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24/04/2013

(J-Drama) Going My Home (Going Home) : un portrait familial riche et nuancé d'une rare justesse

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Dans le cadre de cette semaine spéciale "Festival Séries Mania", ce mercredi asiatique conduisait automatiquement à revenir sur la série japonaise qui y sera projetée samedi soir : Going My Home (à la syntaxe revue - et corrigée - pour donner Going Home). Je vous ai déjà parlé de ce drama en octobre de l'année dernière, au terme de son long pilote (qui sera, découpé en deux parties, et proposé lors de la projection prévue samedi prochain). Aujourd'hui, pour l'occasion, c'est avec un billet bilan que je vous propose de revenir sur cette série au terme des 10 épisodes qu'elle compte : le pilote avait su séduire, mais comment la série a-t-elle ensuite évoluer ?

Ce drama de Hirokazu Kore-Eda reste, par son approche notamment narrative mais aussi formelle, assez unique pour le petit écran japonais, loin des canons habituels des fictions qui y sont proposées. Cela explique sans doute en partie les problèmes d'audiences qu'il a rencontrées : commencées honorablement, elles n'ont ensuite cessé de chuter jusqu'à la fin de la diffusion. Pour autant, s'il a pu dérouter l'habituel téléspectateur japonais, Going My Home reste une perle à plus d'un titre, une oeuvre qui porte la marque de son auteur et qui vous glisse avec subtilité et humanité dans les dynamiques d'une famille japonaise.

[Pour un résumé plus complet du drama, je vous invite à lire ma review rédigée après son pilote.]

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Si Going My Home relate un quotidien familial ordinaire, elle le fait avec une finesse d'écriture et un soin constant du détail qui confèrent à l'ensemble une authenticité rare. C'est un portrait de famille, touchant et attachant, à la fois unique et représentatif d'un certain mode de vie japonais, qui est proposé. D'une façon qui leur est propre, les épisodes tendent à s'affranchir des contraintes attendues liées au format d'un renzoku : ils s'enchaînent suivant un fil narratif qui s'apparente à un (très) long métrage. Le rythme y est lent, presque contemplatif par moment, chérissant chaque instant relaté, aussi anecdotique soit-il. Tout en suivant un fil rouge principal - des intéractions familiales où chacun se cherche -, le récit se ménage des pauses, prenant son temps pour souligner ces quelques moments - qu'il s'agisse de plats cuisinés, ou encore de regards échangés - qui posent une ambiance ou une émotion particulière.

Adoptant une tonalité dans laquelle on retrouve la signature de Hirokazu Kore-Eda, Going My Home privilégie avant tout la spontanéité et le naturel pour nous introduire dans le quotidien de cette famille. Cette série a l'art d'éclairer et de souligner comme peu de fictions toutes ces petites choses qui remplissent une journée. Elle ne cherche, ni à romancer, ni à rendre glamour les vies qui y sont dépeintes - alors même que les métiers exercés par le couple principal (publicitaire pour la télévision, cuisinière célèbre) rentrent totalement dans les standards du petit écran japonais. Sa préoccupation principale est d'impulser une proximité et un naturel aux dynamiques mises en scène : elle le fait si bien que ces dernières résonnent de manière universelle auprès de chaque téléspectateur, tout en sonnant aussi typiquement japonais.

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S'installer devant Going My Home, c'est prendre place devant une peinture familiale, qui se complète et évolue au fil des épisodes. On y croise un certain nombre de thèmes chers à Kore-Eda. En premier lieu, il y a évidemment la famille. Elle l'évoque en pointant toutes les subtilités et nuances propres à ces liens que le temps, l'éloignement et les choix de chacun peuvent distendre, mais ne rompent jamais totalement. La maladie du patriarche va être l'occasion indirecte d'initier des formes de retrouvailles. Par son exploration du passé et d'un pan de la vie privée de son père qu'il ignorait, le personnage principal, Ryota, ré-apprend à connaître une figure qui était devenue distante, mais à laquelle il doit bien plus qu'il ne veut bien l'admettre. Ses aller-retours dans ce village perdu où est né son père vont aussi permettre à son couple, en les sortant de leur quotidien, de retrouver du temps pour eux, et à renouer le dialogue avec leur fille qui affronte en silence une autre épreuve à laquelle son jeune âge ne l'a pas préparé, celle d'un deuil d'une amie d'école.

