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03/07/2013

(K-Drama) The End of the World : un magistral thriller pandémique

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Du point de vue du téléspectateur occidental, le fonctionnement du petit écran sud-coréen semblerait avoir au moins un avantage, celui de proposer des séries complètes, sans risquer de voir une fiction s'échouer tristement sur l'écueil de son non-renouvellement nous abandonnant devant un cliffhanger frustrant. Cependant la logique économique et le règne des audiences y sont tout aussi tranchants. Passons les cas des allongements impromptus où l'on va ajouter quelques épisodes à un drama en cours de diffusion, en raison de son succès, voire parce que la production de celui censé lui succéder a pris du retard. Il arrive aussi que les chiffres soient trop bas pour laisser à la série le nombre d'épisodes initialement commandés. C'est ce qui est arrivé ce printemps à The End of the World. Sauf que ce drama mériterait d'être connu pour bien d'autres raisons que la relative indifférence du public sud-coréen.

The End of the World a été diffusé sur la chaîne jTBC, du 16 mars au 5 mai 2013. Il devait initialement compter 20 épisodes, nombre qui a été ramené à 12 du fait de la faiblesse de ses audiences. S'inscrivant dans le genre classique du thriller pandémique, comme une autre série de ce printemps, The Virus, il s'agit d'une adaptation d'un roman de Bae Young Ik (au titre anglophone "Infectious Disease"). On retrouve à la réalisation, Ahn Pan Seok, qui a fait les beaux jours de jTBC l'an dernier avec la superbe A Wife's Credentials, tandis que le scénario a été confié à Park Hye Ryeon. Malgré son brutal raccourcissement, The End of the World reste une série vraiment intéressante : déjouant consciencieusement les mille et un clichés qui parsèment le petit écran sud-coréen, elle délivre une histoire solide et intense, sobre et cohérente, qui est à saluer.

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The End of the World débute sur des bases très proches de l'autre drama printanier du genre, The Virus. Un virus inconnu fait plusieurs victimes, alertant le centre de lutte épidémiologique du pays. Ne figurant sur aucune des bases de données internationales et ne répondant à aucun des traitements existants, cette maladie atteint un taux de mortalité de 100% : aucun des patients n'en réchappe une fois que les symptômes se sont manifestés. Pire, si elle n'affecte que les êtres humains, elle est extrêmement contagieuse. Le risque de pandémie est d'autant plus important que la source de cette épidémie semble être un homme porteur du virus, mais dont le système immunitaire est parvenu à lui résister. Or, toujours contagieux et bouleversé par ce qui lui arrive, il fuit les autorités, refusant l'isolement qui lui est promis.

The End of the World, c'est donc l'histoire de plusieurs courses contre-la-montre. Les enjeux mis en scène sont d'envergure : il s'agit d'éviter que ne se propage une terrible pandémie. Non seulement il importe d'organiser l'isolement de tous les malades et d'établir des zones de quarantaine, mais c'est aussi sur le plan de la recherche d'un traitement que la course est engagée. Pour nous faire vivre ces storylines qui s'entrecroisent, le drama met en scène différents protagonistes, des membres d'une équipe d'intervention sur le terrain jusqu'aux dirigeants du centre de lutte épidémiologique, en passant par les scientifiques qui tentent de mettre au point un médicament. Les évènements mettront à rude épreuve l'éthique professionnelle, les loyautés et les principes de chacun.

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Sur le papier, The End of the World a tout du traditionnel et familier thriller pandémique, avec la double tension sous-jacente reposant d'une part sur la propagation du virus, et d'autre part sur la mise au point d'un traitement médical. Ce qui permet au drama de se démarquer, ce n'est pas une originalité, mais le style choisi pour aborder un tel sujet. On y retrouve un souci de réalisme pointilleux et rigoureux : nulle surenchère, nulle hystérie, le scénario déjoue méticuleusement toute tentation d'artifice (le contraste avec The Virus est saisissant). L'objectif est de dérouler une histoire solide et cohérente. Le rythme est volontairement lent, faisant preuve d'un sens du détail très appréciable. La tension se construit peu à peu, permettant d'entrapercevoir une gestion de crise qui se veut authentique : cette dernière ne passe pas seulement par des interventions sur le terrain, c'est aussi tout un appareil administratif qu'il faut mobiliser. Ce sont donc des conciliabules, des compromis de hiérarchie, mais aussi de personnes... Il faut du temps pour que ces officiels prennent pleinement la mesure de ce qui est en train d'échapper à leur contrôle, et la série décrit avec rigueur tout le processus suivi.

Car la situation est bel et bien très grave : le titre du drama ("la fin du monde") n'est pas usurpé. Seulement, avant d'arriver à ce pic annoncé de la crise pandémique, The End of the World fait preuve d'une belle maîtrise d'ensemble pour poser un à un ses jalons narratifs. C'est sur ce plan que la réduction de 20 à 12 épisodes laisse bien des regrets. En entrant dans le dernier quart (au moment où le raccourcissement a été connu), le rythme se fait soudain plus rapide, avec un temps d'exposition et de mise en contexte réduit au minimum. Cependant, l'équipe créative parvient à préserver la cohérence de l'histoire. Elle est aussi capable de rester fidèle à l'arc prévu, en extrayant les éléments les plus importants. Le drama atteint dans ses derniers épisodes une intensité durablement marquante. Non seulement la pandémie entre dans un seuil critique, mais surtout la mutation du virus rend les malades doublement dangereux : la maladie agit sur leur personnalité, et la contamination de ceux qui sont censés les soigner devient un de leurs buts. Les raisonnements se font alors de plus en plus glaçants, les plans envisagés de plus en plus désespérés... Les déchirements et les deuils s'enchaînent, au cours d'une apothéose dramatique au souffle extrêmement puissant.

