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15/12/2012

(Mini-série UK) Secret State : conspiration dans les coulisses du pouvoir

"You get to the top, and you realise, it's really only the middle."
(Tom Dawkins, Premier Ministre)


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Je vous parlais il y a quelques semaines de la très intéressante mini-série A Very British Coup, thriller politique pessimiste particulièrement happant des années 80, inspiré du roman éponyme d'un député britannique de l'époque, Chris Mullin. Channel 4 s'est proposée durant le mois de novembre de moderniser ce récit, en se réappropriant librement ces interrogations sur le pouvoir réel derrière le pouvoir politique. Cette nouvelle mini-série, Secret State, compte 4 épisodes.

Fiction ambitieuse, aux thèmes multiples, elle n'aura pas su mener sa démonstration jusqu'au bout, cédant trop souvent à une surenchère et à une escalade dans la complexification des intrigues au fil de laquelle le propos même de l'oeuvre s'est un peu dilué. Cependant elle n'en reste pas moins un honnête thriller, globalement prenant.

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Secret State débute à la suite d'une tragédie. Un accident industriel dévaste un petit bourg et fait plusieurs dizaines de victimes. Ce sont les installations d'une entreprise de pétrochimie, PetroFex, qui ont provoqué cette catastrophe. Après le choc et le temps du deuil, le Premier Ministre britannique s'envole pour les Etats-Unis pour négocier avec le géant pétrolier une compensation pour les citoyens britanniques touchés. Mais, sur le chemin du retour, son avion disparaît des écrans radars. L'épave est ensuite retrouvée, sans survivants.

Alors que le pays est en pleine période électorale, le vice-Premier Ministre, Tom Dawkins, est contraint de prendre les choses en main pour assurer à la fois l'assise de son parti et la conduite du pays. Cependant l'affaire PetroFex ne fait que commencer, et ses ramifications vont bien au-delà de ce qui pouvait être imaginable. En plus de devoir rechercher les causes de l'accident industriel, les services de sécurité doivent enquêter sur la mort du Premier Ministre. Les réponses offertes ne satisfont pas Tom Dawkins. Dans sa quête pour la vérité, il va se trouver confronter à des forces d'un système dont il n'est que le leader apparent.

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Secret State bénéfici tout d'abord d'un sujet particulièrement intéressant, ayant beaucoup à dire sur la réalité de nos démocraties modernes et sur ses illusions. Là où A Very British Coup s'inscrivait dans un contexte particulier de prise de pouvoir d'un parti travailliste socialisant à une époque où l'URSS n'était pas encore tombée, Secret State modernise ses problématiques en évoquant pêle-mêle les enjeux énergétiques et pétroliers, le pouvoir de la finance et des banques, mais aussi le spectre du terrorisme et des guerres énergétiques du Moyen-Orient. Entre le thriller politique, la fiction conspirationniste, le tout saupoudré de journalisme d'investigation et d'espionnage, la mini-série jongle avec ces différentes thématiques. Le fil rouge de l'ensemble est le nouveau Premier Ministre britannique, Tom Dawkins, qui manoeuvre comme il peut au milieu de ces intérêts contradictoires. Il est un homme de principes, mais surtout une figure isolée dans un monde où le politique s'efface devant la puissance d'autres pouvoirs de l'ombre, et où une oligarchie qui n'a jamais de comptes à rendre au peuple s'active et sert ses propres intérêts.

Avec son récit dense et une histoire complexe, Secret State retient l'attention du téléspectateur, et s'avère dans l'ensemble globalement efficace. Pourtant, elle laisse malgré tout un arrière-goût d'inachevé. L'ambition du scénario est manifeste, voulant englober toutes les problématiques actuelles des enjeux géostratégiques à la finance internationale. Mais la mini-série tend à verser dans la surenchère. Complexifiant à outrance certains développements de l'histoire, multipliant les interventions de protagonistes qui ne trouvent pas toujours leur place, Secret State donne parfois l'impression de tout survoler sans être capable d'aller vraiment au fond des choses. Ainsi, si son propos, passionnant, trouve indéniablement un écho particulier à l'heure actuelle, la démonstration aurait vraiment gagné en force à faire plus simple et percutant. Vous m'objecterez qu'il vaut sans doute mieux une fiction qui pèche par excès de richesses qu'une oeuvre creuse et vide, cependant il est frustrant de voir laisser inexploité ce vaste potentiel juste effleuré dans la précipitation avec laquelle tout est traité.