A l'image de cette Vie qu'elle décrit, et de tous les paradoxes qui la constituent, Going My Home adopte un ton versatile : l'équilibre y est savamment dosé, entremêlant un soupçon d'humour, une pointe de regrets, et beaucoup de chaleur humaine... Si la maladie du père sert de déclencheur, c'est un autre terrain qui va être celui de la réunion : le drama nous glisse ici dans les croyances populaires japonaises, avec le mythe des kuna. Ces créatures censées peupler les forêts sont présentées comme étant un lien entre le monde des vivants et celui des morts. Marqué par l'exode rural et une forêt qui a reculé devant son exploitation par les hommes, le village d'origine du père de Ryota est un lieu où persiste cette légende : la recherche de ces petits êtres est au coeur d'un festival dont l'organisation va servir de fil rouge au drama. Going My Home nous entraîne aux frontières d'un fantastique qui reste seulement suggéré, manié avec humour comme le montrent les rêves introductifs de Ryota mettant en scène ces fameux kuna.

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Si ce drama apparaît à part dans les productions télévisuelles japonaises du fait de son écriture et de son rythme, il se démarque également sur la forme. Going My Home bénéficie en effet d'une réalisation qui tend, elle-aussi, vers le cinématographique. Cette façon de filmer, très posée, avec une maîtrise de l'espace et de la mise en scène particulièrement aboutie, vient sublimer certains passages, apportant un cachet supplémentaire au drama. De même, la bande-son, avec des thèmes musicaux légers, non intrusifs, sied parfaitement à l'ambiance générale - jusqu'au générique qui résume tout le sens de cette quête aux kuna.

Enfin, Going My Home bénéficie d'un casting dont le jeu, jamais forcé et toujours naturel, renforce l'authenticité du récit et la force de cette fable sur la vie. Abe Hiroshi est parfait dans ce registre de père de famille, avec ses maladresses et ses incertitudes. Yamaguchi Tomoko apporte une fraîcheur précieuse, signant ici un retour remarqué dans le petit écran japonais après 16 années passées loin des dramas. Et de manière plus générale, ce sont tous les acteurs qui sont au diapason, se révélant à la hauteur du scénario et de l'approche choisie : on y retrouve YOU, Miyazaki Aoi, Yasuda Ken, Arai Hirofumi, Bakarhythm, Natsuyagi Isao, Abe Sadao, Yoshiyuki Kazuko ou encore Nishida Toshiyuki.

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Bilan : Fable sur la vie, avec les sentiments et les regrets qui lui sont inhérents, Going my home nous introduit avec une justesse et une sincérité remarquables dans les dynamiques d'une famille japonaise moderne. Son soin constant du détail et son approche contemplative posent une tonalité particulière, permettant à la série de dépeindre tout en subtilité et en nuances les relations humaines mises en scène. Touchant et attachant, avec ses pointes d'humour et sa spontanéité cultivée, c'est un human drama à la portée universelle, capable de trouver un écho en chaque téléspectateur. Le flirt avec le fantastique occasionné par le mythe des kuna n'est pa une simple immersion dans le folklore local ; il permet aussi, par-delà ce village touché par l'exode rural et la déforestation, de renouer un lien social, un lien entre les générations, qui complète ce portrait de Japon.

Le pilote (en 2 épisodes) de Going My Home sera donc projeté au Forum des images à Paris à 21h ce samedi 27 avril [pour la petite histoire, sachez que c'est moi qui en assurerai la présentation préalable]. Plus généralement, c'est vraiment une série qui mérite l'attention de tous les amateurs de dramas japonais, de ceux qui apprécient Hirokazu Kore-Eda, mais aussi de tous les téléphages curieux. Il s'agit d'une oeuvre universelle qui reste à part.


