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29/04/2013

Mon Festival Séries Mania

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La saison 4 du Festival Séries Mania s'est achevée hier soir. Pour la première fois, j'ai eu l'occasion de me prendre au jeu des découvertes, des projections et des tables rondes organisées au Forum des images à Paris. J'ai passé un très chouette week-end. Trois jours dans une bonne ambiance, avec beaucoup d'explorations sériephiles mais aussi des échanges permis entre passionnés (et l'occasion de mettre un visage sur quelques personnes avec qui l'on discute virtuellement le reste de l'année). Je vais tâcher de revenir un peu sur mes visionnages dans le courant de cette semaine, avec quelques billets déjà rédigés (mais que, vu le rush parisien, je n'ai pas pu mettre en forme sur le blog) et d'autres à venir.

Tout d'abord laissez-moi vous raconter combien j'ai pu voyager téléphagiquement tout au long de ces quelques jours. Vendredi, à peine arrivée, ce fut une après-midi 100% israélienne. Il faut dire que si le dynamisme de ce petit écran n'est plus à prouver, ce n'est pas tous les jours que l'on a l'occasion de découvrir ces séries (Hatufim arrive cependant très prochainement sur Arte). J'ai commencé par me plonger dans Ananda, série fraîche et enthousiasmante qui entraîne ses téléspectateurs en Inde, puis ce fut la projection de 6 dollars per hour, une fiction autrement plus dure. Dans la soirée, j'ai assisté à l'avant-première d'Odysseus, la nouvelle série d'Arte prévue pour juin. Ensuite, samedi, ce fut une après-midi résolument nordique : j'ai enfin découvert la série suédoise 30 grader i februari (30 degrees in february) qui nous entraîne en Thaïlande. Puis j'ai voulu voir à quoi ressemblait la série norvégienne (à succès) Halvbroren que j'évoquais notamment dans le dossier de la semaine dernière sur les séries nordiques. Le soir, ce fut re-visionnage de Going Home sur grand écran : toujours aussi enthousiasmant à revoir (et la salle semble avoir partagé cette bonne impression si on en juge notamment par les rires nombreux qui retentirent). Enfin, dimanche, j'ai conclu mon Festival sur la projection de l'intéressante Hořící Keř (Burning Bush) qui nous fait revivre l'Histoire tchèque de la fin des années 60.

Ce fut donc une chouette expérience (très sériephile) pour un Festival où il y en a pour tous les goûts, et où c'est la curiosité qui prime. Pour couronner le tout, c'est la mini-série suédoise Torka aldrig tårar utan handskar (Don't ever wipe tears without gloves) qui a remporté hier le Prix du public de Series Mania 2013 : une récompense méritée qui, j'espère, permettra à cette fiction de trouver un diffuseur en France !

26/04/2013

[Dossier] Au Nord il y a des séries !

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Quittant la (relative) fiabilité de ma connexion internet pour quelques jours, je vous préviens donc que l'actualisation de ce blog dépendra pour le week-end à venir de l'éventuel wifi que mon ordinateur pourra capter. Je ne vous laisse cependant pas sans lecture.

En effet, j'ai fait quelques infidélités à mon blog cette semaine, et j'ai réalisé pour Allociné un dossier consacré aux séries scandinaves. C'est un article qui pourra intéresser ceux qui, parmi vous, sont amateurs de séries scandinaves (ou les curieux par-delà ces frontières !), appréciant Äkta Människor actuellement sur Arte, ayant aimé Borgen ou encore Forbrydelsen, voire ayant essuyé plus récemment quelques larmes devant Don't ever wipe tears without gloves. Ce dossier vient compléter d'une certaine manière toutes les explorations nordiques que j'ai pu partager au fil de ce blog.

L'idée n'a pas été de se lancer dans une revue exhaustive, mais plutôt d'essayer d'apprécier l'essor et le dynamisme scandinave (ainsi que l'effet de mode) sous ses différentes facettes. L'article est organisé comme suit :

1. Äkta Människor : un drame humain et social
2. La fiction, miroir critique de la société
3. Une source littéraire ne se limitant pas au polar
4. Le Danemark et la révolution de DR à la fin des années 90
5. Le dynamisme actuel
6. Par-delà les frontières de la Scandinavie
7. Une fiction scandinave ne se limitant pas au polar

Pour lire l'article, rendez-vous par là : "Real Humans", "Borgen", "The Killing"... Au Nord il y a des séries !