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Sur la forme, Secret State est une mini-série parfaitement maîtrisée. Sa réalisation est soignée, et le format choisi, le même que Top Boy l'an passé sur Channel 4 également, étire l'image dans sa longueur dans un style cinématographique inhabituel pour le petit écran, mais qui apporte un cachet supplémentaire à l'ensemble. La série sait aussi jouer sur l'ambiance qui se dégage de certaines images symboliques, n'ayant pas son pareil pour présenter un temps grisâtre, où les nuages menaçants s'amoncellent dans le ciel, signe des drames passés et des difficultés à venir.

Enfin, Secret State rassemble un casting extrêmement solide, dont on regrettera surtout qu'en seulement 4 épisodes, beaucoup ne soit que trop peu exploité au goût du téléspectateur (parmi lesquels Charles Dance (Bleak House, Game of thrones), Stephen Dillane (John Adams), Gina McKee (The Lost Prince) ou encore Rupert Graves (Garrow's Law, Sherlock)). Le rôle de Tom Dawkins revient à un Gabriel Byrne (In Treatment) qui, tout en subtilité et en nuance, construit un personnage complexe, plus fort et persévérant que l'on aurait pu lui donner crédit à première vue, homme providentiel -ou non- se retrouvant soudain placé devant des responsabilités énormes. Sa progression aboutit à un extrêmement discours final qui mérite le détour. A noter, sur le plan de l'anecdotique, que Chris Mullin lui-même - l'auteur de A Very British Coup - fait une brève apparition dans la mini-série.

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Bilan : Thriller politique et conspirationniste ambitieux, Secret State suit le parcours d'un politicien propulsé à la tête du pays suite à une tragédie. Tenant son mandat du peuple, il se heurte pourtant rapidement aux limites du politique et à la réalité du pouvoir de l'ombre, entre enjeux financiers et énergétiques. Dressant un portrait pessimiste et sans complaisance de la réalité de nos démocraties modernes s'apparentant à de véritables oligarchies, la mini-série ne parvient cependant pas à exploiter complètement son potentiel. Voulant traiter trop de thématiques à la fois, elle n'en traite au final véritablement aucune en profondeur, se contentant de tout survoler. Cela reste certes une fiction très correcte dans son genre, mais qui laisse malgré le téléspectateur quelque peu frustré.


NOTE : 7/10


La bande-annonce de la mini-série :

Commentaires

Oui, je suis assez d'accord, il y a tellement de choses à traiter que la série reste souvent en surface...Le personnage de la journaliste par exemple, n'est jamais rien qu'un Deus Ex Machina pour faire avancer l'intrigue !
Et la fin brouillonne m'a également frustrée (je l'ai revu pour être sûr de l'avoir comprise), elle n’est pas très réussie non plus !
C'est dommage, le casting aurait permis de faire une vraie série marquante aux côtés de State of Play ou The State Within !

Écrit par : JainaXF | 16/12/2012

@ JainaXF : Je crois qu'ils ont voulu traiter trop de choses en seulement 4 épisodes, et ont justement du utiliser des raccourcis qui étaient des facilités narratives parfois un peu trop voyantes (l'emploi de la journaliste notamment).

Mais j'ai adoré voir un tel thème porté à l'écran (même si je reste sur ma faim), donc j'ai quand même envie de conseiller d'y jeter un oeil même s'il ne satisfait pas pleinement !

Écrit par : Livia | 20/12/2012

Plutôt bien aimé.
Je n'ai pas senti cette complexification à outrance que tu mentionnes.
Au contraire, j'ai plutôt trouvé que tout s'enchaîne de manière assez fluide et naturelle.
Comme quoi, les impressions...
Ce que je reprocherais plutôt à la série, c'est son propos assez simpliste sur les grands méchants de la finance et de l'industrie et l'idéalisme un peu niais qui laisse à penser qu'un gars comme Tom Dawkins pourrait accéder au poste de premier ministre.

"L'ambition du scénario est manifeste, voulant englober toutes les problématiques actuelles des enjeux géostratégiques à la finance internationale. Mais la mini-série tend à verser dans la surenchère. Complexifiant à outrance certains développements de l'histoire, multipliant les interventions de protagonistes qui ne trouvent pas toujours leur place, Secret State donne parfois l'impression de tout survoler sans être capable d'aller vraiment au fond des choses. Ainsi, si son propos, passionnant, trouve indéniablement un écho particulier à l'heure actuelle, la démonstration aurait vraiment gagné en force à faire plus simple et percutant."

