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24/02/2013

(FR) Les Rois Maudits : "the original game of thrones"

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La saga littéraire de Maurice Druon a été qualifiée par George R.R. Martin, comme "the original game of thrones" : "Iron kings and strangled queens, battles and betrayals, lies and lust, the curse of the Templars, the doom of a great dynasty – and all of it (well, most of it) straight from the pages of history, and believe me, the Starks and the Lannisters have nothing on the Capets and Plantagenets." Publiés dans les années 50, comprenant six tomes initialement - un septième et dernier se rajoutera en 1977 -, ces livres ont fait l'objet de deux adaptations à la télévision française. Je ne m'étendrai pas sur la dispensable plus récente, datant de 2005, et vais m'arrêter aujourd'hui sur la première.

Diffusée du 21 décembre 1972 au 24 janvier 1973 sur la deuxième chaîne de l'ORTF (c'est donc l'occasion de poursuivre le cycle ORTF), Les Rois maudits est une mini-série qui compte six épisodes d'1h40 chacun environ. Réalisée par Claude Barma, d'après une adaptation de Marcel Jullian, elle est disponible en DVD depuis 2005. Avec sa mise en scène théâtrale, ses acteurs plus que convaincants et cette Histoire qu'elle romance si bien, elle fait partie de ces quelques séries que je re-visionne régulièrement avec un plaisir toujours intact. C'est généralement vers la fin de l'hiver que me prend l'envie de sortir mon coffret DVD. Cette année n'aura pas dérogé à ce visionnage quasi-rituel. Mais, cette fois, je me suis dit qu'il était grand temps que j'écrive quelques mots sur cette oeuvre !

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Les Rois maudits raconte à sa manière la fin du "miracle capétien", lequel avait, depuis 987, placé la couronne de France à l'abri des problèmes successoraux. La mini-série s'ouvre en 1314 avec la fin des procès menés contre l'Ordre du Temple, anéanti sept années auparavant par le roi de Fer. Jacques de Molay, dernier grand maître, est alors conduit sur le bûcher après de longues années de procédures menées par les légistes de Philippe le Bel. Ses derniers mots seront une malédiction qui va résonner tout au long des six épisodes et servir de fil rouge à l'ensemble de l'histoire. Avant un an, il cite à comparaître devant le tribunal de Dieu les désignés responsables de la chute de son ordre et les maudit sur treize générations. Le pape Clément V et Philippe le Bel trépassent dans les mois qui suivent. Le roi de Fer a alors trois fils adultes, mais aucun petit-fils, et des brus infidèles qui, à défaut d'héritier mâle, offrent aux princes - pour deux d'entre elles - une paire de cornes.

De 1314 à 1337, la mini-série suit les intrigues des puissants et autres jeux de cour létaux qui vont précipiter les royaumes de France et d'Angleterre dans ce que l'on appellera la "Guerre de Cent Ans", dernier acte d'un conflit commencé deux siècles auparavant, lorsqu'une duchesse d'Aquitaine, par ailleurs épouse du roi de France, s'était éprise d'un Plantagenêt qui allait devenir roi d'Angleterre. Parmi les complots et les vengeances ourdis dans les coulisses du pouvoir, on suit tout particulièrement les manigances de Robert d'Artois, tout entier consacré à sa revanche contre sa tante Mahaut face à laquelle il a perdu son procès en héritage. De 1314 à 1328, les trois fils de Philippe le Bel se succèdent, sans laisser aucune descendance mâle. Les règles successorales se forgent face aux périls. Le principe de l'exclusion des femmes posé à la mort de Louis le Hutin est complété en 1328 du principe d'exclusion des descendants par les femmes, rejetant hors du trône celui qui était le plus proche parent du dernier roi... et qui avait contre lui de porter déjà une autre couronne, celle de l'Angleterre.

