22/05/2013
(J-Drama / SP) Ri Kouran : une artiste entre Chine et Japon
En ce mercredi asiatique, poursuivons l'exploration du petit écran japonais avec un tanpatsu historique datant de quelques années. Ri Kouran a en effet été diffusé sur TV Tokyo en février 2007. C'est une mini-série en deux parties, de 2 heures chacune, qui nous entraîne dans la Chine des années 30 et 40, notamment dans la Mandchourie sous la tutelle du Japon impérial. Son thème, celui d'une personnalité s'efforçant d'être un pont entre les peuples chinois et japonais dans ce contexte très difficile, rappellera aux plus anciens lecteurs de ce blog un intéressant tanpatsu, datant de 2003, Ryuuten no Ouhi - Saigo no Koutei (Princess Hiro). Ce dernier relatait l'union d'un prince chinois de la dynastie Qing et d'une jeune noble japonaise.
Couvrant la même période, Ri Kouran propose lui d'aborder le sujet des rapports entre la Chine et le Japon sous un autre angle : celui du biopic d'une célèbre chanteuse et actrice japonaise qui se fit passer pour chinoise et fit d'abord carrière dans ce pays qui l'avait vue grandir. Le drama est d'ailleurs basé sur l'autobiographie de cette dernière, "Ri Kouran" wo Ikite: Watashi no Rirekish. Pour ceux qui ont vu Ryuuten no Ouhi - Saigo no Koutei, vous vous rappelerez peut-être que Ri Kouran y apparaissait brièvement : elle était alors interprétée par Amami Yuki [Vous pouvez revoir sa scène d'introduction par là]. Pour ce qui est de ce tanpatsu, le rôle a été confiée à Ueto Aya. Si Ri Kouran n'atteint pas la même ampleur que Ryuuten no Ouhi - Saigo no Koutei, il partage avec lui un sujet fort et une dimension culturelle et historique qui méritent un éclairage.
Ce drama s'intéresse à la période que Ri Kouran, de son vrai nom Yamagushi Yoshiko, passa en Chine, donc à ses vingt-cinq premières années (elle est née en 1920). Ce n'est d'ailleurs qu'à l'âge adulte que la jeune femme découvrira pour la première fois le Japon. En effet, Yoshiko est née et a grandi dans la Mandchourie occupée, bientôt érigée en Etat pantin, Mandchoukouo. Depuis toujours, elle a été immergée dans la culture chinoise. Non seulement son père, professeur de langue enseignant le mandarin, s'est-il assuré qu'elle serait bilingue, mais elle devient aussi la fille adoptive de dignitaires chinois, amis de ses parents. Elle est même envoyée faire ses études à Pekin, alors que les tensions sino-japonaises sont au plus fort.
Initiée au chant par une professeure russe lorsqu'elle était adolescente pour raffermir des poumons maladifs, elle fait ses débuts en tant que chanteuse et actrice chinoise, sous le nom de Li Xianglan (Ri Kouran en japonais). Si elle pensait avec la naïveté de la jeunesse que l'art pouvait unir les peuples, elle se retrouve vite embrigadée dans des oeuvres de propagande japonaise en Mandchourie, apparaissant dans des films qui déclenchent plus d'une controverse. Son étoile et son statut n'en continuent pas moins de s'élever, son chant traversant les nationalités et les frontières, sa popularité atteignant même le Japon.
Mais cette carrière initiée à la fin des années 30 est rattrapée par la réalité des conflits et la guerre. Ri Kouran est prise entre deux peuples, et deux loyautés. Après la reddition du Japon en 1945, elle est arrêtée et menacée d'être exécutée comme traître à la Chine.
Si Ri Kouran est le récit d'une destinée personnelle, son intérêt tient d'abord au fait qu'il relate une vie menée malgré les tourbillons d'une Histoire difficile. Il offre un éclairage complet sur la période des décennies 30-40 en Asie. En effet, suivre les pas de Yoshiko à travers la Chine, de la Mandchourie jusqu'à Shangai en passant par Pekin, est l'occasion de proposer en filigrane une riche reconstitution historique. Dès son plus jeune âge, celle qui deviendra Ri Kouran est témoin des exactions japonaises - notamment une exécution qui la marquera profondément. La politique expansionniste du Japon impérial se poursuivant, Yoshiko assiste impuissante à la montée des tensions. 1937 signe un premier tournant, avec le début de la guerre sino-japonaise. Au gré de ses périples, la jeune femme croisera différentes figures historiques, comme Kawashima Yoshiko, princesse mandchoue qui restera dans la mémoire collective surnommée la "Mata Hari orientale".
Par ailleurs, la jeune actrice-chanteuse ne sera pas seulement touchée par le conflit avec la Chine, voyant des amis chinois embrasser la lutte contre le Japon, elle perdra aussi des êtres chers dans l'escalade qui se poursuit, cette fois, avec la Guerre du Pacifique. A travers ses yeux, le drama relate de façon synthétique et didactique tous les évènements qui, de Pearl Harbor aux bombes atomiques, en passant par la bataille des Philippines et Iwo Jima, vont conduire à la reddition japonaise de 1945. Se voulant rigoureuse, la narration manque parfois un peu de fluidité. Mais il faut y voir surtout le sérieux avec laquelle tout cela est rapporté, car il y a une volonté manifeste de fidélité pour transposer à l'écran les passages les plus marquants de l'autobiographie dont le drama est l'adaptation. Cela occasionne des déchirements jusqu'aux dernières minutes du drama, lorsque Yoshiko apprend que les parents de sa meilleure amie russe furent victimes de l'unité 731.
