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24/08/2013

(UK) The Field of Blood : The Dead Hour, saison 2 : enquête écossaise et journalisme sous Thatcher


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Deux ans après sa première saison, The Field of Blood était de retour sur BBC1 en ce mois d'août 2013. Pour cette saison 2, la série adapte le deuxième tome des enquêtes de Paddy Meehan, The Dead Hour, publié en France sous le titre La mauvaise heure. Elle a conservé inchangé son format : la saison compte toujours deux épisodes de 55 minutes environ, qui ont été diffusés à la suite les jeudi 8 et vendredi 9 août en Angleterre. Si Peter Capaldi n'est plus là, on retrouve toujours dans la salle de rédaction de ce quotidien de Glasgow, Jayd Johnson, David Morrissey ou encore Ford Kiernan, tout en accueillant Katherine Kelly. The Field of Blood leur doit beaucoup afin de proposer deux heures de télévision sympathiques, à défaut de véritablement se démarquer.

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The Field of Blood se déroule à Glasgow, en 1984, dans un contexte social tendu, durant le mouvement de grève des mineurs contre la politique menée par Margaret Thatcher. Ce sont des pans entiers de l'économie qui sont en voie de restructuration, et les médias n'y échappent pas non plus. Paddy Meehan est désormais devenue une journaliste, accomplissant donc le métier de ses rêves. Mais le quotidien dans lequel elle travaille est racheté par un nouveau groupe qui entend le remodeler afin d'assurer sa survie.

Une nouvelle rédactrice en chef, Maloney, est ainsi nommée, laquelle va vite se heurter à celui qui dirigeait jusqu'alors la ligne éditoriale, Devlin. Dans le même temps, Paddy et McVie enquêtent sur le meurtre d'une avocate, liée aux mouvements de grève que les autorités s'activent à briser ou à discréditer. Plus qu'une simple investigation policière, cette affaire a des résonances politiques qui conduisent les deux journalistes dans des situations dangereuses. Tandis que les directives de Maloney interrogent chacun sur sa conception du journalisme, Paddy décide de poursuivre l'enquête coûte que coûte.

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Cette nouvelle aventure de Paddy Meehan conserve une part du charme, mais aussi des limites entrevues lors de la première saison. La série n'a aucun problème pour capter l'attention du téléspectateur, avec diverses morts qui intriguent et des liens qui ne demandent qu'à se dévoiler entre les différents évènements mis en scène. The  Field of Blood sait tirer parti de la période historique qu'elle va exploiter : l'immersion dans les 80s' fonctionne notamment grâce à l'ajout d'une toile de fond sociale, liée aux années Thatcher et à la grève des mineurs. Cela permet de connecter l'investigation de Paddy à des enjeux qui dépassent la seule police, avec une dimension politique prédominante. On pourra cependant reprocher à cette remise en contexte un traitement qui reste très sommaire, n'hésitant pas à emprunter quelques raccourcis sans doute encouragés par le format court de la saison. Dans l'ensemble, c'est par excès d'académisme que la série pèche, aboutissant à une histoire trop calibrée pour véritablement marquer.

Si le déroulement du récit laisse donc quelques réserves, The Field of Blood se montre plus assurée du côté de ses personnages : elle repose en effet en grande partie sur la sympathie qu'ils suscitent, avec en figure de proue une héroïne toujours attachante. Désormais journaliste, Paddy a mûri par rapport à la première saison, mais elle demeure fidèle à elle-même sur bien des points. Devant composer avec le machisme ambiant du milieu dans lequel elle évolue, elle a conservé son franc-parler et ses certitudes, même si ces dernières seront plus d'une fois ébranlées. L'écriture laisse néanmoins entrevoir certaines limites, notamment un manque de nuances dans la caractérisation de certains personnages, voire une  approche qui demeure un peu trop superficielle, parfois même portée vers la caricature à l'image de Maloney, femme durablement endurcie dans un métier où elle a gravi les échelons sans aide. Enfin, la brève aventure d'un soir de Paddy a aussi un air très "déjà vu", son grand intérêt résidant dans le possible développement que cette ouverture offre vers une éventuelle suite (et de nouveaux thèmes à introduire).

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Sur la forme, The Field of Blood bénéficie d'une réalisation maîtrisée, et il n'y a dans l'ensemble rien à redire sur ce qu'elle propose visuellement. En effet, la série exploite très correctement le registre du period drama, dans ses costumes comme dans sa bande-son, pour entraîner le téléspectateur dans une immersion au sein des 80s' qui conserve un charme certain.

Enfin The Field of Blood bénéficie d'un casting sympathique. Jayd Johnson (River City) a un jeu qui reste un peu limité, mais le rôle de Paddy Meehan lui convient bien. David Morrissey (State of Play, Blackpool, Meadowlands) apporte quelques éclats et, comme toujours, une présence solide à l'écran. Ford Kiernan (Still Game, Dear green place) s'impose sans difficulté en vieux briscard du journalisme. Enfin, Katherine Kelly (Mr Selfridge) ne démérite pas en incarnation de la femme fatale, mais l'écriture la dessert vite, son personnage s'enfermant dans une caricature un peu facile.