Le générique de Ørnen: En krimi-odyssé.

(Pour se mettre dans l'ambiance)

24/04/2013

(J-Drama) Going My Home (Going Home) : un portrait familial riche et nuancé d'une rare justesse

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Dans le cadre de cette semaine spéciale "Festival Séries Mania", ce mercredi asiatique conduisait automatiquement à revenir sur la série japonaise qui y sera projetée samedi soir : Going My Home (à la syntaxe revue - et corrigée - pour donner Going Home). Je vous ai déjà parlé de ce drama en octobre de l'année dernière, au terme de son long pilote (qui sera, découpé en deux parties, et proposé lors de la projection prévue samedi prochain). Aujourd'hui, pour l'occasion, c'est avec un billet bilan que je vous propose de revenir sur cette série au terme des 10 épisodes qu'elle compte : le pilote avait su séduire, mais comment la série a-t-elle ensuite évoluer ?

Ce drama de Hirokazu Kore-Eda reste, par son approche notamment narrative mais aussi formelle, assez unique pour le petit écran japonais, loin des canons habituels des fictions qui y sont proposées. Cela explique sans doute en partie les problèmes d'audiences qu'il a rencontrées : commencées honorablement, elles n'ont ensuite cessé de chuter jusqu'à la fin de la diffusion. Pour autant, s'il a pu dérouter l'habituel téléspectateur japonais, Going My Home reste une perle à plus d'un titre, une oeuvre qui porte la marque de son auteur et qui vous glisse avec subtilité et humanité dans les dynamiques d'une famille japonaise.

[Pour un résumé plus complet du drama, je vous invite à lire ma review rédigée après son pilote.]

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Si Going My Home relate un quotidien familial ordinaire, elle le fait avec une finesse d'écriture et un soin constant du détail qui confèrent à l'ensemble une authenticité rare. C'est un portrait de famille, touchant et attachant, à la fois unique et représentatif d'un certain mode de vie japonais, qui est proposé. D'une façon qui leur est propre, les épisodes tendent à s'affranchir des contraintes attendues liées au format d'un renzoku : ils s'enchaînent suivant un fil narratif qui s'apparente à un (très) long métrage. Le rythme y est lent, presque contemplatif par moment, chérissant chaque instant relaté, aussi anecdotique soit-il. Tout en suivant un fil rouge principal - des intéractions familiales où chacun se cherche -, le récit se ménage des pauses, prenant son temps pour souligner ces quelques moments - qu'il s'agisse de plats cuisinés, ou encore de regards échangés - qui posent une ambiance ou une émotion particulière.

Adoptant une tonalité dans laquelle on retrouve la signature de Hirokazu Kore-Eda, Going My Home privilégie avant tout la spontanéité et le naturel pour nous introduire dans le quotidien de cette famille. Cette série a l'art d'éclairer et de souligner comme peu de fictions toutes ces petites choses qui remplissent une journée. Elle ne cherche, ni à romancer, ni à rendre glamour les vies qui y sont dépeintes - alors même que les métiers exercés par le couple principal (publicitaire pour la télévision, cuisinière célèbre) rentrent totalement dans les standards du petit écran japonais. Sa préoccupation principale est d'impulser une proximité et un naturel aux dynamiques mises en scène : elle le fait si bien que ces dernières résonnent de manière universelle auprès de chaque téléspectateur, tout en sonnant aussi typiquement japonais.

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S'installer devant Going My Home, c'est prendre place devant une peinture familiale, qui se complète et évolue au fil des épisodes. On y croise un certain nombre de thèmes chers à Kore-Eda. En premier lieu, il y a évidemment la famille. Elle l'évoque en pointant toutes les subtilités et nuances propres à ces liens que le temps, l'éloignement et les choix de chacun peuvent distendre, mais ne rompent jamais totalement. La maladie du patriarche va être l'occasion indirecte d'initier des formes de retrouvailles. Par son exploration du passé et d'un pan de la vie privée de son père qu'il ignorait, le personnage principal, Ryota, ré-apprend à connaître une figure qui était devenue distante, mais à laquelle il doit bien plus qu'il ne veut bien l'admettre. Ses aller-retours dans ce village perdu où est né son père vont aussi permettre à son couple, en les sortant de leur quotidien, de retrouver du temps pour eux, et à renouer le dialogue avec leur fille qui affronte en silence une autre épreuve à laquelle son jeune âge ne l'a pas préparé, celle d'un deuil d'une amie d'école.