Cependant si Ri Kouran est une occasion intéressante pour évoquer tout un pan d'Histoire, le drama se démarque d'autres fictions du genre en raison de la particularité de sa figure principale : ce n'est pas seulement l'histoire d'une japonaise, c'est surtout le portrait d'une figure profondément liée à la Chine, et qui va donc se retrouver prise entre deux cultures, écartelée entre deux loyautés qui ne peuvent qu'être antagonistes dans le contexte d'alors. Les premières années de la carrière de Ri Kouran sont d'ailleurs placées sous le signe de cette ambivalence constante, le drama n'hésitant pas à mettre en exergue ses rapports ambigus avec le Japon. Sa carrière se construit et se nourrit du flou entretenu autour de sa nationalité : parfaitement bilingue du fait de son éducation, elle peut sans difficulté se prétendre chinoise, et c'est ce qui lui sera demandé.
Du haut de son adolescence et d'une jeunesse forcément empreinte de naïveté, elle pense qu'une artiste peut s'élever par-dessus les frontières et les peuples, pour constituer un pont, un point d'union par-delà les tensions. D'une certaine façon, elle va réussir à trouver un écho auprès de ses deux peuples qui lui sont chers, mais au prix d'une instrumentalisation par l'industrie japonaise du spectacle installée en Mandchourie. Ri Kouran découvre en effet un monde de la culture politisé, aussi marqué par les tensions que le reste de la société, au sein duquel les oeuvres deviennent des outils de propagande. Ce n'est que progressivement qu'elle prend conscience du poids des images et des responsabilités qu'elle doit porter lorsqu'elle accepte de tourner des scènes très mal accueillies par son public chinois. Entre l'idéal de communion de ces deux cultures qu'elle chérit et l'époque dans laquelle elle vit, il y a un gouffre qu'elle ne pourra combler. Mais à son niveau, avec ses moyens, elle gardera ses certitudes et ses convictions, jusqu'à la chute finale du drama où c'est désormais une Yoshiko âgée, qui tout en ayant conscience du lourd passif existant entre la Chine et le Japon, reste sur ses positions de conciliation, pour réunir ces deux cultures qui sont toujours chacune une part d'elle-même.
Sur la forme, Ri Kouran mérite surtout le détour pour l'ambiance musicale dans laquelle elle immerge le téléspectateur, retraçant ces premières années de la carrière de Ri Kouran en proposant quelques unes de ses oeuvres les plus emblématiques (pour des exemples, cf. les vidéos ci-dessous). Ces chansons chinoises confèrent au drama un charme certain. La narration trouve le juste équilibre entre ces quelques parenthèses musicales et le récit, évitant tout excès de chant. La réalisation est en revanche plus limitée : si la reconstitution historique est honnête, avec le recours opportun à des images d'archives pour apporter une dimension plus authentique, Ri Kouran ne parvient à recréer l'impression d'immersion dans une véritable fresque à laquelle parvenait Ryuuten no Ouhi - Saigo no Koutei. La caméra et les effets d'images restent en retrait, se limitant à quelques effets de teinte colorés.
Enfin, côté casting, du fait du sujet du drama, Ri Kouran repose en grande partie sur les épaules de Ueto Aya (Attention Please, Zettai Reido). L'actrice n'a sans doute pas une palette de jeu la plus étendue qui soit, mais elle trouve la plupart du temps le ton qui convient pour interpréter ce personnage de star malmenée par les évènements et des circonstances si difficiles, et qui tente dont de trouver sa voie et de s'affirmer. A ses côtés, ce sont respectivement Hashizume Isao et Natori Yuko qui jouent les parents de Ri Kouran. On retrouve également au fil du drama Kikuawa Rei, Nakamura Shido, Sawamura Ikki, Ozawa Yukiyoshi, Ono Takehiko, Nakamura Fukusuke, Kaneda Akio, Tsuruta Shinobu, Nishida Ken ou encore Nakayami Megumi. L'ensemble demeure correct, même si quelques-uns versent dans le sur-jeu.
Bilan : Ri Kouran est un tanpatsu intéressant qui repose sur un sujet fort, bénéficiant d'une figure centrale magnétique dont les rapports avec la Chine et le Japon sont chargés d'une ambivalence à part. Entremêlant la destinée personnelle de cette star et les violents soubresauts de la grande Histoire, le drama se fait souvent assez didactique, mais il reste capable d'impulser à l'ensemble une vitalité appréciable. Cependant certaines limites d'écriture et de mise en scène l'empêchent d'exploiter tout son potentiel. Sur ce dernier point, il est aussi possible que Ri Kouran souffre du fait que je l'ai visionné après Ryuuten no Ouhi - Saigo no Koutei (Princess Hiro). Les thèmes des deux tanpatsus sont proches, mais je retiens du premier une oeuvre plus aboutie capable de marquer émotionnellement. Reste que ce sont toutes deux des fictions qui méritent assurément un coup d'oeil pour leur éclairage sur cette période, et pour leur message, porteuses chacune à leur manière d'espoir et de conciliation entre la Chine et le Japon.
