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17/04/2013

(J-Drama / SP) Lupin no Shousoku : exhumation du passé en quête de la vérité sur un meurtre quasiment prescrit

 

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Retour au Japon en ce mercredi asiatique ! Si j'insiste sur cette destination, c'est parce que, pour une fois, je parviens à respecter plusieurs semaines d'affilée une vraie alternance entre la Corée du Sud et le Japon. Cette semaine, j'ai quelque peu délaissé les nouveautés pour me plonger dans mes dossiers sans fond de séries à rattraper. Comme mon inclinaison du moment m'oriente plutôt vers le genre policier, j'ai finalement exhumé un intéressant tanpatsu (c'est-à-dire un drama court) sur lequel Kerydwen avait attiré mon attention en janvier dernier.

Téléfilm unitaire d'une durée de 2 heures, Lupin no Shousoku a été diffusé le 21 septembre 2008 sur WOWOW. Si le nom de cette chaîne câblée revient souvent dans ces colonnes lorsqu'il s'agit de partir au pays du soleil levant, il faut reconnaître que la confiance accordée est souvent méritée. Lupin no Shousoku ne déroge pas à cette règle. Cette adaptation d'un roman éponyme de Yokoyama Hideo (un spécialiste du suspense) a été confiée à Mizutani Toshiyuki, dont j'ai déjà visionné plusieurs autres collaborations avec WOWOW. Les résultats avaient jusqu'à présent été variables : si Marks no Yama s'était révélé être un intéressant drama policier (déjà), Prisoner m'avait laissé beaucoup plus réservée et mitigée. Heureusement Lupin no Shousoku s'inscrit dans la lignée des qualités du premier (on y retrouve d'ailleurs le même acteur principal), proposant une quête de la vérité prenante et riche en rebondissements.

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Officier n'ayant jamais gravi les échelons de la hiérarchie policière, Mizorogi Yoshihito est resté marqué par ce qui demeure le plus grand échec de la police japonaise de la seconde moitié du XXe siècle : ne pas être parvenu à arrêter le coupable d'un vol de 300 millions de yens qui, bien qu'identifié, bénéficia de la prescription pour s'échapper entre les mailles du filet judiciaire. En charge de l'affaire, Mizorogi détenait le principal suspect le jour où ce délai légal expira. Il a été contraint de le voir ressortir libre du commissariat sans pouvoir espérer jamais mener des poursuites pénales contre lui. Sur le moment, c'est sa démission qu'il remit - et qui fut refusée ; depuis il prend très personnellement chaque cas approchant de la date de prescription.

L'affaire qui va occuper ce tanpatsu tombe justement dans cette catégorie. La police reçoit en effet des informations - que le supérieur de Mizorogi juge fiables - selon lesquelles la mort d'une enseignante, classée comme suicide quinze ans auparavant, était en réalité un meurtre déguisé. Une nouvelle équipe d'investigation est aussitôt réunie, sous la direction de Mizorogi, alors que le délai de prescription s'apprête à expirer. Les renseignements transmis à la police pointent vers trois lycéens turbulents d'alors et une mystérieuse "opération Lupin" qu'ils auraient organisée et qui serait la cause de la mort de la professeure.

L'enquête qui s'ouvre va se révéler bien plus complexe qu'anticipée, ramenant aussi de manière inattendue Mizorogi sur l'affaire des 300 millions de yens volés...

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Le grand mérite de Lupin no Shousoku est de proposer une enquête policière solide, dotée d'une intrigue à tiroirs qui recelle de suffisamment de rebondissements et de twists pour former un récit dense qui va retenir l'attention du téléspectateur jusqu'à l'ultime révélation. La particularité de l'investigation tient au fait qu'elle se déroule 15 ans après les faits : la reconstitution des évènements repose donc entièrement sur la confrontation des témoignages que vont apporter les différents protagonistes mêlés de prés ou de loin à la mort de Mine Maiko. Chacun délivre une part de vérité, éclairant de manière subjective un pan de l'histoire. C'est ensuite aux policiers de rassembler ces pièces éparses d'un même puzzle criminel pour tendre vers la résolution finale. Afin d'éviter un huis clos qui aurait risqué de manquer de rythme, le tanpatsu est entrecoupé de flashbacks, opérant de fréquents aller-retours entre le passé et le présent. Au fil des précisions des témoins, l'intrigue parvient à se renouveler constamment, prenant plus d'un tournant inattendu et dévoilant une réalité bien plus complexe que les premières déductions ne le laissaient entrevoir.

En plus de l'enquête policière, si Lupin no Shousoku suscite l'implication du téléspectateur, c'est aussi parce qu'il place au centre de l'intrigue un facteur humain. Les faits étants très anciens, c'est avec pour seul matériel exploitable des témoignages que les policiers vont devoir naviguer à vue dans ces semi-vérités admises du bout des lèvres, ces souvenirs trop subjectifs à moitié effacés ou encore des regrets manifestes qui pèsent sur certains protagonistes à tort ou à raison. Entre interrogatoires et flashbacks, l'investigation repose sur la compréhension par les policiers des différents suspects, et donc sur une dimension psychologique déterminante. Car chaque personnage est présenté comme façonné par son passé, qu'il s'agisse du policier principal qui voit resurgir ce cas des 300 millions de yens qu'il a perdu face à la prescription, ou des anciens lycéens, aujourd'hui adultes, qui, même s'ils se sont perdus de vue, continuent de vivre marqués par les évènements qui se sont produits il y a 15 ans. Ce tanpatsu insiste sur le poids des secrets et des non-dits que chacun a gardé, sur ces abcès jamais crevés qui ont trop pesé. Exhumant des regrets et des séquelles de la vie, Lupin no Shousoku se dirige vers une conclusion cohérente, assez prévisible, mais qui a le mérite de venir conclure de façon satisfaisante cette journée où le passé est soudain remonté à la surface.

