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08/01/2013

(DAN) Forbrydelsen, saison 3 : l'ultime enquête de Sarah Lund

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Un chapitre s'est refermé cet automne 2012. Forbrydelsen (The Killing, en version internationale) s'est en effet achevée fin novembre au Danemark, sur une troisième et dernière saison composée de dix épisodes. C'est une fiction qui gardera toujours une place particulière dans mon panthéon personnel des séries. Ma rencontre avec elle remonte à il y a deux ans, en janvier 2011, quand BBC4 s'était lancée dans sa diffusion. Etant donné ma fréquentation assidue du petit écran anglais, il était assez logique que je succombe à la "vague nordique" lorsqu'elle est arrivée outre-Manche. La première fois que je vous en ai parlé, c'était pour la désigner comme mon obsession du moment.

Il faut dire que Forbrydelsen a été mon déclic danois. Un coup de coeur qui m'a encouragé à explorer de nouvelles terres téléphagiques inconnues, notamment en Europe. Indirectement, elle a eu d'autres conséquences, comme celles de renouveler ma curiosité pour les polars scandinaves et de m'entraîner vers bien d'autres découvertes nordiques, littéraires notamment. Elle fut aussi l'occasion d'une rencontre avec une héroïne de fiction marquante, Sarah Lund, et un sens du fashion qui restera symbolisé par son éternel pull. Cette troisième saison, à côté d'une intrigue policière classique, avec ses cliffhangers toujours très efficaces, aura avant tout été une ultime enquête dédiée à ce personnage.

[La review qui suit contient des spoilers sur l'évolution générale de la saison. A lire à vos risques et périls.]

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Les débuts de la saison 3 de Forbrydelsen permettent de retrouver Sarah Lund avec de nouveaux projets : elle espère une promotion dans un département de police moins contraignant, tout en essayant tant bien que mal de renouer des liens avec son fils, Mark, devenu un jeune adulte et qui tend à l'éviter. Lorsqu'un corps non identifié est retrouvé dans le port, elle se voit confier l'affaire, en apparence destinée à être vite classée, sans imaginer l'ampleur que cette dernière s'apprête à prendre. D'autres marins sont en effet retrouvés morts sur le navire qu'ils étaient sensés garder. Ils étaient employés par Zeeland, une importante entreprise danoise notamment spécialisée dans le commerce maritime.

Or Zeeland fait l'objet d'une attention toute particulière dans un contexte politique électrique, puisque des élections législatives sont prévues très prochainement. La société doit notamment rendre possible le plan de redressement économique, visant à faire face à la crise, que le Premier Ministre sortant soumet aux votes des électeurs. Son PDG, Robert Zeuthen, entend bien apporter son soutien à cette politique, en dépit de certaines dissensions en interne. C'est alors que sa fille, Emilie, est kidnappée. Quels liens existent entre le meurtre des trois marins étrangers et l'enlèvement de l'enfant d'un millionnaire ? Sarah Lund enquête, collaborant pour cela avec la Special Branch chargée de la sécurité du Premier Ministre, où elle retrouve une ancienne connaissance, Mathias Borch.

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Dans la continuité directe des précédentes saisons, la grande force de Forbrydelsen demeure sa capacité à se réapproprier avec assurance et un réel savoir-faire les recettes classiques de son genre. Poursuivant l'exploration des diverses facettes du polar, cette troisième saison s'intéresse au cas du kidnapping d'un enfant. L'affaire est traitée comme un thriller policier, Sarah Lund se lançant sur les traces du ravisseur tout en essayant de comprendre ce dernier, mais elle recouvre aussi des thématiques plus larges qui rappellent un des attraits majeurs de la série : sa richesse. Car cet enlèvement est l'occasion d'une exploration plus intime et personnelle de l'expérience traumatisante vécue par les parents de la disparue, tout en développant un dimension plus politique dès lors que la campagne électorale en cours se saisit du kidnapping pour l'instrumentaliser, notamment pour critiquer la gestion par les autorités - et donc par le gouvernement - de la situation.

La construction de l'intrigue obéit à des règles éprouvées qui démontrent une nouvelle fois leur efficacité. Le téléspectateur étant désormais familiarisé avec l'univers de Forbrydelsen, il faut reconnaître que le feuilletonnant bien huilé tend parfois à rebondir sur des retournements attendus, voire prévisibles. Pourtant la recette fonctionne toujours, bien aidée par une durée ni trop longue, ni trop courte (10 épisodes), et surtout par l'art du cliffhanger dans lequel la série excelle. Elle n'a pas son pareil en effet pour conclure chaque épisode sur un ensemble d'intrigues laissées en suspens. La tension qui sous-tend l'ensemble connaît alors des piques en mesure de s'assurer de la fidélité imperturbable d'un téléspectateur qui n'a qu'une seule envie : se précipiter sur la suite.

