation sociale, n'insistant pas non plus sur la condition des employés. Il s'agit d'un period drama qui s'appuie prioritairement sur le relationnel, ne conservant que le sujet principal, sans la richesse des thèmes de la fiction d'origine.

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Ce parti pris volontaire, quelque peu réducteur de la part du scénariste, peut générer des regrets : celui de voir évoluer la série dans un registre un peu trop lisse et policé. Mais si elle repose sur des dynamiques assez convenues, il faut reconnaître qu'il n'en demeure pas moins très facile de se prendre au jeu. En effet, l'ambiance fonctionne : pas seulement pour nous entraîner dans les rayonnages débordants du magasin, mais aussi pour nous donner envie de suivre cet ensemble de personnages, dont les rapports, les confrontations et les sentiments promettent. Dans son pilote, The Paradise vend avant tout un potentiel : ses protagonistes restent dans l'ensemble encore très stéréotypés, un peu trop calibrés, mais avec sept épisodes à venir, il sera temps, après cette introduction, de soigner leurs caractérisations. Ainsi, par exemple, concernant Denise : elle est pour l'instant l'archétype de la jeune provinciale, avec sa part de naïveté et de sérieux. On attend d'elle qu'elle gagne en assurance et en audace, dépassant cette image un peu pâle.

Au cours du premier épisode, c'est sans surprise le personnage de Moray (anglicisation de Mouret) qui se détache et intrigue le plus fortement. Le portrait qui s'esquisse sous nos yeux a en effet sa part d'ambivalence. C'est un homme d'affaires, avec une vision, une de ces ambitions démesurées qui menace à tout moment de partir hors de contrôle et de réduire à néant ce qu'il a déjà réalisé. C'est quelqu'un qui est à la fois prêt à tout pour parvenir à ses fins, mais qui semble aussi suivre un certain code de conduite un peu flou. Il est un commercial conscient qu'il faut plaire à des clients ; seulement tout aussi arriviste qu'il soit, il n'en conserve pas moins une certaine conscience de classe qui le conduira plus naturellement à se ranger du côté de la plèbe que de l'aristocratie. C'est un homme à femmes, un séducteur... qui reste pourtant inaccessible et fidèle au fantôme de sa défunte épouse, dont la mort accidentelle jette une ombre sur les rumeurs qui l'entourent. Il joue sur les sentiments d'une riche héritière, sans que l'on puisse déterminer quel degré d'honnêteté il y a dans son attitude. Difficile à cerner, se laissant emporter et emportant le téléspectateur dans ses projets et desseins, il est celui que l'on retient de ces débuts.

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Sur la forme, The Paradise est un period drama qui sait exploiter les atouts de l'environnement dans lequel l'histoire évolue : la mise en scène du cadre luxueux du magasin répond aux attentes, insistant sur la chotayance des costumes comme des produits exposés. La réalisation reste cependant posée et très classique, sans prise de risque particulière. La flamboyance du décor en magasin contraste d'ailleurs avec la photographie beaucoup plus sombre dès que l'on quitte les rayonnages. A noter la présence d'un générique plutôt bien pensé, qui reflète la tonalité de la série (cf. la première vidéo ci-dessous).

Enfin, la série bénéficie d'un casting où l'on retrouve beaucoup de têtes familières du petit écran britannique. Les performances d'ensemble sont correctes, même s'il manque encore cette petite étincelle qui fait la différence. Seul Emun Elliott (Paradox, Lip Service, Threesome) dispose du script nécessaire pour vraiment s'imposer à l'écran, et il réussit à capturer les différentes facettes de son personnage et des ambiguïtés qui l'entourent, sans pour autant encore complètement marquer. Denise est interprétée par Joanna Vanderham (The Runaway, Young James Herriot, Above suspicion : silent scream) qui apporte l'innocence qui convient à cette figure. Les amateurs de Lark Rise to Candleford retrouveront notamment Sarah Lancashire. On croise également Matthew McNulty, David Hayman, Laura Power, Peter Wight, Stephen Wight, Sonya Cassidy, Ruby Bentall, Elaine Cassidy, Finn Burridge, Jenna Russell ou encore Patrick Malahide.