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Sur la forme, Lupin no Shousoku est un drama au petit budget qui opte opportunement pour une réalisation sobre. On peut juste lui reprocher parfois un certain manque de subtilité, les plans choisis donnant des indications sur l'orientation à venir de l'intrigue. S'efforçant de refléter l'atmosphère d'une histoire chargée de lourds secrets, les filtres sont assez sombres, surtout dans le présent des années 90. L'ambiance musicale recréée respecte également ces mêmes exigences de tonalité. Si bien qu'avec un minimum d'effets, tout en jouant le jeu d'un quasi huis clos au sein du commissariat, le tanpatsu parvient à trouver une identité visuelle cohérente et bien à lui.

Côté casting, en dépit de ce que pouvait suggérer l'affiche, Lupin no Shousoku est un drama relativement choral, du fait d'une construction où ce sont les témoignages confrontés qui peu à peu conduisent à l'établissement de la vérité. Mizorogi sert cependant de repère au téléspectateur, et apparaît donc comme le pivot narratif. Il est interprété avec aplomb par Kamikawa Takaya qu'on retrouvera deux ans plus tard aussi en policier dans Marks no Yama. A ses côtés, le casting est relativement solide ; sa principale limite tient aux flashbacks et au fait qu'il est difficile de jouer à la fois un lycéen et un trentenaire. On y croise notamment Nagatsuka Kyozo (Magma), en responsable policier qui conserve sa confiance en Mizorogi, Fukikoshi Mitsuru (Himitsu), Tsuda Kanji (Prisoner, Magma), Sato Megumi (Harukanaru Kizuna, Machigawarechatta Otoko), Endo Kenichi (Fumou Chitai, Gaiji Keisatsu, Soratobu Taiya, Strawberry Night), Hada Michiko (Dai Ni Gakusho), Okada Yoshinori (Nankyoku Tairiku), Arai Hirofumi (Hitori Shizuka, Going my Home) ou encore Kashiwabara Shuji (M no Higeki).

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Bilan : Bénéficiant d'une tonalité à la sobriété opportune, aussi bien dans l'écriture que dans le jeu des acteurs, Lupin no Shousoku signe une intrigue policière dense et efficace. La construction narrative reposant sur une confrontation permanente des différents témoignages permet une histoire riche en rebondissements, capable de renouveler les enjeux et de prendre plus d'une fois une tournure inattendue, à mesure que se dévoile peu à peu une vérité complexe. La fiction remplit donc son office : intéresser et aiguiser jusqu'au bout la curiosité du téléspectateur. Une histoire policière classique et solidement exécutée qui devrait satisfaire les amateurs.


NOTE : 7,5/10

14/04/2013

(NOR) Hellfjord, saison 1 : une jubilatoire comédie férocement noire et décalée

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On associe souvent le dynamisme des séries nordiques aux fictions policières, même si la danoise Borgen, la norvégienne Koselig Med Peis ou, actuellement sur Arte, la suédoise Äkta Människor (Real Humans) démontrent que les pays scandinaves savent aussi proposer d'intéressantes fictions dans d'autres genres. Cependant toutes ces séries ont pour point commun d'être des dramas. Le sériephile curieux est donc logiquement amené à s'interroger : qu'en est-il des comédies nordiques ? Ont-elles aussi des particularités qui les font se démarquer et une tonalité qui saura conquérir les téléspectateurs par-delà leurs frontières ? La plus notable que j'avais eu l'occasion de voir jusqu'à présent est la marquante trilogie islandaise Næturvaktin, Dagvaktin, Fangavaktin, à l'humour noir, abrasif, souvent désespéré. Mais cette semaine, c'est une autre brillante comédie que j'ai pu visionner : direction la Norvège !

Hellfjord a été diffusée sur la NRK à l'automne 2012 (à partir du 9 octobre). Sa première saison compte 7 épisodes d'une demi-heure chacun environ. A l'écriture de cette fiction pour le moins atypique, on retrouve Tommy Wirkola et Stig Frode Henriksen (à l'origine de la comédie horrifique avec des zombies nazies, Dead Snow), ainsi que Zahid Ali (qui joue également le rôle principal de la série). Parmi les sources d'inspiration diverses, il est notamment aisé d'identifier Twin Peaks dans l'ambiance de ce petit village reculé dans lequel débarque le héros. Complètement décalée, avec un humour parfois assez trash voire gore, Hellfjord n'en est pas moins une bouffée d'air frais jubilatoire. Ce n'est donc pas un hasard si, le mois dernier, Showtime a lancé un projet de remake pour la télévision américaine. Mais commençons par savourer l'original.

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Le personnage principal de la série, Salmander, est un officier de la police montée d'Oslo. Mais lors des cérémonies pour la fête de l'indépendance, son cheval fait un malaise. Ne voyant d'autres alternatives, Salmander entreprend d'abréger ses souffrances, une tâche qui s'avère plus ardue que prévue et finit en un véritable massacre de l'animal sous les yeux effarés d'une foule festive traumatisée. Salmander est immédiatement convoqué par ses supérieurs et démis de ses fonctions face au scandale que ses actes ont causé. Cependant, du fait de son contrat, il ne peut être renvoyé avant un délai de trois mois. Il est donc muté pour cette période dans un coin reculé du nord du pays, Hellfjord.