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Dans le même temps, Forbrydelsen est une série qui renvoie un miroir à la société au sein de laquelle elle se déroule. Sa force a toujours été de profiter des faits divers relatés pour permettre des éclairages plus larges. En arrière-plan, dans cette saison 3, on parle donc crise économique, délocalisation, et, peu à peu, tout un pan politique se greffe directement ou non à l'enquête en cours. Poursuivant la progression dans les échelons du pouvoir initiée au cours de la première saison, la série se propose de nous faire suivre cette fois le Premier Ministre du Danemark. Elle nous plonge dans une lutte électorale dans laquelle tous les coups sont permis. Cependant, si ses ambitions de polar aux ramifications plus vastes demeurent intactes, la saison ne convainc pas entièrement sur ce plan.

En effet, les protagonistes de ces jeux politiques manquent d'ampleur. Développés de manière trop superficielle, ils prennent place dans des scènes qui résonnent un peu artificiellement (un ressenti peut-être accru par les parallèles inconscients du téléspectateur avec Borgen). Pourtant ces réserves doivent être mises entre parenthèses en raison de la force et de la réussite de la conclusion. La résolution de l'intrigue ne déçoit pas, car on y retrouve le pessimisme ambiant qui a toujours été une part intégrante et la marque de fabrique de la série. Si l'ultime revirement du Premier Ministre peut sembler un peu rapide et précipité, l'impact des dernières scènes rappelant combien un être ordinaire pèse peu face aux intérêts du pouvoir est lui parfaitement réussi.

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Au fil d'une saison qui culmine avec ce troublant dernier épisode, l'élément important est l'évolution suivie par le personnage de Sarah Lund. Si on la retrouve fidèle à elle-même dans ses obstinations policières au cours de l'enquête, elle traverse cependant une période de doutes et de remise en cause. Ces développements psychologiques constituent l'apport le plus intéressant de ces dix épisodes. Blessée de voir son fils Mark couper les ponts alors même qu'il s'apprête à fonder une famille, elle s'interroge sur les décisions du passé qu'elle a prises, et sur ce qu'elle peut faire pour reprendre sa vie en main. Le retour de Borch intervient dans ces conditions, alors qu'elle souhaiterait reconstruire quelque chose sans répéter les mêmes erreurs.

Mais Sarah Lund échoue dans son projet de ne pas se laisser aspirer à nouveau par les horreurs de son quotidien, une volonté qui allait contre son tempérament et contre tout ce qui fait d'elle ce qu'elle est. Elle arrivait à saturation, mais son inlassable obsession et persévérance pour la vérité et la justice l'auront finalement précipitée sur une autre pente. Alors que tout aurait pu être réuni pour permettre une sorte de happy end teintée d'amertume par rapport à l'enquête, mais réconfortant pour sa vie personnelle, il n'en sera rien. Les dernières minutes laissent en réalité tout en suspens. Elles frustrent sur le moment intensément, et pourtant, l'acte de Sarah Lund apparaît dans la continuité logique de sa crise existentielle. Car, suivant la tonalité particulière de Forbrydelsen, trouver la paix était impossible.

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Sur la forme, Forbrydelsen bénéficie d'une réalisation toujours parfaitement maîtrisée. Ses images conservent cette photographie aux teintes grisâtres qui sied si bien à l'ambiance de polar sombre de la série. D'ailleurs, quand elle nous immerge dans les coulisses du quotidien du Premier Ministre, le contraste est alors particulièrement frappant avec Borgen, dont les partis pris esthétiques sont diamétralement opposés. De plus, les thèmes musicaux, caractéristiques, sont bien employés, notamment ce morceau qui conclut les épisodes contribuant à l'efficacité redoutable des cliffhangers de la série.