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Bilan : Tout en proposant une reconstitution historique des 80s', The Field of Blood entremêle à sa manière journalisme et investigation. Si son enquête intrigue, ses développements manquent d'une tension légitimement attendue. Cependant la fiction continue de pouvoir s'appuyer sur des personnages attachants. Au final, The Field of Blood reste une fiction confortable et sympathique, agréable à suivre (d'autant qu'elle reste brève) sans pour autant marquer. Elle offre une petite incursion écossaise qui sied à la période estivale.


NOTE : 6,75/10


La bande-annonce de la saison :

21/08/2013

(J-Drama) Double tone : deux rêves en parallèle, deux vies entrecroisées

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En ce mercredi asiatique, je vous propose de poursuivre notre exploration de la saison estivale japonaise. Plus précisément, il s'agit de faire le bilan d'un drama diffusé les samedi soirs, de fin juin à début août 2013, sur NHK BS Premium : Double tone. Comportant 6 épisodes, d'une demi-heure environ, il s'agit de l'adaptation d'un roman de Shinji Kajio publiée en 2012. Le scénario a été confié à Akari Yamamoto, et la réalisation à Koichiro Miki. L'intérêt de Double tone tient au fait qu'il s'agisse d'une série tendant vers le registre fantastique en raison d'un concept de départ pour le moins intriguant. Elle va cependant explorer son mystère suivant une approche avant tout dramatique. Sans parvenir à exploiter tout le potentiel que son sujet laissait entrevoir, ce drama n'en reste pas moins une fiction correcte.

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Double tone propose aux téléspectateurs d'assister aux destins croisés de deux femmes qui n'ont a priori rien en commun, si ce n'est leur prénom. En effet, Tamura Yumi est une mère de famille qui divise tout son temps entre son travail à mi-temps et la gestion du foyer familial à s'occuper d'un mari et d'une petite fille qui n'ont pas toujours conscience des efforts qu'elle fait pour eux. A l'opposé, Nakano Yumi est une jeune femme célibataire, qui se consacre entièrement à sa carrière dans une petite agence de publicité, n'envisageant pas de se marier, ni de fonder une famille.

Un jour, chacune commence à rêver de l'existence de l'autre, découvrant dans son sommeil le quotidien de l'autre. Le mystère constitué par ces étranges rêves récurrents ne fait que commencer. En effet, Nakano Yumi rencontre alors, dans le cadre du travail, une amie de Tamara Yumi, Arinuma Ikuko, qu'elle a vue dans ses rêves, prouvant donc la réalité de ses "visions" : sont-elles prémonitoires ? s'interroge-t-elle. Les choses se compliquent un peu plus lorsque Ikuko présente Nakano Yumi à un homme qu'elle sait être le mari de Tamara Yumi...

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Double tone repose tout entier sur un mystère : l'idée que deux femmes partagent en rêve leur existence, sans savoir comment, ni pour quelles raisons une telle chose est possible. En dépit de son emprunt à une thématique clairement fantastique, il ne faut cependant pas s'y tromper, il s'agit avant tout d'un drama familial. Son objet est de mettre en parallèle les vies de ces deux femmes et les choix qu'elles ont faits, éclairant leurs attentes et satisfactions, mais aussi leurs regrets. En partant de l'idée des rêves partagés, la fiction entremêle différents genres, tendant tour à tour vers l'enquête, la tragédie ou tout simplement une histoire relationnelle. C'est cette richesse qui fait son attrait : si elle suit des sentiers extrêmement balisés, voire convenus, dans son évolution générale, son twist particulier de départ lui permet malgré tout de se démarquer. Elle sait bel et bien retenir l'attention du téléspectateur grâce à une construction de son intrigue plutôt maîtrisée, au cours de laquelle il semble que chaque réponse soit destinée à densifier l'énigme posée plutôt qu'à commencer à la résoudre.

Sans conteste, Double tone intrigue donc : il est bien difficile de ne pas se prendre au jeu, trop de questions appelant des réponses. Cependant, le drama souffre d'un défaut structurel qui devient de plus en plus handicapant à mesure qu'il progresse : son écriture, figée, lui fait adopter une sorte de faux rythme, avec des lenteurs, qui a la fâcheuse conséquence de saper toute tension. La série se révèle incapable de générer un véritable suspense, alors même qu'elle aurait toutes les cartes en main en théorie pour le faire. Si dans la première partie, ce problème reste anecdotique, il devient de plus en plus visible à mesure que l'on approche de la fin. Alors que les révélations finales sont censées marquer, elles se glissent ici dans la narration sans véritable souffle dramatique. Il manque une étincelle, une intensité à cet ensemble exécuté de façon presque trop mécanique. De plus, le refus de s'aventurer sur un terrain plus mythologique pour essayer d'expliquer les liens unissant les deux femmes en dehors d'un croisement du destin laisse une impression un peu frustrante d'inachevé. C'est en somme une fiction high concept qui fonctionne honnêtement dans sa progression, mais dont la chute n'est pas au niveau de l'attente ainsi construite.

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Il faut cependant reconnaître que, si une partie du problème de rythme de Double tone est imputable à son écriture, la mise en scène n'est pas exempte de responsabilité. Tout comme la narration, la réalisation est trop plate. Elle est incapable d'impulser de réelles dynamiques à l'écran. Un peu trop transparente par moment, téléguidée et prévisible, elle exacerbe, plus qu'elle ne compense, les limites de fond de la série.

