08/09/2012
(Pilote US) Elementary : du non-sens d'une comparaison (et d'une polémique)
Parmi toutes les nouveautés de la rentrée américaine, s'il y en a bien une qui a déclenché des débats dès son annonce de projet et des attaques en règle avant même que son pilote soit disponible, c'est Elementary. Il est difficile de passer outre les controverses en s'installant devant. C'est une série qui, chez moi, suscite des réactions très contradictoires. Tout d'abord, le visionnage de ce premier épisode m'a conforté dans l'opinion que l'utilisation du personnage du nom de Sherlock Holmes par CBS n'est qu'un atour marketing. Elementary est dans la lignée des procedural à duo de CBS, et si ce n'était le nom de son héros, on la considèrerait plutôt comme une déclinaison du schéma adopté avec succès par The Mentalist sur cette même chaîne. Sauf que la marque Sherlock Holmes attire forcément plus l'attention ; et je reconnais sans peine que cette approche dénaturante et purement commerciale de CBS ne m'enchante guère.
Mais, dans le même temps, la disproportion atteinte par les attaques formulées a priori contre Elementary m'a passablement agacé. La dynamique de la paire complémentaire initiée par Arthur Conan Doyle a été dupliquée, déclinée et adaptée en tant de versions depuis tant de décennies que la réduire à une seule représentante, celle à succès du moment, est absurde. Les derniers films hollywoodiens ont si bien remis au goût du jour la franchise qu'une série russe sur Sherlock Holmes sera même lancée avant la fin de l'année ; et personne ne jettera la pierre aux Russes... Le prestige du nom fonctionne par-delà les frontières. Quant aux questions de personnes, nombre d'acteurs ont déjà prêté leurs traits au célèbre détective et ce n'est certainement pas un rôle fermé monopolisé par un seul. On a tous un légitime Sherlock de coeur (et c'est tant mieux). Le mien devant l'éternel restera toujours Jeremy Brett, qui incarnait de la plus parfaite des manières l'image que je m'en fais (et qu'il a contribuée à modeler). Mais tout nouveau venu mérite sa chance. Et j'ai toujours bien aimé Jonny Lee Miller...
Malgré cette défense du droit de personnifier Sherlock, il faut reconnaître d'entrée que Elementary se regarde plus comme un cop show de CBS, avec quelques apports propres à son concept, que comme une transposition de Sherlock Holmes à New York. C'est d'ailleurs une fois qu'elle a balayé les préconceptions, les préjugés et le réflexe instinctif de comparer qui vient au téléspectateur, que le pilote se révèle efficace (sous-entendu : pour un pilote d'un cop show de CBS). Il démarre par une introduction certes peu convaincante (la démonstration devant les télévisions), mais l'épisode trouve ensuite progressivement son rythme. Mieux encore la dynamique qui s'installe entre Holmes et Joan Watson a clairement du potentiel et fonctionne très bien. D'une part, les deux apparaissent complémentaires dans la progression de l'enquête (correcte) du jour : l'esprit de déduction de Holmes se heurtant à ses facultés relationnelles défaillantes, Watson intervenant alors comme médiatrice avec l'extérieur. D'autre part, leurs échanges font souvent mouche : les réparties sont cinglantes, chacun jauge l'autre et les prémices de leurs rapports sont bien posés.
En cela, Elementary est aidé par un casting qui, après une entrée en matière un peu hésitante, prend la mesure de l'histoire et de leur rôle respectif. Jonny Lee Miller (Eli Stone) s'épanouit dès lors que son personnage verse dans la confrontation, et que Sherlock s'anime face à un nouveau challenge et une énigme à résoudre. Lucy Liu (Ally McBeal) apporte cette présence, à la fois forte et posée qui fait sa marque, à un personnage humanisé par l'introduction de son passé (à défaut d'être original). Ils représentent bien, tous deux, la dualité, à la fois brillant et faillible, de la série. Et pour une fiction qui ambitionne de se reposer sur les rapports qui vont s'établir, la paire ainsi formée laisse entrevoir du potentiel. Sur la forme, Elementary reste dans un creuset classique de séries policières sur CBS, mais elle bénéficie d'une bande-son intéressante, avec un thème musical entraînant qui est au bout du compte peut-être ce qui sonne le plus Holmesien dans cette série.