Enfin, Forbrydelsen rassemble un casting, parfaitement dans le ton, au sein duquel Sofie Grabol resplendit. L'actrice maîtrise à merveille les ambivalances et les paradoxes de son personnage, trouvant cet équilibre unique entre une force persévérante inarrêtable et cette touche de vulnérabilité face à certaines situations. Ses rapports avec son supérieur hiérarchique, Morten Suurballe, sont inchangés, conservant cette froide distance où s'ajoute une certaine compréhension. C'est Nikolaj Lie Kaas qui va cette fois incarner son partenaire pour l'enquête, l'entraînant dans des recoins personnels de son passé. Les parents de l'enfant kidnapé sont respectivement interprétés par Anders W. Berthelsen et Helle Fagralid. On retrouve également à l'affiche Sigurd Holmen le Dous, Stig Hoffmayer, Olaf Johannessen, Jonatan Spang, Trine Pallesen, Tammi Ost ou encore Peter Mygind.

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Bilan : Dans cette saison 3, Forbrydelsen conserve les recettes traditionnelles du polar, thriller tendu, parfois prévisible, mais rythmé par des cliffhangers parfaitement maîtrisés. Cependant son véritable apport tient au développement réservé à Sarah Lund. Ces dix épisodes sont l'histoire d'une tentative d'évasion impossible, d'une remise en cause - pour reprendre sa vie en main sans reproduire les mêmes erreurs - qui échoue, d'une saturation dont les signes étaient présents et qui explose finalement de la plus irrémédiable des manières. Jusqu'au bout, Forbrydelsen aura été fidèle à elle-même, marquée par ce parfum d'amertume désillusionnée qui caractérise cette sombre série.

Sarah Lund a donc définitivement raccroché ses pulls. L'avion s'est perdu dans la nuit. Reste à lui rendre une dernière fois hommage : merci pour toutes ces heures de tension vécues fébrilement devant le petit écran et pour m'avoir réconcilié avec un versant du polar que j'avais délaissé. Ces trois saisons furent une belle expérience sériephile. Une découverte qui reste hautement recommandée (si ce n'est pas déjà fait) !


NOTE : 8,5/10


Une bande-annonce de la saison :

19/08/2011

(DAN) Forbrydelsen (The Killing), saison 2 : un suspense toujours aussi prenant

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Le Danemark, c'est un pays de plus de 5 millions d'habitants qui a actuellement en production deux très bonnes séries : Borgen et Forbrydelsen. Avec sa première saison, cette dernière s'était imposée comme un des plus efficaces polars feuilletonnants du petit écran de ces dernières années. Par conséquent, forcément, la saison 2 était attendue au tournant avec un mélange d'excitation mêlée d'inquiétude : comment allait-elle se renouveler et repartir sur une nouvelle intrigue, à la fois fidèle à sa recette originelle mais en sachant aussi se réinventer ? Plus d'une fiction s'est brûlée les ailes lorsqu'il a fallu continuer au-delà de son premier grand arc narratif...

Mais c'est avec beaucoup de maîtrise que cette saison 2 de Forbrydelsen va déjouer toutes les craintes éventuelles. Sarah Lund est toujours fidèle à ses pulls, et le téléspectateur se prend pareillement au jeu du suspense. Composée cette fois-ci de dix épisodes, contre vingt épisodes pour sa première, la deuxième saison du polar danois du moment, diffusée à l'automne 2010 sur DR1, se révèle toute aussi haletante et prenante, sachant parfaitement rebondir après la résolution de l'affaire Nanna Birk Larsen. Si la première partie de la saison 1 sort en DVD ce 23 août en France, la saison 2 arrivera sur Arte, dès le 6 septembre prochain. En un mot, soyez au rendez-vous ! Quant à la saison 3, son tournage vient tout juste de débuter et elle devrait être diffusée à l'automne 2012 au Danemark.

[A noter : La review est garantie sans spoiler sur la résolution de l'intrigue.]

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La saison 2 de Forbrydelsen débute deux ans après les évènements de la saison 1. Une avocate est retrouvée brutalement assassinée, son cadavre abandonné dans un mémorial militaire ; une mise en scène macabre qui pourrait trouver sa cause dans un éventuel mobile politique derrière ce meurtre. Si son ex-époux est suspecté, trop d'inconnues pour une enquête très sensible décident Lennart Brix, toujours en charge de la division criminelle à Copenhague, à contacter Sarah Lund, désormais exilée loin de la capitale, en raison de ce qu'il s'est passé il y a deux ans. Elle se laisse convaincre de venir jeter un oeil au dossier, pour offrir son expertise intuitive et un regard extérieur sur les faits.