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Mené sans temps morts, Les Rois Maudits n'a pas son pareil pour romancer deux décennies d'intrigues de palais. Les complots et les assassinats s'y enchaînent ; les vengeances s'y trament ; et les alliances se concluent au gré des rapports de force et des opportunités. L'ensemble est présenté comme un vaste engrenage létal vers la Guerre de Cent Ans. On assiste à une partie d'échecs qui voit les rois tomber les uns après les autres, victimes pour certains de la main des hommes, pour d'autres de celle du destin. La malédiction de Jacques de Molay traverse ainsi le récit en y trouvant une résonnance particulière. Chaque épisode est consacré à un roi : en France, à partir de 1314, succèdent ainsi à Philippe IV le Bel, Louis X, Jean Ier (le Posthume) pour quelques jours, Philippe V, Charles IV et, enfin, Philippe VI, prenant le relais des Capétiens directs. L'Angleterre n'est pas en reste avec le renversement d'Edouard II, puis l'avènement du jeune Edouard III qui écarte du pouvoir sa mère et son amant. Empruntant l'accent des grandes tragédies, la mini-série nous relate l'affrontement des puissants, avançant leurs pions pour servir leurs propres intérêts, et décrit comment se font et se défont les rois et les papes en ce début de XIVe siècle. Elle éclaire aussi le rôle de gens de naissance plus humble, des banquiers Lombards, qui, par leur proximité avec le pouvoir, se retrouvent aussi au coeur des intrigues.

Par-delà les ambitions, les égos et le sort qui semble devoir s'acharner sur ces derniers Capétiens directs, ce sont surtout l'antagonisme de deux figures et la haine qu'elles se vouent, qui vont attiser les flammes du conflit à venir. Tout tourne ici autour d'une autre querelle de succession, où aucune couronne royale n'est en jeu, celle de l'Artois. Robert et Mahaut se disputent âprement ce comté. Ou plutôt, ayant perdu le procès mené contre sa tante qui apparaît plus en cour que jamais, Robert, s'estimant spolié, s'active en coulisses pour la perdre. C'est ainsi que tout débute par une première machination qui va contribuer aux problèmes de descendance des fils de Philippe le Bel. Car Mahaut a marié deux de ses filles aux princes. Mais, en 1314, Robert vole vers l'Angleterre et la reine Isabelle afin d'exposer au grand jour les infidélités des princesses insouciantes. Dans les turbulences et les déchirements qui suivront, dès que l'un choisira un camp, l'autre embrassera immédiatement celui adverse pour s'affairer à anéantir les projets de son opposant. Leurs joutes oratoires resteront toujours particulièrement jubilatoires. Et cette obsession pour l'Artois les perdra tous deux, car ils refuseront jusqu'au bout obstinément la moindre concession, même celles ordonnées par des rois. Ironiquement, ils trépasseront des armes dont ils ont usé et abusé, le poison pour l'une, la guerre pour l'autre. Ils s'éteignent ainsi comme s'embrase le conflit qu'ils auront contribué à faire naître, dernier acte et chute-transition parfaite de la tragédie qu'ils auront façonnée.

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Bénéficiant d'une histoire d'envergure, captivante sur le fond, une partie du charme des Rois Maudits repose également sur la manière dont Claude Barma a su composer avec les contraintes matérielles. Si la mini-série est une fresque épique, son décor est minimaliste, se composant de teintures peintes en arrière-plan. Aucun paysage, aucun extérieur n'est filmé. L'ensemble tient en réalité d'une vraie pièce de théâtre, assumant cette mise en scène jusque dans la manière dont les tableaux s'agencent et se jouent devant la caméra, avec des personnages s'avançant ou se fondant en arrière-plan, voire s'expliquant parfois directement face à la caméra. La mini-série n'en conserve pas moins toute l'intensité des enjeux relatés. Pour accompagner sa narration, elle bénéficie d'une bande-son composée par une référence en la matière, Georges Delerue, qui saura proposer un thème principal notamment particulièrement adéquat (cf. la deuxième vidéo ci-dessous). Et surtout, la force des dialogues et le cinglant des répliques, jamais pris en défaut, reposent sur un grand casting qui sait retenir justement toute l'attention, se sublimant et habitant les rôles qui leur sont confiés.