A l'image de cette Vie qu'elle décrit, et de tous les paradoxes qui la constituent, Going My Home adopte un ton versatile : l'équilibre y est savamment dosé, entremêlant un soupçon d'humour, une pointe de regrets, et beaucoup de chaleur humaine... Si la maladie du père sert de déclencheur, c'est un autre terrain qui va être celui de la réunion : le drama nous glisse ici dans les croyances populaires japonaises, avec le mythe des kuna. Ces créatures censées peupler les forêts sont présentées comme étant un lien entre le monde des vivants et celui des morts. Marqué par l'exode rural et une forêt qui a reculé devant son exploitation par les hommes, le village d'origine du père de Ryota est un lieu où persiste cette légende : la recherche de ces petits êtres est au coeur d'un festival dont l'organisation va servir de fil rouge au drama. Going My Home nous entraîne aux frontières d'un fantastique qui reste seulement suggéré, manié avec humour comme le montrent les rêves introductifs de Ryota mettant en scène ces fameux kuna.

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Si ce drama apparaît à part dans les productions télévisuelles japonaises du fait de son écriture et de son rythme, il se démarque également sur la forme. Going My Home bénéficie en effet d'une réalisation qui tend, elle-aussi, vers le cinématographique. Cette façon de filmer, très posée, avec une maîtrise de l'espace et de la mise en scène particulièrement aboutie, vient sublimer certains passages, apportant un cachet supplémentaire au drama. De même, la bande-son, avec des thèmes musicaux légers, non intrusifs, sied parfaitement à l'ambiance générale - jusqu'au générique qui résume tout le sens de cette quête aux kuna.

Enfin, Going My Home bénéficie d'un casting dont le jeu, jamais forcé et toujours naturel, renforce l'authenticité du récit et la force de cette fable sur la vie. Abe Hiroshi est parfait dans ce registre de père de famille, avec ses maladresses et ses incertitudes. Yamaguchi Tomoko apporte une fraîcheur précieuse, signant ici un retour remarqué dans le petit écran japonais après 16 années passées loin des dramas. Et de manière plus générale, ce sont tous les acteurs qui sont au diapason, se révélant à la hauteur du scénario et de l'approche choisie : on y retrouve YOU, Miyazaki Aoi, Yasuda Ken, Arai Hirofumi, Bakarhythm, Natsuyagi Isao, Abe Sadao, Yoshiyuki Kazuko ou encore Nishida Toshiyuki.

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Bilan : Fable sur la vie, avec les sentiments et les regrets qui lui sont inhérents, Going my home nous introduit avec une justesse et une sincérité remarquables dans les dynamiques d'une famille japonaise moderne. Son soin constant du détail et son approche contemplative posent une tonalité particulière, permettant à la série de dépeindre tout en subtilité et en nuances les relations humaines mises en scène. Touchant et attachant, avec ses pointes d'humour et sa spontanéité cultivée, c'est un human drama à la portée universelle, capable de trouver un écho en chaque téléspectateur. Le flirt avec le fantastique occasionné par le mythe des kuna n'est pa une simple immersion dans le folklore local ; il permet aussi, par-delà ce village touché par l'exode rural et la déforestation, de renouer un lien social, un lien entre les générations, qui complète ce portrait de Japon.

Le pilote (en 2 épisodes) de Going My Home sera donc projeté au Forum des images à Paris à 21h ce samedi 27 avril [pour la petite histoire, sachez que c'est moi qui en assurerai la présentation préalable]. Plus généralement, c'est vraiment une série qui mérite l'attention de tous les amateurs de dramas japonais, de ceux qui apprécient Hirokazu Kore-Eda, mais aussi de tous les téléphages curieux. Il s'agit d'une oeuvre universelle qui reste à part.


NOTE : 8,75/10

21/04/2013

(SE) Torka aldrig tårar utan handskar (Don't ever wipe tears without gloves) : une histoire d'amour dans le Stockholm des années 80 face aux préjugés et au sida



What's told in this story has happened.
And it happened in this city.
It was like a war fought in peace times.
In a city where most continued to live their life as if nothing happened,
young men were falling ill...
and died.