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Bilan : Cherchant à retranscrire l'ambiance particulière qui est celle d'un grand magasin de la seconde moitié du XIXe siècle, jouant pleinement sur un décor où l'abondance se dispute au luxe pour faire tourner bien des têtes, The Paradise est un period drama de facture classique qui, par-delà son cadre et l'atmosphère cultivés, mise avant tout sur les dynamiques relationnelles entre ses personnages. On pourra lui reprocher de présenter un ensemble convenu et finalement assez générique dans son genre, ayant évacué en grande partie toute recontextualisation sociale et l'apport qu'aurait pu représenter une adaptation plus fidèle de l'oeuvre d'origine. Mais aussi familière que sonne la recette, elle n'en conserve pas moins ses attraits.

Une fiction qui devrait éveiller la curiosité des amateurs de period dramas.


NOTE : 7/10


Le générique de la série :

La bande-annonce de la mini-série :

01/07/2012

(UK) Hit and Miss, saison 1 : le portrait troublant d'une tueuse à gage qui apprend sa paternité

 
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Jeudi soir s'est achevée en Angleterre, sur Sky Atlantic, la première saison de Hit & Miss. Comptant 6 épisodes de 45 minutes environ, elle avait débuté le 22 mai 2012. Imaginée par Paul Abbott, à qui l'on doit quelques grandes heures de la télévision britannique, comme State of Play, Shameless ou encore, l'an dernier, Exile, et écrite par Sean Conway, elle retenait logiquement l'attention. Et ce d'autant plus qu'elle met en scène une actrice que j'aime tout particulièrement, Chloë Sevigny, tout en proposant un sujet pour le moins atypique. C'était sans conteste la nouveauté que j'attendais le plus outre-Manche pour conclure un printemps qui aura laissé en Angleterre une impression mitigée. Prometteuse et ambitieuse sur le papier, Hit & Miss n'aura tenu toutes ses promesses, mais elle aura cependant été une très intéressante fiction, bien servie par une mise en scène tout simplement superbe.

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Mia est une tueuse à gage transsexuelle. Elle mène une vie entièrement dédiée à son travail, tout en suivant un traitement hormonal avant de subir une dernière opération chirurgicale. Son quotidien est bouleversé lorsqu'elle reçoit une lettre d'une ex-petite amie avec laquelle elle avait tenté de faire sa vie il y a quelques années. Mourant d'un cancer, cette dernière laisse derrière elle quatre enfants, dont l'aînée a tout juste 16 ans et, surtout, dont le troisième, Ryan, est le fils de Mia.

Le choc est double pour la tueuse : non seulement elle apprend qu'elle est père, mais en plus elle a été nommée comme le gardien légal de tous les enfants. Sans quitter son métier particulier, avec un patron en apparence compréhensif tant que ses intérêts ne sont pas en danger, Mia part donc pour la ferme isolée dans laquelle vit cette famille. De nombreux défis l'attendent : faire face à son nouveau rôle de parent et être acceptée par ces enfants.

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A la lecture de son synopsis, on aurait pu imaginer Hit & Miss s'orienter plutôt vers une série d'action. Or elle se démarque en premier lieu par sa mise en scène étonnamment contemplative. Bénéficiant d'une identité visuelle particulièrement travaillée, elle va démontrer une capacité rare pour se créer une ambiance à part et pour capter, en quelques instantanés, la joie comme la détresse de ses protagonistes. Soutenant et sublimant ce parti pris, la réalisation n'hésite pas à recourir à des plans larges, à l'influence cinématographique. Le rythme est lent. Le récit sait prendre son temps, consacrant invariablement au seul décor quelques secondes de transition entre deux scènes, voire préférant privilégier l'expression des personnages et leurs gestes, pensifs comme déchaînés, plutôt qu'un long discours. Le résultat donne un visuel absolument magnifique, où le paysage du nord de l'Angleterre - la série a été tournée dans la région de Manchester - devient un acteur à part entière du récit, superbement mis en valeur. Cette réalisation, vraiment réussie, ne laisse donc pas insensible.