C'est dans ce village, accessible uniquement par bâteau et vivant à son propre rythme, que Salmander débarque après un périple maritime guère rassurant qui lui confirme son absence de pied marin. La moyenne d'âge des habitants de Hellfjord est de 67 ans. Comme toute localité, il y a quelques particularités locales typiques : par exemple, un serpent des mers qu'il faut nourrir avec des têtes de chèvres ou encore le fait d'être la seule commune de Norvège où tout le monde fume - Salmander et ses chewing-gums à la nicotine pour tenter d'arrêter ne pouvaient plus mal tomber. Et puis, Hellfjord a un docteur... qui fait également office de dentiste, plombier, postier et mécanicien-garagiste. Il y a même un charmant bar où il est possible de voir danser des strip-teaseuses... ou simplement prendre un repas dominical en famille. Quant à l'économie locale, elle dépend principalement d'une entreprise de poissonnerie, Hellfish, tenue par un suédois.

Fils d'immigré pakistanais, Salmander n'est pas accueilli à bras ouvert par les habitants. Mais derrière les apparences tranquilles de ce petit village, se cachent surtout d'autres secrets bien moins avouables. Lorsqu'un employé de Hellfish est retrouvé mort, le futur ex-policier va peut-être tenir là un moyen de briller pour obtenir de rester dans la police.

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Hellfjord est une fiction rafraîchissante par cette façon qu'elle a de crânement tout oser dans un registre comique à part. L'interminable exécution du cheval de Salmander, Gunnar, au début du pilote donne parfaitement le ton : la série va s'épanouir dans un humour franchement noir, assez trash et souvent excessif. Elle provoque à dessein le téléspectateur qui se prend au jeu, multipliant les passages allant volontairement à contre-courant, versant dans le gênant voire dans l'écoeurant, et s'amusant à repousser les limites de ce qui peut être mis en scène. Si l'ensemble peut initialement dérouter, il apparaît vite surtout totalement décalé, avec même une facette carrément gore. Cependant, cette propension à faire régulièrement jaillir l'hémoglobine ne remet jamais en cause la tonalité humoristique d'une fiction qui ne se prend certainement pas au sérieux, qu'il s'agisse de relater une autopsie tournant au désastre ou de mettre en scène des fusillades dignes des films d'action les plus musclés.

Si la santé mentale des scénaristes de Hellfjord tendrait à devenir par moment un légitime sujet d'inquiétude, il ne faut pas s'y tromper : c'est une partition pensée dans ses moindres détails et dans tous ses dérapages qui nous est proposée. La série s'amuse à constamment prendre à rebours les attentes du téléspectateur, multipliant les chutes inattendues et les passages de flottement un peu confus normalement inexistants dans une fiction. Les ruptures de rythme y sont constantes, permettant aux épisodes de trouver leur propre allure de progression. Ce n'est certes pas un humour auquel tout le monde adhèrera, mais cette tonalité férocement noire et abrasive apparaît très rafraîchissante. Les scénaristes excellent dans l'art d'emprunter à différents genres des codes narratifs normalement si calibrés pour mieux s'en affranchir et les détourner. Cela rend l'ensemble aussi original que jubilatoire.

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Il est d'autant plus appréciable de rentrer dans la tonalité de Hellfjord que cette série bénéficie d'un univers très travaillé et abouti. La filiation Twin Peaks-ienne est revendiquée et exploitée. La série recèle de mille et uns détails pour caractériser des instantanés de la vie de ce petit village et pour esquisser le portrait des personnages. Chacun, avec ses excentricités et ses incompétences, se fond dans ce décor à l'ambiance atypique. Une grande partie de l'effet comique de la série repose sur les dynamiques qui vont naître entre les différents protagonistes : elles sont pleines de maladresses, de malaises et d'instants gênants où nul ne sait comment passer à autre chose. Si ces échanges laissent quelque peu interdits au départ, ils deviennent progressivement un des charmes de ce lieu éloigné de tout, situé par-delà le cercle polaire (il ne fait donc jamais nuit pendant une partie de l'année). D'autant plus que Hellfjord cultive tout un folklore local, avec son serpent des mers ou encore son club de lancers de harpons. Le dépaysement est donc assuré, porté par ces grands espaces nordiques bien mis en valeur.

Dans ces conditions, Salmander aurait pu croire que son séjour serait d'un calme absolu - réduit à chasser les infractions routières sur la seule route du coin... quasiment désertée. Mais ce calme est trompeur. En effet, pour pimenter l'ensemble, Hellfjord prend des accents policiers mystérieux avec un fil rouge d'investigation qui va couvrir toute la saison. Car quelque chose ne tourne pas rond dans ce village (en plus de tout le reste). Après un premier mort parmi ses employés, la poissonnerie Hellfish devient de plus en plus inquiétante, de même que son patron. Quelles sont les réelles activités de cette entreprise islandaise qui distribue son poisson à travers tout le pays ? Pour résoudre cette affaire qui se complexifie au fil des épisodes, une improbable équipe se forme. En plus d'être aidé et mis sur la voie par la jolie journaliste du coin qui, heureusement, sera plus d'une fois là pour lui sauver la mise, Salmander va devoir compter sur son récalcitrant assistant, Kobba, ainsi que sur son épouse finlandaise qui, à défaut de parler norvégien, dévoilera quelques compétences inattendues. Se crée ainsi une étrange alliance, totalement à l'image de la série : décalée et permettant d'insuffler des dynamiques à part.