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Pour inaugurer une semaine spéciale Festival Séries Mania, quoi de plus opportun que de commencer par un coup de coeur ? D'autant qu'il offre en plus la possibilité de poursuivre l'exploration du petit écran scandinave, puisque, cette fois-ci, je vous propose de partir en direction de la Suède. Torka aldrig tårar utan handskar est une mini-série qui a été diffusée sur la chaîne publique SVT en octobre 2012. Elle compte 3 épisodes de 58 minutes chacun. Adaptée d'un roman de Jonas Gardell, elle nous plonge dans la Suède des années 80, au sein de la communauté gay de Stockholm qui va être heurtée de plein fouet par le sida. Poignante et touchante, tout en étant chargée d'une vitalité qui transporte, c'est une belle oeuvre qui marque durablement le téléspectateur. Elle sera projetée mardi soir au Forum des images, mais j'espère qu'elle retiendra l'attention d'une chaîne française pour obtenir l'exposition qu'elle mérite.

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L'histoire de Torka aldrig tårar utan handskar s'ouvre au début des années 80. Rasmus a alors 19 ans. C'est un jeune homme qui a grandi dans une petite ville reculée de la campagne suédoise. Le lycée fini, il prend la direction de la capitale, Stockholm, pour y poursuivre ses études et, surtout, s'émanciper enfin loin du domicile familial et de ces contrées hostiles et peu ouvertes d'esprit. Pour la première fois, Rasmus est libre. Il découvre la communauté gay de Stockholm, profite de la vie et se lie notamment d'amitié avec Paul. Ce dernier organise, chaque Noël, un dîner avec ses amis qui devient une tradition pour le groupe se constituant peu à peu.

C'est au cours d'un de ces dîners que Rasmus rencontre Benjamin. Issu d'un milieu très religieux (il est témoin de Jehovah), il cache toujours à sa famille son orientation sexuelle. Très vite, les deux jeunes gens tombent amoureux et emménagent ensemble. Mais leur bonheur sera fragile et éphémère. Leur quotidien d'insouciance, seulement ponctué par quelques éclats accompagnant invariablement une histoire d'amour - car Rasmus n'est pas décidé à cesser de profiter de la vie, va être brisé par une nouvelle maladie qui fait des ravages, le SIDA. D'émancipation, ces années 80 deviennent une décennie de pertes d'êtres chers et de deuils douloureux.

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Comme son thème le laissait présager, Torka aldrig tårar utan handskar est une mini-série poignante. Sa grande force va cependant être de traiter avec beaucoup de sobriété et de retenue d'un difficile sujet, celui de la maladie, mais aussi de l'ostracisation de toute une communauté qui a marqué les débuts de l'épidémie. Le titre choisi est hautement symbolique et très révélateur. Il est judicieusement expliqué dès la scène d'ouverture du premier épisode, posant immédiatement le ton. "Don’t ever wipe tears without gloves" est une consigne donnée au personnel médical soignant les malades du sida en phase terminale. Une infirmière ne peut approcher ou toucher le malade que protégée par une combinaison en latex. Qu'importe la détresse de ces derniers instants d'agonie, vécus dans un isolement qui les rend encore plus insoutenables. Or, durant les premières minutes de la mini-série, une jeune femme essuie spontanément la larme d'un malade agonisant sans porter de gants. Elle se fait immédiatement réprimander par sa supérieure.

Aucun téléspectateur ne ressort indemne de Torka aldrig tårar utan handskar. Pour autant, la mini-série trouve le ton juste et n'en fait jamais trop dans un pathos qui aurait pu vite devenir insoutenable. Elle apporte un éclairage intime, délivrant une histoire avant tout humaine, une ode à la liberté et à la vie en général. Dans le même temps, elle est aussi un récit déchirant sur la perte d'une innocence, celui d'une insousciance sacrifiée sur l'autel d'une maladie qui va très durement toucher chaque protagoniste. La plupart y perdront la vie, les funérailles de Paul synthétisant à elles-seules cette dualité dans la tonalité. Quant aux survivants, ils pleureront longtemps ces êtres chers trop tôt disparus. Le portrait esquissé de la Suède d'alors est peu flatteur : si le dialogue du générique d'ouverture pointe la relative indifférence dans laquelle ces drames se jouent, ce sont surtout des scènes d'homophobie ordinaire qui marquent. Qu'il s'agisse du refus d'accepter l'orientation sexuelle d'un fils, au rejet social de malades traités comme des pestiférés : comment réagir face à ces familles qui, lors des funérailles d'un de leurs proches, refusent d'admettre que le défunt est mort du sida, désignant d'autres maladies au point d'organiser une récolte de fonds contre le cancer, ou bien présentant des amies comme la petite amie ? Quand ils n'interdisent pas au petit ami d'assister à l'enterrement...