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Série donc rigoureuse, donnant la priorité à un traitement réaliste de ses storylines, The End of the World paraît au premier abord assez froide. Pourtant, ce n'est pas un drama déshumanisé par ses enjeux. C'est même l'inverse, car, au fil du récit, il devient en plus en plus évident que par-delà le cadre de la lutte pandémique, le coeur de son sujet est en fait l'humanité. Une humanité qui n'est certainement pas placée sous son meilleur jour : elle est justement dépeinte humaine, donc faillible. Elle se fait souvent égoïste, établissant ses priorités en fonction des intérêts et attachements personnels de chacun. L'humanité, c'est cet individu infecté et contagieux qui refuse de se rendre, incapable de digérer le sort injuste qui s'acharne sur lui et d'admettre que ses efforts pour payer ses études ont été vains, tout comme les sacrifices faits sur ce bâteau de malheur. Ce sont aussi ces dirigeants du centre de lutte épidémiologique qui naviguent dans les eaux troubles des jeux politiques et carriéristes, cherchant des compromis pour préserver l'intérêt collectif sans nuire à leurs intérêts propres. De même, ce sont encore ces scienfiques qui cèdent aux querelles des égos et aux machinations alors que la survie de la société est en jeu...

Plus généralement, ce sont tous ces êtres humains frappés personnellement par la maladie, ou bien marqués par celle d'un être cher, et qui se retrouvent capables d'actes que leur raison aurait combattu en toutes autres circonstances. Cela peut les conduire aux pires extrêmités : être prêt à sacrifier les autres pour se donner une chance, ou tout simplement pour se venger de n'avoir déjà plus cette chance. Mais derrière ce tableau sombre, The End of the World éclaire aussi ce que cette humanité a de précieux : la faculté de se dépasser en temps de crise, à l'image du plongeon dans le fleuve de Kang Joo Hun pour sauver celui qui peut être la clé vers un éventuel traitement, et par ricochet pour peut-être sauver la jeune femme dont il s'est pris d'affection. Le développement de la relation entre Joo Hun et Na Hyun est d'ailleurs traité avec beaucoup de justesse, sans jamais compromettre la progression de l'intrigue, tout en offrant une accroche émotionnelle au téléspectateur. Le choix de l'authenticité au niveau du développement de la pandémie se retrouve ainsi dans les portraits dressés, ne négligeant rien des pires ressorts de la nature humaine, mais montrant aussi comment l'assemblage de ces individus, portés par des motivations très différentes, peut permettre de continuer à aller de l'avant et, à terme, préserver l'essentiel malgré tout.

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En plus d'un scénario solide et abouti, c'est aussi grâce au soin porté à la forme que The End of the World se démarque : le drama a une identité visuelle très travaillée. La réalisation est superbe, avec une caméra capable de jouer dans le registre de l'intime, comme dans celui des scènes de crise. Du fait du rythme de narration relativement lent, ce sont les images qui prennent le relais pour immerger le téléspectateur dans l'histoire. Le drama se signale également par sa très bonne gestion de son ambiance musicale. Sur ce point, j'ai tendance à penser que l'on reconnaît un bon k-drama dans ce registre à sa capacité à conserver des plages de silence, à l'inverse de ces (trop nombreuses) fictions où la musique est constamment envahissante. Or The End of the World sait utiliser le silence, alternant également des instrumentaux plus rythmés et des morceaux de musique classique. Signe de cette maîtrise, un des moments presque magiques est celui où Kang Joo Hun entraîne une Lee Na Hyun malade au bord du fleuve et se met à entonner une chanson : c'est juste, touchant comme il faut. Un éphémère instant de grâce, tout simplement.

Enfin, The End of the World a le mérite de pouvoir s'appuyer sur un solide casting qui a parfaitement pris la mesure de la tonalité particulière de la série : le maître-mot du jeu d'acteur est donc la sobriété, misant sur cette proximité naturelle qui s'établit avec des figures qui régissent si normalement jusque dans leurs défauts à la situation extraordinaire à laquelle elles sont confrontées. Le duo de l'équipe d'intervention qui se rapproche au fil du drama, composé de Yoon Je Moon (Tree with Deep Roots) - qui interprète le responsable de l'équipe - et de Jang Kyung Ah (Rock Rock Rock) - une nouvelle arrivante -, est parfaitement représentatif de cette approche. La complicité qui s'établit, et le glissement vers la prise de conscience de sentiments, sont superbement retranscrits, avec une fraîcheur qui va droit au coeur du téléspectateur. Et à leur côté, nul ne dépareille. On croise notamment Jang Hyun Sung (Jejoongwon, A Wife's Credentials), Kim Chang Wan (White Tower), Park Hyuk Kwon (Tree with Deep Roots, A Wife's Credentials) - qui a peut-être le rôle le moins dosé -, Yoon Bok In, Gil Hae Yun, Lee Hwa Ryong, Song Sam Dong, Kim Yong Min ou encore Park In Young.

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Bilan : Parti sur les bases classiques du thriller pandémique, The End of the World est un drama d'ambiance qui fait preuve d'une rigueur et d'une authenticité remarquables tout au long de ses 12 épisodes. Privilégiant cohérence et sobriété à toute dérive artificielle, la série propose un récit soigné et appliqué, jamais précipité, où la tension monte progressivement, à mesure que la situation empire. Au fil de cette gestion de crise ainsi dépeinte, il apparaît vite que l'objet central du drama, ce sont avant tout les hommes. Dans le portrait nuancé mais sans complaisance qu'il dresse, il éclaire leur faillibilité, leur égoïsme, mais aussi cette persévérance et cette force qui leur permettent, malgré tout, de réaliser des miracles.

Par ses thèmes et la manière dont ils sont traités, The End of the World reste indéniablement une rareté dans le petit écran sud-coréen. Comme A Wife's Credentials dans un autre registre, elle est une de ces pépites dont on aimerait qu'elles ouvrent une voie dans laquelle poursuivre pour la création télévisuelle du pays du Matin Calme. En attendant, voici 12 épisodes qui méritent assurément l'investissement.