Quelques jours après le meurtre de l'avocate, le ministre de la Justice est victime d'une crise cardiaque, le laissant hospitalisé, inconscient. Or une loi très importante, sur des mesures de lutte et de prévention contre le terrorisme au Danemark, est en négociation entre les différents partis et doit être incessamment sous peu votée. Le Premier Ministre nomme donc rapidement un successeur, son choix s'arrêtant sur Thomas Buch, politicien pragmatique et ambitieux pour qui c'est une promotion conséquente.

Mais le meurtre de l'avocate prend un tour politique des plus glissants lorsque l'hypothèse selon laquelle elle a été ciblée par des intégristes islamistes, en raison de son travail pour l'armée en Afghanistan, semble se confirmer. La police, les services du ministère de la Justice, mais aussi les services de renseignement ainsi que l'armée, vont nous entraîner dans les coulisses du pouvoir et de la guerre en Afghanistan, pour tenter de démêler les fils d'une intrigue bien complexe... D'autant que le prédécesseur de Buch en connaissait sans doute plus sur cette affaire qu'il ne l'avait laissé entendre.

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La grande réussite de Forbrydelsen 2 va être de reprendre avec la même efficacité les ingrédients qui ont fait la force de la saison 1, tout en sachant parfaitement se renouveler pour proposer quelque chose de nouveau sur le fond. La recette est bien huilée : la dimension feuilletonnante est en effet pleinement exploitée. Elle fait naître chez le téléspectateur ce sentiment un peu grisant que l'on éprouve en se laissant complètement happé et entraîné dans ces longues histoires à suspense qui nous captivent jusqu'à la dernière page... jusqu'à l'ultime rebondissement. Cultivant une tension constante, chaque épisode est habilement construit, se concluant toujours de la manière la plus prenante qui soit, avec une accélération de l'intrigue qui requiert beaucoup de volonté de la part du téléspectateur pour ne pas se précipiter sur l'épisode suivant.

Le fait de ne compter que 10 épisodes, par rapport aux 20 de la saison 1, n'est pas préjudiciable. Non seulement parce que cela permet de maintenir un rythme toujours vif, parfois haletant, qu'aucun temps mort ou scène de transition ne vient perturber, mais aussi parce que la complexité de l'intrigue demeure intacte. Nous sommes face à une histoire à multiples tiroirs, jouant admirablement sur les faux semblants, nous égarant avec application sur des pistes erronées et nourrissant nos soupçons à mesure que les réels enjeux se dévoilent et que le tableau d'ensemble se dessine. Cette quête vers la vérité se bâtit finalement tant sur une ambiance tendue et prenante, que grâce à la solidité du scénario. Si bien que si l'on acquiert bien avant la fin des certitudes quant à la résolution des meurtres, il est impossible de se détacher de Forbrydelsen 2. 

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Outre cette dimension de thriller à suspense qui reste sa marque de fabrique, Forbrydelsen 2 va adopter un parfum différent par rapport à sa première saison. C'est sans doute à cette capacité de se réinventer que l'on reconnaît une bonne série. La saison 1 avait mis l'accent sur le drame familial, explorant toutes les ramifications du meurtre d'une adolescente - et se plaçant notamment du point de vue des parents. L'enquête touchait à des thèmes classiques, de société, de moeurs, voire de psychologie d'un tueur. Dans la saison 2, Forbrydelsen bascule cette fois dans un thriller au parfum conspirationniste, avec en arrière-plan des enjeux politiques qui dépassent les simples querelles de personne pour prendre l'allure de potentiels scandales d'Etat. Il y a ici moins de place pour l'émotionnel. Les recettes invariables du polar noir sont appliquées à un nouveau cadre : la guerre en Afghanistan, le fondamentalisme religieux, et plus globalement toutes ces craintes qui agitent les démocraties occidentales post-11 septembre.

L'intrigue est très ancrée dans la société danoise de son époque, avec les peurs et les préjugés qui peuvent la traverser, comme en témoigne l'importance prise par la législation de lutte contre le terrorisme en discussion. Car les ramifications de l'enquête se répercutent cette fois dans la sphère politique nationale : jusqu'où peut-on - ou plutôt, doit-on - sacrifier la liberté - d'association, notamment - au nom de la protection de la société ? L'imbrication de toutes les sous-intrigues avec le fil rouge que représente cette suite de meurtres sanglants de militaires - l'avocate n'étant que la première victime - est menée d'une main de maître. Les répercussions des décisions de chacun des protagonistes sur l'avancée générale vers la vérité sont toutes aussi habilement traitées, la série conservant toujours une homogénéité narrative en plus de sa tension. Du côté des personnages, parce qu'elle est la seule que nous connaissons déjà - outre Brix -, Sarah Lund est, encore plus que dans la saison 1, le point de repère du téléspectateur. C'est d'autant plus vrai que les évènements d'il y a deux ans l'ont profondément marquée et placée un peu à part par rapport à ses confrères. De plus, les nouveaux personnages ont moins de consistance que la saison passée, peut-être parce que la durée plus courte ne permet pas de les développer suffisamment, et donc marquent moins.