NOTE : 8,75/10

17/04/2013

(J-Drama / SP) Lupin no Shousoku : exhumation du passé en quête de la vérité sur un meurtre quasiment prescrit

 

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Retour au Japon en ce mercredi asiatique ! Si j'insiste sur cette destination, c'est parce que, pour une fois, je parviens à respecter plusieurs semaines d'affilée une vraie alternance entre la Corée du Sud et le Japon. Cette semaine, j'ai quelque peu délaissé les nouveautés pour me plonger dans mes dossiers sans fond de séries à rattraper. Comme mon inclinaison du moment m'oriente plutôt vers le genre policier, j'ai finalement exhumé un intéressant tanpatsu (c'est-à-dire un drama court) sur lequel Kerydwen avait attiré mon attention en janvier dernier.

Téléfilm unitaire d'une durée de 2 heures, Lupin no Shousoku a été diffusé le 21 septembre 2008 sur WOWOW. Si le nom de cette chaîne câblée revient souvent dans ces colonnes lorsqu'il s'agit de partir au pays du soleil levant, il faut reconnaître que la confiance accordée est souvent méritée. Lupin no Shousoku ne déroge pas à cette règle. Cette adaptation d'un roman éponyme de Yokoyama Hideo (un spécialiste du suspense) a été confiée à Mizutani Toshiyuki, dont j'ai déjà visionné plusieurs autres collaborations avec WOWOW. Les résultats avaient jusqu'à présent été variables : si Marks no Yama s'était révélé être un intéressant drama policier (déjà), Prisoner m'avait laissé beaucoup plus réservée et mitigée. Heureusement Lupin no Shousoku s'inscrit dans la lignée des qualités du premier (on y retrouve d'ailleurs le même acteur principal), proposant une quête de la vérité prenante et riche en rebondissements.

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Officier n'ayant jamais gravi les échelons de la hiérarchie policière, Mizorogi Yoshihito est resté marqué par ce qui demeure le plus grand échec de la police japonaise de la seconde moitié du XXe siècle : ne pas être parvenu à arrêter le coupable d'un vol de 300 millions de yens qui, bien qu'identifié, bénéficia de la prescription pour s'échapper entre les mailles du filet judiciaire. En charge de l'affaire, Mizorogi détenait le principal suspect le jour où ce délai légal expira. Il a été contraint de le voir ressortir libre du commissariat sans pouvoir espérer jamais mener des poursuites pénales contre lui. Sur le moment, c'est sa démission qu'il remit - et qui fut refusée ; depuis il prend très personnellement chaque cas approchant de la date de prescription.

L'affaire qui va occuper ce tanpatsu tombe justement dans cette catégorie. La police reçoit en effet des informations - que le supérieur de Mizorogi juge fiables - selon lesquelles la mort d'une enseignante, classée comme suicide quinze ans auparavant, était en réalité un meurtre déguisé. Une nouvelle équipe d'investigation est aussitôt réunie, sous la direction de Mizorogi, alors que le délai de prescription s'apprête à expirer. Les renseignements transmis à la police pointent vers trois lycéens turbulents d'alors et une mystérieuse "opération Lupin" qu'ils auraient organisée et qui serait la cause de la mort de la professeure.

L'enquête qui s'ouvre va se révéler bien plus complexe qu'anticipée, ramenant aussi de manière inattendue Mizorogi sur l'affaire des 300 millions de yens volés...

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Le grand mérite de Lupin no Shousoku est de proposer une enquête policière solide, dotée d'une intrigue à tiroirs qui recelle de suffisamment de rebondissements et de twists pour former un récit dense qui va retenir l'attention du téléspectateur jusqu'à l'ultime révélation. La particularité de l'investigation tient au fait qu'elle se déroule 15 ans après les faits : la reconstitution des évènements repose donc entièrement sur la confrontation des témoignages que vont apporter les différents protagonistes mêlés de prés ou de loin à la mort de Mine Maiko. Chacun délivre une part de vérité, éclairant de manière subjective un pan de l'histoire. C'est ensuite aux policiers de rassembler ces pièces éparses d'un même puzzle criminel pour tendre vers la résolution finale. Afin d'éviter un huis clos qui aurait risqué de manquer de rythme, le tanpatsu est entrecoupé de flashbacks, opérant de fréquents aller-retours entre le passé et le présent. Au fil des précisions des témoins, l'intrigue parvient à se renouveler constamment, prenant plus d'un tournant inattendu et dévoilant une réalité bien plus complexe que les premières déductions ne le laissaient entrevoir.