NOTE : 6,5/10
Un extrait (musical) du drama :
Une chanson de Ri Kouran (avec des photos de la chanteuse/actrice) :
20:37 Publié dans (Séries asiatiques) | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : j-drama, ri kouran, tv tokyo, tanpatsu, ueto aya, hashizume isao, natori yuko, kikukawa rei, nakamura shido, sawamura ikki, ozawa yukiyoshi, ono takehiko, nakamura fukusuke, kaneda akio, tsuruta shinobu, nishida ken, nakayama megumi, saito yoichiro, fukami motoki, ishibashi tamotsu, maeda koyo | Facebook |
19/05/2013
(CHL) Profugos (The Fugitives), saison 1 : course-poursuite infernale entre trafiquants et autorités à travers le Chili
En ce dimanche, pour oublier la pluie et le mauvais temps, je vous propose un peu d'évasion. My Télé is rich! met en effet le cap vers un nouveau pays, et un continent où j'ai encore beaucoup à explorer : direction l'Amérique Latine, et plus précisément aujourd'hui, le Chili. Je vais vous parler d'une série hispanophone qui a constitué cette semaine mon premier contact télévisuel (réussi !) avec le petit écran chilien.
Prófugos (Fugitifs en français) est, à l'instar de Epitafios et de Capadocia, ses prédécesseurs plus connus, une série de HBO Latin America. Bénéficiant d'une réalisation notamment confiée au cinéaste chilien, Pablo Larrain (dont le dernier film, No, est sorti en France en mars dernier), et au vénézuélien Jonathan Jakubowicz, sa première saison a été diffusée à l'automne 2011 (du 3 septembre au 27 novembre). Elle compte 13 épisodes de 45 à 50 minutes environ. Une seconde saison a été commandée, et a d'ores et déjà été tournée, prenant la suite des évènements relatés dans la première.
Série d'action mettant en scène des trafiquants de drogue, Prófugos est une fiction musclée, empruntant à l'occasion au road movie en traversant un pays sur lequel plane encore l'ombre de la dictature. Elle rassemblait donc sur le papier beaucoup d'éléments que j'apprécie ; et le résultat n'aura pas déçu mes attentes.
Prófugos s'ouvre sur l'organisation d'un transfert de cocaïne, de la frontière bolivienne jusqu'à un port chilien, afin d'embarquer la drogue pour l'Europe. L'opération, conduite par le cartel Ferragut dont la matriarche, Kika, dirige toutes les affaires depuis une prison, a été confiée au fils de cette dernière, Vicente, accompagné de trois mercenaires censés sécuriser le convoi. Le transfert de Bolivie jusqu'au Chili se déroule à merveille, peut-être même trop bien, mais tout dérape au moment d'embarquer la marchandise sur le bâteau. Renseignée par une source interne, la police débarque sur le lieu d'échange. Puis des tireurs embusqués inconnus déclenchent une fusillade qui transforme la scène de crime en véritable carnage. Les quatre trafiquants travaillant pour Kika Ferragut parviennent à s'échapper dans la confusion, mais perdent tout : l'argent et la drogue transportée. Ils sont contraints de s'enfuir, tandis que les autorités les désignent comme responsables du bain de sang qui vient d'avoir lieu.
Traqués par des hommes d'autres cartels rivaux et par les forces de l'ordre, ignorant ce qui a bien pu se produire, ils doivent s'allier pour survivre, même s'ils n'ont rien en commun, les tensions entre eux menaçant à tout moment de déraper. Vicente est un vétérinaire qui rêve de partir aux Etats-Unis, n'ayant jamais semblé taillé pour les affaires mafieuses de sa famille. Les deux mercenaires expérimentés sur lesquels il doit s'appuyer représentent les deux versants les plus antagonistes de l'histoire chilienne : Oscar Salamanca est un ancien révolutionnaire qui a pris les armes contre la dictature de Pinochet, tandis que Mario Moreno a lui servi le régime militaire. Quant au dernier homme de main, Tegui Gonzalez, il travaille pour la famille Ferragut depuis moins longtemps. Mais il est surtout un policier infiltré, dont le vrai nom est Álvaro Parraguez : il est celui qui a transmis l'information du lieu de la rencontre (sans savoir ce qui allait se produire). Devenus les quatre hommes les plus recherchés du Chili, ils se lancent dans une fuite à travers le pays pour tenter de survivre, face aux assassins mafieux et à des autorités gangrénées par la corruption au sein desquelles nul ne sait à qui faire confiance.
Prófugos nous entraîne dans une vaste course-poursuite létale dans tout le Chili, entre guerres de cartels, vengeances personnelles et traques sans répit menées par les forces de l'ordre. Fiction entièrement feuilletonnante, elle ne correspond aux genres les plus répandus dans le petit écran chilien : il s'agit en effet d'une série d'action, résolument musclée. Elle ne manque ni de fusillades, ni d'éclats de violence, notamment des passages de tortures ou d'exécutions sommaires parfois difficilement soutenables. Elle met tout simplement en scène une lutte à mort, dépeignant sans complaisance, ni la moindre concession, un milieu impitoyable, celui des trafiquants de drogue, le tout se déroulant dans une société marquée par un passé de dictature sur laquelle pèse toujours bien des démons. Relatant une fuite en avant pour la survie, l'histoire adopte un rythme narratif prenant, ne tergiversant pas, et n'hésitant pas à redistribuer les cartes entre les différents camps. Au cours de la saison, le récit sera capable plusieurs orientations différentes à mesure que les enjeux et les forces à l'oeuvre se préciseront.