Bilan : Il faut aborder Elementary en ayant conscience que l'utilisation du nom de Sherlock Holmes n'est qu'un prétexte promotionnel pour une série qui reste avant tout un procedural de CBS. Cela peut agacer. Il n'en reste pas moins que, une fois dégagé des préconceptions que l'on peut avoir sur la représentation du célèbre détective, ce pilote est très correct et pose des bases potentiellement intéressantes reposant sur la dynamique de ses personnages. Le résultat donne un cop show qu'il faut sans doute plus rapprocher d'une sorte de The Mentalist (dont j'avais suivi la première saison).
C'est typiquement le genre de séries dont je me lasse. Mais une chose est sûre : Elementary n'a rien de commun avec la série de la BBC. Elle s'inscrit dans une approche et un processus créatif différents (qui n'est pas ma tasse de thé, mais suit une recette éprouvée). CBS a certes tendu le bâton pour se faire battre en voulant bénéficier de l'éclat actuel de la franchise, mais le débat Sherlock/Elementary n'a pas lieu d'être. [Et pour arriver à me faire jouer les semi-avocates pour une série de CBS, c'est vous dire à quel point je sature...]
NOTE : 6,5/10
La bande-annonce de la série :
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07/09/2012
(Mini-série UK) A Mother's Son : concevoir l'impensable pour une mère
En ce début septembre, la rentrée télévisuelle bat son plein en Angleterre. Qu'il s'agisse de la BBC, d'ITV ou de Sky, l'amateur de séries britanniques n'a que l'embarras du choix (et manque de temps pour espérer tout suivre). A défaut de pouvoir être exhaustive, tâchons d'évoquer les fictions que j'ai eue l'occasion de regarder et qui ont retenu mon attention. Aujourd'hui, je veux revenir sur une mini-série d'ITV : A mother's son.
Créée par Chris Lang, comportant en tout 2 parties de 45 minutes chacune, elle a été diffusée dans le courant de la semaine qui s'achève, les lundi et mardi soirs ; le deuxième épisode battant même son concurrent direct sur BBC1, l'épisode 4 de la saison 2 d'Accused. A mother's son rassemblait une histoire et un casting qui avaient éveillé mon intérêt, et je n'ai pas été déçue.
A mother's son s'ouvre sur un drame qui vient troubler le calme d'une petite ville du bord de mer anglais : une adolescente est retrouvée morte, le cadavre abandonné par son meurtrier dans la campagne environnante. Ce fait divers secoue toute la communauté, tandis que l'enquête policière avance difficilement, les officiers ayant peu d'indices à exploiter. C'est dans ce contexte pesant que la mini-série va s'intéresser plus particulièrement au quotidien d'une famille habitant dans la bourgade.
Rosie Haleton s'est récemment remariée, et s'efforce de construire une vie familiale épanouie au sein d'une cellule recomposée, avec quatre adolescents aux relations forcément compliquées. Si elle rencontre des difficultés d'autorité avec son beau-fils, c'est son fils, Jamie, qui suscite son inquiétude. Une série de petits détails sur le soir où le crime a eu lieu suscite une suspicion face à laquelle elle ne sait comme réagir. Lorsqu'elle met la main sur une paire de baskets apparemment ensanglantés, son imagination s'emballe : Jamie peut-il être mêlé, d'une façon ou d'une autre, à ce meurtre ? Aussi inconcevables que puissent être instinctivement ces suspicions pour une mère vis-à-vis de son enfant, Rosie essaie d'être rationnelle et objective. Tout en tentant de reconstituer l'emploi du temps de son fils, elle est consciente que, si elle fait une erreur, leur relation pourrait être irrémédiablement détruite.