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Si Torka aldrig tårar utan handskar marque autant, c'est aussi parce qu'elle sait impliquer émotionnellement le téléspectateur et susciter son attachement, en lui permettant de suivre un jeune couple pris dans la tourmente de ces années 80. La relation entre Benjamin et Rasmus est traitée avec beaucoup de justesse, ne versant jamais dans le mélodrame sentimental. Leur jeunesse et leur inexpérience accentuent à dessein l'impact de cette maladie qui va briser leur innocence et leur vie. Dans son monologue de conclusion délivré avec le recul des années plus tard, Benjamin déclare d'une voix lourde de regrets que le sida emporta, durant cette décennie, ceux qui aimaient le plus, ceux qui avaient le plus la soif de vivre et le désir d'en profiter. Ce sont en effet des figures pleines d'une vitalité communicative qui furent foudroyées. Le personnage de Rasmus représente cette tragédie : celle d'un jeune homme brimé durant toute sa jeunesse qui, à 19 ans, a enfin pu commencer à être lui-même. Il avait tant de choses à rattraper, tant d'émotions à découvrir. Il mourra, fauché avant même d'avoir véritablement vécu, après une trop longue agonie, à 25 ans seulement.

Un des grands mérites de Torka aldrig tårar utan handskar est d'avoir opté pour une approche extrêmement sobre, pleine de pudeur. Si sa qualité est constante, c'est dans la tragédie que la mini-série révèle toute sa force et la qualité d'une écriture subtile. Chaque épisode semble plus marquant que le précédent. Il faut noter que le récit opte pour une approche non linéaire, très travaillée  : chaque scène choisie a son importance dans le tableau qui nous est peu à peu dépeint. Incluant des flashbacks remontant à l'enfance de ses deux héros, mais aussi des flashforwards, la mini-série se construit autour de plans symboliques. Certains sont parfois un peu trop appuyés, comme celui de Benjamin enfant posant sa main sur la vitre tout juste nettoyée par son père ; la trace de la main nargue un instant l'observateur, avant que le père ne l'efface, reflet de la manière dont il effaça l'existence de son fils après son coming-out. Cette structure très éclatée de la narration permet aussi un opportun mélange des tons, aux instantanés insousciants de l'enfance font écho des passages poignants de lutte contre la maladie. La mini-série sélectionne les moments les plus évocateurs, pour un résultat dosé qui n'en est que plus touchant.

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En plus d'avoir réussi à aborder son sujet avec la retenue mais aussi l'émotion qu'il convient, Torka aldrig tårar utan handskar est une série visuellement extrêmement soignée. La réalisation joue habilement sur la symbolique de certaines scènes, nous transportant dans un récit entrecoupé de brefs flashbacks ou flashforwards à l'ambiance éthérée. L'ensemble apparaît presque atmosphérique, avec une photographie le plus souvent froide et lumineuse. Les thèmes musicaux respectent scrupuleusement l'équilibre trouvé dans la tonalité, contribuant à donner une force supplémentaire à une histoire qui n'en manque déjà pas.

Enfin Torka aldrig tårar utan handskar doit beaucoup à son casting. Adam Palsson et Adam Lundgren incarnent respectivement Rasmus et Benjamin. Leur interprétation est d'une justesse jamais prise en défaut : innocents, insousciants, complices, mais aussi déchirants lorsque les jours difficiles viennent, les deux acteurs vont directement toucher le coeur du téléspectateur. Au sein de leurs groupes d'amis, le casting est tout aussi homogène : on y retrouve Simon J. Berger, flamboyant Paul, mais aussi Emil Almén, Michael Jonsson, Christoffer Svensson, Kristoffer Berglund ou encore Björn Kjellman. Les parents de Rasmus sont quant à eux incarnés par Annika Olsson et Stefan Sauk, tandis que Marie Richardson et Gerhard Hoberstorfer jouent ceux de Benjamin.