A partir du moment où la situation échappe aux quatre protagonistes principaux lors de la fusillade sur le port, Prófugos devient une série très explosive, qui va se construire sur des dynamiques relationnelles extrêmement mouvantes et des rapports de force permanents. Elle met en scène de fragiles alliances de circonstances, des trahisons préméditées ou provoquées par les évènements, et des double-jeux constants. Les obédiences et les motivations de chacun restent longtemps à définir au sein des membres du cartel Ferragut, mais aussi des forces de l'ordre qui les traquent. Fiction nerveuse et paranoïaque, cette série est peuplée de personnages dangereux qui suivent leurs propres agendas. Au fil de la saison, elle les entraîne toujours plus loin dans des voies sans retour dont nul ne ressortira indemme. En dépit de quelques raccourcis, la narration a le mérite de parvenir à garder globalement le contrôle de tous ses développements : sans lésiner sur le spectaculaire, elle évite la surenchère facile dans le registre de l'action. Tout en s'offrant quelques passages au suspense très réussi, la série maintiendra une tension efficace de bout en bout, jusqu'aux ultimes rebondissements des dernières minutes de la saison.
Pour autant, si Prófugos sait impliquer si fortement le téléspectateur dans son récit, c'est aussi parce qu'elle va très bien jouer sur l'ambivalence de ses quatre protagonistes principaux. Ils forment un groupe de fugitifs complexe, que rien ne prédisposait à voir travailler ensemble. Tout paraît en effet opposer ces figures qui ont chacune plus d'un secret, une histoire passée qui les ont façonnées et des principes ou convictions avec lesquels elles n'entendent pas transiger. S'ils sont forcés de s'unir contre ceux qui veulent leur mort, l'alliance qui se forme est extrêmement volatile, menaçant à tout moment de dégénérer pour le pire. Il s'ensuit donc une dynamique interne au groupe très dangereuse, renforçant ainsi la tension d'ensemble d'une série qui n'en manque déjà pas et troublant un peu plus la donne. Le risque d'explosion est d'autant plus palpable que se trouvent parmi eux des hommes endurcis qui n'hésitent pas à commettre sans sourciller des actes insoutenables. En dépit de quelques schémas répétitifs sur la fin, l'ensemble fonctionne : le téléspectateur en est réduit à constamment douter et à s'interroger sur ce qui déterminera et maintiendra la loyauté des uns et des autres, dans cette spirale infernale dans laquelle ils ont été, malgré eux, projetés ensemble.
Outre une histoire prenante, Prófugos a aussi le mérite de vouloir proposer une véritable immersion dans ce Chili au sein duquel elle se déroule. La série profite de la fuite relatée, qui lui fait traverser tout le pays, pour prendre à l'occasion des allures de road movie, entraînant le téléspectateur dans des paysages à part, des déserts arides aux sommets enneigés, des grandes villes aux plateaux à la végétation dense, éloignés de toute civilisation. Pour autant, elle est plus qu'une simple carte postale dépaysante, s'attachant aussi à parler de la société chilienne actuelle, revenant sur son passé et s'interrogeant sur son présent. Tout en révélant les fantômes persistants et les blessures non cicatrisées de la dictature militaire de Pinochet, elle met aussi en scène un pays sur lequel plane l'ombre des narcotrafiquants. A travers toutes les confrontations dépeintes, elle présente un Etat qui entend réussir à faire face et à ne pas sombrer dans une lutte engagée contre des cartels de drogue puissants et lourdement armés, qui ont les moyens d'ébranler les fondations de sa démocratie.
Solide sur le fond, Prófugos bénéficie également d'une forme soignée. La réalisation est maîtrisée, tenant très bien la route dans le registre d'action investi, avec une caméra qui reste toujours nerveuse, sans tomber dans l'excès. On pourra peut-être discuter quelques-uns de ses choix, comme celui des flashbacks en noir et blanc de scènes déjà passées, ou encore des fusillades à la mise en scène perfectible, mais l'ensemble est convaincant et de bonne qualité. De plus, la série a aussi l'opportunité de nous entraîner dans un périple à travers le Chili que la caméra va vraiment prendre le temps de mettre en valeur, avec beaucoup de vues en hauteur, quelques time-lapses inspirés et plus généralement des cadres larges qui prennent la mesure du décor proposé : du désert d'Atacama au nord du pays à la Cordillère des Andes, en passant par les grandes villes, jusqu'aux réserves indiennes isolées, Prófugos bénéficie d'un paysage magnifique. Enfin, il faut noter une ambiance musicale également bien dosée. La bande-son est riche, entre thèmes instrumentaux et quelques chansons, notamment pour conclure chaque épisode, qui accompagnent bien la tonalité de l'ensemble (cf. la 3e vidéo ci-dessous).
Enfin, Prófugos bénéficie d'un casting homogène, réunissant à l'écran quelques figures expérimentées du petit écran chilien. Néstor Cantillana (Los Archivos del Cardenal, Peleles) interprète Vicente Ferragut, aspirant héritier que rien n'avait préparé à faire face à un tel fiasco. Francisco Reyes (Dónde está Elisa?, Conde Vrolok, El laberinto de Alicia, Pobre Rico) incarne le révolutionnaire Salamanca, et Luis Gnecco (Brujas, Papi Ricky, Soltera Otra Vez), l'ancien membre de la police de la dictature chilienne. Benjamin Vicuña (Héroes, Huaiquimán y Tolosa, Los simuladores, La dueña) joue quant à lui Tegui, le policier infiltré auquel la situation échappe tout autant. A leurs côtés, on retrouve notamment Marcelo Alonso, en responsable corrompu des forces de l'ordre, Aline Küppenheim en assistante du procureur qui essaie de mettre de l'ordre dans ce chaos, Camila Hirane en adolescente qui va perdre son innocence, propulsée dans cette chasse à l'homme à cause de son père, Luis Dubo, chef d'un cartel rival décidé à en finir avec les Ferragut, ou encore Blanca Lewin, avocate et surtout fille de Kika Ferragut, cette dernière étant incarnée par Claudia di Girolamo.