A mother's son, c'est tout d'abord un sujet fort, ambitieux, qui interpelle a priori. Il s'agit de voir comment une mère peut se résoudre à envisager l'impensable, à concevoir l'idée que son enfant, à qui elle a donné naissance et qu'elle a élevé, ait pu ôter la vie à quelqu'un. Un tel concept a le potentiel de vous prendre aux tripes et le dilemme ainsi posé ne peut laisser indifférent. Il y a deux versants dans les réactions mises en scène : d'une part, il faut faire face au déchirement que représente le fait qu'un être aimé commette un tel geste si condamnable, d'autre part, Rosie est amenée à s'interroger sur ses propres responsabilités : qu'a-t-elle fait, qu'aurait-elle pu faire, pour empêcher un tel acte, si son fils est effectivement lié au crime, voire s'il est le meurtrier ? Naviguant entre ces thèmes, le récit a le mérite de toujours conserver une relative incertitude, permettant de prendre la mesure du poids qui pèse sur cette mère et de tous ces éléments contradictoires qui l'assaillent. La conscience et la raison de Rosie semblent lutter en duel avec ce que son coeur souhaiterait lui dicter.
La tension est, tout au long de l'histoire, uniquement psychologique. Le soupçon fait son oeuvre, creuse des méfiances, aiguise des inquiétudes autour de points qui pourraient être de simples détails. C'est avant tout la stabilité familiale qui menace d'exploser. Suivant une narration linéaire, mais très bien menée, A mother's son est prenante de bout en bout. Après un premier épisode, très introspectif, où la solitude domine et où les silences et les actes cachés parlent plus que les mots, le second est celui des oppositions de vues entre adultes, parents et beau-parent ayant chacun leur perspective personnelle sur la situation. C'est très efficace. Il manque seulement à la série l'intensité de l'ultime confrontation, celle vers laquelle tend toute l'histoire. Cette dernière est certes correctement mise en scène, mais après toutes ces émotions contradictoires par lesquelles le téléspectateur est passé, sans doute attendait-il plus du parachèvement de toute cette construction pleine de tension. La sobriété finale aura au moins le mérite de sonner authentique : la retenue étant ici préférable aux excès.
Sur la forme, A mother's son est un drama très soigné. La photographie y est froide, en parfait accord avec le ton d'ensemble. Y dominent des teintes où le gris est de circonstance (surtout pour les scènes en extérieur) : cela conforte l'ambiance inquiète et pourtant dans un cadre si ordinaire, tournant autour d'une sourde paranoïa, que cultive la mini-série. Pour accompagner ce visuel, la bande-son, fournie en instrumentaux musicaux, parachève très bien cette atmosphère.
Enfin, dernier argument - et non des moindres - pour vous convaincre de vous installer devant A mother's son : le casting délivre de superbes performances, renforçant la portée du scénario par l'intensité de leurs interprétations. C'est Hermione Norris (Wire in the blood, Spooks) qui est logiquement la plus sollicitée, en mère placée devant des responsabilités inconcevables : elle est plus qu'à la hauteur de ce rôle complexe, entre raison et émotion. A ses côtés, Martin Clunes (Doc Martin) incarne son mari - il est parfait pour nous faire partager les dilemmes de ce beau-père dont les loyautés s'entrecroisent. Alexander Arnold (Skins) joue avec ambiguïté ce fils dont on ne sait trop quoi penser, tandis que Paul McGann (Collision, Luther) est son père. Enfin, à noter la présence de Nicola Walker (Spooks) dans le rôle de l'officier de police en charge de l'investigation (ça fait toujours plaisir de la retrouver).
Bilan : Thriller psychologique au sujet très difficile, A mother's son marque par l'histoire poignante proposée, obligeant une mère à concevoir l'impensable : considérer que son enfant peut être mêlé à ou avoir commis un crime. Dans l'ensemble, le récit, sans atteindre toute l'intensité que l'on perçoit en potentiel, est rondement mené, très efficace pour retranscrire la tension naissante. Parfaitement servie par un casting convaincant qui a pris la mesure du scénario, A mother's son mérite une découverte.