Si devant Hit & Miss on retient d'abord la forme avant le fond, c'est sans doute parce que la série oscille longtemps entre les tonalités et les storylines, cherchant son équilibre et du liant dans une narration manquant de fluidité. A première vue, il faut dire qu'elle apparaissait comme un étonnant mélange des genres. Paul Abbott reconnaissait lui-même avoir voulu associer en une seule fiction deux thèmes qui ne semblaient pas destinés à cohabiter, un peu à la manière d'Exile. Ainsi Mia est certes une tueuse à gage. Cela a son importance dans son comportement, et on a l'occasion de la voir en action, parfois à plusieurs reprises dans l'épisode, généralement pour conduire des exécutions froides et parfaitement plannifiées. Cependant, la série n'est pas pour autant un thriller. En effet, utilisant les ressorts d'un drama familial, le fil rouge reste celui d'une véritable introspection du personnage central. Dans cette optique, toute centrée sur Mia qu'elle soit, la série ne néglige aucun des quatre enfants, exposant comment chacun réagit au décès de leur mère, qu'il s'agisse, pour les plus grands, d'assumer les difficultés du quotidien, ou pour les plus jeunes, de faire face à cette douloureuse absence.

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L'arrivée de Mia dans ce nouvel environnement, avec les responsabilités, mais aussi les nouvelles rencontres que cela permet, offre à Hit & Miss la possibilité de dresser un portrait à la fois fascinant et troublant de ce personnage. Au début de la série, celle qui est né garçon sous le nom de Ryan, est devenue Mia, une transsexuelle qui suit toujours un traitement hormonal et attend de subir une dernière opération chirurgicale pour parachever le changement de sexe. Aux difficultés identitaires inhérent au fait d'être une femme née dans un corps d'homme, au sein d'une famille avec laquelle elle a coupé les ponts dès ses 18 ans, s'ajoutent de nouvelles : la voilà qui apprend l'existence d'un fils dont elle ignorait tout, et de ses trois frère et soeurs laissés sans parent suite au décès de leur mère. Envisager un quotidien au sein d'une cellule familiale, aussi dysfonctionnelle soit-elle, mais aussi apprendre à être un parent pour ce fils - qui lui-même ne sait comment appeler Mia "papa", ce sont autant d'épreuves et d'ajustements compliqués qui vont être exigés d'elle. Cela permet de dépeindre un personnage vraiment intéressant, complexe, sur lequel la série peut logiquement se construire.

Seulement, si la série ne manque ni d'audace, ni d'idées, c'est dans leur exécution que la série montre ses limites, laissant un arrière-goût d'inabouti. Dans la mise en scène de ces dynamiques familiales à part, avec ces jeunes un peu en déshérence et la solidarité sans failles qui lui unit, Hit & Miss n'est pas sans évoquée Shameless. Mais le parallèle s'arrêtera là, car elle ne trouvera jamais ce précieux équilibre, plein de justesse et d'authenticité, porté par une spontanéité naturelle, qui fait la force de la première depuis neuf saisons. Si on perçoit bien la logique narrative qui sous-tend l'ensemble, l'écriture manque de subtilité et de nuance. Elle cède trop souvent à des facilités dommageables, ou prend des raccourcis dans le développement des storylines. Le problème est très perceptible durant les premiers épisodes, avec le parachutage de Mia au sein de cette famille, suivi des premières confrontations puis de l'acceptation progressive, ou encore dans la manière dont est utilisé l'oncle. Si certaines scènes sont réussies, la narration inégale amoindrit leur portée, avec des passages qui sonnent bien trop forcés ou précipités sans transition, pour satisfaire. Peinant donc à trouver la cohésion nécessaire de son récit, Hit & Miss laisse une impression un peu mitigée.

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Particulièrement réussie sur la forme tout en manquant de maîtrise sur le fond, on retient également de Hit & Miss la performance de son casting, et plus précisément de son actrice principale. La série doit en effet beaucoup à la magistrale Chloë Sevigny. Cette dernière m'avait déjà fasciné dans Big Love, dans le rôle ambivalent de Nicki, elle m'a une nouvelle fois vraiment impressionnée en interprétant ce personnage exigeant et complexe qu'est Mia. La caméra lui rend d'ailleurs pleinement justice, dévoilant une  figure à la fois troublante et marquante.

Si la série peut se reposer sur les épaules de Chloë Sevigny, cela ne signifie pas que le reste du casting va démériter. Au contraire, la série se présente sur ce plan comme très homogène. On retrouve parmi eux plusieurs têtes familières du petit écran anglais : Peter Wight (Party Animals, Public Enemies, Titanic), Jonas Armstrong (Robin Hood, Prisoners Wives), Vincent Regan (Scott & Bailey), Ben Crompton (Pramface, Ideal), Karla Crome (Misfits), Reece Noi (Waterloo Road, Father & Son), Jorden Bennie, Roma Christensen.