NOTE : 8,25/10


Une bande-annonce de la série :

30/06/2013

(US) Hannibal, saison 1 : un fin mets policier fascinant

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Dernière déclinaison printanière du thème des serial killers, Hannibal est à mes yeux la plus intéressante des nouveautés des grands networks américains cette saison 2012-2013. Pourtant, assez paradoxalement, si le logo de NBC n'était pas affiché à l'écran durant les épisodes, un téléspectateur peu informé aurait sans doute peine à croire qu'il ne se trouve pas sur une chaîne du câble. Par sa construction narrative, mais aussi par le soin apporté à la forme, la série est allée très loin, se réappropriant son sujet de manière aboutie en s'affranchissant d'un certain nombre des contraintes habituelles imposées par les grands networks. En dépit d'audiences mitigées (même pour NBC), une saison 2 a été commandée : ces 13 premiers épisodes auront donc une suite méritée, et qui sera attendue.

Nul besoin sans doute de présenter la figure de Hannibal Lecter, créée par Thomas Harris, dont les livres ont déjà fait l'objet de plusieurs adaptations cinématographiques. Pourtant, je me suis installée devant Hannibal avec relativement peu de connaissances en amont : je n'ai lu aucun livre de Thomas Harris, et le seul film que j'ai jamais vu mettant en scène ce serial killer était Le silence des Agneaux, il y a déjà un certain nombre d'années. C'est un genre de fiction que j'apprécie seulement à petites doses. Par conséquent, c'est avec une attente et une curiosité ouverte à toutes les approches que j'ai découvert la version proposée par Hannibal, le nom de Bryan Fuller étant en plus suffisant pour aiguiser à lui-seul mon intérêt.

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La série débute à une époque où Hannibal Lecter est encore une figure respectée de la psychiatrie. Ses services vont être sollicités par Jack Crawford, un responsable du FBI, qui, sur la recommandation du Dr Alana Bloom, souhaite le voir s'occuper de leur meilleur consultant profiler, Will Graham.

Ce dernier dispose d'une empathie hors du commun qui lui permet de se glisser dans la tête des tueurs. Cela lui donne une capacité unique pour reconstituer précisément le déroulement d'un crime et les raisonnements suivis par le meurtrier. Pour Jack Crawford, les dons de Will sont trop précieux pour que son instabilité et la fragilité de son état mental soient un obstacle suffisant à leur utilisation. Lorsqu'il souhaite replacer Will sur le terrain afin de l'assister dans certaines enquêtes difficiles, Alana Bloom recommande de le faire suivre par un professionnel réputé de ses connaissances, Hannibal Lecter. Le psychiatre est vite fasciné par Will. La saison va suivre l'étrange relation qui se développe entre les deux.

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En s'installant devant Hannibal, ce qui marque en premier lieu, c'est l'ambiance à part que la série construit méthodiquement. Multipliant les mises en scène symboliques, telle l'importance que prend le cerf dans les visions de Will, la série glisse le téléspectateur dans une atmosphère onirique qui gagne en intensité à mesure que la saison progresse, et se fait de plus en plus troublante. Logiquement pour une fiction sur un tel thème des serial killers, la mort, ou plutôt les morts, jouent un rôle central. Il faut cependant noter que ce n'est pas tant le fait de tuer, que la manière dont l'acte a lieu et surtout la façon dont il est ensuite exposé au monde qui est ici déterminant. La série ne recule devant aucune surenchère pour montrer ses cadavres. La symbolique, mais aussi une recherche artistique, l'emportent sur tout le reste : des anges ensanglantés au mausolée de corps, ce sont autant de visions qui ont pour finalité de marquer et qui hantent en effet durablement.

De plus, l'ambiance de Hannibal se caractérise par un rapport de plus en plus distendu à la réalité. Si la série nous fait vivre les évènements de plusieurs perspectives, le personnage central dans sa narration est Will. Elle nous place littéralement dans la tête du consultant profiler. Initialement, cela a pour conséquence de faire de nous les témoins du fonctionnement de ses dons, assistant à la reconstitution des crimes. Ce procédé aurait pu être réduit à un simple artifice scénaristique, il n'en est rien car, au fil de la saison, le choix d'être aux côtés de Will trouve toute sa justification. Peu à peu, ses capacités l'entraînent sur une voie dangereuse, où il perd pied avec la réalité. Le téléspectateur se retrouve alors happé dans les hallucinations et les pertes de repères qu'il partage avec lui. La dérive culmine lors du dernier tiers de la saison, notamment au cours des twists particuliers que réserve l'épisode Buffet froid (1.10), empruntant au genre horrifique de bien belle manière.

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Si Hannibal est donc une vraie expérience qui se vit devant son petit écran, la manière dont elle traite ce sujet des serial killers témoigne également de ses ambitions. Initialement, la série semble se rapprocher d'un format procédural, introduisant un tueur par épisode. Mais le feuilletonnant prend progressivement de l'ampleur, notamment parce que le fil rouge introduit dès le premier épisode ne cesse de gagner en importance. Le fantôme de Garret Jacob Hobbs restera en effet omniprésent. Pas seulement parce que les secrets de sa fille, et l'implication de Hannibal et de Will à ses côtés, conservent un rôle jusqu'à la fin de la saison, mais aussi parce que la mise en garde initiale d'Alana Bloom sur l'instabilité de Will résonne aux oreilles du téléspectateur. Le consultant profiler n'a pas seulement abattu ce tueur, il a créé un lien avec lui. Un lien qui peut et qui va être le sentier vers sa propre descente aux enfers, dans tous les sens du terme. Car quelqu'un va exploiter cette faille...

Ce quelqu'un, bien évidemment, c'est Hannibal Lecter. Si Hannibal n'est pas une simple série policière, c'est aussi parce que ce que la saison tourne autour du rapport qui s'établit entre Will et ce psychiatre que le FBI lui assigne. Si Will ignore la véritable nature de son vis-à-vis, le téléspectateur est lui parfaitement informé : le contraste conduit la série à verser dans un suggestif, souvent bien dosé et assez "savoureux", notamment lors de ces repas organisés où le "qui mange-t-on" se substitue au "que mange-t-on" dans notre imaginaire. A mesure que la saison avance, les manipulations de Hannibal, et sa dangerosité derrière le vernis social impeccable, se font de plus en plus pressants et angoissants. L'intérêt qu'il éprouve pour Will est sincère. Revendiquant son "amitié", Hannibal engage avec lui un jeu psychologique dual, fascinant de subtilités et de nuances. Cette relation ambivalente est le socle sur lequel repose la saison. Elle est aussi notre seule clé pour comprendre Hannibal : la caractérisation du serial killer ne pouvait suivre la même approche empathique que celle de Will.