La grandiloquence d'un Jean Piat magnétique en Robert d'Artois resteront longtemps gravés dans la mémoire du téléspectateur ; mais il faut reconnaître que ce sont tous les acteurs qui sont au diapason et qui défilent au rythme des tragédies. Face à Jean Piat, se tiendra presque jusqu'au bout Hélène Duc, une Mahaut sèche et autoritaire, rivale d'envergure dans l'art des complots. Louis Seigner interprète Tolomei, homme d'affaires si au fait des secrets des hauts dignitaires du royaume. On retrouve également Jean-Luc Moreau, jeune Lombard qui côtoiera bien des puissants, et Catherine Rouvel, en inquiétante empoisonneuse. Philippe le Bel est joué par Georges Marchal, tandis que ses enfants le sont respectivement par Georges Ser, José-Maria Flotats, Gilles Béhat et Geneviève Casile, la si froide Louve de France. Parmi leur entourage, Jean Deschamps incarne l'intriguant frère cadet de Philippe le Bel, tandis que les brus de ce dernier sont jouées par Muriel Baptiste, Catherine Rich et Catherine Hubeau. La liste serait encore longue à égréner, retenez donc seulement ceci : l'attrait des Rois Maudits doit beaucoup à l'interprétation de chacun, et à la force qu'ils mettront dans leurs répliques et confrontations.

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Bilan : Fresque historique soignée autant que tragédie du pouvoir, Les Rois Maudits est une mini-série captivante et fascinante, rythmée par des jeux de trônes létaux, où complots, morts et alliances se succèdent. Nous racontant la fin du "miracle capétien" avec en arrière-plan la pesante menace que fait planer la malédiction lancée de son bûcher par le grand maître de l'Ordre du Temple, elle romance l'Histoire - s'octroyant les libertés qu'il convient - avec un souffle narratif et tragique jamais pris en défaut. Portée par un grand casting, cette fresque adopte la rigidité, mais aussi le charme, d'une mise en scène théâtrale qui n'amoindrit en rien la force de son récit. En résumé, voilà du très grand art.

Les Rois Maudits reste une oeuvre incontournable du petit écran français.


NOTE : 9/10


L'introduction du premier épisode et un extrait :


Le thème principal de la série :

22/02/2013

(UK) My Mad Fat Diary, saison 1 : un portrait sincère, drôle et touchant, d'adolescence

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Cela fait plusieurs années que je ne m'installe plus spontanément devant une série mettant en scène des adolescents. Je me dis que ce ne sont plus vraiment des thèmes qui me parlent. Pourtant cela peut être un tort (l'an dernier, Answer me 1997 l'avait parfaitement illustré). Heureusement je ne demande qu'à me tromper. C'est donc sur vos (judicieux) conseils que j'ai lancé la première saison de My Mad Fat Diary, qui sur le papier me faisait un peu penser à un autre teen-drama loin d'être déméritant, Huge.

Diffusée sur E4 depuis le 14 janvier 2013, la série s'est achevée lundi dernier en Angleterre. Adaptée d'un roman de Rae Earl, intitulé My Fat, Mad Teenage Diary, la première saison compte 6 épisodes. Une seconde saison a d'ores et déjà été commandée. Visionnée en quelques jours, My Mad Fat Diary a été une des belles découvertes de ma semaine, dressant un portrait d'adolescence dont l'équilibre interpelle : à la fois poignant et drôle, direct et excessif, réaliste et idéaliste... Une de ces fictions profondément attachantes que l'on quitte avec regret.

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My Mad Fat Diary se déroule dans une petite ville du Lincolnshire, en 1996. Elle nous invite à suivre Rae, une adolescente de 16 ans que le mal-être et la dépression ont presque conduit à commettre l'irréparable. Au cours du pilote, on assiste à sa sortie de l'institut psychiatrique où la jeune fille vient de passer plusieurs mois hospitalisée. Elle laisse là-bas son amie Tix et doit retourner dans le monde, retrouvant notamment une mère avec laquelle les rapports restent difficiles. Parmi ses connaissances, nul ne connaît les réelles causes de son absence, un voyage en France ayant été inventé comme excuse par sa mère.

Par hasard, Rae recroise sa plus ancienne et meilleure amie, Chloe, qu'elle a progressivement perdu de vue au cours de l'année difficile qu'elle vient de vivre. Chloe s'est constituée autour d'elle un groupe d'amis soudés, avec Izzy, Archie, Chop et Finn. Elle invite Rae à entrer dans leur cercle. Enthousiaste et volontaire à l'idée de s'intégrer dans ce groupe d'adolescents qui lui paraissent si "normaux", cette dernière va apprendre beaucoup sur elle-même, sur l'amitié, mais aussi l'amour à leur contact. Pour emprunter la voie de l'acceptation de soi et de la guérison ?