Bilan : Série d'action, violente et explosive, Prófugos est une fiction feuilletonnante, prenante et vite addictive. Entraînant le téléspectateur dans le sillage de quatre fugitifs qui vont tout faire pour tenter de rester en vie, elle se révèle convaincante dans un registre à suspense efficacement conduit de bout en bout. De plus, elle propose aussi une véritable immersion chilienne, à la fois dépaysante grâce aux décors proposés, et éclairante sur la société actuelle du pays, entre échos de la dictature et luttes contre les narcotrafiquants. Plus encore que la brésilienne Cidade dos homens qui se situait dans un registre très différent, je me dis que Prófugos est peut-être le déclic que j'attendais vers le petit écran d'Amérique Latine, et surtout cette fois-ci, vers la partie hispanophone de ce continent.
En résumé, Prófugos est une série que je recommande à tous sériephiles ayant une inclinaison pour les fictions de gangsters, pour les histoires chargées d'ambivalence et de suspense, ou pour ceux qui ont un penchant pour l'évasion dans le magnifique décor offert par les paysages chiliens. Pour les curieux, notez que cette série est disponible en version originale sous-titrée anglais.
Pour ce qui est de la suite [SPOILERS], sachez que la saison 2 est annoncée comme prenant la suite directe de cette première saison, débutant par deux storylines : l'une mettant en scène l'incarcération en prison des protagonistes arrêtés en fin de saison, tandis que l'autre devrait nous raconter ce que devient l'argent de la famille Ferragut.
NOTE : 7,75/10
La bande-annonce de la série :
Le générique de la série :
BONUS - Une des chansons principales de l'OST ("Antes que", par Camila Moreno) :
11:41 Publié dans (Séries Amérique Latine) | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : chili, profugos, the fugitives, hbo latin america, nestor cantillana, francisco reyes, benjamin vicuña, luis gnecco, marcelo alonso, camila hirane, aline küppenheim, luis dubo, blanca lewin, victor montero, claudia di girolamo, césar caillet | Facebook |
13/05/2013
[Blog] Petite pause d'une semaine (Billet joker bis)
Billet Joker pour cette semaine : le blog s'octroie un petit hiatus de quelques jours (concrètement, simplement jusqu'au week-end - oui, ce sont malheureusement les mercredis asiatiques qui souffrent de mes empêchements de bloguer en paix). Reste que les chouettes programmes ne manquent pas à chroniquer en ce moment, et je compte bien m'y atteler rapidement.
En guise de conseil de visionnage pour la semaine, retenez quand même la série que je vous conseille le plus chaudement de découvrir, si ce n'est déjà fait (et sur laquelle je reviendrai prochainement une fois la saison 1 finie) : il s'agit sans hésitation de Rectify. Incontestablement mon grand coup de coeur de ce printemps, et à mes yeux la meilleure nouveauté de la saison américaine. Elle a d'ores et déjà été renouvelée, ne compte que six épisodes : aucune raison, donc, de ne pas foncer !
Sinon, pour les amateurs de policier, notez les échos très positifs dans les médias anglais sur The Fall, une série avec Gillian Anderson qui démarre ce soir sur BBC2 [la bande-annonce par là]. Si vous n'avez pas encore atteint votre quota de serial killer pour la saison (personne ne vous en voudra si c'est le cas), n'hésitez pas à y jeter un oeil.
De mon côté, je vous laisse avec cet avant-goût de Rectify, grâce à son court - mais si parfait - générique :
Et vous, dans quelles séries marquantes êtes-vous actuellement lancés ? Quelques recommandations pour finir sur une bonne note le printemps ?
18:58 Publié dans (Blog) | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : blog | Facebook |
11/05/2013
(Pilote AUS) A place to call home : un period drama qui connaît ses classiques dans l'Australie des années 50
Amateurs de period dramas dépaysants, de mélodrames historiques, direction l'Australie en ce printemps. Depuis le 28 avril 2013, la chaîne Seven a en effet lancé une nouvelle série, A place to call home, qui nous plonge dans la société rurale des années 50. Elle vient confirmer l'attrait de la télévision australienne pour les séries historiques, lequel n'est plus à démontrer ces dernières années, de Cloudstreet aux Doctor Blake Mysteries, en passant par les Miss Fisher's Murder Mysteries.
Créée par Bevan Lee, A place to call home a des inspirations transparentes : ce n'est pas un hasard si la série s'est vue attribuer la case horaire du dimanche soir qu'occupait précédemment Downton Abbey. Il s'agit pour elle de capitaliser sur les ingrédients qui ont fait le succès mondial de récents period dramas, en y injectant une part de local pour proposer une déclinaison australienne. Si les attentes de la chaîne étaient élevée, les choses tournent plutôt favorablement pour l'instant pour A place to call home : son pilote, bénéficiant du lead-in de l'émission My Kitchen rules, a rassemblé 1,768 millions de téléspectateurs. Si l'audience a logiquement baissé pour le deuxième épisode, la série s'est tout de même très bien maintenue à 1,3 millions de téléspectateurs. Et il faut reconnaître que A place to call home dispose d'un certain nombre d'atouts pour s'assurer de la fidélité de son public.
[La review qui suit a été rédigée après le visionnage des deux premiers épisodes.]