Enfin, Double tone rassemble un casting qui n'est pas forcément à son avantage, avec des prestations sans doute perfectibles. Les deux héroïnes sont interprétées respectivement par Nakagoshi Noriko (Keishicho Sosa Ikka 9 Gakari), en trentenaire carriériste, et Kurotani Tomoka (Honcho Azumi), en mère de famille consacrée à son foyer : elles s'en sortent à peu près, mais manquent parfois de présence à l'écran dans les moments où il aurait fallu voir leurs personnages vraiment s'imposer. Dans les rôles secondaires, si Yoshizawa Yu (Jin, Bloody Monday) s'en sort honorablement, Tomochika (Loss:Time:Life) est moins convaincante, avec une interprétation qui sonne très artificielle et plombe en conséquence certains des derniers développements du récit. Quant à Moro Morooka et Shimada Kyusaku, leurs rôles restent anecdotiques.

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Bilan : Bénéficiant d'un concept intriguant auquel il sait donner les développements qu'il convient pour aiguiser la curiosité du téléspectateur et retenir son attention, Double tone est intéressant par sa façon d'aborder un mystère fantastique en empruntant à différents genres (fiction d'enquête, drame ou bien encore fiction familiale). Le résultat auquel aboutissent ces six épisodes est très honnête, mais il manque cependant une vraie ambition derrière cette écriture trop académique et figée. La fin est à l'image des limites manifestes de la série, avec une chute qui laisse un peu frustré. Au final, il reste une série pas déplaisante à suivre, mais anecdotique.


NOTE : 6/10

17/08/2013

(NOR) Buzz Aldrin, hvor ble det av deg i alt mylderet : une fiction empreinte d'humanité apaisante et rafraîchissante



Buzz Aldrin, what happened to you in all the confusion ?


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Il y a quelque chose de rassurant à constater que chacune de mes nouvelles découvertes en provenance de la télévision scandinave me conforte dans mon inclinaison pour ces fictions. Mieux encore, j'ai l'impression que, chaque année, un pays ressort tout particulièrement de mes programmations : en 2011, c'était le Danemark, en 2012, la Suède... en 2013, il semble que cela soit le tour de la Norvège. Il est vrai que depuis Lilyhammer et Koselig Med Peis, j'ai eu l'occasion de visionner des fictions extrêmement diverses au cours des six derniers mois : le thriller avec Torpedo, la comédie noire avec Hellfjord, et puis, en août, une mini-série sur la quête de soi : Buzz Aldrin, hvor ble det av deg i alt mylderet ? (laquelle vient directement concurrencer la suédoise Torka aldrig tårar utan handskar pour le titre le plus imprononçable de l'année).

Buzz Aldrin, hvor ble det av deg i alt mylderet (Buzz Aldrin, what happened to you in all the confusion ? en version internationale) est une mini-série, en quatre épisode de 55 minutes environ, diffusée sur NRK1 en novembre et décembre 2011. Il s'agit de l'adaptation d'un roman de l'écrivain Johan Harstad, datant de 2005, et qui a été publié en France sous le titre Buzz Aldrin, mais où es-tu donc passé ?. C'est Geir Henning Hopland qui s'est assuré de la transposition à l'écran, signant à la fois le scénario et la réalisation. Buzz Aldrin (vous me pardonnerez de ne pas répéter le titre en intégralité tout au long du billet !) a aussi pour particularité d'être la première série du pays à avoir été proposée dans son intégralité dans les cinémas norvégiens avant même sa diffusion télévisée. C'est une fiction très riche, humainement et émotionnellement. Et, en bonus, elle est l'occasion pour le sériephile voyageur de découvrir de nouveaux territoires : direction les Îles Féroé !

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Mattias est né en 1969, le jour où l'Homme a marché sur la Lune. Tandis qu'il naissait, Neil Armstrong prononçait ses fameux mots "That's one small step for a man, one giant leap for mankind". En grandissant, il en a conservé une fascination pour l'espace. L'astronaute dont il a fait son héros n'est cependant pas celui qui a été le premier à poser le pied sur la Lune, mais Buzz Aldrin, le second. Il voit, dans cet homme de l'ombre, un rouage essentiel du projet ayant accepté d'être en retrait. Il en tire une admiration pour ceux qui arrivent à se placer second, et non sous le feu des projecteurs. Mattias rêve ainsi simplement de trouver sa propre place dans l'ombre pour y mener une existence paisible, sans histoire, ni imprévu, par exemple loin de l'agitation des concerts de son meilleur ami qui ne cesse de l'inviter à suivre leurs tournées.

A presque 30 ans, il semble avoir atteint son but : un travail de fleuriste/jardinier qui lui permet de se fondre dans le décor, la même petite amie depuis le lycée qu'il connaît par coeur. Sa vie suit une routine monotone qu'il ne voudrait changer pour rien au monde, préférant toujours le calme à la moindre proposition de sortie de sa compagne. Mais Mattias va brutalement voir tous ses repères s'effondrer : sa petite amie décide de le quitter, estimant que leurs aspirations ne correspondent plus, puis l'entreprise qui l'emploie se déclare en faillite et est obligée de le licencier. Pour tenter de lui changer les idées, son meilleur ami l'entraîne avec son groupe de musique vers les Îles Féroé où ils doivent donner un concert. Perdu dans sa douleur, Mattias se brouille avec eux. Il se réveille sur une route isolée qui traverse une des îles. Ne sachant où aller, ni que faire ensuite, il est alors recueilli par Havstein, un psychiatre qui a organisé une petite communauté comptant plusieurs patients que le cadre unique doit aider à guérir.

