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29/10/2011

(Pilote US) Boss : Chicago, son maire, le pouvoir et la maladie

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Au sein de cette rentrée américaine un peu morne en nouveautés, j'attendais avec beaucoup de curiosité le lancement de Boss. Il faut dire que la série affichait haut des ambitions très intéressantes : en ayant opté pour la ville emblématique de Chicago en toile de fond, elle se proposait de nous plonger dans les coulisses du pouvoir. La politique locale, c'est-à-dire parvenir à prendre le pouls d'une ville, peut être un sujet passionnant. A des niveaux différents, The Wire ou Brotherhood ont bien su prouver tout le potentiel de ce thème.

Illustrant la volonté de Starz d'investir tous les genres, en multipliant des projets très différents, tout en essayant d'asseoir sa légitimité dans le domaine des fictions, Boss a débuté ce vendredi 21 octobre 2011. D'ores et déjà renouvelée pour une seconde saison, sa première comportera pour le moment 8 épisodes. Et son pilote, esquissant un certain nombre de promesses, a su aiguiser mon intérêt pour la suite.

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Le Boss auquel fait référence le titre de la série s'appelle Tom Kane. Il est l'actuel maire de Chicago. Habile politicien, manipulateur hors pair, il gère sa ville et contrôle les groupes qui la composent avec une main de fer, sachant parfaitement manier la carotte et le bâton pour parvenir à ses fins. N'hésitant ni à proférer et à mettre à exécution des menaces explicites, ni à organiser des opérations de communication savamment mises en scène, il exerce une influence déterminante sur toute la vie politique locale, jusqu'aux élections au poste convoité de gouverneur de l'Etat.

Mais Tom Kane se voit diagnostiquer, au tout début de la série, une rare maladie neurodégénérative, la démence à corps de Lewy. Malheureusement incurable et mortelle, cette dernière signifie qu'il va progressivement devenir incapable de remplir correctement ses fonctions. Elle se traduit d'abord par un certain nombre de symptômes (tremblements, hallucinations, perte des facultés de raisonnement...) qui sont autant de failles qu'un homme politique, exposé au regard du public, ne doit pas laisser transparaître. Pourtant, décidé à rester autant que possible à son poste, Tom Kane fait le choix du secret : n'en parlant à personne, pas même à sa famille pour le moment, il tente de poursuivre comme si de rien n'était, en se soignant par des voies clandestines.

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L'aspect le mieux maîtrisé de ce pilote, et sa vraie réussite, c'est indéniablement sa capacité à nous immerger dans les moeurs politiques locales de Chicago. Dressant un tableau désabusé, sans la moindre complaisance, l'épisode nous plonge sans préambule dans les rouages du système de gouvernance en vigueur qui permet d'assurer la gestion de la ville. Entre réseaux personnels et égos, communautarisme et corruption, émerge la figure centrale, imposante et écrasante, du maire de la ville. Il est celui qui centralise tout, tirant les ficelles afin d'assurer la bonne gestion du quotidien des habitants, comme de la régulation du système tout entier. Il est pour cela entouré par une équipe toute aussi pragmatique. Restant volontairement impersonnel à l'égard de l'entourage professionnel de Tom Kane, l'épisode soigne une impression de milieu aussi froid qu'impitoyable. 

A l'évidence, la confiance n'est ici pas une option ; chacun semble avancer pour protéger et servir ses intérêts propres. En filigrane, il y a une véritable violence, à peine contenue, qui ressort de ce portrait volontairement désillusionné et sombre. Elle peut se manifester de manière sous-entendue, impliquant de savoir lire entre certaines lignes de dialogues, mais elle va aussi s'incarner à l'occasion dans de brusques éclats venant soudain briser l'illusion d'apparence policée renvoyée par ces notables locaux. Le pilote se contente d'un aperçu, sans aller dans le détail des sujets qui sont rapidement traités : l'essentiel est de prendre la température, et il le fait admirablement bien. Le téléspectateur se retrouve happé par cette façon si peu enjolivée dont le cadre est posé : évitant toute introduction qui aurait personnalisé ce tableau, l'instantané apparaît très réel et abrasif, comme une porte d'entrée parfaite vers ce milieu.