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Bilan : Torka aldrig tårar utan handskar est une mini-série particulièrement forte, dont nul ne ressort indemne. Son sujet est dur, mais son approche pleine de retenue apparaît d'une justesse rare, trouvant l'équilibre qui convient entre drame et hymne à la vie. Aussi bouleversante qu'elle puisse être, elle n'en reste pas moins traversée par une vitalité chargée d'humanité et d'amour qui touche aussi durablement le téléspectateur. Portée par une réalisation très soignée, et des acteurs qui s'approprient pleinement leurs rôles, cette mini-série mérite d'être vue à plus d'un titre. Le rappel de ces heures sombres apparaît salutaire pour ne pas oublier ce qu'il s'est passé, ainsi que pour l'éclairage permis de la société suédoise d'alors.

A titre personnel, c'est une fiction qui m'est allée droit au coeur, avec une force à laquelle peu de fictions parviennent. Je la recommande à tout téléspectateur (elle est actuellement trouvable sur internet avec des sous-titres anglais, mais j'espère qu'elle bénéficiera d'une meilleure exposition). Une oeuvre qui mérite d'être découverte (avec quand même un paquet de mouchoirs sous la main).


NOTE : 8,5/10

19/04/2013

Festival Séries Mania - Saison 4 : Petit tour d'horizon

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Cette année marque la quatrième saison d'un festival désormais bien installé, Séries Mania, au Forum des images à Paris. Comme toujours, la sélection en séries y est riche et diversifiée, pour tous les goûts. C'est l'occasion de dépasser le seul cadre des séries anglophones avec des fictions moins accessibles projetées en VOSTFR (en provenance d'Argentine, de Suède, du Japon, de République Tchèque, de Pologne, etc.). C'est également l'opportunité d'assister à des projections avec les créateurs de différentes séries (par exemple, Tom Stoppard, scénariste de Parade's End ou bien Farhad Safinia, créateur de BOSS). De mon côté, pour la première fois, j'aurais l'occasion d'y passer quelques jours. Même si je ne serai pas là toute la semaine, ni ne pourrai assister à tout ce que j'aurais souhaité découvrir, j'ai malgré tout dressé un "emploi du temps idéal". Lequel implique don d'ubiquité et redécouverte sur grand écran de quelques coups de coeur personnels de l'année écoulée.

En empruntant le retourneur de temps d'Hermione Granger, ce programme ressemblerait à cela :

Mardi 23

La journée du mardi aurait été sans nul doute suédoise. Tout d'abord, l'après-midi, est projetée 30 degrees in February (Suède) que LadyTeruki a déjà évoquée. Puis, surtout, le soir, est proposé en marathon Don't ever wipe tears without gloves. Cette mini-série touchante, bouleversante et pleine de vitalité, suit deux jeunes homosexuels, issus de familles conservatrices, dans le Stockholm des années 80 confrontés à l'épidémie du SIDA et aux drames qu'elle génère. Je conseille à ceux qui ont la larme facile de prévoir leur paquet de mouchoirs, mais il s'agit vraiment d'un joli coup de coeur personnel que je recommande chaudement. J'y reviendrai en détail dans une (longue) review très prochainement !

Cependant, si vous préférez perdre un peu foi en la nature humaine, vous avez aussi la possibilité d'une contre-programmation policière, avec Line of Duty, mini-série britannique de l'été dernier qui nous plonge dans les coulisses chargées de rivalités de la police, et Hannibal, dont les deux premiers épisodes m'ont plutôt plue et fidélisée, mais qui, sur grand écran, risque bien de vous faire ensuite jeûner pour plusieurs jours (entrez dans la salle à vos risques et périls !).

Mercredi 24

Le mercredi, étant donné l'essor des fictions européennes, une réflexion sur la voie offerte par les coproductions qui s'y développe peut être intéressante. Côté projections, je pense que j'aurais opté pour Combatientes. Le Guardian y a justement consacré un très intéressant article dimanche dernier, Falklands war TV drama tells forgotten story of Argentina's soldiers, qui a aiguisé ma curiosité. Actuellement en cours de diffusion en Argentine, il s'agit d'une fiction revenant sur la guerre des Malouines. Ce n'est pas un genre que l'on rencontre très fréquemment dans ce pays d'Amérique Latine, et le sujet, fort, peut vraiment valoir le détour.