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Bilan : Série ambitieuse, abordant et mêlant des thèmes multiples (famille, transsexualité, criminalité), Hit & Miss dresse le portrait troublant d'une tueuse à gage à part, utilisant pour cela les ingrédients du drama familial. Tout en marquant durablement par l'atmosphère qui s'en dégage, dotée d'une identité visuelle aboutie et soignée, la série laisse cependant le téléspectateur sur un sentiment mitigé. Souffrant d'une écriture inégale qui manque de justesse, à l'occasion trop excessive ou trop précipitée, elle ne parvient pas à exploiter tout le potentiel entrevu. En résumé, c'est un projet original qui aura bénéficié de bonnes idées mais qui n'aura pas su les retranscrire à leur juste valeur.

Malgré ces réserves, je conseille cependant la découverte : l'ambiance, le ton et le sujet méritent qu'on leur laisse une chance. D'autant qu'il s'agit d'une série dans laquelle on rentre progressivement : je l'ai de plus en plus appréciée au fil des épisodes. Et au vu de la scène finale, j'espèrerais même une saison 2.


NOTE : 7/10


La bande-annonce de la série :

16/01/2012

(Mini-série UK) Public Enemies : un versant peu exploré du système judiciaire

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Cette première partie du mois de janvier a été très riche en mini-séries outre-Manche. Même si parmi elles, aucune perle ne sera véritablement sorti du lot, ma préférée aura cependant été un period drama sur lequel je reviendrais prochainement, The Mystery of Edwin Drood, diffusé sur BBC2. Je ne pouvais malgré tout pas occulter une autre fiction, diffusée durant la première semaine de janvier, sur BBC1, Public Enemies.

Comportant 3 épisodes d'une heure chacun environ (ils auraient normalement dû être diffusés à la suite, mais un épisode a été déprogrammé et décalé du fait de l'actualité judiciaire du pays), cette mini-série est écrite par Tony Marchant (scénariste notamment de Garrow's Law). Si elle n'a pas malheureusement pas tenue les promesses de son synopsis, j'y aurais retrouvé avec plaisir un Daniel Mays comme toujours impeccable.

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Si Paula Radnor est un officier de probation expérimenté, nul n'est cependant infaillible. Elle a fait le choix de donner une deuxième chance à un repris de justice qu'elle avait à sa charge, alors même que ce dernier n'avait pas respecté toutes les conditions de sa liberté surveillée. Malheureusement, sa confiance était mal placée : l'homme a récidivé et tué une jeune femme, plaçant soudain l'action de Paula sous les projecteurs des médias. Si le risque est inévitable lorsqu'il s'agit de surveiller la réinsertion d'un criminel bénéficiant d'un aménagement de peine, inévitablement la question est posée : le crime n'aurait-il pas pu être évité si elle avait été plus stricte ?

Après une suspension de quelques mois, Paula est cependant réintégrée dans son service. Sitôt de retour, elle se voit confier le dossier d'Eddie Mottram. Après avoir purgé une peine de dix ans d'emprisonnement pour le meurtre de sa petite amie de 17 ans, il retrouve une forme de liberté très encadrée et a toute une vie à reconstruire. Paula ne risque-t-elle pas d'être influencée par son erreur précédente, en se montrant trop méfiante envers Eddie ? Ce dernier peut-il vraiment espérer avoir un avenir et recommencer sa vie dans la ville même de son crime ?

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Public Enemies débute de manière prometteuse par un premier épisode proposant un éclairage intéressant sur un versant du système judiciaire assez peu exploré par le petit écran : on se situe en effet à l'autre bout du procédure, au stade final de l'aménagement de la peine. Ce ne sont ni les juges, ni les avocats, mais bien les officiers de probation qui sont les principaux interlocuteurs et jouent un rôle déterminant. Dès le départ, la mini--série s'attarde sur la difficulté de cet métier, et surtout l'ambivalence de la mission qui leur est confiée : sont-ils là pour aider à la réinsertion de l'ex-délinquant, ou au contraire pour poser une barrière infranchissable autour de lui afin de protéger la société ?