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Si ces enjeux politiques auraient suffi à légitimer une série qui leur soit entièrement consacrée, Boss fait preuve d'une autre ambition, puisqu'elle entend y mêler une autre thématique, plus intime : la maladie de celui qui règne sur tout ce système. Simplement esquissées dans ce pilote, les questions soulevées par le diagnostic délivré à Tom Kane, en début d'épisode, sont multiples, intervenant à plusieurs niveaux. Elles promettent beaucoup si elles sont traitées avec habileté. En effet, comment et pendant combien de temps un homme de pouvoir tel que lui va-t-il réussir à gérer, par le semi-déni, sa maladie ? Non seulement, cela pose le problème de sa capacité à assumer ses fonctions, ainsi que celui de sa survie dans ce milieu où la moindre faiblesse est fatale, mais cela conduit aussi à se demander comment, en tant qu'individu, va-t-il faire face à cette lente dégénérescence qui l'attend...

L'épisode ne donne que quelques pistes sur ce dernier point, mais elles sont très révélatrices de ce personnage central. Sa vie a toujours été entièrement tournée vers ses ambitions. Pour arriver au sommet, les sacrifices sont nombreux, au rang desquels figure sa cellule familiale, aujourd'hui excessivement distendue. Le seul point commun qu'il lui reste avec son épouse, issue de la haute société, est leur intérêt pour le pouvoir et leurs facultés à s'y maintenir. Il a également une fille, fâchée avec lui, à laquelle le pilote greffe une storyline quelque peu parachutée qui est sans doute le point le moins convaincant de tout l'épisode. En résumé, on est donc loin du soutien nécessaire dans ces situations difficiles de la vie. D'ailleurs, de manière générale, ce qui frappe dans Boss, c'est l'extrême solitude dans laquelle se trouve renfermé un homme public tel que Tom Kane. L'isolement du pouvoir a rarement été aussi palpable, à tous les niveaux, aussi bien vis-à-vis de sa famille que de ses proches collaborateurs. Dans cette perspective, laissant désormais apparaître des failles dans l'armure du maire, la question de la maladie représente donc un enjeu au potentiel indéniable.

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Prometteur sur le fond, Boss se démarque également sur la forme. La réalisation du pilote, confiée à à Gus Van Sant, est de très bonne facture. Privilégiant les plans serrés, accentuant ainsi une forme de proximité, elle est aussi très nerveuse, comme pour renforcer la sensation de réalisme qui émane du récit. La photographie, dans laquelle prédomine une déclinaison de teintes grises, écho parfait à l'ambiance de la série, est également très soignée. Pour couronner le tout, Boss bénéficie d'un très intéressant générique qui semble bien réussir à capturer l'essence-même de cette ville pleine de paradoxes que la série entend mettre à jour.  

Enfin, côté casting, l'ensemble est très solide. Il ne fallait pas moins que Kelsey Grammer (Frasier) pour incarner le maire de Chicago. Avec un pilote qui repose en grande partie sur ses épaules, il s'avère à la hauteur de la tâche, imposant sa présence à l'écran avec une intensité et une maîtrise impressionnantes. A ses côtés, on retrouve Connie Nielsen, Jeff Hephner (The Jury, Hellcats), Hannah Ware, Kathleen Robertson (Beverly Hills) et Martin Donovan (Wonderland, Weeds).

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Bilan : Nous plongeant, sans rien enjoliver, dans les eaux troubles des moeurs politiques de Chicago, Boss propose un pilote ambitieux et prometteur. Tout en maîtrisant admirablement bien le portrait très sombre et impitoyable du milieu dans lequel la série se déroule, l'épisode pose les bases pour aller au-delà de cette seule retranscription de la solitude du pouvoir, en introduisant la thématique de la maladie et des choix qui s'ouvrent désormais à Tom Kane. Le sujet a un potentiel certain ; il reste aux scénaristes à l'exploiter avec justesse.


NOTE : 7,5/10


La bande-annonce de la série :

Commentaires

Le début de l'épisode, lorsque le personnage principal apprend la maladie qui le condamne, rappelle pas mal dans la façon dont elle est présentée, filmée, jouée, m'a fortement rappelée celle du Pilote de Breaking Bad, quand Walter White apprend qu'il a un cancer.

Bon, sinon, ta note sur cette série qui vaut bien celles d'HBO élude complètement de parler de LA scène qui fait tenir au cas où l'on s'ennuierait devant une série un peu trop politique : Kathleen Robertson, véritable bombe (également Méchante sorcière dans Tin Man, remake du Magicien d'Oz avec Zooey Deschanel je crois dans le rôle d'une nouvelle Dorothy (oui, je sais, une aberration, "refaire" un chef-d'oeuvre)) en assistante sexy qui passe son temps à aguicher le spectateur derrière ses lunettes lui donnant un air so serieux et so cute, qui finit enfin par... passer à l'action, pour quelques minutes de bonheur. Pour le téléspectateur mâle. Ouf ! Il était temps... ^^

Écrit par : KNIGHT | 29/10/2011

Merci pour cet article qui m'a donné envie de tester la série. C'est marrant qu'on nous parle de la vie politique de Chicago quelques seulement après The Chicago Code...
Merci aussi d'avoir cité Brotherhood, une de mes séries favorites, et pourtant complètement passée inaperçue en France.