NOTE : 7,75/10
La bande-annonce de la mini-série :
16:45 Publié dans (Mini-séries UK) | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : itv, a mother's son, hermione norris, martin clunes, paul mcgann, alexander arnold | Facebook |
05/09/2012
(K-Drama / SP) The Temple (The Gate of Truth) : de la difficulté de comprendre et d'accepter les choix d'un père
En ce mercredi asiatique, arrêtons-nous un peu sur la troisième saison des dramas special de KBS. J'avais déjà eu l'occasion de vous en parler brièvement l'an dernier : il s'agit d'une série d'unitaires d'une durée d'un peu plus d'une heure, qui présente les destinées particulières de personnes ordinaires. Si tous ces dramas special ne se valent pas d'un point de vue qualitatif, on y fait parfois de jolies trouvailles. Et pour qui veut un peu de programmes sud-coréens dans son petit écran sans avoir à s'investir pour les quelques dizaines d'heures minimum d'une série classique, il s'agit d'un format appréciable. C'est dans cette optique que je vais vous parler aujourd'hui d'une fiction qui a été diffusée le 8 juillet 2012 sur KBS2 : The Temple (aka The Gate of Truth).
The Gate of Truth nous raconte l'histoire de Young Hae Jeong. Laissée aux soins d'un temple boudhiste alors qu'elle n'est qu'une enfant, ne connaissant pas ses parents, elle grandit aux côtés d'un autre jeune orphelin, Deuk Woo. Un jour, un moine inconnu franchit les portes du temple : Hae Jeong apprend qu'il s'agit de son père. Si elle cherche à établir un contact avec lui, ce dernier la repousse, puis demande à ce qu'elle soit rendue à sa mère en dépit de la vie compliquée que mène cette dernière. Très vite, la vie au temple manque à Hae Jeong, tandis que son incompréhension à l'égard de ses parents ne fait que croître. Des années plus tard, après leur décès et alors qu'elle a fondé sa famille, elle retourne sur le chemin de son enfance. Deuk Woo, devenu moine, s'efforce alors de lui faire faire la paix avec ce passé qui reste douloureux.
Bénéficiant d'une héroïne attachante, qui vibre de l'innocence de l'enfance pendant la majeure partie du récit, ce drama special propose une histoire simple, mais touchante. Sa mise en scène de cette famille éclatée par la décision spirituelle d'un père qui leur a tourné le dos apparaît très humaine. La thématique du récit a des accents relativement universels : c'est une histoire sur la façon de concevoir les relations parents-enfant, et l'évolution qu'elles connaissent au fil de la vie. L'enjeu central est la volonté de comprendre les motivations et les raisons des choix de ses parents - et la difficulté à laquelle cette ambition se heurte. Si l'incompréhension se fait de plus en plus criante au fur et à mesure que Hae Jeong se pose des questions et voit toutes ses attentes déçues, la finalité de son apprentissage reste de parvenir à faire la paix avec ses parents, et plus particulièrement avec cette figure paternelle absente qui l'a rejetée.
Si l'histoire apparaît donc très linéaire, The Gate of Truth retient d'autant plus l'attention du téléspectateur en raison du cadre choisi pour cette problématique : le drama special nous immerge en effet dans un environnement boudhiste. La majeure partie de l'épisode se déroule ainsi au sein d'un temple. Hae Jeong y forge les bases de son éducation. C'est en suivant ces préceptes qui ont marqué son enfance qu'elle va être capable de se placer du point de vue de son père, et, si ce n'est accepter, au moins comprendre ses actes, en appréciant aussi le déchirement que cela a représenté, y compris pour lui. Imprégné de cette culture, le récit suit un développement simple, à la sincérité bienvenue. Il aboutit à une chute finale sobre, appropriée au progressif enseignement de la vie ainsi délivré.
Meeting and saying good-bye are not two things.
Starting and ending are not two things.
Life and death also are not two things, but one.
Bilan : Sans autre ambition que de proposer une histoire simple et humaine, The Gate of Truth parle de la difficile compréhension de l'autre, tout en mettant l'accent sur la complexité - mais aussi l'impossibilité de se mentir à soi-même - qui est inhérente aux relations parents-enfants. Sachant toucher le téléspectateur, ces 80 minutes défilent sans que l'on y prenne garde. Bénéficiant d'un cadre particulier (boudhiste) que le drama exploite pleinement pour les besoins de son récit, il se conclut en sur une fin à la résonnance très juste, qui referme parfaitement ce chapitre de vie. En résumé, The Gate of Truth n'est pas un visionnage incontournable, mais représente bien ce que j'attends d'un drama special.
NOTE : 6,5/10
La bande-annonce : Voir par là.