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Buzz Aldrin place le téléspectateur aux côtés du personnage de Mattias. De façon intime, elle nous glisse dans son esprit, nous faisant comprendre sa manière de voir et de penser, et partageant avec nous toutes ses attentes. Dotée d'une écriture fine, la mini-série dresse par petites touches un portrait humain et faillible, s'attachant à mettre en lumière la psychologie de son héros, tout en explorant les relations qu'il entretient avec ceux qui gravitent autour de lui. Les autres protagonistes ne sont pas négligés, traités plus rapidement, mais avec le même souci d'éclairer leurs façons d'être ou motivations. Buzz Aldrin est un véritable "human drama", sincère et versatile, au propos très riche. La mini-série se révèle capable de jouer sur une large palette de tonalités, alternant les ambiances, tour à tour touchante, légère, poignante... Elle manie admirablement l'art de la rupture dans ses dialogues, s'amusant des moments de flottement qu'elle crée : un style de narration caractéristique qui semble fréquent dans les fictions norvégiennes, car Koselig Med Peis et Hellfjord l'exploitaient déjà très bien (même remarque, d'après les premiers épisodes que j'ai pu voir, pour Halvbroren).

Le récit est ponctué de plusieurs monologues de Mattias au cours desquels il développe sa fascination pour Buzz Aldrin sur fond d'images d'archives. Il nous montre comment il a peu à peu reconstruit dans son esprit cette figure publique, idéalisant le fait qu'il n'ait été que le deuxième homme à marcher sur la Lune en y voyant son acceptation d'être en retrait, maillon nécessaire de l'ombre. Dès l'enfance, Mattias n'aspire qu'à l'anonymat d'une vie paisible, ambition décalée que les autres comprennent mal. Il refuse de se mettre en avant, qu'importe les talents dont il dispose (il chante très bien) et qui pourraient lui permettre de se retrouver sur le devant de la scène. Il mène pareillement sa vie d'adulte. Mais une question se fait de plus en plus pressante au fil du premier épisode qui va être celui de tous les bouleversements : jusqu'où peut-il s'effacer ? Face à la personne qu'il aime, cette attitude ne risque-t-elle pas de le faire disparaître peu à peu à ses yeux ? N'y-a-t-il pas des fois, dans certaines circonstances, où l'on doit accepter d'être mis en avant ? En s'obstinant à se fondre dans un décor qui n'a rien d'immuable, le jeune homme se perd lui-même lorsque tous ses repères s'effondrent.

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Les Îles Féroé sont un point de chute dans tous les sens du terme pour Mattias, y compris métaphorique au vu de son arrivée mouvementée. Elles vont lui offrir une première réponse. Perdues au bout du monde, isolées avec leurs moutons, elles sont une destination rêvée pour lui. Elles rendent d'abord possible une fuite en avant temporaire : la communauté qui l'accueille permet de rétablir un quotidien huilé où Mattias peut vite reposer les bases d'une vie monotone, sans remous, ni inattendu. Elles vont pourtant, à terme, le forcer à se remettre en cause, faisant se confondre la quête de stabilité et une véritable quête de soi. Les rencontres et les évènements le contraignent en effet à sortir de sa réserve, en lui donnant quelques leçons de vie parfois douloureuses. Il faut dire qu'au sein de la communauté dans laquelle il vit, chacun a ses propres démons, y compris  Havstein, le psychiatre qui a ses propre raisons pour s'être égaré sur ces îles. Privilégiant  toujours une approche humaine, la mini-série dépeint les craintes et les désirs de toutes ces personnes qui s'efforcent, presque malgré elles parfois, de continuer à aller de l'avant.

Au final, Buzz Aldrin est l'histoire d'une reconstruction. Tout en restant fidèle à lui-même et à son idéalisation de l'anonymat et du second plan, Mattias va apprendre que l'on ne peut pas se fondre et disparaître face à ses proches. S'il est possible de chérir sa tranquillité, il faut parfois admettre être le centre d'attention, celui qui compte, celui sur lequel on peut se reposer. Si la mini-série laisse une impression durable, c'est justement parce que le parcours de Mattias se révèle tout aussi régénérateur pour le téléspectateur. Non seulement on s'implique aux côtés du personnage, mais l'effet apaisant des Îles Féroé joue également. Invitation au dépaysement, loin de toute course aux ambitions, le récit prend volontairement son temps : il est une ode à la simplicité, et à la vie en général, confortant l'idée que chacun peut trouver la place qui lui convient. Le visionnage de Buzz Aldrin a ainsi quelque chose de profondément réconfortant. Elle est une de ces fictions sincères et humaines, rafraîchissantes par son propos, qui conserve une saveur vraiment particulière.