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Sur la forme, Hellfjord est également une série très aboutie, pouvant s'appuyer sur une superbe réalisation notamment confiée à Patrik Syversen. Qu'il s'agisse de capturer l'isolement et le cadre (somptueux) dépaysant qu'offre ce village du bout de la Norvège, ou bien de mettre en scène des rêves ésotériques causés par un sommeil agité car la nuit ne tombe jamais, ou encore de basculer dans une violence gore sans perdre ses accents comiques, la caméra fait preuve d'une maîtrise jamais prise en défaut. De plus, la série se construit progressivement une atmosphère particulière, bien aidée par une bande-son toute aussi inspirée, dont l'influence Twin Peaks-ienne assumée contribue à l'immersion du téléspectateur dans les mystères de ce lieu : la musique y résonne à la fois étrange et envoûtante, pour un résultat très intriguant.

Enfin, Hellfjord bénéficie d'un casting - dans lequel on retrouve plusieurs de ses scénaristes - dont le jeu va parfaitement s'adapter à la tonalité ambiante, avec ses excès et ses décalages. Le rôle de Salmander est confié à Zahid Ali (Taxi) qui n'a pas son pareil pour jouer le policier s'efforçant de donner le change et de paraître calme et préparé à toutes les situations, alors qu'il est le plus souvent dépassé et atterré par ce qu'il rencontre à Hellfjord. C'est Stig Frode Henriksen (Hjerterått) qui interprète son assistant, Kobba, personnage abrasif haut en couleur. Ingrid Bolso Berdal (Kodenavn Hunter, Hjerte til hjerte) incarne la journaliste locale qui va aider l'enquête de Salmander. Le patron de Hellfish est quant à lui joué par Thomas Hanzon (Morden i Sandhamn). On croise également Pihla Viitala (Lemmenleikit), en guise de "mail order wife" finlandaise ne manquant pas de ressources ou encore Maria Bock (Hvaler) en vieille logeuse intrusive.
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Bilan : Dotée d'un féroce humour noir, abrasif et provocateur, Hellfjord est une comédie décalée assez jubilatoire. L'originalité et le soin apporté à son cadre et à l'univers ainsi créé en font un sacré moment de télévision, loin des fictions aseptisées et calibrées. Signe de la richesse de l'écriture, la saison 1 n'a pas épuisé tous les secrets de son cadre. Ce village du bout de la Norvège n'a en effet pas dévoilé tous ses mystères, et une dimension plus fantastique est à envisager, puisque les rêves ésotériques de Salmander prennent une toute autre tournure lors de la scène finale avec l'arrivée d'un nouveau venu : le prêtre de ses "visions". Il faut donc croiser les doigts pour que la NRK commande une suite, il serait en effet dommage de ne pas poursuivre l'exploration de Hellfjord.

En résumé, certes, la série n'est pas à mettre entre toutes les mains, et tous les publics ne s'y retrouveront pas. Mais elle n'est pas moins une bouffée d'air frais originale au sein des productions du petit écran. L'expérience mérite donc le détour. Et comme des sous-titres anglais sont disponibles (et même un coffret DVD par là), inutile de prendre prétexte du projet de remake de Showtime pour patienter : lancez-vous dans l'original (ce dernier a toujours plus de saveur) !


NOTE : 8/10


Des bande-annonces de la série :



12/04/2013

(Pilote UK) Endeavour : les premières enquêtes de l'Inspecteur Morse

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Ce dimanche 14 avril 2013 débute en Angleterre la première saison d'une nouvelle série policière, Endeavour. Elle comptera 4 épisodes, commandés suite au succès rencontré par un premier téléfilm, diffusé le 2 janvier 2012 sur ITV, initialement conçu comme un simple unitaire et devenu donc pilote depuis. Cédant à la curiosité suscitée par les prequels, cette fiction nous plonge au début de la carrière au sein de la police d'un enquêteur emblématique du petit écran anglais, créé par Colin Dexter, l'Inspecteur Morse. De 1987 à 2000, de nombreux téléspectateurs l'ont accompagné au cours de trente-trois enquêtes. Depuis, un spin-off a même vu le jour, en 2006, au sein de cette franchise décidément riche, l'Inspecteur Lewis. Endeavour s'inscrit dans la continuité directe de ces différentes séries. Ce téléfilm originel a le mérite de se montrer très convaincant, proposant une enquête solide et un Shaun Evans très prometteur. De quoi espérer que la suite soit du même acabit.

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Endeavour débute en 1965. Elle va nous raconter les premiers pas, au sein de la police, d'Endeavour Morse. Ancien étudiant d'Oxford, ayant quitté l'université sans diplôme, c'est un jeune policier déjà désillusionné par son métier que l'on découvre dès les premières scènes. Il achève en effet de rédiger une lettre de démission qu'il compte remettre prochainement. Ses projets sont cependant perturbés par la disparition d'une adolescente, dont le cadavre est ensuite retrouvé. Il fait partie des effectifs de police mobilisés en renfort pour aider l'équipe d'investigation. C'est dans ces circonstances qu'il retourne donc sur ses pas, à Oxford.

Initialement cantonné à des tâches subalternes, Morse se fait vite remarquer, relevant des détails ayant échappé à ses collègues et faisant des déductions qui l'amènent à se heurter à des figures de l'establishment local sans s'en préoccuper. S'il s'attire de solides inimitiés, il retient également l'attention du DI Fred Thursday qui voit en lui un enquêteur fiable à qui il peut faire confiance pour démêler le fond d'une trop sensible et trop complexe affaire. L'investigation permettra aux deux hommes d'apprendre à travailler ensemble, et Thursday proposera à Morse, au terme de l'enquête, de rester à Oxford... Reprenant sa lettre de démission, le jeune policier acceptera.