16:09 Publié dans (Séries asiatiques) | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : k-drama, the gate of truth, the temple, kbs2, lee yeong eun-i, jeon ye seo, jeong ee kap, seo kap sook, kim cheol woong, oh yeon soo, kim woo seok | Facebook |
02/09/2012
(ISRL) Hatufim (Prisoners of War), saison 1 : le si difficile retour au pays d'anciens prisonniers
Quand je vous disais l'autre jour en évoquant Il Capo dei Capi que mes séries préférées de l'été sont venues de ma DVDthèque, je n'exagérais pas. Celle dont je vais vous parler aujourd'hui est sans aucun doute ma favorite. Très différente, dans l'approche de son sujet, de la série américaine qu'elle a inspirée, Hatufim est une série fascinante. C'est un drame humain, sobre et prenant, aux accents d'une authenticité troublante... A des années-lumières du blockbuster-thriller terroriste qu'est Homeland. Avec le recul, si j'ai suivi sans déplaisir l'américaine, je dois dire que les choix faits par Hatufim font aussi ressortir un certain nombre de ses limites. Homeland est une série qui se laisse suivre avec une recette efficace, Hatufim est une oeuvre qui marque. Ma comparaison n'ira pas plus loin : la review qui suit est entièrement dédiée à la série israélienne, qui bénéficie aussi d'un contexte différent où l'enjeu de ces prisonniers de guerre est tout autre.
Si Hatufim est arrivée dans ma DVDthèque, il faut en premier lieu remercier Sky Arts en Angleterre qui a entrepris de la diffuser au printemps dernier. A l'époque, j'avais regardé le pilote - qui m'avait conquise -, puis décidé d'attendre la sortie de la saison 1 en DVD, prévue pour le mois de juillet en Angleterre (en VO sous-titrée anglais). L'achat effectué, j'ai programmé la série tout au long du mois d'août, luttant pour ne pas visionner trop rapidement une fiction que j'avais envie de prendre le temps d'apprécier. Cela a été une belle expérience. Hatufim est une série à découvrir, pour son sujet poignant et le traitement très humain qu'elle propose.
Rappelons brièvement l'histoire de Hatufim (pour plus de détails, je vous renvoie à ma review rédigée suite au visionnage du pilote). Il y a 17 ans, trois soldats israéliens ont été capturés au Liban au cours d'une mission de reconnaissance. Après tant d'années d'une détention au cours de laquelle ils ont subi bien des tortures, un accord pour leur libération est finalement trouvé entre leurs ravisseurs et les services israéliens. Mais seuls deux d'entre eux rentrent vivants dans leur pays, Nimrod et Uri, tandis qu'Amiel a perdu la vie. Ils retrouvent une société dans laquelle ils n'ont plus de repères et des familles qui leur sont devenues presque étrangères. Tandis qu'ils essaient de se réacclimater, les services de sécurité israéliens s'interrogent sur certains points flous, voire contradictoires, dans les dépositions données par les deux soldats durant leur long debriefing. Quels secrets cachent-ils aux autorités ? La sécurité publique est-elle mise en danger ?
Hatufim est avant tout un drame humain, parlant des destinées brisées et à reconstruire d'hommes ordinaires se retrouvant confrontés à des situations extraordinaires. Bénéficiant d'une écriture qui fait preuve de sensibilité et d'empathie, où les silences et les hésitations sont parfois plus forts que n'importe quel dialogue, c'est une série poignante relatant avec sobriété la tentative - vaine ? - d'un retour à une vie normale, libre, de ces anciens prisonniers revenant soudain après 17 années passées en enfer. Ce qui fait la richesse de cette fiction, c'est qu'elle s'intéresse non seulement à leurs logiques difficultés de réadaptation, mais aussi plus généralement à l'impact que les évènements ont pu avoir sur leur entourage. Il y a une problématique relationnelle qui est centrale au récit et qui va être explorée sous toutes ces facettes, chaque personnage représentant une situation particulière.