En plus de l'enquête policière, si Lupin no Shousoku suscite l'implication du téléspectateur, c'est aussi parce qu'il place au centre de l'intrigue un facteur humain. Les faits étants très anciens, c'est avec pour seul matériel exploitable des témoignages que les policiers vont devoir naviguer à vue dans ces semi-vérités admises du bout des lèvres, ces souvenirs trop subjectifs à moitié effacés ou encore des regrets manifestes qui pèsent sur certains protagonistes à tort ou à raison. Entre interrogatoires et flashbacks, l'investigation repose sur la compréhension par les policiers des différents suspects, et donc sur une dimension psychologique déterminante. Car chaque personnage est présenté comme façonné par son passé, qu'il s'agisse du policier principal qui voit resurgir ce cas des 300 millions de yens qu'il a perdu face à la prescription, ou des anciens lycéens, aujourd'hui adultes, qui, même s'ils se sont perdus de vue, continuent de vivre marqués par les évènements qui se sont produits il y a 15 ans. Ce tanpatsu insiste sur le poids des secrets et des non-dits que chacun a gardé, sur ces abcès jamais crevés qui ont trop pesé. Exhumant des regrets et des séquelles de la vie, Lupin no Shousoku se dirige vers une conclusion cohérente, assez prévisible, mais qui a le mérite de venir conclure de façon satisfaisante cette journée où le passé est soudain remonté à la surface.

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Sur la forme, Lupin no Shousoku est un drama au petit budget qui opte opportunement pour une réalisation sobre. On peut juste lui reprocher parfois un certain manque de subtilité, les plans choisis donnant des indications sur l'orientation à venir de l'intrigue. S'efforçant de refléter l'atmosphère d'une histoire chargée de lourds secrets, les filtres sont assez sombres, surtout dans le présent des années 90. L'ambiance musicale recréée respecte également ces mêmes exigences de tonalité. Si bien qu'avec un minimum d'effets, tout en jouant le jeu d'un quasi huis clos au sein du commissariat, le tanpatsu parvient à trouver une identité visuelle cohérente et bien à lui.

Côté casting, en dépit de ce que pouvait suggérer l'affiche, Lupin no Shousoku est un drama relativement choral, du fait d'une construction où ce sont les témoignages confrontés qui peu à peu conduisent à l'établissement de la vérité. Mizorogi sert cependant de repère au téléspectateur, et apparaît donc comme le pivot narratif. Il est interprété avec aplomb par Kamikawa Takaya qu'on retrouvera deux ans plus tard aussi en policier dans Marks no Yama. A ses côtés, le casting est relativement solide ; sa principale limite tient aux flashbacks et au fait qu'il est difficile de jouer à la fois un lycéen et un trentenaire. On y croise notamment Nagatsuka Kyozo (Magma), en responsable policier qui conserve sa confiance en Mizorogi, Fukikoshi Mitsuru (Himitsu), Tsuda Kanji (Prisoner, Magma), Sato Megumi (Harukanaru Kizuna, Machigawarechatta Otoko), Endo Kenichi (Fumou Chitai, Gaiji Keisatsu, Soratobu Taiya, Strawberry Night), Hada Michiko (Dai Ni Gakusho), Okada Yoshinori (Nankyoku Tairiku), Arai Hirofumi (Hitori Shizuka, Going my Home) ou encore Kashiwabara Shuji (M no Higeki).

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Bilan : Bénéficiant d'une tonalité à la sobriété opportune, aussi bien dans l'écriture que dans le jeu des acteurs, Lupin no Shousoku signe une intrigue policière dense et efficace. La construction narrative reposant sur une confrontation permanente des différents témoignages permet une histoire riche en rebondissements, capable de renouveler les enjeux et de prendre plus d'une fois une tournure inattendue, à mesure que se dévoile peu à peu une vérité complexe. La fiction remplit donc son office : intéresser et aiguiser jusqu'au bout la curiosité du téléspectateur. Une histoire policière classique et solidement exécutée qui devrait satisfaire les amateurs.