A place to call home s'ouvre en 1953. Sarah Adams, une infirmière, rentre en Australie après deux décennies passées en Europe. Elle aimerait renouer avec sa mère qui ne lui a pas pardonné certains de ses choix de vie, notamment sa conversion au judaïsme. Mais leur brève rencontre se passe mal. Décidée à rester en Australie malgré tout, voulant laisser son passé européen derrière elle, Sarah prend alors contact avec George Bligh, un riche notable, veuf, rencontré sur le bâteau qui la ramenait. Ce dernier lui avait proposé de lui trouver un emploi si jamais ses plans ne se déroulaient pas comme prévus. C'est finalement un poste d'infirmière dans la clinique locale de la bourgade dans laquelle les Bligh vivent qui lui est offert.
Le travail est certes intéressant, mais Sarah découvre vite que la vie à la campagne n'est pas non plus vide d'intrigues. Elle doit notamment faire face à l'hostilité de la matriarche Bligh, Elizabeth. Plus que le rapprochement qui semble s'opérer entre l'infirmière et son fils, Elizabeth craint les révélations éventuelles qu'elle pourrait faire sur James, son petit-fils, qui, tout juste marié, a tenté de se suicider sur le bâteau revenant d'Angleterre, seulement sauvé par l'intervention de Sarah. Dans une société encore marquée par une rigidité sociale qui commence tout juste à se fissurer, chacun cache son lot de secrets, tandis que certains rêvent de s'émanciper de ce carcan. En découvrant le monde des Bligh, Sarah perturbe bien des convenances. Elle va ne pas devoir craindre l'adversité pour mener sa vie comme elle l'entend et trouver sa place.
A place to call home est un period drama aux ingrédients classiques, dont la recette éprouvée n'en fonctionne pas moins efficacement. A défaut d'user de ficelles subtiles, la série assume ses emprunts aux codes du genre pour délivrer un cocktail vivant et pimenté comme il se doit de diverses intrigues tendant vers le mélodrame. Entre reconstruction personnelle, amours impossibles, secrets mal gardés et passé envahissant, le récit ne tergiverse pas, suivant un rythme de narration efficace. Le cadre des années 50 est mis à profit avec la dualité qui lui est inhérente. D'une part, il s'agit de faire susciter une diffuse nostalgie avec ce cadre rural, mais aussi tout le luxe qui accompagne les Bligh. D'autre part, il s'agit d'utiliser comme ressort dramatique la rigidité d'une époque, avec des classes et des moeurs très codifiées, symbolisée par la poigne de fer d'une matriarche peu sensible aux voies du coeur. Si on peut parfois reprocher aux dialogues de A place to call home un certain manque de naturel, la série a le mérite de vite poser son cadre et d'impliquer le téléspectateur dans ses enjeux : du passé mystérieux de Sarah en Europe, aux dynamiques relationnelles à l'oeuvre chez les Bligh où le drame est rapidement frôlé. Le potentiel d'émotions, de sentiments et de rebondissements est bel et bien là, reste donc à l'exploiter pleinement.
Rapidement, il apparaît que A place to call home est une fiction dominée par ses protagonistes féminins. Parmi elles, c'est sur les épaules de l'héroïne que repose une bonne partie de l'attrait du récit, par contraste avec des figures secondaires qui restent pour le moment assez pâles. Sarah est un personnage assuré, au caractère affirmé et qui n'a pas froid aux yeux : elle ne craint pas de perturber certaines donnes sociales, tout en étant consciente qu'elle ne peut se fondre dans le monde des Bligh. Derrière son visage volontaire, elle cache aussi des blessures dont on ne sait encore rien : elle a été infirmière durant la guerre d'Espagne, puis a vécu en France un temps avant la Seconde Guerre Mondiale... Mais les informations nous sont données ici au compte-goutte. Un flashback dans le deuxième épisode laisse cependant entrevoir la dureté des épreuves qu'elle a dû traverser. Sarah est donc un personnage fort, engageant pour le téléspectateur. A partir de cette base, l'histoire se construit autour de l'antagonisme naissant entre elle et Elizabeth Bligh. Si la possibilité romantique avec George Bligh est esquissée, elle reste un pendant très calibré : c'est dans ses ressorts conflictuels que A place to call home entend retenir en premier lieu l'intérêt du téléspectateur.
Sur la forme, A place to call home dispose de plusieurs atouts. Tout d'abord, la série propose une reconstitution historique appliquée : outre les costumes, elle peut s'appuyer sur une bande-son où ressortent quelques musiques d'époque. Cependant l'ambiance musicale plus générique qui l'accompagne trop souvent le reste du temps a tendance à être un peu envahissante. Surtout, cette fiction se déroule à la campagne : elle met donc en scène une Australie rurale. Loin de la ville, c'est sur des paysages typiques qu'elle peut s'appuyer pour assurer le dépaysement du téléspectateur. Bénéficiant de quelques jolis plans - des levers de soleil aux escapades champêtres en voiture sur les routes de la localité -, la série a donc un cadre qui encourage l'immersion du public.
Enfin, A place to call home repose sur son actrice principale, Marta Dusseldorp (Crownies), dont la solidité de la performance n'est pas pour rien dans l'intérêt de la série. Son personnage est le pivot autour duquel toute la fiction s'articule, et la manière dont elle contraste avec le milieu dans lequel elle est projetée constitue une dynamique narrative des plus efficaces. Face à elle, au sein du clan Bligh, c'est Noni Hazlehurst (City Homicide) qui interprète la matriarche, tandis que le rôle de George, veuf qui n'est pas insensible à Sarah, est confié à Brett Climo (The Elephant Princess). Quant aux deux jeunes Bligh, ils sont joués par David Berry et Arianwen Parkes-Lockwood. En outre, la distribution comprend également Frankie J. Holden, Craig Hall (Outrageous Fortune, Underbelly), Abby Earl, Aldo Mignone, Dominic Allburn, Vanessa Buckley, Rupert Degas ou encore Adam Gray.