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Dense sur le fond, Buzz Aldrin peut également s'appuyer sur une réalisation soignée et maîtrisée : la caméra est posée, plutôt habile, sachant utiliser des plans larges comme serrés. De plus, elle dispose d'une bien belle photographie. Le décor dans lequel se déroule la majorité de la mini-série (3 épisodes sur 4) est un atout dépaysant non négligeable, et son réalisateur l'a parfaitement compris, faisant de ce cadre un acteur à part entière du récit. Il faut dire qu'il a l'art de rendre magnifiques ces paysages glacés mais quasi-féériques des Îles Féroé, semblant par moment égarer volontairement ses personnages entre brume, verdure et mer, en jouant sur ces couleurs dominantes. Outre de jolies images, Buzz Aldrin dispose d'une bande-son assez bien dosée, dans laquelle ressortent notamment les prestations musicales de Mattias : la référence omniprésente au voyage spatial la conduit tout naturellement vers David Bowie, et Space oddity n'a jamais semblé plus adéquate que lorsqu'elle retentit dans la mini-série. Le générique se révèle original, mettant en parallèle la naissance de Mattias et l'atterrissage sur la Lune, avec en filigrane une symbolique sur la vie.

Enfin, Buzz Aldrin dispose d'un solide casting, assez international, à dominante plutôt danoise dans les rôles principaux. C'est Pal Sverre Valheim Hagen qui incarne Mattias, dont la recherche d'anonymat se transforme peu à peu en quête existentielle, afin de tout reposer à plat dans sa vie. Le visage le plus familier pour le sériephile amateur de fictions scandinaves sera sans doute celui de Bjarne Henriksen (Forbrydelsen I, Blekingegade, Borgen) qui paraît apprécier de circuler dans toute l'Europe du nord (souvenez-vous de la saison 2 de l'islandaise Pressa) : il interprète ici le psychiatre gérant la communauté accueillant Mattias aux Îles Féroé. Parmi les autres prestations notables, signalons la performance de Rikke Lyllof (Borgen), jouant une patiente instable, dont l'expressivité touchera durablement au fil de ses évolutions. On retrouve également Annfinnur Heinesen, Annika Johanssen (Kirsebærhaven 89), Helle Fagralid (Nikolaj og Julie, Jul i Valhal, Blekingegade, Forbrydelsen III), Kristine Rui Slettebakken, mais aussi Chad Coleman (The Wire, The Walking Dead) dans le rôle entièrement anglophone d'un naufragé.

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Bilan : Fiction empreinte d'humanité, bénéficiant d'une écriture simple et sincère, Buzz Aldrin se révèle extrêmement rafraîchissante et étonnamment apaisante. Partant de ce désir d'anonymat dans lequel se perd un temps Mattias, c'est de la vie en général qu'elle finit par traiter. Dotée d'une tonalité versatile, jamais lourde, elle propose l'histoire d'une reconstruction, en en faisant un véritable parcours régénérateur. Aussi dépaysante qu'attachante, revivifiante même, il s'agit d'une mini-série un peu part dont le visionnage ne laisse pas indifférent. La narration se construit tout en ruptures, parfois un peu abruptes par leur enchaînement, mais l'ensemble reste une bien belle découverte qui vient confirmer toute la richesse de la fiction scandinave qui a décidément beaucoup à apporter, dans des genres très différents, loin de se limiter au seul polar.


[La mini-série est disponible avec des sous-titres anglais, y compris en DVD par là.]


NOTE : 7,75/10


Une bande-annonce de la série :

Un extrait (chanté - Space oddity) :

14/08/2013

(J-Drama / SP) Towa no Izumi : histoire touchante de deuil et de réconciliation

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Retour au Japon en ce mercredi asiatique pour évoquer un drama datant de l'année dernière et qui figurait depuis sur ma liste de visionnage. Towa no Izumi a l'avantage d'être une fiction brève : c'est un tanpatsu comportant une seule partie d'une durée totale d'1h15 environ. Il a été diffusé sur la NHK le 16 juin 2012. Rassemblant un casting ne manquant pas de têtes familières (Terao Akira, Kohinata Fumiyo, Suzuki Anne, Yamamoto Koji), cette fiction démarre comme une affaire judiciaire, mais elle se révèle en fait être une belle et touchante histoire humaine de deuil et de réconciliation. Offrant en plus en guise de décor une jolie carte postale du paysage volcanique japonais, il a donc été une intéressante découverte.

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Yamauchi Aki est un vétéran du barreau. Il commence à sentir le poids des années et n'a plus la vitalité d'autrefois pour défendre ses clients. Alors qu'il envisage sa retraite prochaine, il accepte cependant une dernière affaire : il est commis d'office pour un homme accusé du meurtre de sa femme au cours d'une randonnée sur le Mont Aso. En dépit des aveux de son client, Yamauchi Aki découvre rapidement que les choses sont plus complexes. L'épouse décédée était en effet atteinte d'un cancer en phase terminale, et cette excursion dans la montagne était sans doute une de ces dernières escapades au grand air. La culpabilité exprimée par le mari n'est-elle pas d'un tout autre genre que celle d'un meurtre ?

L'affaire touche d'autant plus l'avocat qu'elle réveille chez lui d'anciennes blessures non cicatrisées : il n'a jamais fait le deuil de sa femme, culpabilisé par les reproches de leur fille, Yuri, qui l'accuse d'avoir trop privilégié son travail à un moment où elle aurait eu besoin de lui. Ses rapports restent toujours tendus avec cette fille désormais devenue procureur. Sur une impulsion, pour essayer de se reconnecter avec elle, Aki se rend chez elle. Il découvre que Yuri vit en couple avec un dessinateur en devenir, Toshiyuki. Témoin des relations compliquées qui lient sa compagne et son père et qui les affectent tous les deux, Toshiyuki entreprend de les réconcilier : il les convainc de faire ensemble la randonnée sur les pentes du Mont Aso grâce à laquelle Aki souhaite comprendre cette affaire de meurtre qu'il veut éclaircir.