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Sur la forme, Forbrydelsen est fidèle à elle-même. La série privilégie toujours cette atmosphère de polar sombre caractéristique, accentuée par les scènes nocturnes ou le temps pluvieux de Copenhague. La réalisation se calque parfaitement sur cette atmosphère, avec une caméra qui épouse les tensions de chaque scène, qu'il s'agisse de confrontation nécessitant un cadre serré ou pour capturer l'ambiance plus morbide d'une scène de crime par des plans beaucoup plus larges. Le thème musical demeure également inchangé ; et c'est toujours avec un petit frisson que se conclut chaque épisode sur ce rythme musical entraînant, avec la tension intacte qui transparaît de ces quelques notes, semblable à une invitation à immédiatement lancer le suivant.

Enfin, Forbrydelsen bénéficie une nouvelle fois d'un casting d'ensemble convaincant. Ne restent de la première saison que Sofie Gråbøl (Nikolaj og Julie), absolument magistrale pour incarner une Sarah Lund toujours aussi intense, et Morten Suurball qui demeure son supérieur hiérarchique. On retrouve aussi d'autres têtes connues des lecteurs de ce blog, puisque le partenaire de Sarah Lund est incarné par Mikael Birkkjær (qui joue l'époux de Birgitte Nybord dans Borgen). A leurs côtés, tous les acteurs se montrent des plus convaincants dans leurs rôles respectifs, qu'il s'agisse de Nicolas Bro (Hjerteafdelingen), Charlotte Guldberg, Preben Kristensen, Ken Vedsegaard (Maj & Charlie, Krøniken), Stine Prætorius, Flemming Enevold (Edderkoppen), Carsten Bjørnlund (Pagten), Lotte Andersen (Edderkoppen), Kurt Ravn ou encore Jens Jacob Tychsen.

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Bilan : Toujours dotée de cette faculté rare pour cultiver un suspense prenant et constant jusqu'au dernier twist de son intrigue, basée sur un scénario à tiroirs admirablement maîtrisé, Forbrydelsen réussit dans cette saison 2 à conserver tous les ingrédients qui font sa force, tout en sachant investir de nouvelles thématiques traitées avec beaucoup d'efficacité. Le téléspectateur se laisse captiver par ce polar addictif, ambitieux par ses ramifications, mais suffisamment sobre pour que le récit demeure très bien maîtrisé.  


NOTE : 8,75/10


La bande-annonce de la saison :

03/04/2011

(DAN) Forbrydelsen (The Killing), saison 1 : un polar captivant incontournable

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En ce premier dimanche d'avril, My Télé is Rich! met le cap vers le nord de l'Europe pour une fiction que j'avais déjà eue l'occasion d'évoquer brièvement lors d'un jour du TV Meme. Pour une première excursion dans le petit écran danois, je pouvais sans doute difficilement mieux tomber que sur cette série qui m'aura tenu en haleine pendant presque deux mois, rythmant chacun de mes week-end. Plus que tout, la saison 1 de Forbrydelsen aura réveillé en moi la fièvre du feuilletonnant nerveux et addictif, un genre dont j'avais un peu oublié la saveur ces dernières années.

Datant de 2007, la série est toujours en cours de production au Danemark : la saison 2 a été diffusée en 2009, et une saison 3 est annoncée pour l'an prochain. De plus, ce soir débute aux Etats-Unis le remake attendu, The Killing. Mais même si AMC apparaît comme une valeur relativement sûre pour diffuser ce type de fiction, je suis contente d'avoir eu l'occasion de savourer la version d'origine de cette histoire policière qui aura su captiver tout au long des vingt épisodes qui la composent. Ma curiosité - et mon appétit - pour les séries scandinaves étant désormais aiguisé, j'espère que d'autres séries suivront (Arte a bien acheté les droits de Borgen par exemple).

[A noter : La review qui suit est garantie sans spoiler sur la résolution de l'intrigue.]