Euh oui, pourquoi pas.
Personnellement, en remplaçant le mot "actuelles" dans la première phrase, j'aurais très bien pu comprendre que l'on écrive exactement la même chose pour la deuxième saison de The Hour.
Et au moins dans Secret state, on évite les romances à deux balles. :)

Écrit par : Fred | 10/01/2013

@ Fred :
"Comme quoi, les impressions..."
_ Un avis est par définition subjectif ;)


"Ce que je reprocherais plutôt à la série, c'est son propos assez simpliste sur les grands méchants de la finance et de l'industrie et l'idéalisme un peu niais qui laisse à penser qu'un gars comme Tom Dawkins pourrait accéder au poste de premier ministre."
_ Il y a un certain d'éléments qui sont simplifiés pour ce qu'il me semble être les "besoins de la démonstration". Cela donne un côté un peu didactique à l'ensemble qui est un postulat de départ auquel il faut adhérer d'emblée.
Ici je pense que Secret State emprunte le parti pris de l'oeuvre d'origine qui, pareillement, jouait sur cette même idée, avec cette fois un travailliste très socialisant accédant au pouvoir et non corrompu par les arcanes de ce pouvoir.
Cela m'a moins gêné car j'ai accepté dès le départ cette approche, mais sans doute aussi parce que je connais l'original où cet aspect était par certains points bien plus marquant.
A Very British Coup, c'est de la politique fiction tour à tour idéalisée et désillusionnée.


"Personnellement, en remplaçant le mot "actuelles" dans la première phrase, j'aurais très bien pu comprendre que l'on écrive exactement la même chose pour la deuxième saison de The Hour."
_ Autant je suis entièrement d'accord avec toi pour l'appliquer à la 1ère saison de The Hour, autant que je ne pense pas que ce défaut se retrouve, selon moi, dans la seconde, moins ambitieuse et moins éparpillée sur ce plan. La question nucléaire et des bases reste un simple fil rouge de mise en contexte en arrière-plan. La 1ère saison avait échoué à bien intégrer les problématiques géostratégiques/guerre froide, la deuxième a fait le choix judicieux de ne pas tenter de tels développements, et l'ensemble a alors gagné en homogénéité et en cohésion.

Enfin, "les impressions..." comme tu dis si bien. ;)


Au fond, pour en revenir à Secret State, ma note reflète l'ambivalence que j'ai par rapport à cette série : j'ai plutôt aimé, mais je n'ai pas adhéré à tous les choix faits alors que le potentiel était là, d'où cette impression mitigée.

Écrit par : Livia | 12/01/2013

Pour poursuivre la comparaison avec The Hour (pour ce que cela vaut), je voudrais revenir sur une chose que tu écris à propos de Secret state : "les facilités narratives parfois un peu trop voyantes (l'emploi de la journaliste notamment)".

Certes, on peut voir le personnage de la journaliste comme un simple instrument destiné à faire progresser l'intrigue. Mais au moins, elle, on la voit faire son métier de journaliste.
Dans The Hour, que voit-on du travail de journaliste? Paradoxalement et malgré que ce soit le sujet de la série : pratiquement rien.
A part se planter au club du bad guy, recevoir des indices tombés d'on ne sait trop où (genre la danseuse qui met juste la bonne photo dans l'enveloppe alors qu'elle ne peut absolument pas savoir que c'est justement cette photo-là qui va pouvoir faire progresser l'intrigue, scénaristiquement parlant, c'est particulièrement nul). Sans parler de Super Isaac, personnage sans intérêt mais qui semble pouvoir trouver toutes les infos qu'il faut en un clin d'oeil pour faire le boulot à la place du couple vedette trop occupé à jouer au jeu de "je t'aime moi non plus" (dans le genre facilité narrative, l'emploi d'Isaac enfonce allègrement celui de la journaliste dans Secret state).
Dans une série mettant en scène des journalistes et dont le sujet est la mise en place d'une émission télévisuelle d'actualités, cette manière d'escamoter à l'écran le travail journalistique (sans doute pas assez funky) me semble vraiment préjudiciable à la crédibilité de la série.
Dans le même ordre d'idée, je viens juste de voir "The girl with the dragon tattoo" de David Fincher et la manière dont il parvient à rendre à l'écran le travail de recherche et d'enquête journalistiques à la fois passionnant et crédible, c'est pour moi la plus grande réussite du film.
Ca rachète allègrement une intrigue pourtant franchement faiblarde (en fait, on se fout pas mal de l'identité du serial killer).

Écrit par : Fred | 12/01/2013

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