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Towa no Izumi a les qualités qui permettent à un tanpatsu de s'exprimer sans souffrir de son format court ; il peut notamment s'appuyer sur une belle sobriété d'ensemble. Le problème judiciaire initial n'est pas l'enjeu central du drama : son déroulement, logique, apparaît vite prévisible. Cependant cette enquête qui s'esquisse n'est qu'un prétexte. Elle sert avant tout de fil rouge utile en introduisant le thème principal de l'histoire (l'acceptation de la perte d'un être cher), et en servant de révélateur aux dynamiques relationnelles existantes entre les différents protagonistes. Tout au long de ces 1h15, l'écriture va à l'essentiel, privilégiant la simplicité. Pour autant, le drama prend aussi le temps de jouer sur des symboliques liées à la nature, accompagnées de métaphores sur la vie et la mort. Tout cela lui permet de distiller une émotion qui se glisse dans le récit sans jamais le faire tomber dans un pathos excessif. Cela donne un propos traversé par quelque chose de profondément humain, qui conduira à plusieurs scènes poignantes.

Towa no Izumi est le récit d'un double travail de deuil et de réconciliation qui s'opère en parallèle. Le client s'accusant de la mort de sa femme et le vieil avocat jamais remis du décès de la sienne vont s'aider l'un l'autre, leur peine se répondant comme un écho. Du fait de son passé, Aki connaît l'épreuve que traverse son client. Ne croyant pas à ses aveux, il entreprend de retracer les derniers mois de cette épouse qu'il découvre mourante. Ce n'est pas tant aux autorités qu'à son client qu'il s'adresse lorsqu'il reconstitue les faits : il s'agit de faire comprendre à ce dernier ce qu'il s'est réellement passé dans la montagne, afin qu'il puisse dire adieu à sa femme. Mais marcher sur ce sentier réveille chez l'avocat des souvenirs plus personnels. En tentant de renouer avec sa fille, à terme, c'est avec lui-même qu'il va être capable de faire la paix, réalisant, enfin, ce deuil qu'il n'avait jamais pris le temps de faire, s'étant réfugié dans le travail pour chasser la douleur.

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Sur la forme, Towa no Izumi bénéficie d'une réalisation classique du petit écran japonais. Si sa bande-son ne se démarque guère, le tanpatsu tire son épingle du jeu grâce au cadre choisi. Ne se contentant pas de confrontations entre quatre murs, il entraîne en effet le téléspectateur en extérieur et plus précisément sur les pentes du Mont Aso. Dans les pas de ses protagonistes partant en randonnée, il s'offre alors quelques beaux paysages qui viennent contribuer à cette métaphore sur la vie que dessine la fiction au contact de la nature. C'est un dépaysement bienvenue très agréable.

Enfin, Towa no Izumi rassemble un casting sympathique et familier devant la caméra. Terao Akira (Kokoro, CHANGE) interprète ce vieil avocat veuf qui songe à la retraite, toujours marqué par le décès de sa femme. Sonnant usé, mais aussi déterminé, c'est tout en sobriété qu'il rentre dans son rôle. Dans son entourage proche, sa fille est jouée par Suzuki Anne (Stand up!, Harukanaru Kizuna, Seinaru Kaibutsutachi), tandis que Yamamoto Koji (Shinsengumi, Pandora, Mother) incarne son (potentiel) gendre. Quant à son client accusé du meurtre de sa femme, il est interprété par Kohinata Fumiyo (Ashita no Kita Yoshio, Marks no Yama, Jin) qui sait apporter cette sensibilité pleine de détresse qui convient à ce rôle.

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Bilan : Loin du drama judiciaire auquel son synopsis aurait pu conduire, Towa no Izumi est l'histoire d'un travail de deuil qui se réalise de manière incidente grâce à une affaire professionnelle. C'est le récit touchant d'une réconciliation qui aboutit à une paix retrouvée, aussi bien avec soi-même qu'avec ses proches. Parvenant à bien gérer sa brièveté, avec un style simple qui sonne juste, ce tanpatsu dépaysant permet donc une agréable soirée devant son petit écran. Avis aux amateurs.


NOTE : 7/10

10/08/2013

(UK) Ultraviolet, intégrale : du conspirationnisme adapté aux enjeux vampiriques

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Ces dernières semaines, une soudaine envie de fiction fantastique m'a conduite à découvrir une courte série britannique datant de 1998 : Ultraviolet. Il s'agit d'une oeuvre souvent citée parmi les essais de référence lorsque l'on aborde le sujet des vampires outre-Manche. Elle a été écrite et réalisée par Joe Ahearne. Si le scénariste sortait alors d'une collaboration à This Life, il s'est depuis illustré avant tout dans le registre du surnaturel, avec The Secret of the Cricket Hall notamment l'année dernière, ou encore en réalisant un certain nombre d'épisodes de la saison 1 de Doctor Who. En terme d'influence, Ultraviolet est surtout à rapprocher de son autre série, Apparitions (datant de 2008), ne serait-ce que parce qu'on y retrouve déjà - même si plus en retrait - la présence de l'Eglise.