Si le premier épisode fonctionne très bien, c'est qu'il donne une légitimité aux différents points de vue possibles, en proposant une double perspective, à la fois celle de Paula et celle d'Eddie. La jeune femme a logiquement été secouée par les conséquences dramatiques de la décision qu'elle a prise, il y a quelques mois, dans le dernier dossier qui lui avait été confié. Il est certain qu'elle ne pourra que très difficilement accorder sa confiance à un autre repris de justice après que l'un d'entre eux ait commis l'irréparable sous sa garde. Mais la justesse de la mini-série est de s'attarder aussi sur le point de vue d'Eddie, au côté duquel on mesure toutes les difficultés qu'il y a à se retrouver soudain dehors, à tenter de reprendre une vie interrompue pendant 10 ans à la fin de l'adolescence, mais aussi à affronter le regard extérieur du public.

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Malheureusement, à partir de la fin de l'épisode 1, la mini-série prend un virage discutable qui va lui faire perdre ce premier fil directeur intéressant. Comme si le scénariste craignait de ne pouvoir retenir l'attention du téléspectateur sur ce seul récit d'une tentative de réinsertion, Public Enemies sur-ajoute de nouveaux thèmes. Elle s'oriente alors vers une quête de rédemption pour Eddie qui, soudain, change sa version des faits et clame son innocence. D'exploration de la dernière étape du système judiciaire, la mini-série devient une énième histoire d'erreur judiciaire à corriger, ne voyant pas que sa réelle valeur ajoutée aurait été de montrer comment un - vrai - criminel peut (tenter de) reprendre sa vie.

Pire, l'ambiguïté des rapports entre Eddie et Paula ne cesse de grandir au fil des épisodes. Cette dernière se rapproche dangereusement de la ligne jaune : non seulement elle prend fait et cause pour Eddie, croyant bientôt sincèrement qu'il est innocent, mais elle devient également de plus en plus proche de lui. C'est une forme de romance, inutile, qui s'esquisse alors grossièrement. Cela achève de troubler le propos d'une mini-série dont on ne sait plus très bien de quoi elle entend nous parler. Veut-elle critiquer un système, comme quelques remarques de Paula le sous-entendent ? Veut-elle plutôt nous dépeindre un drame plus personnel et atypique ? A trop vouloir jouer sur tous les tableaux, le scénariste s'est égaré, et le téléspectateur avec lui.

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A défaut de convaincre sur le fond, Public Enemies est solide sur la forme. Elle bénéficie d'une photographie soignée, même si la réalisation pèche parfois par excès de nervosité, avec un cadrage qui aurait gagné à être un peu plus posé. Dans l'ensemble, la mini-série reste cependant un produit visuellement maîtrisé, avec une bande-son en retrait qui se contente de quelques instrumentaux opportuns durant les moments de tension.

Enfin, Public Enemies doit beaucoup à la performance de Daniel Mays (Ashes to Ashes). Cet acteur est excellent pour capturer la versatilité d'un personnage, et il retranscrit très bien tous les doutes, mais aussi les explosions de frustration d'Eddie, face aux épreuves qu'il va devoir traverser. J'aurais en revanche un avis plus mitigé sur Anna Friel (Pushing Daisies) ; mais il faut dire que le personnage de Paula est celui qui s'est le plus égaré au cours de la série, si bien qu'il n'est pas étonnant que l'actrice navigue ainsi à vue entre les registres. A leurs côtés, on retrouve également Georgina Rich, Aisling Loftus, Peter Wight, Barbara Marten, Nicholas Gleaves, Joe Armstrong ou encore Barnaby Kay.

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Bilan : Débutée de manière prometteuse en abordant un thème sensible et difficile, celui de l'aménagement de peine et de la réinsertion, Public Enemies est malheureusement l'exemple typique d'une mini-série qui se perd en cours de route. Cherchant trop à capitaliser sur des tableaux distincts, elle noie son objectif initial. Entremêlant erreur judiciaire et rédemption, le tout accompagné d'une esquisse de romance cousue de fil blanc, elle se sera malheureusement trop dispersée. Reste au final un premier épisode intéressant, et l'interprétation de Daniel Mays pour mériter l'attention du téléspectateur.


NOTE : 5,75/10


La bande-annonce :