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Par ailleurs, la forme joue également un rôle très important pour construire l'ambiance de la série. Hannibal est une série extrêmement soignée visuellement. Le défi était de taille, notamment pour refléter la dimension onirique de la fiction. Au-delà d'une photographie à la teinte dominante logiquement sombre, la réalisation joue parfaitement sur les symboles, mais aussi sur les références, faisant preuve d'une maîtrise jamais prise en défaut. Tout y est manifestement soigné jusqu'aux moindres détails que sont, par exemple, les interludes gastronomiques offerts par les plats de Hannibal. Cela conduit ainsi à une richesse formelle très appréciable.

Enfin, Hannibal peut s'appuyer sur un casting solide au sein duquel domine le duo principal. Mads Mikkelsen (Rejseholdet) propose un Hannibal Lecter, fin gourmet, amateur et connaisseur des bonnes choses, dont l'interprétation tout en aplomb et en subtilité exerce vite une sorte de fascination-répulsion sur le téléspectateur. C'est progressivement que le personnage acquiert son ampleur, à mesure qu'il démontre l'étendue de ses manipulations. Face à lui, Hugh Dancy (The Big C) est tout aussi impressionnant : délivrant une performance, troublée, sensible et intense, qui correspond parfaitement à Will Graham. A leurs côtés, Laurence Fishburne (CSI) incarne un Jack Crawford qui met un peu de temps à trouver sa place dans l'équilibre ainsi instauré entre Hannibal et Will. Caroline Dhavernas (Wonderfalls) incarne Alana Bloom, dont la relation avec Will permet d'explorer un autre pan du personnage. Enfin, parmi les guests notables, signalons la présence d'une Gillian Anderson (X-Files, Bleak House, The Fall), toujours aussi fascinante et hypnotique, dans les quelques scènes où, face à Hannibal, elle joue la psychiatre de ce dernier.

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Bilan : Série d'ambiance, Hannibal signe une première saison très intéressante. Centrée sur Will Graham et sa progressive dérive aux confins de la raison et de la santé mentale, elle n'en façonne pas moins en parallèle, de façon suggestive et subtile, le portrait inquiétant de Hannibal Lecter. Analyser la série à travers le seul prisme de la fiction policière conduirait pourtant à lui reconnaître d'incontestables limites, notamment la tendance à une conduite expéditive des enquêtes. Cependant, les enjeux de la série sont ailleurs et conduisent à admettre ces raccourcis, même si des reproches peuvent demeurer.

En résumé, Hannibal propose une déclinaison aboutie de ce thème du serial killer. La suite sera un défi tout aussi difficile à relever, étant donné la redistribution des cartes que marque le dernier épisode. Bryan Fuller a déjà donné quelques pistes. Je serai en tout cas au rendez-vous pour la saison 2 !


NOTE : 7,75/10


Une bande-annonce de la série :


28/06/2013

(Pilote UK) The White Queen : la guerre des Deux-Roses du point de vue des femmes

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Avec la fin du printemps, se sont s'achevées les saisons 3 de Game of Thrones sur HBO, et de The Borgias sur Showtime qui, elle, ne reviendra pas l'année prochaine. Vers quel petit écran allait donc se tourner le sériephile amateur de ces récits moyen-âgeux consacrés aux luttes de pouvoir ? Logiquement, il jetait un regard curieux vers une nouveauté annoncée sur BBC1, programmée également le dimanche soir, à partir du 16 juin 2013 : The White Queen. Constituée de 10 épisodes d'1 heure environ, il s'agit d'une adaptation de la saga littéraire de Philippa Gregory, The Cousin's War.

Destinée à trois chaînes, BBC1 pour l'Angleterre, Starz pour les Etats-Unis et VRT pour la Belgique, la série avait déjà fait parler d'elle avant même sa diffusion lorsqu'avait été révélée l'existence de plusieurs montages différents, Starz n'ayant pas les mêmes quotas et rapports aux scènes de sexe que sa consoeur anglaise. Les téléspectateurs qui souhaiteraient une version moins éditée auront toujours la possibilité d'attendre la diffusion américaine qui interviendra dans le courant de l'été, à partir du 10 août 2013. Malheureusement, ce ne sont pas quelques scènes plus explicites qui effaceront la déception qu'est The White Queen. 

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The White Queen nous plonge dans l'Angleterre de la deuxième partie du XVe siècle, mettant en scène une période troublée connue sous le nom de la Guerre des Deux-Roses. La série débute en 1464 : le conflit entre la Maison d'York et celle de Lancastre a précipité le royaume dans la guerre civile depuis plusieurs années déjà, marqué par la victoire du premier camp. Edouard d'York est devenu Edouard IV, couronné roi grâce aux manoeuvres et au soutien de Lord Warwick (Richard Neville). Ce dernier nourrit de hautes ambitions, mais ses plans vont se heurter à celle qu'Edouard va choisir, sans concertation, pour épouse.

En effet, le jeune roi tombe éperdument amoureux d'Elizabeth Woodville, la veuve d'un partisan Lancastrien, venue obtenir l'héritage dû à ses deux fils issus de ce premier mariage. De manière précipitée, avant de partir au combat, Edouard l'épouse en secret. Une fois le trône définitivement acquis, il confirme publiquement l'existence du mariage, et place Elizabeth en tant que reine à ses côtés. Si cette union est peu appréciée par la famille royale, notamment par la reine mère, l'opposition la plus forte est celle de Lord Warwick qui voit les projets personnels d'alliance qu'il avait envisagés rendus caducs.

The White Queen nous entraîne dans les jeux de pouvoir de la cour d'Angleterre, où les vaincus d'hier n'ont pas dit leur dernier mot et où les loyautés changent au gré des intérêts fluctuants de chacun. Elizabeth a beau pouvoir s'appuyer sur l'amour royal et un sens des alliances maritales très poussé, ce sont des épreuves difficiles qu'elle aura à affronter...