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La force de My Mad Fat Diary est de savoir toucher le téléspectateur comme peu de fictions en sont capables, grâce à une héroïne qui, par ses doutes et par ses questionnements, parle à tout un chacun, écho de nos propres incertitudes. Semblable à un journal intime qu'on feuilletterait, la série nous glisse dans la tête de Rae, laissant une large place à ses commentaires et à ses impressions. Nous faisant ainsi partager son point de vue, toujours spontané, souvent excessif, parfois très cru, la fiction propose un traitement brut et sans détour de thématiques d'adolescence. Là où la série se démarque, c'est dans le portrait qu'elle propose de Rae : au-delà des interrogations propres à son âge, c'est une adolescente qui tente de se reconstruire. Son mal-être s'est mué en une haine d'elle-même, sur laquelle pèse tout le poids d'une dépression qui ne le lui laisse aucune issue. My Mad Fat Diary aborde la maladie de Rae avec une tonalité et une approche semblable à ses autres problématiques adolescentes (amour, sexe, amitié). La série conserve toujours un dynamisme communicatif, capable de se montrer drôle et légère, sans occulter des passages douloureux et poignants. C'est une série très vivante, très humaine, qui, à l'image de ses personnages, se révèle haute en couleur.

De manière générale, My Mad Fat Diary mise également sur la diffuse authenticité qui transparaît des dynamiques qu'elle met en scène. D'aucuns parleraient de réalisme, pourtant, si elle se révèle si attachante, c'est surtout par un certain idéalisme. L'enjeu de la saison est, pour Rae, d'apprendre à s'accepter elle-même, pour accepter les autres. Il n'est sans doute pas d'épreuve plus intime et difficile que celle-ci. Au cours de ce cheminement, Rae redécouvre l'amitié, mais aussi tous les espoirs et autres aspirations d'une adolescente de son âge qui vient de passer plusieurs mois coupée de tout. Elle s'intègre peu à peu à une bande de jeunes qui, si on y retrouve toutes les caractéristiques propres à un groupe d'adolescents, l'accueille avec un naturel assez touchant. Par-delà ses craintes et ses besoins, Rae s'ouvre à leur contact. Les épreuves et les péripéties qu'elle va traverser au cours de cette saison ne sont pas toujours parfaitement dosées. Beaucoup sont aussi des classiques du genre au parfum de déjà vu, rappelant que My Mad Fat Diary reste dans la logique des teen-drama. Mais la série ne se départira jamais de sa saveur toute particulière : tandis que Rae fait chuter des barrières qui semblaient si infranchissables, le coeur du téléspectateur se serre et se réjouit. Tout simplement parce que s'esquisse sous nos yeux un portrait sincère, d'une vraie justesse, qui trouve un écho en chacun de nous.

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Sur la forme, My Mad Fat Diary adopte une réalisation très dynamique, avec une caméra qui fait ressortir une relative proximité avec les personnages. L'ensemble sied parfaitement au ton particulier de la série. Fidèle à l'approche narrative du récit qui reste le "journal de Rae", elle introduit en plus à l'image des dessins et autres gribouillages qui défilent et se rajoutent à l'écran : ils accompagnent et illustrent les confidence de l'héroïne, tout en nous permettant d'entrevoir un peu plus le monde de sa perspective. L'accompagnement musical achève de plonger le téléspectateur dans un bout d'adolescence des années 90, tout en restant bien dosé.

Enfin le casting se révèle à la hauteur, tout particulièrement Sharon Rooney autour de qui tourne la série. L'actrice sait susciter l'empathie du téléspectateur, notamment grâce à la manière et la tonalité avec laquelle elle partage avec nous toutes ses remarques sur sa vie. Son psychiatre est interprété par Ian Hart, et sa mère par Claire Rushbrook. Pour jouer les autres adolescents, avec leurs portraits quelque peu idéalisés, on retrouve Jodie Comer, Nico Mirallegro, Dan Cohen, Jordan Murphy et Ciara Baxendale.