Pour Nimrod, est mis l'accent sur la difficulté à s'insérer dans une vie familiale qui a continué sans lui pendant toutes ces années. Il peine à retrouver une place aux côtés de sa femme et de ses deux enfants pour lesquels il est un étranger ; inversement, ces derniers ont du mal à l'accueillir et à se positionner face à lui. La détention de Nimrod a été subi par chacun : la frustration de sa femme qui a, elle aussi, suspendu sa vie en se dévouant entièrement à sa libération ou encore les provocations constantes de sa fille sont autant de symptômes des dynamiques brisées. Pour Uri, il s'agit d'envisager de rebâtir sa vie en partant de zéro : le déchirement provoqué par le choix de sa fiancée, qui ne l'a pas attendu et a fait exploser un peu plus sa cellule familiale en s'étant mariée avec son frère, est lourd à porter pour tous. La culpabilité de la jeune femme, la jalousie du frère, les sentiments intacts d'Uri, installent une situation inextricable, d'où personne ne peut réchapper sans blessures. Enfin, la série n'oublie pas non plus celui qui n'est pas rentré, et plus précisément sa soeur qui doit affronter la douleur du deuil après tant d'années à avoir vainement attendu et espéré.
Au-delà de ces portraits terriblement humains dans toutes leurs limites et les dilemmes qu'ils soulèvent, Hatufim dépeint, avec une acuité rare, les réactions et les hésitations des deux anciens prisonniers face à leur nouvelle vie, faisant preuve de subtilités et de nuances. Nimrod et Uri ont des personnalités très dissemblables. Les expériences qu'ils ont vécues les ont rapprochés et ont forgé un lien indestructible, cependant ils sont aussi passés par des épreuves différentes au cours de leurs détentions. Alors même que la série use de flashbacks parsemés au cours du récit pour nous laisser entre-apercevoir ces 17 années, il reste difficile pour le téléspectateur de concevoir l'ampleur de ce qui leur est demandé pour se réadapter à la liberté. Ce ressenti prouve toute la force du récit. Ils ont passé, dans leur vie, presque autant de temps prisonniers que libres, traversant des conditions d'emprisonnement plus qu'effroyables, devant faire des choix que personne ne devrait avoir à faire. Ce passé ne peut que conditionner leur futur, reste à savoir jusqu'à quel point ils peuvent envisager de se reconstruire.
Un des pactes de silence qu'ont scellé Nimrod et Uri concerne les circonstances dans lesquelles Amiel a trouvé la mort. C'est leur mensonge autour de cet évènement qui attire l'attention des services de sécurité israéliens. La gestion par ces derniers du retour des prisonniers montre à quel point la priorité est mise sur la sécurité publique, l'intérêt de l'Etat primant tout. L'agent en charge du dossier ne recule devant aucun moyen pour rechercher la vérité, profitant des situations de faiblesse de chacun. Pourtant, contrairement à Homeland, Hatufim n'est pas un thriller terroriste : l'agent ignore si les contre-vérités livrées lors des interrogatoires peuvent avoir la moindre conséquence sécuritaire. Et Uri et Nimrod, en suivant le fil d'Ariane laissé par Jamal, leur tortionnaire, ne font eux aussi que rechercher une vérité derrière leur détention. Tout simplement parce que, pour essayer de repartir de l'avant, pour envisager un avenir, ils ont besoin de comprendre ce qui leur est arrivé et ce qu'il s'est passé. Ce fil rouge n'est rien d'autre qu'un double reflet, celui d'une crainte théoriquement légitime et d'un besoin très humain. L'ensemble est mené de manière très juste tout au long des dix épisodes pour aboutir à la révélation finale sur laquelle se termine la saison : ce cliffhanger laisse entrevoir d'autres pistes au potentiel également très intéressant.
Sur la forme, Hatufim est une série soignée. La sobriété de la réalisation correspond parfaitement à la tonalité ambiante, et aux partis pris narratifs adoptés par la fiction. Les flashbacks sont utilisés à bon escient, reconstituant peu à peu la détention et ce qui a pu se passer. De plus, la série bénéficie de thèmes musicaux instrumentaux qui résonnent avec justesse et retenue, à l'image de la mélodie du générique. Quelques chansons sont également employées, avec parcimonie, pour accompagner certaines scènes.