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Sur le papier, le potentiel de The White Queen reposait sur ce mélange pimenté des sentiments et des luttes pour le pouvoir qu'elle se proposait de mettre en scène, avec pour cadre l'Angleterre de la fin du XVe siècle (le tournage ayant cependant eu lieu en Belgique). Malheureusement, à aucun moment au cours de ses deux premiers épisodes, la série ne va faire un instant illusion. Sa mauvaise gestion du point de départ de l'histoire, le coup de foudre entre un roi que d'aucuns qualifient d'usurpateur et une veuve qui n'est pas de haute naissance, est représentative de bien des limites. Le pilote est extrêmement précipité : en moins d'une heure, et quelques brèves rencontres, le téléspectateur voit l'antagonisme politique initial (la famille d'Elizabeth est liée aux Lancastriens) qui les opposait se changer en amour, pour finir par l'union officielle.

Si le mariage a lieu si rapidement, en secret, c'est qu'Edouard ne peut tout simplement pas attendre de coucher avec Elizabeth. Mais cette dernière n'entend pas n'être qu'une énième maîtresse dont ce roi charmeur aurait souillé l'honneur : après avoir manqué d'être violée par ce dernier, elle accepte de bonne grâce de l'épouser. Il y aurait sans doute eu là matière à cultiver une intéressante ambiguïté, entre pouvoir, pragmatisme et sentiments, mais le récit de The White Queen semble prendre un malin plaisir à déjouer tous les espoirs, s'enfermant dans une platitude frustrante. Les producteurs de la série ont eu à se justifier sur l'enchaînement sans transition d'une violence sexuelle à une cérémonie religieuse, expliquant schématiquement, dans The Guardian, "différente époque, différentes moeurs". Seulement, ce qu'ils n'ont pas compris, c'est que le manque de crédibilité de leur récit tient avant tout à la manière artificielle dont tout se déroule : la série est incapable de faire ni ressentir, ni comprendre le lien qui s'est créé entre Edouard et Elizabeth et le choix lourd de conséquence que fera ce dernier en se mariant.

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Suite à ce pilote raté dans la mise en scène du jeu des sentiments, une fois le mariage officialisé, on pouvait cependant se demander si The White Queen allait parvenir à sortir des maladresses de sa phase d'exposition et commencer à exploiter le potentiel de son concept. C'est la raison pour laquelle j'ai regardé le deuxième épisode. Mal m'en a pris. Certes, après l'amour, ce sont bien les confrontations politiques qui se retrouvent au premier plan, avec des complots de cour qui prennent vite forme... Mais l'approche narrative demeure inchangée : tout est pareillement précipité, les années défilant à vive allure sans prendre le temps de construire la moindre tension et ambivalence. Les intrigues suivent des ficelles trop grossières pour être engageantes, finissant par caricaturer ces rapports de pouvoir qui sont pourtant le coeur de l'histoire.

Plus frustrant encore, la série se complaît dans un manichéisme vite agaçant du fait de la simplicité naïve avec laquelle sont traitées des situations pourtant complexes, qui offraient matière à de belles confrontations. La famille d'Elizabeth, quoiqu'en pense cette dernière, n'est pas la dernière à manoeuvrer pour asseoir ses intérêts et son pouvoir. Or le récit est excessivement biaisé, et la candeur initiale d'Elizabeth trop en décalage avec les évènements dépeints, pour que les oppositions entre les différents camps acquièrent une réelle consistance. Les dialogues sonnent creux, et la fin du deuxième épisode achève de confirmer l'incapacité de la série à susciter la moindre émotion, y compris dans la tragédie. Et ce ne sont pas quelques rare scènes rendues assez jubilatoires par la mère d'Elizabeth qui sauveront l'ensemble du marasme fade dans lequel la série s'est embourbée.

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De plus, ce n'est pas sur la forme que la série se rattrapera : le premier adjectif qui m'est venu en tête devant le pilote de The White Queen était "propret". Tout semble sonner faux dans cette mise en scène aux teintes artificielles ; on peine à croire que l'action se déroule au XVe siècle. Certes, la série n'est pas la première à opter pour ce genre d'approche, puisque The Tudors ou The Borgias ont, ces dernière années, misé sur les costumes colorés et les reconstitutions folkloriques, mais cela n'avait pas d'incidence sur l'ambiance générale de la série qui savait happer le téléspectateur. En revanche, The White Queen pousse, elle, la logique à son extrême, obtenant un résultat peu en prise avec le souffle historique attendu.

Enfin, The White Queen bénéficie d'un casting correct, mais où la fadeur des personnages tend à éclipser des acteurs qui ne déméritent pourtant pas. Le couple principal est interprété par Max Irons (The Runaway) et la suédoise Rebecca Ferguson qui apporte une fraîcheur appréciable à l'écran. On retrouve aussi quelques habitués des fictions costumées, à l'image de James Frain (The Tudors), David Oakes (The Borgias), voire Amanda Hale (The Crimson Petal and the White, Ripper Street). Parmi la riche galerie d'acteurs, on croise également Aneurin Barnard, Faye Marsay, Tom McKay (Hatfields & McCoys), Ben Lamb, Eleanor Tomlinson, Caroline Goodall (Mrs Biggs), Juliet Aubrey (Primeval) et Rupert Graves (Single Father, Garrow's Law, Sherlock). Dans ces deux premiers épisodes, celle qui tire le mieux son épingle du jeu, bénéficiant de quelques répliques bien senties, est sans conteste Janet McTeer (The Governor, Five Days, Damages, Parade's End).

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Bilan : En dépit d'un concept initial prometteur, The White Queen s'apparente à une sorte de livre dont les pages en papier glacé seraient tournées trop rapidement pour pouvoir construire un récit solide, cohérent et engageant. En dehors de quelques trop rares fulgurances, tout sonne creux et artificiel dans cette narration où les intrigues suivent des ficelles souvent grossières. Forçant les traits, coupable d'une simplification baclée de ses enjeux, la série flirte avec la caricature sans épaisseur des jeux de pouvoir moyen-âgeux. Loin des ambitions affichées, The White Queen échoue ainsi dans les ressorts les plus basiques des fresques historiques. Le téléspectateur reste à la porte, observateur distant, vite ennuyé...