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Bilan : Plus qu'un simple teen-show, auquel elle emprunte pourtant un certain nombre de thématiques classiques, My Mad Fat Diary est une série profondément humaine, drôle mais aussi touchante. Elle est une bouffée d'air frais dédiée à l'adolescence, avec les excès et les disproportions que tout acquiert à cet âge-là. Elle est aussi le portrait très juste et entier d'une héroïne, dont les incertitudes, le mal-être et la détresse parlent à tout téléspectateur. Elle est l'histoire d'une reconstruction personnelle, d'une redécouverte et d'un apprentissage de la vie qui ne laissent pas indifférents. Avec son écriture toujours sincère, par-delà ses quelques maladresses, elle mérite assurément l'investissement.


NOTE : 7,5/10


La bande-annonce de la série :

20/02/2013

(K-Drama) Sirius : trajectoires croisées fraternelles et fratricides de jumeaux

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Restons en Corée du Sud en ce mercredi asiatique ! La nouvelle saison des dramas special de KBS s'est ouverte le mois dernier avec une mini-série au synopsis intriguant : Sirius. Diffusé du 6 janvier au 27 janvier 2013, sur KBS2, ce drama compte 4 épisodes d'une durée oscillant entre 1h05 et 1h10 chacun. Basée sur un scénario de Won Ri Oh, et réalisée par Mo Wan Il, l'histoire relatée mélange plusieurs genres, entre le thriller et la confrontation familiale, ou plutôt fratricide. Laissant entrevoir dès le départ un potentiel certain, Sirius se suit sans déplaisir mais peut laisser quelques regrets : il n'aura pas rempli les promesses de ses débuts. Pour autant, ce récit disposant d'une vraie intensité émotionnelle aura été intéressant à suivre.

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Sirius relate les destins croisés de deux frères jumeaux dont les relations ont été rendues particulièrement compliquées par les épreuves que la vie leur a fait traverser. Préféré par sa mère, Eun Chang était un adolescent dynamique et populaire. A l'inverse, Shin Woo accumulait les difficultés, subissant notamment les brimades d'autres lycéens. Eun Chang s'en mêla. Tout finit en tragédie, avec la mort d'un des adolescents qui persécutaient Shin Woo. Eun Chang se rendit, condamné à une peine de prison tandis qu'il laissait Shin Woo et sa mère derrière lui.

Eloignés l'un de l'autre, ils virent les années passer, sans que leurs rapports ne s'améliorent. Leur mère mourut même avant que Eun Chang ne soit finalement libéré, victime d'une dépendance vers laquelle son chagrin l'avait conduite. Désormais adulte, Shin Woo a bien changé. Il est devenu policier et a entrepris une véritable croisade contre les trafiquants de drogue. De son côté, Eun Chang, une fois sorti, a décroché un job de livreur. La quête anti-drogue de Shin Woo va obliger les deux frères à faire le point sur leurs relations, et ce que chacun signifie pour l'autre...  

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Sirius n'est pas un thriller conventionnel, ni une simple chasse au gangster. L'intérêt du drama repose sur son exploration de la relation, à la fois fraternelle et fratricide, qui subsiste entre deux frères ne sachant pas se positionner l'un par rapport à l'autre. Ils ne se sont jamais ni vraiment trouvés, ni même compris. Les ressentiments et les complexes de Shin Woo, abandonné un temps à l'orphelinat et ayant toujours semblé dans l'ombre de son grand frère, n'ont cessé de grandir, même après l'emprisonnement de ce dernier, se muant en une colère froide, explosive. Quant à Eun Chang, il a vu sa vie brisée indirectement du fait de ce jeune frère revenu tardivement dans leur vie familiale, en intervenant dans un quotidien dont il aurait mieux fait de ne pas se mêler. Par-dessus tout ce passif, les préférences de leur mère n'ont fait que creuser un fossé devenu à l'âge adulte quasi-insurmontable.