Enfin, Hatufim bénéficie d'un casting solide. Sans doute les plus sollicités, dans toute la complexité que recouvre leur rôle respectif, Yoram Toledano et Ishai Golan sont ceux qui s'imposent le plus à l'écran. Ils interprètent avec l'authenticité et l'ambivalence qui conviennent, ces hommes profondément marqués qui, avec leur caractère propre, essaient tant bien que mal de repartir de l'avant et d'affronter cette nouvelle vie qui, comme une deuxième chance, s'offre à eux. Le troisième soldat, Assi Cohen, apparaît logiquement beaucoup moins : en dehors des quelques scènes de détention, il intervient surtout face à sa soeur (Adi Ezroni) qui a tant de difficultés à admettre sa mort, toute sa vie s'étant finalement résumée en une attente prostrée d'un grand frère qui ne reviendra pas. A leurs côtés, on retrouve également Yael Abecassis, dont la présence à l'écran, toute en retenue, marque également, Mili Avital, Aki Avni, Sendi Bar, Salim Dau, Yael Eitan, Adi Ezroni, Adam Kent, Nevo Kimchi, Guy Selnik ou encore Gal Zaid.
Bilan : Bénéficiant d'un sujet de départ extrêmement fort, au potentiel dramatique incontestable, Hatufim va réussir à pleinement exploiter ce concept, s'imposant comme une fiction à la fois prenante et poignante, profondément marquante émotionnellement. Plongeant ces soldats ordinaires dans une situation extraordinaire, difficile à concevoir dans sa dureté - ces 17 ans passés sans repères, à subir les pires traitements -, la série traite de leur retour avec une sobriété et une justesse rares. Elle entreprend d'explorer toutes les conséquences humaines et relationnelles des évènements, aussi bien sur les anciens prisonniers que sur leur entourage. C'est un drame humain et familial, mais c'est aussi l'histoire d'une tentative de reconstruction, de reprise impossible de vie brisée, dans le contexte particulier du pays qu'est Israël.
En résumé, Hatufim est une série à voir : - parce que vous avez vu et aimé Homeland, car cela offre l'occasion d'apprécier les différences d'approche et de traitement d'éléments parfois identiques ; - parce que vous avez vu et n'avez pas aimé Homeland, car la série est justement très différente ; - parce que vous n'avez pas vu Homeland, et qu'un original d'une telle qualité mérite d'être visionné en premier ; - parce que vous êtes sériephile, donc curieux, et que c'est l'occasion de découvrir un autre pays.
NOTE : 9/10
La bande-annonce de la série :
12:38 Publié dans (Séries israéliennes) | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : israël, hatufim, prisoners of war, channel 2 (israël), yael abecassis, mili avital, aki avni, sendi bar, assi cohen, salim dau, yael eitan, adi ezroni, ishai golan, adam kent, nevo kimchi, guy selnik, shmuel shiloh, yoram toledano, gal zaid | Facebook |
31/08/2012
(UK) A Touch Of Cloth, saison 1 : une parodie policière qui connaît ses classiques
S'il y a bien un genre qui caractérise et envahit le petit écran britannique comme aucun autre, c'est le policier. Comme bien des télévisions dans le monde, les chaînes anglaises ne manquent pas d'enquêtes criminelles, ni ne ratent une occasion de nous immerger au sein de l'institution policière. C'est en partant de ce postulat de départ que Charlie Brooker et Daniel Maier ont imaginé A Touch of Cloth. Le style propre à Charlie Brooker est bien connu, qu'il s'agisse de se réapproprier pleinement les codes d'un genre (horrifique pour Dead Set par exemple) ou de pointer des poncifs modernes (Black Mirror l'an dernier en fut l'exemple le plus poussé).
Avec A Touch of Cloth, la démarche est familière, mais le résultat donne cette fois une comédie-parodie de toutes ces séries policières qui pullulent. Composée de deux parties (de 45 minutes environ), cette première saison est basée sur une histoire de Boris Starling (à qui l'on doit la série Messiah). Le titre "A Touch of Cloth" est à la fois un jeu de mots anglais et un clin d'oeil à Touch of Frost... Voilà de quoi vous donner une idée de là où vous mettez les pieds : une parodie excessive, bourrée de clins d'oeil, et qui se visionne avec d'autant plus de plaisir que le téléspectateur connaît ses classiques policiers. Personnellement, je dois avouer que je me suis beaucoup amusée.