NOTE : 5/10


Le générique de la série :

La bande-annonce de la série :


26/06/2013

(J-Drama) Tsumi to Batsu : est-il possible de s'arroger le droit de tuer ?

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En ce mercredi asiatique, restons au Japon. Je vous propose de revenir sur ce qui semble devoir être le thème marquant de mon printemps sériephile : se glisser dans la tête d'un tueur. C'est-à-dire qu'il ne s'agit pas seulement d'être témoin de crimes ou de suivre une enquête, mais bien d'apprendre à connaître au quotidien, tout au long d'une série, un personnage principal ayant commis ou s'apprêtant à commettre un (ou des) meurtre(s). Dexter est passé par là, mais il y aurait sans doute tout un article à écrire (c'est d'ailleurs un de mes projets qui verra peut-être le jour) sur la façon de jouer sur cette intimité pour susciter le malaise. The Fall en Angleterre et Hannibal aux Etats-Unis ont décliné ce thème d'une façon qui leur est propre, c'est également le cas de la série japonaise sur laquelle je vais revenir aujourd'hui.

Tsumi to Batsu : A Falsified Romance est un renzoku de 6 épisodes qui a été diffusé du 29 avril au 3 juin 2012 sur la chaîne câblée WOWOW. 'Tsumi to Batsu' signifie littéralement 'Crime et Châtiment'. Il s'agit d'une adaptation d'un manga éponyme d'Ochiai Naoyuki, lui-même se réappropriant les thèmes d'un classique de la littérature russe, 'Crime et Châtiment' de Fiodor Dostoïevski. Par la noirceur des sujets mis en scène, Tsumi to Batsu s'inscrit dans la droite lignée d'une autre série proposée l'an passé sur WOWOW, Shokuzai (sortie au cinéma en France il y a quelques semaines). Marquante par l'approche directe avec laquelle elle traite ces thématiques, Tsumi to Batsu n'atteint cependant pas le rang d'incontournable de sa prédécesseur. Elle n'en reste pas moins un visionnage recommandé pour plusieurs raisons.

[La critique qui suit contient des spoilers sur le déroulement de l'intrigue.]

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Tachi Miroku est un jeune homme, asocial et renfermé, qui rêve de devenir écrivain. Il a été profondément marqué par le suicide de son père dans sa jeunesse. Sa mère et sa soeur l'ont toujours couvé depuis, nourrissant d'importantes ambitions pour son futur. Mais après avoir été envoyé poursuivre ses études en ville, Miroku cesse rapidement d'assister aux cours de l'université. Il réussit à faire publier une première nouvelle, dont il reste insatisfait : en transposant à l'écrit les principes fantasmés d'un tueur dans son bon droit, c'est une oeuvre déconnectée de la réalité, formellement irréprochable, mais trop artificielle sur le fond pour toucher.

Un jour, Miroku est accosté par une jeune lycéenne, Risa, qui fait du racolage dans la rue. Un peu plus tard, il la recroise à un café. Il découvre alors qu'elle appartient à un groupe de lycéennes se prostituant, géré d'une main de fer par l'une d'entre elles, Baba Hikaru. Cette dernière a des liens avec un groupe de yakuza, leur remettant une partie des sommes gagnées par ces activités. Face à cette adolescente glaçante, Miroku songe à son livre, à l'idéal de tueur qu'il y avait décrit. Il décide de plannifier le meurtre de Hikaru. Mais les évènements ne vont pas se dérouler comme prévu... D'autant qu'une fois l'irréversible commis, le jeune homme peut-il vraiment rester ce tueur détaché qu'il fantasme ?

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La première chose qui marque devant Tsumi to Batsu est l'extrême noirceur ambiante, à la fois troublante et malsaine. La série entraîne le téléspectateur dans les pires recoins de la nature humaine, avec un récit empreint d'un pessimisme pesant dont les manifestations vont être parfois très éprouvantes à visionner. Si l'histoire tourne autour de l'évolution de Miroku et des choix qu'il va faire, le meurtre n'est pas le seul thème glaçant de l'intrigue, puisque seront abordés et mis en scène, au cours des six épisodes, la prostitution, le proxénétisme, le viol ou encore le suicide... Le drama est d'autant plus marquant qu'il ne se limite à du simple suggestif, profitant de sa diffusion sur une chaîne câblée : outre les violences sexuelles filmées, c'est la mise en scène des meurtres de Miroku qui hante durablement le téléspectateur. L'inexpérience et la tension du moment troublent ses actes : la maladresse pleine de détermination avec laquelle le couteau s'abat, méthodiquement, par trois fois, sur l'adolescente qu'est Hikaru, avant qu'elle ne perde conscience, sont des images d'une force brute presque insoutenable. L'irréversible se réalise soudain, difficilement, et la réalité se change en horreur très concrète quittant le champ des seules idées.

Cependant, ce n'est pas juste par ces faits que Tsumi to Batsu marque, c'est aussi par l'approche psychologique  que le drama propose de son personnage central. Il nous glisse dans l'esprit troublé de Miroku, tentant (vainement) d'expliquer l'inexplicable raisonnement qui le conduit à tuer. Emmuré dans une colère irrationnelle face à des proches trop présents qui se sont obstinés à dépeindre en modèle un père qui a pourtant failli en tout auprès de sa famille, le jeune homme est animé d'une rage et d'une volonté d'émancipation qui l'entraînent dans des fantasmes dangereux. Se rêver écrivain, cela lui permet d'apposer sur le papier ses réflexions, de mettre en mots ses obsessions qui sont les reflets de ses propres ambitions : l'idée de séparer les faibles, les nuisibles, des supérieurs qui sont capables de prendre et d'assumer de légitimes décisions qui impliquent prendre une vie. Si bien que, quand il rencontre Hikaru, jeune femme à la cruauté froide et inaccessible, il veut la réduire au silence. Tuer cette lycéenne proxénète, c'est prendre le dessus sur elle, l'écraser et se prouver quelque chose à lui-même dans la logique tourmentée et paradoxale qui est la sienne : Miroku souffre d'un complexe d'infériorité, tout en aspirant à une supériorité, notamment morale, grâce à laquelle il entend se détacher du commun des mortels.