Tout au long de ses quatre épisodes, Sirius va essayer de maintenir, de nuancer, mais aussi de jouer autour de l'ambivalence des rapports qu'entretiennent les deux frères. Même si l'écriture peine à aller au bout de ses idées, le téléspectateur n'en demeure pas moins intrigué par la manière dont est mise en scène et perdure une loyauté ambigue, très complexe, par-delà la détérioriation des liens qui les unissent. Shin Woo s'est endurci, et n'a plus besoin d'un grand frère protecteur qui n'a d'ailleurs plus les moyens de les défendre : une sorte d'inversion des rôles semble s'être opérée, mais elle n'empêche pas d'anciens réflexes de revenir. Les liens du sang demeurent, les engagements passés aussi. Toute cette dynamique de confrontation apporte à l'ensemble une dimension émotionnelle dont l'intensité permet d'occulter quelque peu les limites de fond de ce drama.

Car il faut reconnaître que si Sirius bénéficie d'un concept intriguant, la construction de son scénario ne va pas permettre d'exploiter de manière pleinement satisfaisante ces rapports tour à tour fraternels et fratricides. Manquant souvent de finesse et de subtilité, l'écriture n'est pas toujours des plus convaincantes, avec un rythme parfois haché et des dialogues aux lignes assez convenues. De plus, les développements de l'histoire l'enferment trop vite dans une simple chasse au trafiquant de drogue, où l'on retrouve une utilisation rapidement répétitive de différents ressorts narratifs ; ce qui pour un drama ne comptant que quatre épisodes est presque un comble, puisque le format aurait dû permettre d'éviter un tel écueil. Cela traduit sans doute un défaut de vision d'ensemble ou d'ambition de la part du scénariste qui laisse quelques regrets...

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Sur la forme, Sirius s'en sort plutôt honnêtement avec le budget et les moyens qui sont les siens. La réalisation est globalement correcte, même si la caméra peut se montrer un peu brouillonne, ne dosant pas toujours avec justesse la mise en scène. En guise de bande-son, le drama use et abuse d'un thème aux accents mélodramatiques qui a tendance à surgir un peu trop souvent, pour venir surligner plus que de raison certains passages poignants. On est loin du niveau de qualité formelle d'une référence en thriller parmi ces dramas special qu'a pu être White Christmas.

Enfin, côté casting, le drama repose en grande partie sur les épaules de Suh Joon Young (To the Beautiful You) qui a la lourde tâche de devoir interpréter devant la caméra deux personnages très différents, Eun Chang et Shin Woo. L'acteur ne démérite pas. Les limites de l'écriture troublant plus les lignes entre ces deux figures principales que son jeu qui, dans l'ensemble, parvient à donner vie à ces deux opposés qui ont considérablement évolué depuis leur adolescence (ce qui rend l'ensemble plus trompeur). A ses côtés, les autres acteurs n'ont que peu l'occasion de briller et viennent surtout contre-balancer ou révéler l'antagonisme des deux frères. On croise parmi eux notamment Ryu Seung Soo, Uhm Hyun Kyung, Jo Woo Ri, Shin Jung Geun, Baek Won Kil, Kim Sang Syu, Yun Je Woo ou encore Park Soon Chun.

 

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Bilan : Bénéficiant d'un concept intéressant au potentiel certain, Sirius repose surtout sur quelques très bonnes idées de départ avec un thème central fort : cette relation fraternelle, à la fois intangible mais tellement fragilisée, est un fil rouge, notamment émotionnel, solide qui retient l'attention du téléspectateur. Mais des limites d'écriture et notamment un certain plafonnement à mi-parcours, en ne parvenant pas à aller au bout des idées entrevues, empêchent la mini-série d'atteindre tout son potentiel. Néanmoins par-delà les regrets, l'expérience reste intéressante pour un drama special, et sa durée relativement brève permet de ne pas trop s'apesantir sur ces limites. Une fiction réservée aux curieux et amateurs du petit écran sud-coréen qui cherchent à diversifier les thèmes de leurs fictions.