Sinon, les amateurs de fictions politiques seront servis avec, au choix, les débuts de la mini-série britannique Secret State, inspiration libre et modernisée de A very british coup, ou bien House of Cards (que l'on ne présente plus en ce début d'année 2013). Autant vous prévenir qu'il est fort probable que ces séries ne contribuent pas à vous redonner confiance en vos élites politiques, mais elles sont toutes deux dignes d'intérêt !

Enfin, un peu de détente le soir avec Please Like Me, mon coup de coeur australien côté comédies de ce printemps. Une fiction rafraîchissante et attachante qui devrait vous faire passer une bonne soirée.

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Jeudi 25

L'après-midi serait l'occasion de découvrir une fiction francophone avec l'accent chantant québécois : Unité 9, une immersion dans le milieu carcéral féminin qui a été un de mes coups de coeur de l'automne dernier. Pour son casting, ses thèmes, ainsi que sa fine écriture, c'est une fiction qui mérite d'être curieux. Sinon, la polonaise The Deep End peut également se révéler très intéressante. Le soir, j'aurais foncé découvrir la saison 5 de Un Village Français. Vu la qualité de la saison 4, j'attends avec impatience le retour de cette série française. J'ai vraiment hâte de la retrouver dans mon petit écran !

Vendredi 26

Après les expériences israëliennes concluantes de l'année dernière, l'envie est là pour poursuivre l'exploration des fictions de ce pays. Par conséquent, en attendant la diffusion de Hatufim sur Arte le mois prochain, pourquoi ne pas aller jeter un oeil à 6 dollars per Hour ? La série semble intéressante, avec un sujet fort. Sinon, deux fictions anglophones très différentes suivant vos affinités peuvent retenir l'attention. Les amateurs de crime period drama pourront se tourner vers la reconstitution du Londres de la fin du XIXe siècle, avec Ripper Street. Ceux qui cherchent plutôt un human drama sur l'Australie actuelle se tourneront vers Redfern now, qui relate quelques tranches de vie contemporaine d'aborigènes : mon coup de coeur australien personnel de l'année dernière.

Enfin, le soir, se tiendra la projection d'une nouvelle série attendue d'Arte, Odysseus. J'espère beaucoup de cette fiction (ce qui n'est pas forcément la meilleure façon d'aborder une nouveauté). Je croise donc les doigts et je reviendrai dessus une fois la séance passée.

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Samedi 27

Une après-midi très riche, avec plusieurs fictions extrêmement différentes à l'affiche : les nostalgiques des fictions d'espionnage sur la guerre froide se tourneront vers The Americans. Ceux qui ont aimé Les Revenants à la fin de l'année dernière pourront assister à une intéressante table ronde. N'oubliez cependant pas Puberty Blues, une chronique d'adolescence dans l'Australie des années 70 qui vous entraînera au bord de l'océan aux côtés de personnages très humains. Une autre des jolies réussites australiennes de l'année dernière.

En soirée, ceux qui ne seront pas allés à la rencontre de Tom Stoppard devant Parade's End (qui, sur grand écran, doit être une série très agréable aux yeux vu son visuel si soigné) pourront prendre la direction du Japon pour un autre de mes coups de coeur de l'année dernière : Going Home (ex-Going My Home). Signé Hirokazu Kore-Eda, ce drama humain, sincère et décalé ne laisse pas indifférent. Un vrai bijou, et une opportunité à saisir de découvrir le petit écran japonais.

Dimanche 28

Cette dernière après-midi est également très riche. Personnellement, c'est la première mini-série de HBO Europe, Burning Bush, qui retiendrait toute mon attention (à lire, le billet de Yann à son sujet), se proposant de nous entraîner dans Prague de la fin des années 60. Ceux qui cherchent des fictions plus légères auront le marathon comédies, au sein duquel on retrouve notamment l'australienne A Moody Christmas. Sinon, les amateurs de policiers pourront jeter un oeil à Broadchurch, dont la belle réalisation peut valoir le coup sur grand écran. Enfin, une des réussites anglaises de ces derniers mois, In the Flesh, mini-série exploitant le thème des zombies sous l'angle d'un drame, entre humanité et thèmes de société, peut faire office de jolie conclusion.

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C'est une belle chose que de voir des séries de tous horizons ainsi mises à l'honneur. Si vous habitez la région parisienne, n'hésitez donc pas à être curieux. Programme complet et plus d'informations sur le site officiel du Festival.