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Se déroulant en tout sur une vingtaine de jours seulement, la saison 1 de Forbrydelsen a pour cadre la ville de Copenhague. Elle s'ouvre sur le pot de départ de la détective Sarah Lund qui s'apprête à vivre un dernier jour de travail au sein de la police danoise, avant d'être transférée en Suède où elle doit rejoindre, avec son fils, son fiancé. Mais si son remplaçant, Jan Meyer, arrive bien comme prévu afin de partager avec elle, sur le terrain, une journée du quotidien de l'unité, l'affaire qui débute ce jour-là, sous leur garde, va bouleverser tous les plans pré-établis.

En effet, la disparition d'une jeune fille de 19 ans, Nanna Birk Larsen, acquiert une dimension criminelle particulière lorsque son cadavre est retrouvé dans le coffre d'une voiture. Violée et battue, elle a été abandonnée vivante dans ce compartiment pour y mourir noyée. En dépit de ses réticences, Sarah Lund se voit alors confier la direction d'une enquête qui s'annonce compliquée. Non seulement parce que, comme toute adolescente, la vie de Nanna comportait son lot de secrets, mais aussi parce que l'investigation va conduire les policiers jusqu'au centre du pouvoir politique local, la mairie de Copenhague en pleine effervescence électorale, prise dans une lutte des ambitions et des égos où tout est permis - et où faciliter une simple enquête policière apparaît loin d'être une priorité.

Forbrydelsen nous plonge ainsi dans une enquête complexe, entrecoupée de fausses pistes, où chacun cache une part d'ombre et de non-dits et où le meurtrier a finalement tissé une toile de faisceau d'indices bien difficiles à interpréter. L'entêtement de Sarah Lund suffira-t-il à démêler et à s'extraire des faux-semblants ? Et surtout, quel sera le prix de la vérité ?

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Le premier atout de la série va résider dans sa capacité à exploiter son caractère feuilletonnant de manière extrêmement bien maîtrisée. Tranchant avec les procedural show policiers formatés sur une durée trop brève pour redonner au polar ses lettres de noblesse, c'est une seule et même enquête qui va occuper les vingt épisodes que comporte la saison 1 de Forbrydelsen. Se construisant sur une narration où la tension demeure constante, la série va prendre le temps d'explorer avec méthodes toutes les conséquences et les facettes du meurtre de Nanna Birk Larsen, nous entraînant dans les errances et méandres d'une enquête qui se doit de traiter toutes les pistes envisageables. L'intensité ne se dément pas, mais fluctue de manière crédible, rythmée par les brusques avancées mais aussi par les piétinements des policiers. Demeurant toujours homogène (ce qui est remarquable vu sa longueur), la narration est bien huilée et dénote un savoir-faire indéniable : chaque fin d'épisode nous laisse invariablement en suspens, si bien que réussir à se retenir de lancer l'épisode suivant dans la foulée se transforme en véritable test de maîtrise de soi.

Car voilà bien un sentiment dont j'avais un peu oublié le parfum et que Forbrydelsen aura réveillé de la plus convaincante des manières : l'effet addictif et grisant que peut provoquer un arc sur lequel toute une saison est construite. Cette série est en fait très semblable, par sa capacité constante à se complexifier et à retenir l'attention du téléspectateur, à ces romans policiers qui se dévorent d'une traite, ces polars noirs que vous commencez un soir et dont les pages se tournent avidement, chaque fin de chapitre (à la manière des fins d'épisodes de Forbrydelsen) étant une invitation à poursuivre plus avant une intrigue dont on ne peut plus se détacher avant d'être arrivé au bout. Le parallèle avec ce genre littéraire pourrait a priori sembler étonnant puisqu'il s'agit d'une série télévisée, mais le téléspectateur retrouve de manière frappante les mêmes ingrédients utilisés dans la construction scénaristique suivie, avec ses poussées d'adrénaline, ses fausses pistes évidentes et ses non-dits qui jouent peu à peu sur la paranoïa des protagonistes comme du téléspectateur.