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S'installer devant un prequel éveille souvent une suspicion instinctive chez un spectateur : nul ne souhaite se retrouver devant une fiction qui capitaliserait sur un nom évocateur, sur un cadre familier, mais qui aurait dans le même temps vidé de sa substance et de son charme l'oeuvre d'origine. Le pilote d'Endeavour rassure vite et balaie ces quelques craintes : il va habilement réussir à 'éviter tous les écueils propres à l'exercice du prequel. Mieux, il démontre sa capacité à se réapproprier cette figure policière emblématique pour raconter des investigations qui sont dignes d'attention. Capturant immédiatement l'atmosphère de la ville d'Oxford, avec une dimension historique apportée par les années 60, l'épisode réussit en fait sur tous les tableaux où on l'attendait légitimement. En premier lieu, il peut s'appuyer sur une intrigue policière extrêmement solide, rondement menée et très plaisante à suivre. Il propose en effet une enquête riche, aux rebondissements multiples, qui utilise pleinement et sans temps mort sa durée d'1h40. 

Signe de qualité, l'affaire apparaît aussi parfaitement choisie pour une première enquête. D'une part, sa nature et sa sensibilité, avec les cercles de notables et d'universitaires qu'elle touche, permettent d'esquisser un portrait sans fard de cette ville d'Oxford. D'autre part, elle révèle beaucoup sur cet enquêteur central dont il s'agit de réussir l'introduction, ce dernier ayant l'avantage et le désavantage d'être déjà connu du téléspectateur. La caractérisation du jeune Endeavour Morse s'avère réussie parce qu'elle trouve le juste équilibre entre une certaine fidélité et une réappropriation plus indépendante. Au cours d'une investigation où les impasses et autres twists s'enchaînent, nous avons l'occasion de voir se dessiner, face aux obstacles, un personnage multidimensionnel intéressant : policier intense, refusant toutes compromissions et décidé à aller au bout pour découvrir la vérité, il laisse aussi entrevoir une désillusion déjà très marquée, ainsi qu'une facette plus vulnérable notamment lorsqu'il évoque son enfance, avec cette porte d'entrée qu'est la musique. La résolution de l'affaire apparaît d'ailleurs très symbolique, entremêlant étroitement le policier et le personnel, et renforçant ainsi la force de la conclusion.

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Sur la forme, Endeavour bénéficie d'une réalisation très solide. L'exploitation du décor offert par Oxford et le côté "period drama" de ce retour aux années 60 accélérant l'immersion du téléspectateur dans l'histoire et posent l'ambiance. Il faut également relever et surtout saluer l'importance du rôle joué par la musique tout au long de l'épisode, avec une dimension toute particulière accordée à ce morceau que Morse écoute lorsque nous le rencontrons pour la première fois et qui va hanter l'épisode jusqu'à sa dénouement.

Enfin, Endeavour peut s'appuyer sur un casting convaincant. Le choix de l'acteur interprétant Morse était déterminant à la réussite de l'épisode : Shaun Evans (Teachers, The Take) s'en tire avec les honneurs, campant un personnage dense, aux facettes multiples, capturant les attitudes de son personnage tout en se les réappropriant. A ses côtés, le DI Thursday qui devient son supérieur et va faire office de mentor est interprété de façon tout aussi solide par Roger Allam (The Thick of It, Parade's End) qui trouve ses marques et s'impose véritablement aux côtés de Morse. La série permettra de retrouver également James Bradshaw, Abigail Thaw, Sean Rigby ou encore Anton Lesser.

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Bilan : Négociant habilement toutes les difficultés propres à l'exercice du prequel, Endeavour signe un pilote de très bonne facture. Tout en proposant une enquête complexe, riche en twists, qui happe le téléspectateur jusqu'à l'ultime révélation, il offre une introduction réussie à ce jeune Morse, déjà familier, esquissant un portrait multidimensionnel des plus intéressants. En résumé, Endeavour devrait retenir l'attention des fidèles de Morse, mais plus généralement de tout amateur de fiction policière anglaise. Peu importe que vous connaissiez ou non cet inspecteur avant de vous lancer dans cette série. En ce qui me concerne, je serai au rendez-vous et suis curieuse de voir si la suite sera du même niveau ! A surveiller.


NOTE : 7,75/10


La bande-annonce de ce pilote :

La bande-annonce de la série à venir, débutant ce dimanche 14 avril sur ITV1 :

10/04/2013

(K-Drama / Pilote) War of the Flowers - Cruel Palace : intrigues et jeux de pouvoir à la cour du roi In Jo

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Il manquait dans mes programmes, en ce début d'année asiatique, un de mes genres de prédilection : la fiction historique. Car rien de tel qu'un traditionnel sageuk dépaysant, relatant luttes de pouvoir et destinées tragiques, pour accompagner une semaine sériephile. Le problème de se lancer dans un tel drama tient souvent à l'investissement chronophage demandé ; il s'agit de le sélectionner avec soin, car on ne pourra pas multiplier les tentatives au long cours. Le sageuk dont je vais vous parler aujourd'hui ne déroge pas à cette réserve traditionnelle : en effet, 50 épisodes sont pour l'instant prévus.

War of the Flowers - Cruel Palace est un drama diffusé par la chaîne câblée jTBC depuis le 23 mars 2013, à raison de deux épisodes par semaine, les samedi et dimanche soirs. L'écriture a été confiée à Jung Ha Yun, scénariste d'expérience dans ce genre de fictions et à qui l'on doit un autre sageuk notable, mettant aussi en scène le destin d'une femme, diffusé sur cette même chaîne l'an dernier, Queen Insoo. Les débuts de War of the Flowers - Cruel Palace s'inscrivent dans une tradition narrative assumée, mais particulièrement efficace : en résumé, du classique devant lequel l'amateur de sageuk n'aura aucun mal à se prendre au jeu.