Écrit par : Julien | 30/10/2011

@ Knight : Merci d'avoir réhabilité à sa juste valeur l'impact de cette figure féminine ! ^_^ C'est bon signe, si chacun y trouve des aspects qui plairont donc à tous les publics.
Il est trop tôt pour savoir si Boss saura marcher sur les pas de ses prédécesseurs sur Showtime et HBO, mais ce pilote est assurément intéressant et prometteur !


@ Julien : Un de mes regrets de la saison dernière aura été de ne pas trouver le temps de m'investir dans The Chicago Code. Je me rattrape donc en ne laissant pas filer sans moi cette dernière nouveauté. :)
En tout cas, ça me fait plaisir de croiser un autre fan de Brotherhood. C'est également une de mes séries favorites ! Elle mêle habilement toutes les thématiques que j'aime (politique, gangster, liens familiaux). C'était une série très intéressante, mais j'ai eu l'impression qu'elle n'a jamais su trouver précisément son public. Ne collant pas forcément aux séries sur lesquelles misait Showtime... Enfin bon, au moins est-elle sortie en DVD ! :)

Écrit par : Livia | 30/10/2011

@Livia : il y avait une intensité dans Brotherhood que j'ai rarement retrouvée dans une autre série télé. Les acteurs étaient excellents, et la série est devenue de plus en plus intéressante au fur et à mesure des 3 saisons. Jason Clarke m'a beaucoup déçu quand je l'ai revu dans The Chicago Code : comme quoi, être bon acteur ne suffit pas, il faut également avoir de bons auteurs et de bons réalisateurs...

Bref, en à peine 2 épisodes, je suis retombé dans la politique américaine comme à l'époque de Brotherhood, et j'espère vivement que cette série va trouver son public.

Écrit par : Julien | 31/10/2011

Bon Jason Clarke très bon acteur depuis le temps cela se saurait une saison et demi de brotherhood ma convaincu de laisse tombé ok il y a une bonne synergie entre Clarke et Isaacs mais l image tutélaires du grand The wire fait trop d’ombre à brotherhood. De plus dans the Chicago code Delroy Lindo (encore un britannique)a réussit le tour de force grâce a ses talents d’acteur de rendre meilleur actrice jennifer beals mais malheureusement pas Jason Clarke ; donc le script a bon dos oui the Chicago Code reste une série a voir grâce à 4 ou 5 épisodes somptueux mais malheureusement a de grosse lacune scénaristique sur la longueur.

Bon revenons a nos mouton pour parler de Boss je suis loin de fantasmer sur Kathleen Robertson un peu trop stéréotyper dans le rôle quelle joue en revanche Connie Nielsen Ouahh (décidément pour moi c est l année du Danemark) dans le rôle de l’épouse délaissé dans une colère froide tout en retenue j adore. C’est la direction de gus van sant qui a attiré mon attention pour cette série même si sa patte ne se ressent que très peu il en reste une ambiance crépusculaire…
Le gros défaut reste le scenario ou vraiment la manque d originalités se fait sentir des les premiers plans et parfois donne dans une violence gratuite pour respecter le cahier des charges.
Cela reste quand même une série à découvrir pour certains de ses personnages (pas mal la petite hannah ware à suivre) et son ambiance sombre et poisseuse…
Ride On

Écrit par : Dibs | 01/11/2011

@ Julien : Comme elle a déjà été renouvelée pour une saison 2, je m'inquiète moins sur sa capacité à trouver son public : les scénaristes vont pouvoir prendre leurs marques à partir du concept, c'est là l'essentiel.


@ Dibs : Je n'ai pas vu The Chicago Code, donc je ne peux pas me risquer d'y évoquer la performance de Jason Clarke (ni de déterminer quelle part de responsabilité éventuelle peut avoir le scénario), mais dans Brotherhood, j'ai toujours trouvé que c'était un acteur parfait pour ce rôle ambivalent de politicien qui joue sur les apparences. A mes yeux, Brotherhood reste une vraie bonne série qui, sans révolutionner son genre, aura eu de très bons moments. ;)

Écrit par : Livia | 09/11/2011

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