Or, le plan de Miroku dérape quand une autre adolescente surgit sur les lieux où il vient de tuer Hikaru : Risa, innocente égarée et trop confiante, méprend ses motivations et en paiera le prix de sa vie. Suite à ces actes, Tsumi to Batsu s'intéresse à la manière dont ils vont affecter le jeune tueur. Car Miroku découvre après coup qu'il n'est pas ce prédateur fantasmé vers lequel il souhaitait tendre, et la mort de Risa le hante. L'introduction d'un nouveau personnage, Echika, une autre âme écorchée et brisée mais qui s'accroche, va provoquer une évolution. L'étrange relation qui se développe entre les deux est assurément inclassable. Elle aboutit à des échanges contradictoires, ambivalents, d'une rare intensité, esquissant des réflexions sur la dépendance et la solitude, sur le bonheur et le sacrifice fait en conscience pour blesser, sur l'amour et la violence légitime... Dans cette dernière partie, le drama sonne toujours aussi désespéré, mais après la dérive, vient le temps pour Miroku de faire face. La repentance implique d'expier ce qui a été commis. Poussé par Echika, il substitue, à son ancien idéal de supériorité détachée, une quête vers cette humanité qui lui fait tant défaut dans l'esprit troublé qui est le sien. Mesurer cette absence sera sa prise de conscience personnelle des actes qu'il a commis, venant ainsi conclure six épisodes de progressions et d'interrogations très éprouvants.

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Sur la forme, Tsumi to Batsu est un drama au-dessus de la moyenne dans le petit écran japonais : on y retrouve le soin généralement apporté aux séries proposées par WOWOW. La photographie reste dans l'ensemble volontairement froide, avec une réalisation qui est de très correcte facture. La bande-son n'est pas trop envahissante, avec certains passages dans lesquels transparaît musicalement la solennité propre au sujet. Cette ambiance musicale reflète assez bien la tonalité du récit, à l'image de la chanson qui vient conclure les épisodes est 'Mabushii Asa' du groupe Merengue (cf. la vidéo ci-dessous pour une écoute).

Enfin, Tsumi to Batsu bénéficie d'un casting qui saura trouver le ton juste pour porter à l'écran ces personnages et ces thèmes durs et complexes. Le rôle de Tachi Miroku est confié à Kora Kengo (Shotenin Michiru no Mi no Uebanashi), qui semble destiné à devoir incarner ces figures de tueur poussé à bout : souvenez-vous de son rôle dans Marks no Yama également sur WOWOW, dans Tsumi to Batsu, il reste dans un registre finalement pas si éloigné. A ses côtés, on retrouve Mizukawa Asami (Nodame Cantabile, Last Friends, Gou), une jeune femme qui va, par ses propres tragédies, réussir à atteindre Miroku. Baba Hikaru est interprétée par Hashimoto Ai (Hatsukoi). On retrouve également Ibu Masato (Koshonin, Rinjo, Last Money ~Ai no Nedan~), Sometani Shota (Hei no Naka no Chuugakkou, Gou, xxxHOLiC) ou encore Tanaka Tetsushi (Yakou Kanransha).

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Bilan : Fiction extrêmement sombre, Tsumi to Batsu est un drama très dense et éprouvant à visionner, dont la façon brute et directe d'aborder des thèmes difficiles marque durablement. C'est un récit entièrement dédié à son personnage central : il ne s'agit pas seulement d'en suivre les actions, mais aussi de nous glisser dans son esprit. Au fil de ses réflexions et de la progression que Miroku connaît, une confusion ambiante difficile à appréhender ressort, pouvant dérouter le téléspectateur : elle n'est que le reflet des propres troubles du jeune tueur. Faire le choix de privilégier une telle approche psychologique était en soi un défi complexe, et Tsumi to Batsu n'évite pas quelques écueils. La narration manque aussi parfois de consistance dans sa façon de relier ses diverses storylines éclatées autour de sa figure principale. L'ambition n'en reste pas moins manifeste : cette expérience, même si elle n'est pas exempte de limites, mérite le coup d'oeil, et se démarque dans le petit écran japonais.


NOTE : 7,5/10


Le clip de la chanson qui conclut chaque épisode (
'Mabushii Asa', par Merengue) :

23/06/2013

(CAN) Orphan Black, saison 1 : des clones, beaucoup de questions et un charme certain

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Revenons aujourd'hui sur une série dont j'avais déjà eu l'occasion d'évoquer le pilote il y a quelques mois : Orphan Black, une nouveauté diffusée sur BBC America aux Etats-Unis et sur Space au Canada. Son premier épisode avait été une introduction avec des atouts, sans constituer pour autant une révélation. Un joli buzz printanier plus tard, qu'est donc devenue Orphan Black au cours de sa première saison, dont les seuls dix épisodes paraissaient comme une promesse de récit condensé ?

La série a certainement bénéficié, dans la réception qui l'a entourée, d'un relatif effet de surprise, allié à l'absence d'attentes particulières initiales autour du projet. Pour autant, c'est une première saison prenante qu'elle a proposée, se réappropriant pleinement thématiques de science-fiction (le clonage humain) et girl power revendiqué. En résumé, voici une série qui a su me faire tomber sous son charme.

Pour ceux qui souhaiteraient se rappeler les bases de l'histoire d'Orphan Black, je vous renvoie à mon résumé du pilote lors de ma critique de ce dernier (garantie sans spoiler intempestif) : Orphan Black, des doubles, des secrets et des échanges d'identité. Le billet du jour constitue, lui, un bilan de saison (également sans spoiler).