[La review qui suit a été rédigée après le visionnage des quatre premiers épisodes.]

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War of the Flowers - Cruel Palace se déroule durant la première moitié du XVIIe siècle, sous le règne du roi In Jo. Il s'ouvre lors de la seconde Invasion mandchoue, avec la défaite et la soumission de Joseon face à la dynastie Qing. Pour sauver ce qui peut encore l'être, In Jo est contraint de s'incliner devant Hong Taiji et d'accepter d'humiliantes conditions pour retrouver la paix. Des dizaines de milliers de ses sujets sont réduits en esclavage, tandis qu'il doit également envoyer chez leurs conquérants ses deux fils aînés, dont le prince couronné. Les temps sont ensuite très durs pour Joseon, et le roi a bien du mal à reprendre son règne. La tâche de l'humiliation subie est indélébile : c'est un roi fébrile qui se retrouve au centre de jeux de cour qui, du fait de son affaiblissement, s'intensifient.

Au coeur du palais royal, le drama va nous faire suivre l'ascension d'une jeune femme d'une rare beauté, Yam Jun (qui prendra ensuite le nom de Jo So Yong). Fille illégitime d'une concubine et d'un aristocrate, elle a toujours eu à subir des rappels constants sur son statut social peu enviable, au point de ne pouvoir envisager d'épouser celui qu'elle aime, dont la famille a un tout autre prestige. Elle va avoir l'opportunité d'être introduite dans l'entourage du roi. Son bienfaiteur, qui devient son père adoptif, voit en elle une marionnette grâce à laquelle il pourra atteindre ce monarque défiant. Yam Jun est alors projetée au coeur des intrigues létales qui se tiennent dans les coulisses du pouvoir, pour peut-être finir par s'affranchir elle-même de ses maîtres...

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War of the Flowers - Cruel Palace est un sageuk traditionnel, calibré comme tel et disposant des atouts propres à ce genre. Les luttes d'influences au sein de la cour et les destinées de chaque protagonistes se jouent le plus souvent dans des confrontations à huis clos ou autres conciliabules tenus dans l'ombre d'un bâtiment. Ce décor se prête parfaitement à une mise en scène théâtralisée où tout repose sur une écriture qui, solide, en allant à son rythme, va prendre peu à peu la mesure de l'ampleur des luttes d'influence internes à la cour. Si les dialogues ont cette invariable solennité formelle et rigide propre au genre, on reconnaît un sageuk intéressant justement à la manière dont se ressent parfaitement, derrière les échanges parfois ampoulés, le poids des enjeux et la force des ambitions. Dans cette optique, War of the Flowers - Cruel Palace dispose d'un sens du dramatique qui lui permet de conserver sa fluidité narrative, en dépit d'une lenteur calculée. De plus, le premier épisode - avec la soumission du roi In Jo - laisse entrevoir du potentiel dans un registre qui va au-delà des simples jeux de pouvoir en coulisses, en se tournant aussi vers l'affrontement ouvert et des confrontations à grande échelle.

La réussite de ces débuts tient aussi au fait que l'introduction dans l'univers du drama est rondement menée : au cours des quatre premiers épisodes, les camps en présence sont vite identifiables, ce qui permet de rentrer rapidement dans l'histoire. Les personnages de War of the Flowers - Cruel Palace ont tous leur part d'ambiguïté. Le roi In Jo, monarque suprême humilié, symbolise à lui seul cette dualité caractéristique : son statut reste le plus puissant, mais il est aussi terriblement affaibli politiquement par ses concessions. Or tout amoindrissement du pouvoir central réveille mécaniquement les ambitions des uns, la défiance et la déloyauté des autres. C'est pourquoi le cadre de la cour a matière à offrir ici des tensions d'une intensité palpable. Parmi les différents protagonistes, c'est plus particulièrement sur le destin de Yam Jun que le drama va se concentrer. L'introduction du personnage est réussie, permettant au téléspectateur de mesurer les blessures passées (ce statut de fille de concubine) et les sacrifices imposés : c'est dans ces jeunes années qu'elle va trouver la force de réussir l'ascension qui l'attend. La voir devenir à son tour quelqu'un capable de maîtriser l'art des intrigues et réussir au sein de cette cour royale si létale est une perspective très intéressante, et donne donc envie de s'investir.

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En plus d'une écriture plutôt convaincante, War of the Flowers - Cruel Palace bénéficie d'une forme soignée. La réalisation est maîtrisée, mettant en valeur les atouts des sageuk, ces fictions aux costumes chatoyants se déroulant principalement dans les couloirs d'un palais, mais dont chaque sortie en extérieur doit pouvoir dépayser et marquer. De plus, le drama peut également s'appuyer sur une riche bande-son avec des thèmes musicaux inspirés. On y retrouve dans certaines scènes une légèreté appréciable. Pour les passages où l'enjeu est plus important, le compositeur a semble-t-il apprécié le thème du générique de Game of Thrones : on y croise une ritournelle assez proche au violon qui sublime à merveille ces passages plus tendus. Visuellement, comme au niveau de son ambiance musicale, cette fiction correspond aux standards attendus d'un sageuk.