NOTE : 7,5/10

16/01/2013

(J-Drama) Hitori Shizuka : un intriguant et fascinant drama

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Je poursuis mes rattrapages de séries de la saison automnale au Japon, alors même que les premiers épisodes des j-dramas de l'hiver 201 3 nous parviennent déjà et qu'il sera bientôt temps de s'y pencher. Après Double Face mercredi dernier, je ne change pas de chaîne et reste sur WOWOW (avouons que si elle n'existait pas, ma consommation de séries japonaises serait bien moindre !) pour cette fois-ci revenir sur un autre des dramas prenants de la saison dernière, Hitori Shizuka.

Adaptation d'un roman du même titre de Honda Tetsuya, il s'agit d'un renzoku comptant 6 épisodes d'une cinquantaine de minutes chacun. Il a été diffusé les dimanche soirs du 21 octobre au 25 novembre 2012. Bénéficiant d'une écriture solide, c'est une fiction extrêmement intriguante et mystérieuse qui aura subtilement et habilement exploité une histoire qu'il n'était pourtant pas si facile que cela de transposer à l'écran.

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Il est difficile de proposer un résumé de ce drama sans gâcher la saveur qu'acquiert progressivement cet enchaînement d'histoires qui, peu à peu, apparaissent de plus en plus liées les unes aux autres. Hitori Shizuka relate en effet successivement, au fil de ses différents épisodes, plusieurs meurtres, en apparence sans connexion entre eux. Mais derrière lesquels se cache une seule présence, celle d'une jeune portée disparue, Ito Shizuka, belle-fille d'un haut gradé de la police. Ce sont les actions, la vie et les motivations mystérieuses de cette fille que ce drama va entreprendre de nous raconter.

Le premier épisode s'ouvre en 1996. Un gangster est alors abattu dans un appartement d'un quartier résidentiel. Règlement de comptes, vengeance, les mobiles possibles ne manquent pas étant donné la victime... Un des officiers patrouilleurs, Kizaki, arrivé parmi les premiers sur les lieux, est adjoint à l'équipe menant l'enquête. Il s'interroge sur la non-prise en compte d'un rapport d'autopsie et les non-dits de son supérieur qui en sait peut-être plus qu'il ne veut bien le dire. Un suspect est cependant arrêté. Or il affirme que la victime n'était pas seule dans l'appartement et qu'une jeune fille, en tenue de lycéenne, s'y trouvait également.

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Hitori Shizuka est tout d'abord un drama qui marque par la construction maîtrisée de son histoire, laquelle acquiert peu à peu toute son ampleur. Il se dégage de l'ensemble une solidité et une cohérence jamais prises en défaut. La première partie de la série est avant tout très intriguante, aiguisant la curiosité du téléspectateur devant le mystère, pour l'instant seulement effleuré, que représente Ito Shizuka et toutes les questions que suscitent les actes qu'elle commet ou provoque. Se réappropriant avec une efficacité redoutable les codes classiques des fictions policières, les premiers épisodes ont l'apparence d'enquêtes déconnectées entre elles, derrière lesquelles plane l'ombre inquiétante et déroutante de la jeune femme. La série se révèle extrêmement convaincante dans sa manière de capturer, avec beaucoup de rigueur, le fonctionnement des unités d'investigation au sein de la police japonaise. Capable d'introduire à chaque fois de nouveaux protagonistes policiers avec une aisance qu'il faut saluer, l'approche narrative est ambitieuse : c'est d'abord d'un point de vue extérieur, et de manière incidente, que la série amène le téléspectateur à s'interroger sur Ito Shizuka.