NOTE : 6/10


La bande-annonce de la série :

17/02/2013

(Mini-série IRL) Prosperity (Prospérité) : chroniques humaines désillusionnées

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Au cours de ses balades européennes, My Télé is Rich! a eu l'occasion de poser ses valises dans de nombreux pays. Mais voilà plusieurs années que le blog n'était plus revenu en Irlande : depuis une review de la saison 1 d'une série qui demeure d'ailleurs la valeur irlandaise sûre actuelle, Love/Hate (il faudra un jour que je vous parle des saisons suivantes). Trois ans avant Love/Hate, RTÉ avait diffusé en septembre 2007 une mini-série d'un tout autre genre, Prosperity. Créée par Mark O'Halloran (à qui l'on doit notamment le film Adam & Paul, qui partage un personnage avec la série), et réalisée par Lenny Abrahamson, cette fiction comporte en tout 4 épisodes d'une cinquantaine de minutes chacun. Nommée en 2008 aux IFTA (Irish Film and Television Awards) où elle remporta deux prix, Prosperity est en ce mois de février 2013 diffusée sur Eurochannel. Comme toujours, le service de VOD de la chaîne (rendez-vous sur son site internet) devrait permettre aux curieux ne l'ayant pas sur leur télévision de tester par eux-mêmes cette série qui, par son sujet, trouve un écho très actuel.

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Proposant une suite de chroniques humaines, Prosperity adopte le format d'une anthologie, à la manière d'un Redfern Now par exemple en Australie l'automne dernier. Au cours de ces quatre épisodes, elle va nous raconter la journée de personnages très différents, qui n'ont rien en commun si ce n'est le fait qu'ils peuvent être amenés à se croiser dans leur quotidien.

Le premier épisode nous permet ainsi de faire la connaissance de Stacey, une adolescente de 17 ans, mère de famille. Venant d'un milieu défavorisé, elle vit actuellement dans un Bed & Breakfast faisant office de refuge d'urgence vers lequel les services sociaux l'ont orientée. A chaque épisode, de nouvelles thématiques seront abordées dans les portraits dressés : le deuxième épisode s'intéresse à Gavin, un adolescent de 14 ans souffrant de bégaiement en manque terrible de repères ; le troisième s'arrête sur Georgie, un père de famille d'une quarantaine d'année, au chômage, revenu vivre chez sa mère ; enfin, le dernier épisode met en lumière Pala, une jeune femme d'origine nigériane qui tente de survivre tout en espérant faire venir un jour son fils, resté au pays, en Irlande.

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Diffusée en 2007 avec pour ambition d'éclairer l'envers du miracle économique irlandais d'alors et son lot de laissés-pour-compte, Prosperity trouve aussi une résonnance particulière dans le contexte actuel. Au cours de ces quatre épisodes, armée d'une sobriété d'écriture qu'elle va toujours préserver, la mini-série met en scène des situations où prédominent misère, perte de repères et détresse humaine. La caméra s'immisce véritablement dans les vies de ces différents protagonistes, faisant office de témoin privilégié pour capturer un quotidien à la fois sombre et ordinaire. Se perçoit en filigrane la démarche de l'auteur : une volonté de réalisme, d'authenticité, pour parler d'une réalité que l'on préfère souvent oublier, ou reléguer loin de notre conscience. Ce parti pris rapproche Prosperity du documentaire : la narration y est abrupte, directe, refusant tout artifice. La mini-série ne romance pas une journée dans la vie de ces personnages, elle nous glisse dans ces existences, présentées sans fard, adoptant le rythme lent qui correspond tout simplement à celui de leurs vies.

Le visionnage se révèle plutôt éprouvant pour le téléspectateur qui ne peut rester indifférent : Prosperity est en effet une suite de portraits de personnages au bord du précipice. Au-delà d'un envers désenchanté, ce sont l'absence d'issue et l'impression de fatalité pesante qui marquent. Par exemple, dans le premier épisode, nous suivons la journée - qui semble véritablement interminable - de Stacey. Contrainte de quitter sa chambre au petit matin pour ne la réintégrer qu'en fin d'après-midi, elle erre, attendant simplement que le temps passe, naviguant entre la rue et le centre commercial, avec un détour par les services sociaux. La léthargie de l'adolescente, qui ne s'exprime que par monosyllabe, pèse sur tout l'épisode qui s'égrène avec la même lenteur que sa journée. Aucun des micro-évènements anecdotiques qui peuvent venir troubler ce quotidien désespérément plat ne semble avoir d'emprise sur Stacey. Elle cultive ses rêves inaccessibles d'un futur avec le père de son enfant, tout en ne renvoyant que l'image désillusionnée d'une existence sans issues.