Enfin, War of the Flowers - Cruel Palace bénéficie d'un casting assez homogène dans l'ensemble. Le rôle de Yam Jun/Jo So Yong est confié à Kim Hyun Joo (Partner). A l'image de son personnage, il reste encore à l'actrice à pleinement s'affirmer et à prendre la mesure de la figure qu'elle interprète, mais ce qu'elle laisse entrevoir, notamment dans l'épisode 4, confirme qu'elle est sur la bonne voie. Le roi In Jo est incarné par Lee Duk Hwa (Comrades, Giant, History of the Salaryman). Ses deux fils envoyés en Chine le sont par Jung Sung Woon (An Angel's Choice) - Song Sun Mi (White Tower) jouant son épouse - et par Kim Joo Young (Vampire Prosecutor). Jung Sung Mo (Gye Baek) interprète quant à lui celui qui va propulser Yam Jun à la cour. On retrouve également Go Won Hee ou encore Jun Tae Soo.

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Bilan : Intrigues létales et jeux de cour sont au programme de War of the Flowers - Cruel Palace : le palais royal s'y présente en effet semblable à un vaste échiquier où chaque protagoniste va jouer, le plus habilement qu'il peut, avec ses armes, une partie qui peut certes le conduire au sommet, mais qui peut tout aussi bien signer sa perte (voire les deux). Au vu des premiers épisodes, ce drama apparaît comme un sageuk aux recettes classiques mais efficaces, avec une écriture qui maîtrise l'art de la mise en scène dramatique. Le personnage de Yam Jun a du potentiel, à condition que l'on sache la faire grandir et s'affirmer au sein de la cour. Je vais donc laisser sa chance à War of the Flowers - Cruel Palace. Avis aux amateurs du genre.


NOTE : 7/10


Une bande-annonce de la série (en VOSTA) :

06/04/2013

(Mini-série UK) In the Flesh : une fiction de zombies traitée comme un drame humain et social à portée allégorique


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La fin de Being Human actée n'empêche pas la chaîne BBC3 de poursuivre son exploration de fictions fantastiques. Elle a ainsi diffusé, du 17 au 31 mars 2013, une série de 3 épisodes, d'1 heure chacun environ : In The Flesh. Créée et écrite par un nouveau venu dans le petit écran, Dominic Mitchell, cette fiction est un projet qui a été initialement sélectionné et développé dans le cadre de la Writers Room de la BBC. L'intérêt de cette histoire tient à la manière dont elle se réapproprie une thématique horrifique désormais assez banalisée dans nos écrans, celle des zombies. Loin d'un Dead Set, essai pour le moins gore proposé par Charlie Brooker sur E4 en 2009, In the Flesh opte pour un angle dramatique et social, très humain, avec une dimension allégorique recherchée qui apporte une belle consistance et une richesse à l'ensemble. Il s'agit donc d'une très intéressante fiction.

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In the Flesh débute dans une Angleterre qui se relève peu à peu d'une "zombie apocalypse" qui a frappé le monde quatre années auparavant. Les personnes mortes dans les mois précédents le jour fatidique se sont soudain relevées, sortant de leurs tombes pour attaquer les vivants. Après un temps de chaos, les attaques ont depuis été circonscrites, et le gouvernement a mis en place un programme médical de réhabilitation de ces morts-vivants. Ces derniers sont désormais désignés sous le terme clinique de "PDS" (partially deceased syndrome). En suivant un traitement spécifique, ils leur est possible de retrouver le contrôle d'eux-mêmes, de soigner leurs pulsions et, à terme, ainsi être réintégrés dans une société qui reste logiquement craintive ou hostile face à ces individus.

In the Flesh s'attarde sur un "mort-vivant" particulier : Kieren Walker. Lors de la "zombie apocalypse", il s'est relevé, a fait des choses terribles sans aucun contrôle sur lui-même, puis est désormais soigné et intégré au programme gouvernemental. Considéré apte à rentrer chez lui, il est confié à ses parents, forcément bouleversés, au cours du premier épisode. Il va lui falloir du temps pour se réajuster à cette nouvelle vie, devant affronter ses propres remords concernant les actes qu'il a pu commettre. Il lui faut aussi faire face à la colère de sa soeur Jem. De plus, le petit village de Roarton reste un bastion des milices anti-zombies, hostile aux opérations de réintroduction, avec un pasteur local s'employant à cultiver cette dangereuse hostilité. 

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Se réappropriant d'une façon qui lui est propre le thème des zombies, In the Flesh en exploite les possibilités ouvertes en adoptant une approche sociale et humaine, loin des précédents sanguinolants du genre. Ce choix constitue son premier atout. Le pilote construit et dessine dans les détails le portrait cohérent et nuancé d'une société moderne qui a eu à affronter une "zombie apocalypse" et se relève juste du choc. Ces morts qui sont revenus ne sont pas des monstres, ils sont considérés comme des malades : des personnes atteintes de PDS qui, en suivant un traitement, peuvent retrouver un quotidien normal. Ils apparaissent ainsi comme une minorité que la société doit essayer d'accepter. Le processus d'intégration est lent et difficile. Les peurs demeurent ancrées, les ressentiments sont toujours vivaces du fait des drames causés lors de la "zombie apocalypse". Illustration d'une société où les blessures et les défiances ne sont pas encore guéries, des milices (HVF) patrouillent encore dans le petit village de Kieren.

Du fait de cet angle d'attaque original, In the Flesh est un récit à portée allégorique. La série utilise le cadre particulier qui est le sien et le mythe des zombies pour nous parler en filigrane de problématiques de société et d'enjeux qui dépassent ce seul décor surnaturel. Derrière l'utilisation d'un mythe fantastique, c'est une fiction qui traite d'exclusion, de xénophobie, mettant en exergue la peur d'autrui, de ce qui est différent. Pour parfaire leur intégration, les personnes atteintes de PDS sont invitées à se maquiller et à porter des lentilles de contact masquant leurs yeux morts, histoire de maintenir un artifice de normalité dans les apparences. C'est aussi une oeuvre où perce l'extrêmisme, avec des préjugés et des actes attisés par l'invocation de motifs religieux. La série exploite donc son sujet des zombies en faisant la part belle à sa dimension sociale, un peu comme Äkta Människor (Real Humans) utilise son thème des robots. Son propos est très riche, d'autant plus qu'elle se double d'un registre plus émotionnel en nous faisant suivre le personnage de Kieren.