Puis, un recentrage s'opère progressivement sur la jeune femme : de façon particulièrement glaçante, est alors véritablement mise en lumière la dangerosité machiavélique dont elle est capable de faire preuve. Ce personnage inclassable fascine d'autant plus que l'écriture, habilement, fait le choix de ne jamais trop en dire. Le drama fait toujours preuve de beaucoup de retenu, disséminant les indices et les informations, mais évitant tout long discours explicatif ou autres scènes de pure exposition. Le scénariste suggère, mais fait confiance au téléspectateur pour déduire et apprécier les situations comme il se doit. Tout en se montrant parfois très forte et dense, la narration adopte un style presque minimaliste, où prévaut une grande sobriété. Il s'agit d'un des grands atouts du drama, même si cela sera aussi source d'un léger flottement lors de sa conclusion : cette dernière se voit en effet précédée d'un saut temporel de plus d'une décennie qui nous ramène dans le présent, sans qu'aucune indication ne soit donnée à l'écran. Il faut quelques minutes au téléspectateur pour retrouver ses marques et comprendre qui et à quelle époque sont les protagonistes mis en scène. Il est possible que le roman soit ici en cause, le texte d'origine ayant peut-être voulu entretenir un temps la confusion. Reste que la chute de la série n'en demeure pas moins d'une logique et d'une légitimité parfaites par rapport à la tonalité de l'histoire, refermant parfaitement la boucle de vie qui aura été relatée.

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La sobriété bien huilée de Hitori Shizuka se retrouve sur la forme. Sa réalisation est globalement soignée et maîtrisée, accompagnée d'une bande-son uniquement composée de thèmes musicaux instrumentaux qui est opportunément choisie et qui accompagne très bien le récit. Si, comme je l'ai dit, la gestion des sauts temporels aurait mérité d'être un peu plus soulignée (juste indiquer l'année à l'écran !), je retiendrais surtout de ce drama sa mise en scène des fusillades. Il faut dire que ces dernières semblent tout d'abord vouloir poser une vérité : personne ne sait manifestement tirer au pistolet quand il s'agit d'abattre froidement quelqu'un ! Surtout, elles traduisent une certaine surenchère avec un sur-jeu qui décontenance, au point que la première scène du drama déstabilise vraiment. Ce n'est que lorsqu'est venue la grande fusillade de l'épisode 4 que j'ai véritablement compris ce que le réalisateur essayait de faire. Car si la première prend trop au dépourvu pour fonctionner, la seconde d'une ampleur toute autre est assez jubilatoire par la distance qu'elle introduit.

Enfin Hitori Shizuka bénéficie d'un solide casting choral, puisque nombre d'acteurs occupent le devant de la scène le temps d'un épisode seulement. Le rôle d'Ito Shikuza est confié à Kaho (Diplomat Kuroda Kousaku), autour de laquelle tout le récit tourne, mais qui n'a cependant pas une présence aussi importante que l'affiche du drama aurait pu le laisser supposer. Interprétant un personnage froid, peu expressif, ou se contentant de préserver sobrement les apparences, l'actrice s'en sort très bien dans ce registre. Autour d'elle, vont graviter plusieurs têtes plus ou moins familières du petit écran japonais, tel Murakami Jun, Arai Hirofumi (Shokuzai, Going my Home), Nagatsuka Keishi, Takahashi Issei, Matsushige Yutaka (Shinya Shokudou, Unmei no Hito, Kodoku no Gurume) (que j'ai retrouvé avec beaucoup de plaisir !), Tokiwa Takako (Tenchijin), Takito Kenichi, Nukumizu Yoichi (BOSS), Ikeda Narushi, Kurosawa Asuka, Nikado Satoshi, Midori Mako ou encore Kishibe Ittoku.

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Bilan : Tour à tour mystérieux, puis inquiétant, voire glaçant, Hitori Shizuka est un intriguant drama dont l'histoire se déploit peu à peu pour se révéler extrêmement solide. Sa construction, avec une progressive mise en pleine lumière de la jeune femme et ses secrets, est très bien gérée. Le style d'écriture retient l'attention en raison de l'assurance avec laquelle le drama choisit de faire confiance au téléspectateur pour déduire certains faits, comprendre les silences et les liens à opérer, évitant les passages d'exposition et les longs discours pesants qui peuplent trop souvent ce genre de fiction. En résumé, Hitori Shizuka est un drama habile, subtile, qui relate de façon ordinaire une histoire qui ne l'est pas, chargée de non-dits dans lesquels se trouve toute sa force. Seule la mise en scène de la conclusion suscitera quelques réserves, mais qui ne remettent pas en cause les qualités de l'ensemble. A voir.