Le DCI Jack Cloth est un brillant policier brisé par la mort de sa femme, dont il n'a jamais pu retrouver le meurtrier. Hanté (littéralement) par son souvenir, il noie son chagrin dans l'alcool, tandis que son supérieur souhaite le faire suspendre. Il se voit assigner une nouvelle coéquipière en la personne de Anne Oldman, jeune femme ambitieuse véritable workaholic pleinement investie dans son travail. Ils sont appelés à collaborer sur une enquête difficile : une série d'assassinats particulièrement sanglants, où les victimes sont tuées par une arme tranchante assez atypique, une épée. Pour traquer ce serial killer, Cloth et Oldman doivent mobiliser toutes leurs ressources.
A Touch of Cloth est une parodie policière, rafraîchissante dans ses décalages et dans la manière dont elle capture et se réapproprie tous les codes du genre. Sa richesse nécessiterait presque un second visionnage pour saisir tous les petits détails tant elle enchaîne les gags en tout genre sur un rythme enlevé. Ces derniers peuvent être visuels (tels des messages, normalement subliminaux, écrits en toute lettre pour retranscrire le ressenti de la scène ; ou des mannequins pour compléter les figurants), mais aussi sonores, qu'il s'agisse de lignes de dialogue caricaturales ou de la multiplication de jeux de mots (lesquels, pour s'apprécier pleinement, nécessitent sans doute un minimum de maîtrise de la langue anglaise.
La gestion par l'absurde de tous les poncifs des fictions policières est particulièrement savoureuse, d'autant que A Touch of Cloth est tournée dans les conditions d'un drama en apparence parfaitement sérieux. La série multiplie aussi les références, y compris à des séries américaines : l'obsession pour The Wire est d'ailleurs mise en pleine lumière. En résumé, Charlie Brooker est encore une fois allé au bout et même au-delà de son concept de départ, avec les excès qui accompagnent logiquement cet enchaînement presque trop condensé d'humour. Si les running gags font généralement mouche, il y a quand même quelques longueurs. Cependant l'intrigue tient la route pour offrir un parfait prétexte à une parodie qui a parfaitement décrypté un genre dont elle décode toutes les ficelles sous nos yeux.
Sur la forme, A Touch of Cloth adopte la plus traditionnelle des réalisations policières, ne nous épargnant aucun classique incontournable, à commencer par des scènes nocturnes sous la pluie. C'est très appréciable de voir comment la série soigne vraiment les détails de ses détournements visuels des codes, jusque dans son générique. De plus, elle dispose d'un casting solide, parfaitement emmené par John Hannah (Spartacus, Damages) qui joue bien le jeu et trouve l'équilibre pour ne pas trop en faire. A ses côtés, Suranne Jones (Fives Days, Single Father, Scott & Bailey) offre un pendant très correct tandis que s'établit entre eux la dynamique la plus classique d'un duo de policiers homme/femme. On croise également Julian Rhind-Tutt, Navin Chowdhry, Adrian Bower, Daisy Beaumont ou encore Raquel Cassidy.
Bilan : Parodie caustique des séries policières modernes, A Touch of Cloth capture à merveille tous les ingrédients de son genre, et met volontairement en lumière tous ses poncifs. Enchaînant les gags jusqu'à l'excès, l'humour se manifeste aussi bien dans les dialogues que dans la mise en scène et les effets visuels proposés. Caricature par l'absurde, avec quelques longueurs mais sans en faire trop, la série apporte finalement une touche rafraîchissante au petit écran. Elle offre un visionnage très amusant et divertissant qui plaira tout particulièrement au téléspectateur maîtrisant ses classiques et ayant vu trop de fictions policières. Sky One a déjà commandé la suite, à voir si l'essai peut être réédité !
NOTE : 7,25/10
La bande-annonce de la série :
13:38 Publié dans (Séries britanniques) | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : a touch of cloth, sky one, charlie brooker, john hannah, suranne jones, julian rhind-tutt, navin chowdhry, adrian bower, daisy beaumont, raquel cassidy, theo barklem-biggs | Facebook |