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Les personnes atteintes de PDS, désormais soignées, s'interrogent sur leur condition, conservant les souvenirs choquants de ce qu'elles ont fait lorsqu'elles se sont relevées. Ce sont des figures en quête de réhabilitation, mais aussi d'humanité, qui sont dépeintes, avec les spécificités propres aux caractères de chacun. Il y a donc ici beaucoup de potentiel ; leur retour dans leur famille confrontant en plus ces dernières au thème du deuil. Dans ces circonstances, s'intéresser à Kieren permet à In the Flesh d'explorer un autre thème extrêmement fort. Si le jeune homme est mort si tôt, à peine sorti de l'adolescence, ce n'est pas à cause d'un accident : il s'est suicidé. Suite à la mort de son ami Rick, il a mis fin à ses jours, laissant derrière lui une famille dévastée par ce geste : une petite soeur se sentant trahie, un père anéanti ayant découvert le corps de son fils... Ces trois épisodes ont un objet principal : permettre à Kieren de faire et de retrouver la paix, en crevant ce douloureux abcès avec tous ses proches. En progressant pas à pas sur ce chemin, cela va conduire vers un final bouleversant qui résonne durablement dans l'esprit du téléspectateur.

Pour parvenir à ce résultat, In the Flesh va cependant suivre une construction narrative qui n'est pas exempte de tout reproche. Tout d'abord, le passage de l'exposition du premier épisode aux développements à partir de l'épisode 2 apparaît assez abrupt. Si la réintroduction de Rick, lui aussi atteint de PDS, est fondamentale pour permettre à Kieren de faire face aux évènements d'il y a 4 ans, elle est aussi extrêmement rapide. La mini-série joue ici à l'excès sur les parallèles symboliques entre le passé et le présent : elle reproduit dans le contexte post-zombie un arc proche, y apportant une conclusion divergente, Kieren acceptant cette fois la perte. Pour comprendre la situation, la relation entre Kieren et Rick, avec des hésitations d'adolescence, est esquissée sobrement. En revanche, c'est la figure du père de Rick, poussé à l'extrêmisme par le pasteur, qui s'avère plus problématique. Il est celui qui provoque quelques-unes des scènes les plus choquantes, mais le personnage manque de cohérence, le retour de Rick ne faisant qu'ajouter à sa propre confusion. Tout au long de la mini-série, il est un outil scénaristique, réduit et limité à cette fonction : ses actes ne sont toujours que des catalyseurs pour d'autres personnages. Cela donne parfois l'impression désagréable d'un ressort narratif un peu artificiel. Cependant cela n'amoindrit ni la force, ni la dimension émouvante de la fiction.

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Intéressante sur le fond, In the Flesh peut également s'appuyer sur une forme particulièrement soignée. Rejoignant ici nombre des fictions récentes de Channel 4, la mini-série dispose d'une image au format cinématographique. La mise en scène est travaillée, et les teintes choisies à dominante plutôt froide correspondent parfaitement au sujet, mais aussi à l'ambiance recréé dans ce petit village de campagne anglaise devant se confronter au retour des personnes atteintes de PDS. Côté bande-son, l'accompagnement musical est sobre et très bien dosé, avec une chanson bien choisie - plutôt déchirante - qui vient conclure les épisodes ; celle du troisième et dernier résonne particulièrement juste.

Enfin, In the Flesh dispose d'un casting homogène, qui va bien savoir exploiter la carte humaine et émotionnelle qui est une des forces de l'histoire. Kieren Walker est interprété par Luke Newberry (Lightfields), Harriet Cains incarnant sa soeur, Marie Critchley et Steve Cooper, ses parents. David Walmsley est son ami Rick, porté disparu en Afghanistan avant les évènements de la série. Emily Bevan joue elle une personne atteinte de PDS probablement la moins affectée et la plus chargée de vitalité face à cette situation. On retrouve également Steve Evets (Five Days, Rev), Ricky Tomlinson (The Royle Family) ou encore Kenneth Cranham (Rome).

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Bilan : In the Flesh est une fiction très intéressante, capable de toucher un large public, justement parce qu'elle ne se réduit pas à une simple "fiction de zombie" : elle est un drame humain et social qui trouve un écho particulier auprès de chacun du fait des thématiques sous-jacentes traitées. Si la narration n'échappe pas à quelques maladresses dans la progression des intrigues, et si la dimension allégorique et symbolique l'emporte parfois de façon disproportionnée sur le récit en lui-même, In the Flesh propose une histoire dont la richesse et la force méritent le détour. Touchante et émouvante, attachante aussi, elle est une oeuvre originale qui aura démontré l'étendue des possibilités offertes par ce concept des zombies, l'utilisant à sa manière pour nous parler de notre société. A découvrir.

Pour ce qui est d'une éventuelle suite, l'histoire de Kieren apparaît complète à la fin de la mini-série. Cependant l'univers créé ne manque pas de potentiel encore inexploité - notamment autour du Undead Prophet. Elle se suffit donc à elle-même tout en offrant matière à poursuivre.


NOTE : 7,5/10


La bande-annonce de la série :