NOTE : 8/10

17/10/2012

(J-Drama / Pilote) Going My Home : un drama humain, sincère et décalé ne laissant pas indifférent

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Quand je vous disais la semaine passée que la saison automnale au Japon s'annonçait autrement plus enthousiasmante que l'été qui s'achevait, je n'exagérais pas. En témoigne ce premier pilote visionné ce week-end. Going My Home était le drama attendu de cet automne, aussi bien par le public japonais que par moi. La raison ? Il s'agit du premier passage au petit écran, pour un renzoku, du cinéaste Koreeda Hirokazu. Ce nom ne vous est pas inconnu si vous vous intéressez un peu au cinéma japonais : Nobody knows, Still walkting, Air Doll ou encore I wish sont des films qui méritent leur visionnage. Pour couronner le tout, Going My Home présentait également un argument de casting convaincant, avec notamment la présence de Abe Hiroshi.

Autant de bonnes raisons de découvrir un drama qui a débuté sur Fuji TV le 9 octobre 2012, par un (long) pilote de rien moins qu'1h40. Qu'importe sa longueur, puisque ce premier épisode m'a conquise. S'il donne peu d'indication sur les orientations futures de cette histoire familiale parsemée d'étrange, il installe une ambiance caractéristique savoureuse. Une entrée en matière réussie, pleine de potentiel, qui ne demande qu'à être confirmée par la suite. Mais après un tel premier épisode, on ne peut être qu'optimiste !

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Expliquer le synopsis de Going My Home est en soi presque un défi, tant, au cours de ce pilote, l'univers de la série s'installe par petites touches, sans qu'une trame narrative principale ne s'impose. Une chose est certaine, pour ceux qui s'interrogeaient sur les compromissions et aménagements à adopter pour le passage du grand au petit écran, le style caractéristique de Koreeda Hirokazu s'impose d'emblée, transposé tel qu'il nous est familier. Il sera d'ailleurs intéressant de voir comment il va se développer par la suite dans un format de renzoku.

Le drama s'intéresse au quotidien, familial et professionnel, de Tsuboi Ryota. Ce père de famille a souvent du mal à s'affirmer et à trouver son registre, confronté aux jugements incessants de ceux qui l'entourent et que son attitude et ses choix ne semblent jamais satisfaire. Au travail, sa carrière professionnelle ne suit pas l'ascension espérée. Evoluant dans le milieu souvent ingrat de la publicité, il doit gérer des clients compliqués et des collègues méfiants. A la maison, son épouse a en revanche trouvé son créneau et voit sa renommée grandir : elle est une cuisinière publiant des livres de recettes. Face à ces parents débordés, leur petite fille cherche aussi sa place. Isolée, elle s'invente tout un monde imaginaire, et attire l'attention à l'école par son comportement. Le quotidien de Ryota se complique un peu plus lorsque son père fait un malaise et se retrouve dans le coma dans un hôpital de province : il renoue avec sa soeur et sa mère, deux autres fortes personnalités qui, comme lui, ne savent trop comment gérer cette situation. Dépêché pour se renseigner sur ce père aux pans de vie parfois méconnus, Ryota attérit dans une petite ville où il découvre qu'il y animait d'étranges visites.

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Going My Home est un drama d'ambiance à la saveur très particulière. Résolument intime, profondément humain, il se nourrit d'une écriture toute en subtilité et des petites intéractions qu'elle met en scène entre les personnages. La narration n'a pas son pareil pour capturer avec justesse des dynamiques familiales au sein desquelles le naturel semble être le maître-mot. Au cours de ce pilote, c'est tout particulièrement les relations entre Ryota, sa soeur et sa mère qui sont très bien mises en valeur. Le trio partage en effet quelques scènes, dépeintes avec une sincérité émotionnelle à fleur de peau, qui résonnent d'une authenticité assez unique. En effet, l'hospitalisation du père les rassemble bon gré mal gré, et, instantanément, revient la réalité de leurs rapports, avec toutes les nuances inhérentes aux sentiments humains : la tendresse comme les piques surgissent spontanément, tout comme les anecdotes du passé, au détour des conversations de ces personnes qui se connaissent par coeur.