Bilan : A place to call home est un period drama traditionnel, avec sa dose promise de mélodrames, d'émotions et de confrontations, à la fois universels et fruits d'une époque. Assumant ses ficelles classiques, la série a pour elle de pouvoir s'appuyer sur une héroïne engageante, marquée par des épreuves passées, auprès de laquelle le téléspectateur s'implique rapidement. La fiction bénéficie aussi de son cadre rural australien pour une immersion dépaysante dans les années 50. La progression narrative est assurée, les enjeux vite identifiés. Si A place to call home a quelques limites, les ingrédients de son récit parlent aisément à ceux qui ont un penchant pour de tels period dramas. Et une fois embarqué dans les destinées de chacun, il vous sera bien difficile de ne pas poursuivre à leurs côtés. Avis aux amateurs.
NOTE : 6,75/10
Une bande-annonce de la série :
16:31 Publié dans (Séries Océanie) | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : australie, channel 7, a place to call home, marta dusseldorp, noni hazlehurst, brett climo, frankie j holden, david berry, arianwen parkes-lockwood, craig hall, abby earl, aldo mignone, adam gray, dominic allburn, vanessa buckley, rupert degas | Facebook |
08/05/2013
(J-Drama / Pilote) Kumo no Kaidan : la naissance de désirs et d'ambitions, et leurs dérives
Après un hiver plutôt positif côté petit écran japonais, revenons en ce mercredi asiatique sur la saison printanière qui a commencé depuis quelques semaines au pays du soleil levant. Sur le papier, il faut dire que peu de dramas donnaient vraiment envie de leur donner une chance. Il y en avait malgré tout quelques-uns, comme, par exemple, Take Five en grande partie grâce à son casting, mais le manque de moyens de la série l'empêche d'exploiter de façon convaincante un concept qui aurait pu être sympathique. Il y avait aussi Kumo no Kaidan : un synopsis qui disait peu de choses et n'était pas des plus engageants, mais un poster promotionnel troublant et plus sombre qu'attendu... et Hasegawa Hiroki dans le rôle principal (oui, si j'avais été honnête, j'aurais dû commencer par ce dernier argument pour expliquer mon choix).
Sauf que Kumo no Kaidan rappelle que l'on peut débuter une série sans avoir forcément de bonnes raisons pour venir s'installer devant, et y trouver des motifs légitimes pour y revenir la semaine suivante. J'ai été agréablement surprise par ce drama, peut-être parce que je n'avais a priori pas d'attentes particulières. Adaptation d'un roman du même nom de Watanabe Junichi publié en 1985, Kumo no Kaidan a débuté le 17 avril sur NTV, étant diffusé dans le créneau de 22h. La durée des épisodes varie entre 45 minutes et 1 heure. Si la série réussit à intriguer, c'est que derrière ses atours de medical drama, elle se concentre et exploite des ressorts humains chargés d'ambivalence, difficiles à catégoriser. C'est avant tout un human drama sur l'affirmation de soi et ses dérives qui tient là un thème intéressant.
[La review qui suit a été rédigée après le visionnage des trois premiers épisodes.]
Kumo no Kaidan débute dans une petite île (fictive) de moins de 500 habitants, Mikotojima, située dans l'archipel d'Izu au large de Tokyo. Pour satisfaire aux besoins médicaux des locaux, il existe sur place une petite clinique qui doit fonctionner avec des moyens et des effectifs réduits. Elle est dirigée par le seul médecin de l'île, Muraki Eiji. Pour l'assister, il utilise de plus en plus fréquemment les services du secrétaire de l'établissement, Aikawa Saburo. Autodidacte plongé dans ses livres de médecine, ce dernier ne réalise pas seulement des soins bénins : il est encouragé et poussé par le directeur à pratiquer des opérations chirurgicales autrement plus importantes. Saburo ne sait comment se positionner face à cela, d'autant qu'il est confronté à l'hostilité de ses collègues qui n'apprécient guère l'idée de voir exercer quelqu'un sans licence médicale, ce qui constitue une infraction pénale.
Cependant, les talents évidents de Saburo vont se révéler déterminants en plusieurs occasions. Tout d'abord lorsqu'une jeune femme, en visite sur l'île, doit subir une intervention d'urgence alors que le directeur est absent : Saburo assure l'opération et sauve ainsi la vie de Tasaka Akiko. Or, cette dernière est la fille du directeur d'un prestigieux hôpital de Tokyo. Enfermée dans la vie que ses parents lui ont tracé, Akiko est touchée par la gentillesse de Saburo à son égard, loin des médecins froids et cliniques qu'elle a l'habitude de fréquenter. Elle entreprend de se rapprocher de celui qu'elle croit médecin. Saburo ne la repousse pas vraiment, même s'il a entamé une relation avec une infirmière de la clinique, Suzuki Akiko. Les deux femmes laissent entrevoir plusieurs voies possibles pour Saburo, notamment celle de poursuivre l'exercice illégal de la médecine hors de l'île, Tasaka Akiko pouvant lui ouvrir bien des portes...