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Cette recherche de proximité, de prise avec le réel, se retrouve sur la forme. Dans sa réalisation, Prosperity est une fiction qui privilégie la sobriété, qui n'hésite pas à user du silence et qui ne cherche jamais à édulcorer les passages qu'elle met en scène. Ambitionnant de trouver une certaine justesse grâce à ce type d'approche du quotidien, la série évite le misérabilisme, tout en apparaissant comme un témoignage qui entend faire réagir le téléspectateur.

Pour réussir cet objectif, il faut aussi noter que le casting est au diapason de cette tonalité particulière, souhaitant le naturel et l'authentique pour évoquer ces figures qui ont chacune leur expérience et leur vécu, à la fois égarée et touchante. Au fil des épisodes, on retrouvera d'abord Siobhan Shanahan, pour interpréter Stacey, puis Shane Thornton, Gary Egan et enfin Diveen Henry.

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Bilan : Il pèse sur Prosperity une lourde chape de désillusion que la cruelle ironie du titre de la mini-série ne fait qu'accentuer. Présentant des tranches de vie de personnes en marge de toute réussite sociale, laissés-pour-compte sans autre issue, elle dresse des portraits très humains, pessimistes, parfois douloureux, mais touchants aussi. Ces oubliés du miracle économique irlandais ainsi évoqués en 2007 ne sont pas juste des reflets de désespoir à Dublin ; cette mini-série est un miroir tendu vers nos sociétés actuelles bien au-delà de l'Irlande. C'est aussi pour cela que cette chronique sociale n'est pas d'un visionnage facile, mais que ce dernier se révèle en tout cas mérité.


NOTE : 6,75/10


La bande-annonce de la mini-série :

10/02/2013

[Blog] Petite pause d'une semaine (Billet joker)

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Joker ! Comme je vous l'avais annoncé il y a quelques mois lors d'un point blog, voici un billet "parenthèse" qui est sans doute amené à se reproduire plus fréquemment cette année : ces moments où ma vie professionnelle s'emballe trop pour arriver à ménager quelques temps (et forces) pour rédiger une review. Je vous préviens donc de ce petit hiatus jusqu'au week-end prochain (ou peut-être un billet un peu avant si jamais je sais me montrer efficace !).

Conséquence de ce rush dans lequel la semaine écoulée a disparu, mes programmes de ces derniers jours ont été bien réduits. Parmi les points notables, j'ai retrouvé avec plaisir les débuts de la saison 5 (et désormais officiellement dernière !) de Being Human. La série signe un premier épisode convaincant et solide, totalement dans l'esprit de la série. Sinon, outre-Atlantique, j'ai pris mes quartiers sur FX pour Justified et The Americans. Par ailleurs, depuis la fin du mois de janvier, j'ai aussi eu l'occasion de regarder une mini-série irlandaise, Prosperity, actuellement diffusée sur Eurochannel : une oeuvre particulièrement désillusionnée, proposant quelques tranches de vie qui ne laissent pas indifférentes (je vous en reparlerai). Dans la colonne "à voir", il me reste encore à lancer le dernier Poliakoff, Dancing on the edge, en espérant ne pas être déçue. Et puis, forcément, il y a la série dont sont tirées ces screen-captures qu'il faudra bien évoquer à un moment donné, n'est-ce pas ? (Et pas juste discuter sur sa réception à la suite du billet sur la version originale anglaise) Oui, je veux bien entendu parler de House of Cards. En nouveautés, mes affinités néo-zélandaises sauront-elles résister au pilote de The Blue Rose ? Rien n'est moins sûr. En Asie, malgré des échos mitigés, les premiers épisodes d'Incarnation of Money m'attendent. Je souhaite aussi revenir aux dramas specials avec Sirius.

Bref, ce n'est pas le manque de matière qui provoque ces quelques jours de hiatus, loin s'en faut ! Ce début d'année est même assez enthousiasmant. Et vous, chers lecteurs, quelques chaudes recommandations de votre côté ?   

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18:25 Publié dans (Blog) | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : blog |  Facebook |