Si les circonstances auraient pu conduire le drama sur une pente résolument dramatique, il n'en est pourtant rien : Going My Home garde résolument une tonalité légère. Cela explique en partie la chaleur humaine qui émane de l'ensemble et réchauffe le coeur du téléspectateur. De plus, le drama n'hésite pas non plus à distiller des petites touches d'humour introduites avec ce même naturel, sans jamais forcer les situations, à l'image du savoureux running gag sur la couleur des vêtements de Ryota à l'hôpital, tellement sombres que chacun lui demande s'il n'a pas pris une avance et ne s'est pas paré des couleurs du deuil alors que son père n'est pas encore mort.

De manière générale, le pilote de Going My Home prend résolument son temps, avec une approche presque contemplative. Sa construction narrative apparaît d'ailleurs originale pour la télévision, tant ces 1h40 pourraient s'apparenter à un long métrage. Le format du renzoku n'est exploité ici que de façon minimaliste : il faut attendre la toute fin de l'épisode pour voir infléchir ce récit d'instantanés et de tranches de vies, et permettre d'assister aux prémices d'une intrigue sur le plus long terme. Cette dernière ajoute d'ailleurs à l'étrangeté ambiante, avec l'introduction de créatures mythologiques, les kuna, qui vivraient dans la région du père de Ryota. S'apprêtant à osciller entre folklore fantastique et retranscriptions de relations humaines, l'univers ainsi posé, décalé à sa façon, est déjà un vrai délice, unique en son genre, dans lequel le téléspectateur s'immerge sans voir le temps passer. 

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Faisant déjà preuve d'une vraie personnalité sur le fond, Going My Home est tout aussi abouti sur la forme. La réalisation est soignée, à la fois proche des personnages, mais aussi capable de prendre du recul pour capturer, avec des plans plus larges, les scènes d'intéractions entre chaque protagoniste. La photographie reflète une certaine authenticité de l'approche choisie. La bande-son est également très agréable, contribuant à l'ambiance, avec une chanson du générique qui se détache déjà et semble parfaitement correspondre à l'atmosphère caractéristique et unique développée.

Enfin, ultime raison de découvrir Going My Home - et non des moindres -, le drama bénéficie d'un casting, alléchant sur le papier, et parfaitement à la hauteur à l'écran. Abe Hiroshi, dans un registre de père de famille faillible, remis en cause à l'occasion, fait des merveilles. Ses scènes avec YOU, qui incarne sa soeur, sont un délice dans ce premier épisode, l'actrice - que j'aime beaucoup également - retranscrivant bien l'ambivalence de son personnage. Yamaguchi Tomoko interprète sa femme, et ses quelques scènes sont tout aussi prometteuses. C'est en résumé un vrai casting cinq étoiles qui n'aurait pas pu être mieux sélectionné pour transposer à l'écran une telle histoire. On retrouve également parmi eux Miyazaki Aoi, Yasuda Ken, Arai Hirofumi, Bakarhythm, Natsuyagi Isao, Abe Sadao, Yoshiyuki Kazuko ou encore Nishida Toshiyuki.

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Bilan : Les séries trop attendues sont souvent source de déception. Il n'en est rien dans ce pilote où Going My Home réussit le tour de force de convaincre tout en permettant à son créateur de rester en tout point fidèle à sa réputation et à son univers. Pépite d'humanité et de subtilité, l'épisode propose 1h40 d'écriture fine et nuancée, rythmée par des instantanés de vie offrant des caractérisations à la sincérité bien réelle qui font toujours mouche. La pleine réappropriation du format télévisuel feuilletonnant reste à prouver sur la longueur, tout comme l'exploration d'un registre plus folklorique et fantastique. Mais il ne faut pas bouder son plaisir : le style est certes à part (et peut-être tout le monde n'y trouvera pas son compte), mais une telle immersion représente pour moi un délice qui se savoure.

Les amateurs de dramas japonais comme les familiers de l'oeuvre de Koreeda Hirokazu ne s'y tromperont pas. Tout comme tous les téléphages curieux qui voudront voir si cet univers trouve un écho en eux. Foncez.


NOTE : 8/10


Une bande-annonce (décalée) :