Loin de se réduire à un simple medical drama ou à un dilemme amoureux, Kumo no Kaidan propose une histoire ambivalente qui éclaire et s'interroge sur les motivations humaines. Cette série entend avant tout mettre en scène l'ambiguïté et l'affirmation des désirs, des ambitions et des sentiments. L'écriture est assez minimaliste, efficace dans sa façon de suggérer les personnalités des différents protagonistes, sans en dire trop, laissant à l'interprétation du téléspectateur une part d'ombre et d'inconnu en chacun. Le triangle amoureux annoncé suit cette même tonalité duale, loin de l'intensité émotionnelle d'un Second Virgin. L'ensemble intrigue : le récit se construit autour d'indices ou d'informations laissés qui, à mesure que l'histoire progresse, dévoilent d'autres facettes des personnages. La série a pour fil rouge la progressive affirmation des souhaits de chacun, et surtout de la part d'ombre qui accompagne cette évolution - comme l'illustre la jalousie d'Akiko face à sa jeune rivale. La figure la plus emblématique de cette approche reste Saburo, protagoniste équivoque et difficile à cerner. Quelques éléments, comme sa compréhension et son intervention auprès de la jeune Akiko lorsqu'elle envisage le suicide, ne trompent pas sur l'existence d'un pan plus sombre, avec des blessures ou épreuves qu'il dissimule. Mais, à l'image de son passé, il reste avant tout un mystère.
Initialement, tout semble le désigner comme quelqu'un de passif et de maléable. Ce sont les circonstances et les ordres du directeur qui l'entraînent peu à peu dans la pratique illégale de la médecine. Lui hésite, refuse d'exprimer à haute voix ce qu'il souhaite, comme incapable de vouloir quelque chose. Pourtant, plusieurs signes sont révélateurs qu'il y a plus en lui que cet effacement volontaire : s'il fuit instinctivement les responsabilités, tremble longtemps après une opération, il reconnaît aussi l'excitation ressentie en salle d'opération. Peu à peu, il prend conscience de ce qu'il peut réaliser. A mesure qu'il s'affirme, il laisse entrevoir d'autres facettes qui l'éloignent de l'homme trop humble des débuts. En trois épisodes, le personnage évolue considérablement : le téléspectateur assiste à la naissance de nouveaux désirs, d'ambitions qui avaient été oubliées sur cette île perdue. C'est alors une voie dangereuse qui se dessine, loin de l'innocence des débuts : il ne s'agit plus d'aider des gens, mais de s'aider soi-même. Par ailleurs, si les sentiments des deux Akiko à son encontre sont évidents, ceux de Saburo restent flous, ambivalents, à l'image de son personnage. Le fait que l'histoire soit racontée, a posteriori, du point de vue de l'infirmière amoureuse renforce la construction dramatique du récit, annonçant un engrenage de décisions qui ne tend pas vers un happy end. Cela donne donc un drama intriguant dont le téléspectateur est curieux de connaître les transformations à venir.
Sur la forme, Kumo no Kaidan est un drama avec un certain nombre de limites. L'atout de ces débuts tient au cadre offert par la petite île dans laquelle l'action s'ouvre : il offre à la caméra quelques beaux paysages et jolis bords de mer, de quoi apporter du dépaysement au téléspectateur, loin d'une Tokyo qui reste cependant à portée de transport des protagonistes. Cependant, dans l'ensemble, la réalisation reste très académique. Un mieux se perçoit en revanche progressivement du côté de la bande-son qui, dans le premier épisode, avait tendance à aller à contre-tonalité et à se faire inutilement envahissante. Elle parvient à bien se fixer dès le deuxième. On y trouve notamment un thème récurrent presque inquiétant qui est souvent utilisé à bon escient et apporte sa marque à l'ambiance intriguante de la série.
Enfin, Kumo no Kaidan peut s'appuyer sur un casting globalement solide. Hasegawa Hiroki (Suzuki Sensei, Kaseifu no Mita) hérite à nouveau d'un rôle ambivalent et difficile à cerner, qui pourra rappeler par certains moments celui qu'il campait dans Second Virgin. Dans ces premiers épisodes, il joue quelqu'un d'assez passif et maléable, dont on sent cependant qu'il ne faudrait que peu d'encouragement pour une prise en main qui le conduirait sur la dangereuse voie de l'ambition et du mensonge. L'évolution du personnage promet d'être intéressante, et, dans ces différents registres qui s'annoncent, Hasegawa Hiroki a déjà prouvé qu'il s'en sortait très bien. Face à lui, pour compléter le triangle amoureux en formation, Inamori Izumi (Cleopatra na Onnatachi) joue une infirmière officiant sur l'île, un des rares soutiens de Saburo à la clinique. Ce qui explique leur rapprochement. Mais leur idylle est troublée par l'arrivé du personnage joué par Kimura Fumino (Sodom no Ringo). A leurs côtés, on retrouve également Naito Takashi, Hagiwara Masato, Aoyagi Sho, Kimura Midoriko ou encore Otomo Kohei.
Bilan : Derrière les codes empruntés au medical drama ou son esquisse de triangle amoureux, Kumo no Kaidan se révèle être avant tout un drama sur l'affirmation de soi, sur le réveil des ambitions, des sentiments, des désirs, et sur la manière dont ces derniers peuvent vous égarer, avec tous les principes que l'on sera prêt à sacrifier pour atteindre ses objectifs. C'est un récit volontairement ambivalent, mettant en scène des personnages qui le sont tout autant. S'il sait prendre son temps, l'ensemble progresse de manière efficace : la fin du troisième épisode marque une première rupture dans le récit, dont il faudra surveiller l'orientation. Pour le moment, les débuts de Kumo no Kaidan ont donc rempli leur office : à suivre !
NOTE : 7/10
Un (bref) trailer conceptuel :
15:11 Publié dans (Séries asiatiques) | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : j-drama, ntv, kumo no kaidan, hasegawa hiroki, inamori izumi, kimura fumino, otomo kohei, naito takashi, hagiwara masato, aoyagi sho, kimura midoriko | Facebook |