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Si Orphan Black a concrétisé, voire dépassé, les attentes qu'avait esquissé son pilote, c'est que la série a su miser sur des développements extrêmement addictifs. Refusant de s'enfermer dans le moindre acquis, la saison progresse au contraire à un rythme très rapide, sans jamais s'offrir le moindre ralentissement notoire. Avec son choix assumé d'aller toujours de l'avant, elle passe vite maître dans l'art de multiplier les rebondissements, redistribuant constamment les cartes et les loyautés de chacun au gré des révélations. Elle fait preuve d'une capacité assez grisante à toujours chercher à jongler avec plus de storylines et de twists qui s'enchaînent sans temps mort. Pour le téléspectateur, nul doute que le spectacle est enthousiasmant : à défaut d'être originale, la série s'avère prenante jusque dans sa façon d'assumer une narration versatile qui, si elle n'entend prendre aucune pause, se ménage des passages dramatiques mais aussi des moments plus légers.

Cette approche narrative directe permet à Orphan Black d'exploiter pleinement son format de 10 épisodes, avec une construction entièrement feuilletonnante dans laquelle le téléspectateur va s'investir. Cependant la série trouve pourtant là ce qui est aussi une de ses limites : à risquer de trop vouloir en faire, elle frôle parfois la sortie de route de la cohérence. Et même si la surenchère reste dans l'ensemble dosée, la façon dont les scénaristes calibrent les évènements et les réactions de chacun, en fonction des rebondissements vers lesquels la série tend, finit par donner un arrière-goût de simple artifice à certains passages. Au cours de la saison 1, cette dérive reste cependant assez circonscrite, et la dynamique d'ensemble la masque le plus souvent. Reste qu'en reposant tellement sur cette escalade de confrontations, de trahisons et de révélations, la série se construit sur des fondations fragiles, à surveiller.

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Pour autant le charme d'Orphan Black ne tient pas seulement à l'engrenage dans lequel la série happe le téléspectateur. La clé d'entrée dans son univers reste les personnages. Il y a tout d'abord la gestion du thème du clonage qui fonctionne très bien à l'écran. Afin de s'assurer d'avoir des individus semblables en apparence, tout en étant toujours bien identifiables, les scénaristes ont choisi de mobiliser des stéréotypes de la fiction américaine : une soccer mom des banlieues et une geek (biologiste), auxquelles s'ajoutent des figures plus ambiguës : Helena, élevée dans le fanatisme religieux, est certainement celle qui fascinera le plus, plongée dans l'instabilité, brisée aux frontières de la folie. Isolés, ces personnages auraient risqué de tourner à vide, manquant de consistance, mais c'est justement dans la mise en scène des dynamiques qui vont se créer entre les clones, avec tous les contrastes qui les accompagnent, que Orphan Black trouve sa force.

L'attrait de la série repose alors dans la manière dont on observe ces personnalités réagir aux évènements, avec leurs préconceptions, leurs caractères et leurs propres histoires. Le récit expose leurs différences, insiste et joue avec elles, pour créer des confrontations, mais aussi un lien unique entre ces jeunes femmes qui ne sont pas les simples déclinaisons d'un même génome : ce sont des personnes à part entière. La protagoniste principale restera toujours Sarah, celle par qui le téléspectateur a été introduit dans ce monde. La jeune femme a une particularité par rapport aux autres : une fille biologique qui représente sans nul doute un enjeu à elle-seule. Par son aplomb et son caractère, Sarah s'impose comme une héroïne solide auprès de laquelle il est aisé de s'investir. Mieux, elle s'humanise grâce à sa relation avec son frère adoptif, Felix, qui aura au fil du récit su apporter une touche plus décalée, voire humoristique à certains passages, tout en s'imposant comme un pendant nécessaire à Sarah.

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Au fond, le secret du charme d'Orphan Black tient à cela : une histoire de clones, de personnages en apparence semblables, mais dont les postures, les expressions et le langage n'ont rien de commun. C'est dans cet aspect que la performance de Tatiana Maslany (World without end) est déterminante. Ses interprétations de ses différents rôles sont impressionnantes justement parce qu'elle leur donne à tous une vie et une présence qui leur sont propres. Elle peut interprétér 3 ou 4 personnages différents à la suite, à aucun moment le téléspectateur n'a l'impression d'être devant le même : il sait toujours qui est qui. Mieux, lorsqu'un des clones se fait passer pour un autre, le téléspectateur a toujours conscience de celui qui ne fait que tenter de jouer un rôle qui n'est pas le sien : dans les mimiques, les quelques réflexes qu'il conserve, on perçoit toujours qu'il n'est pas celui dont il a pris la place. Il y a quelque chose de grisant à suivre ainsi cette performance d'acteur enthousiasmante sur laquelle repose les fondations mêmes de la série. Aux côtés de Tatiana Maslany, ces co-acteurs ont des rôles plus conventionnels. Jordan Gavaris (Unnatural History), qui interprète Felix, est certainement celui qui délivre l'interprétation la plus intéressante. D'autres sont plus limités, à l'image Dylan Bruce (The Bay). Mais la série peut quand même également compter sur la présence de Maria Doyle Kennedy (The Tudors, Titanic), dont le personnage a encore probablement beaucoup à révéler. 

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Bilan : Série très plaisante à suivre, Orphan Black aura signé une première saison dense qui, après des premiers épisodes d'installation, trouve un rythme de croisière extrêmement addictif et prenant, bénéficiant de ce format pas trop long de dix épisodes. La thématique du clonage n'est pas exploitée sous un angle original, mais elle a le mérite de parfaitement réussir à happer le téléspectateur dans une escalade paranoïaque de rebondissements et de révélations. De plus, l'attrait de la série de la série repose aussi sur les intéractions et dynamiques qui se créent entre ces jeunes femmes, à la fois si dissemblables à l'ADN similaire. Orphan Black est donc une intéressante fiction printanière : pas exempte de limites, mais certainement enthousiasmante. Avis aux amateurs de SF et de girl power !

La saison 2 réservera son lot de défis, à commencer par s'assurer que la série puisse maintenir un tel rythme sur un plus long terme, avec des storylines qu'il va falloir continuer de faire évoluer. Je serai en tout cas au rendez-vous pour la suite.


NOTE : 7,25/10



La bande-annonce de la série :

Le générique de la série :