Diffusée sur Channel 4, comptant en tout 6 épisodes, Ultraviolet propose une réappropriation particulière, résolument modernisée, du thème vampirique. Elle ne s'inscrit pas dans la lignée de Buffy, débutée un an plus tôt aux Etats-Unis, mais plutôt dans la tendance aux conspirationnismes et aux grands secrets dissimulés dans l'ombre, initiée par X-Files au cours des années 90. Un remake fut envisagé aux Etats-Unis pour la Fox, en 2000, mais il ne dépassera pas le stade de la conception du pilote. Traitant de quelques sujets forts liés aux vampires, Ultraviolet a aussi pour elle de rassembler un intéressant casting qui retiendra l'attention de plus d'un sériephile : on y retrouve notamment Jack Davenport, Idris Elba et Susannah Harker. Un certain nombre de bonnes raisons qui justifient donc une telle découverte 15 ans plus tard.

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La vie du détective Michael Colefield bascule lorsque son meilleur ami, Jack, disparaît la veille de son mariage. Décidé à enquêter sur ce qui a pu se produire, ou plus précisément, ce qui le pousse à se cacher et fuir, Michael se heurte rapidement à une organisation secrète liée au gouvernement britannique, mais aussi au Vatican. Il découvre alors que Jack est recherché pour une raison bien particulière : il est en effet devenu un vampire. Perturbé par les méthodes expéditives de l'organisation qui le traque et qui semble entièrement consacrée à détruire ces créatures de l'ombre, Michael comprend aussi que Jack n'est plus l'ami qu'il était. Pris dans les évènements, le policier finit par accepter d'être recruté au sein de la mystérieuse organisation, espérant mieux comprendre les enjeux qui conduisent les deux camps à s'affronter.

Au cours de ces six épisodes, la série se construit suivant le format d'un procedural : chaque épisode amène à traiter un cas différent et permet l'exploration d'un thème vampirique. Par-delà ces affaires en apparence isolées, c'est cependant un plus grand dessein, visé par ces créatures de l'ombre, qui s'esquisse et préoccupe les protagonistes principaux. Que recherchent les vampires lorsqu'ils mettent en place tel réseau financier, ou bien lorsqu'ils conduisent sur le corps d'humains des expérimentations liées à leur sang ou même à leur vie ? La mission de l'organisation est d'empêcher les vampires de mener à bien leur plan, quel que soit ce dernier. Or leurs projets sont bien pires que ceux qu'ils pouvaient imaginer.

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Quinze ans et un certain nombre de fictions vampiriques plus tard, Ultraviolet renvoie toujours l'impression d'avoir fait un vrai effort pour se réapproprier ce thème fantastique. La fiction s'attache à les démythifier par-delà le folklore légendaire qui les entoure. Il est d'ailleurs assez révélateur que le mot "vampire" ne soit jamais prononcé dans la série : ces créatures surnaturelles sont désignées sous le terme de "code Five" (V en chiffre romain signifiant 5, et V étant la première lettre du mot "vampire"). Parmi les données immuables, il y a bien sûr la question de l'immortalité ; même réduits en cendre, ils peuvent toujours revivre, ce qui oblige l'organisation à mettre en place un dangereux système de stockage. Aucun appareil électronique ne peut détecter leur présence : invisibles aux caméras, ils sont aussi incapables d'utiliser un téléphone. Cependant, bien des incertitudes persistent. Par exemple, un débat existe autour de leur sensibilité aux objets cultuels : nul ne sait si leur réaction n'est pas simplement un réflexe psychologique qui n'a rien d'une intolérance physique, optant pour l'ambiguïté dans son approche de la religion... 

Tout au long de ses six épisodes, Ultraviolet s'efforce de poser un univers qui soit cohérent et rationnel, avec une approche résolument moderne et scientifique qui se perçoit jusque dans les modes et moyens de la traque aux vampires, mais aussi dans les affaires qui sont soulevées. L'ensemble de la série baigne dans un parfum conspirationniste prononcé, de part et d'autre, qui lui confère une ambiance particulière. Cela n'en souligne que plus l'influence manifeste de son époque (X-Files). Les vampires sont présentés comme l'ennemi. Ils sont organisés, mais le fonctionnement de leur communauté reste un mystère qui ne sera jamais approfondi : ils renvoient l'image d'une tentacule inquiétante qui avance ses pions dans l'ombre et coordonne des plans vers un but inconnu. Du côté de l'unité qui lutte contre eux, les choses sont tout aussi opaques : le secret y est cultivé, avec la paranoïa et l'isolement qui vont avec, et les méthodes expéditives peuvent en choquer plus d'un. Entre ces deux camps, se trouvent les humains qui représentent l'enjeu véritable, inconscients du danger qu'ils courrent.