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Extrêmement prenante, Forbrydelsen nous réconcilie ainsi avec un genre policier qui se décline assez peu, au petit écran, sous ce format feuilletonnant le plus poussé. Mais sa capacité à nous tenir en haleine n'est pas son seul attrait. C'est un polar au sens complet et noble que la série va proposer. En effet, en nous faisant suivre les conséquences de l'affaire Nanna Birk Larsen, elle s'ouvre à une multiplicité de points de vue et de remises en perspective qui l'enrichissent considérablement. Certes, l'enquête conduite par Sarah Lund demeure centrale, mais ses thématiques sont très larges. Elle nous glisse en effet également au côté des parents de la victime qui doivent non seulement faire face à la mort de leur fille aînée, mais aussi à ce jeu éreintant des spéculations et des soupçons policiers si changeants. De plus, Forbrydelsen nous introduit dans les coulisses de la scène politique locale : tandis que les enquêteurs s'interrogent sur les liens de la victime avec la mairie, l'affaire va être aussi un prétexte pour s'engouffrer dans des jeux de politique politicienne dont les intérêts ne recoupent pas toujours ceux d'une police sur laquelle s'exerce des pressions contradictoires. Cela complexifie d'autant l'investigation.

De plus, outre la richesse de son cadre, la série marque également par la dimension humaine, plus psychologique, qu'elle investit. Ne s'effaçant jamais devant le fait divers mis en scène, elle s'intéresse sincèrement à ses protagonistes. A mesure que l'enquête progresse et se fait plus éprouvante, le portrait de ces derniers se nuance, les apparences se craquellent et les failles apparaissent. Car ce meurtre va non seulement happer chacun, mais surtout les ronger peu à peu de façon quasi inexorable. Nous entraînant dans une spirale de plus en plus obsédante de quête du coupable, le récit se dote d'accents très authentiques : de l'obstination inflexible d'une Sarah Lund qui en perd peu à peu le sens des priorités dans sa vie, au travail de deuil si difficile de la famille de Nanna qui doit, en dépit de tout, continuer à vivre et à aller de l'avant, en passant par les doutes d'un Troels Hartmann qui voit ses certitudes s'étioler, s'efforçant d'arbitrer maladroitement entre exploitation électoraliste et aide à la police. C'est finalement un glissement vers la part sombre de chacun qui s'opère au fil de la série, avec une justesse fascinante pour un téléspectateur se laissant à son tour gagner par cette ambiance oppressante.

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Polar prenant, presque source d'obsession sur le fond, Forbrydelsen se révèle toute aussi convaincante sur la forme. D'une neutralité bienvenue, la réalisation opte pour une efficacité sobre, sans effet de style particulier. L'image est mise au service de l'intrigue, les angles choisis par une caméra parfois nerveuse sachant quand il le faut aiguiser les suspicions d'un téléspectateur, sans pour autant verser dans un suggestif excessif. Par ailleurs, il faut également saluer une bande-son présente sans être envahissante, composée de morceaux intrumentaux parfaitement adéquats. C'est surtout la musique de clôture de chacun des épisodes, transition captivante qui s'impose comme le symbole de la continuité narrative et de ce registre de feuilletonnant addictif.

Enfin, Forbrydelsen bénéficie d'un solide casting qui achève d'asseoir la crédibilité de l'ensemble, chacun sachant retranscrire la progressive transformation des personnages et le tournant que ces quelques jours vont faire prendre à leurs vies. Leurs jeux, tout en sobriété, permettent de construire avec beaucoup de justesse la tension qui s'installe. Retenons quelques noms pour des excursions téléphagiques danoises futures, parmi lesquels Sofie Gråbøl, Søren Malling, Lars Mikkelsen, Bjarne Henriksen, Ann Eleonora Jørgensen, Marie Askehave, Michael Moritzen, Nicolaj Kopernikus, Bent Farshad Kholghi.

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 En résumé : laissez-vous happer par ce polar venu de l'Europe du Nord.

Qui a tué Nanna Birk Larsen ?

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Bilan : Toujours captivante, parfois proprement haletante, Forbrydelsen est une fiction ambitieuse tant par la multiplicité des points de vue adoptés et des thématiques développées autour du meurtre qui constitue son coeur, que par sa construction narrative, feuilletonnante à l'extrême. Polar noir inspiré qui s'inscrit dans la plus belle tradition de ce genre, l'histoire met son format de série télévisée - avec une longueur qui aurait pu effrayer plus d'un scénariste - au service d'une intrigue complexe, qui sait prendre son temps sans que son rythme d'ensemble n'en souffre jamais. Si elle connait des moments plus intenses, elle impressionne cependant par son homogénéité globale : du premier au dernier épisode, c'est un arc narratif parfaitement maîtrisé, avec un début, des doutes et une résolution finale qu'elle va nous relater.

Pour toutes ces raisons, Forbrydelsen est une série à découvrir. Une de ces expériences téléphagiques qui se vivent et se savourent pleinement, renouvelant les fondements et la vitalité des productions du petit écran. C'est ce qu'on appelle une incontournable...


NOTE : 9/10


La bande-annonce de la série (Arte / VF) :


A re-écouter - Des extraits de la bande-son musicale :


19/03/2011

[TV Meme] Day 29. Current TV show obsession.

Après s'être replongé dans le passé la semaine dernière, pour cet avant-dernier jour du TV Meme, c'est dans le présent que nous repartons. Notons quand même que le terme "obsession" est sans doute un peu disproportionné ;  en grandissant, à mesure que l'on gagne en expérience et en recul sur les productions que l'on voit, à l'emballement des premières découvertes du temps de l'adolescence, succèdent des impressions toujours aussi passionnées, mais quand même plus nuancées.

Réfléchir à ce jour du TV Meme, ça a été l'occasion de dresser un état des lieux des séries actuellement visionnées et/ou en cours de production. Quelle est donc la fiction qui se rapproche le plus de cette fascination prenante que seule la sériephilie parvient à faire naître en moi ? Celle dont j'ai une envie irrépressible de lancer l'épisode suivant lorsque le générique de fin retentit ? Celle, surtout, qui me fait me torturer les méninges en guise de debriefing sitôt l'écran éteint ?

J'avoue n'avoir pas vraiment hésité sur ma réponse : il y a en ce moment dans mes programmes une oeuvre particulière qui s'impose en effet naturellement.

C'est une série dont j'ai commencé le visionnage de la saison 1 au début du mois de février. Elle date de 2007. J'avais raté sa diffusion française au printemps dernier sur Arte. Comme j'hésitais à attendre le remake américain prévu sur AMC le mois prochain,  BBC4 aura finalement eu la très bonne idée de la programmer pour sa soirée du samedi (avec succès) depuis le 22 janvier 2011, à raison de deux épisodes par semaine. Cela a en plus eu l'avantage de m'offrir la possibilité de la voir en VOST. Si bien qu'en dépit du logo ornant les screen-captures ci-dessous, la série du jour n'est pas anglaise, mais bien danoise : il s'agit de Forbrydelsen (The Killing).

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Qui a tué Nana Birk Larsen ? Voilà la question autour de laquelle tourne ma téléphagie depuis plusieurs semaines. Forbrydelsen, c'est un vrai polar au sens classique et noble du terme. Le genre qui vous fascine et vous obsède. Loin du préformatage des procedural show, c'est la résolution d'une seule et même affaire qui va nous occuper pendant les 20 épisodes que compte cette première saison. Multipliant les points de vue, des enquêteurs à la famille de la victime, mettant en scène les confrontations d'intérêts si divergents qui nous conduisent à nous immiscer jusque dans le jeu politique local et des élections municipales qui se profilent, Forbrydelsen est une série captivante qui se nourrit des fausses pistes sur lesquelles elle nous entraîne.

Semblable à ces polars noirs desquels on ne peut se détacher avant d'avoir lu la dernière page, elle s'inscrit dans la tradition policière de ces fictions venues du froid des pays scandinaves. D'une sobriété et d'une rigueur jamais prise en défaut, elle installe une atmosphère bien à elle, vaguement dépaysante de par son cadre géographique et culturel. Elle parvient à retranscrire une tension palpable sans jamais verser dans la moindre surenchère, distillant patiemment, et tellement efficacement, un mystère qui va croissant.

Si le format des séries feuilletonnantes leur confère logiquement une portée et un impact autrement plus important, cela faisait des années que je n'avais pas été ainsi happée devant mon petit écran pour un même fil rouge aussi intensément vécu. Actuellement, j'ai tout juste dépassé la moitié de la saison 1 ; et Forbrydelsen s'est imposée ces dernières semaines comme mon rituel téléphagique dominical. Je savoure chaque week-end ma progression dans cette histoire dont la complexification ne semble pas avoir de fin, bénéficiant d'une maîtrise narrative impressionnante (Soit dit en passant, je préviens que je ferais s'abattre le marteau de Thor sur quiconque osera laisser traîner le moindre spoiler en commentaire de ce billet).

Je vous en reparlerai plus précisément ultérieurement pour un bilan d'ensemble, une fois ce visionnage achevé. Mais si vous n'y avez pas encore goûté, n'hésitez pas une seule seconde, vous ne regretterez pas l'expérience ! (Et puis, cette série a aussi conforté mes envies d'exploration des séries scandinaves.)

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