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Cultivant ses ambiguïtés, Ultraviolet confronte souvent l'existence des vampires à des thèmes qui se rattachent plus à des fictions dramatiques que fantastiques. Après deux épisodes introductifs à la structure assez prévisible ayant pour but de poser les codes de l'univers créé, les quatre derniers sont plus aboutis, laissant entrevoir tout le potentiel de l'approche choisie. La série ne se limite pas à raconter des expérimentations vampiriques, elle prend le temps de s'intéresser à toutes leurs conséquences humaines, se greffant sur d'autres enjeux. Ainsi, le troisième épisode aborde le thème du désir et de la perte d'un enfant, ainsi que de l'avortement. Quant au quatrième épisode, il conduit à évoquer le sujet de la pédophilie. Si elle manque parfois quelque peu de subtilité, la série se révèle capable de délivrer des histoires poignantes, d'autre fois proprement glaçantes, entremêlant confusément horreurs humaines et vampiriques. L'humanité n'y est pas présentée sous un jour positif, avec le constant rappel des capacités d'autodestruction des humains qui peuvent indirectement détruire les vampires en se détruisant eux-mêmes.

Si Ultraviolet fonctionne dans un registre de série d'ambiance, la froideur de son écriture peut cependant rendre difficile l'implication du téléspectateur auprès de personnages qui mettent un peu de temps à s'étoffer. Un réel effort d'humanisation est pourtant entrepris. A côté du personnage de Michael, clé d'introduction nécessaire du téléspectateur, mais dont l'évolution reste assez binaire, ce sont les deux figures responsables initialement en retrait qui s'imposent dans la seconde partie de la série. Angie Marsh s'est retrouvée dans l'organisation après que son mari soit devenu vampire et ait été réduit en cendres. Elle n'a pas seulement perdu un époux, mais aussi une fille dans la tragédie. Le deuil, ainsi que la trahison, restent douloureux. De plus, son mari était un scientifique destiné à jouer un rôle dans les plans en cours des vampires. Derrière l'image froide et résolue qu'elle renvoie, se perçoivent peu à peu des fissures bien plus humaines. Quant au dirigeant de l'unité, Pearse Harman, c'est un religieux : le combat qu'il mène revêt donc une dimension particulière à ses yeux. Tout en permettant d'aborder la question de la foi et de la place des vampires par rapport à Dieu, il conduit à évoquer la tentation de l'immortalité, confronté à sa propre faillibilité lorsqu'un cancer lui est diagnostiqué. 

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Sur la forme, Ultraviolet est une série qui joue sur sa noirceur ambiante, tout en respirant les 90s' (de la tendance aux plans trop serrés, jusqu'aux tenues de ses personnages). En dépit de ses limites, elle développe cependant une atmosphère assez inquiétante, flirtant à l'occasion avec les codes de l'horreur. Les thèmes musicaux employés contribuent à cette tonalité. N'essayant pas de rentrer dans une course aux effets spéciaux que son budget ne pouvait soutenir, la série privilégie surtout le suggestif, optant pour une écriture qui reste tout en retenue dans son incursion dans le fantastique. Visuellement, elle est donc datée, sans que cela empêche le téléspectateur se prendre au jeu.

Enfin, outre les amateurs de fictions vampiriques, Ultraviolet peut certainement retenir l'intérêt du sériephile grâce à son casting. C'est par l'intermédiaire du personnage de Jack Davenport (This Life, Coupling, Smash) que le téléspectateur ait introduit dans l'univers de cette chasse aux vampires, puisque ce sont les circonstances qui le projettent malgré lui dans cette organisation face à laquelle il conservera toujours un esprit critique. Après 2 épisodes, la série se recentre sur ses collègues : Idris Elba (The Wire, Luther) fait office d'équipier, Philip Quast (Corridors of Power) dirige l'ensemble de ce département un peu particulier, et enfin Susannah Harker (House of Cards, Pride and Prejudice) s'impose en scientifique au rôle clé. Côté guest-star, notez que la série réalise une oeuvre d'utilité publique et un de mes fantasmes sériephiles : celui de réduire en cendres Stephen Moyer, déjà vampirisé des années avant True Blood. Elle accueille également Corin Redgrave, en vampire capturé, qui conduira à plusieurs confrontations intenses.

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Bilan : Ultraviolet s'offre une approche du thème des vampires volontairement modernisée et presque démythifiée qui lui confère une identité propre. Paranoïaque et ambivalente, la série n'hésite pas à troubler les lignes et à interroger sur cette lutte implacable engagée contre ces créatures de la nuit. Traitant de thématiques fantastiques classiques, elle ne se cantonne pas aux seuls enjeux surnaturels, proposant des intrigues dramatiques solides. Elle s'affirme d'ailleurs progressivement au fil de ses six épisodes. Certaines limites du développement de ses personnages sont compensées par l'ambiance et les sujets abordés. Au final, elle se regarde avec intérêt, cette unique saison formant un arc dont la fin est ouverte, mais peut faire office de conclusion.

En résumé, sans la qualifier d'incontournable, elle est une curiosité que je conseillerais aux amateurs de fictions vampiriques qui souhaiteraient voir ce thème adapté au contexte des 90s' et à son parfum conspirationniste.


Côté pratique, il faut savoir que même si Ultraviolet est disponible en DVD en France, l'édition semble être à éviter : elle ne contient qu'une version française et la piste audio du premier épisode est apparemment désynchronisée... En Angleterre, un coffret DVD a été réédité ce printemps : en plus de la version originale, on y trouve également quelques bonus ; en revanche, aucun sous-titre, même anglais. Donc à réserver à ceux qui maîtrisent suffisamment l'anglais (mais la série ne présente pas de difficulté linguistique particulière).



NOTE : 7,25/10


La bande-annonce de la série :