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23/12/2012

(UK) The Hour, saison 2 : le temps d'une superbe maturation

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The Hour était de retour cet automne sur BBC2 (du 14 novembre au 13 décembre 2012). L'occasion de retrouver le Londres médiatico-politique des années 50. Diffusée durant l'été 2011, la première saison avait été intéressante par la richesse de ses thèmes et les personnages mis en scène, mais il lui avait manqué une vraie consistance dans son récit fil rouge d'espionnage pour exploiter le potentiel qu'elle avait laissé entrevoir. Pour cette saison 2, la série a cependant gagné en maîtrise, capable désormais de susciter l'intensité dramatique qui avait trop fait défaut à la première.

Les débuts de saison pour The Hour sont certes lents, mais c'est pourtant une histoire homogène et de plus en plus prenante qui prend corps sous nos yeux. Au final, cela donne une saison de qualité supérieure à la première, qui mérite vraiment l'investissement. Mais le public britannique n'a pas eu la même patience : les audiences n'ont malheureusement pas suivi. Cependant si vous n'aviez qu'une seule série anglaise de ces derniers mois à rattraper, pas d'hésitation, il s'agit de The Hour !

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The Hour reprend plusieurs mois après les évènements ayant conclu la première saison. Tandis que Freddie a quitté l'Angleterre et est parti en quête de nouvelles expériences à travers le monde, Bell s'efforce de continuer à faire tourner une émission en perte de vitesse, notamment face à la concurrence d'une nouvelle émission d'ITV directement inspirée du concept de The Hour. La gestion est d'autant plus difficile que leur présentateur-vedette, Hector, profite désormais un peu trop de la célébrité, se faisant photographier dans tous les milieux en vogue des soirées londoniennes, tout en étant bien peu assidu pour faire acte de présence au bureau.

C'est dans ces circonstances qu'un nouveau directeur de l'information est placé à la tête de l'émission. Il s'agit de Randall Brown, qui a notamment bâti sa réputation à Paris. Conscient qu'il manque désormais ce qui faisait le piment des débuts de l'émission, une de ses premières décisions est de ré-embaucher... Freddie, permettant ainsi le retour du journaliste prodigue, cette fois, en tant que co-animateur aux côtés d'Hector. Le but est notamment de signifier à ce dernier qu'il est temps de redevenir professionnel. C'est pourtant le mode vie d'Hector qui va les conduire à enquêter sur un club à succès de la capitale et sur son puissant patron.

Entre affaires de moeurs, chantages et corruptions, les journalistes s'intéressent de bien dangereux arrangements, tandis qu'au sommet de l'Etat, les discussions autour de l'installation de missiles nucléaires américains sur le sol anglais attisent diverses convoitises.

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Proposant un récit homogène, la saison 2 de The Hour s'appuie sur une construction narrative maîtrisée, où la tension ne va cesser d'aller crescendo. Les premiers épisodes suivent un rythme volontairement plutôt lent, permettant à la série de s'épanouir dans un registre de fiction d'ambiance. Parfaitement ciselées, toutes les scènes semblent saturées du parfum des années 50, chaque décor étant travaillé jusqu'au moindre détail. Reconstitution presque trop soignée et policée, la série joue habilement sur cette image surchargée des fantasmes d'une époque. The Hour assume ainsi à merveille les codes du roman noir qu'elle se réapproprie. Mêlant à une enquête, des thèmes familiers, entre prostitution, corruption et chevalier blanc se dressant contre les dérives du système, la série intègre de manière plus cohérente la géopolitique et les enjeux de la guerre froide, mis au service d'une intrigue consistante.

Progressivement, les enjeux se précisent, les histoires se recoupent, et l'ensemble se complexifie au fil des révélations et des découvertes. Une sourde tension apparaît, les dangers devenant parfaitement identifiables. Tandis que le rythme s'accélère, l'atmosphère se fait de plus en plus prenante. The Hour nous conduit vers un final à l'intensité dramatique tour à tour magnifique et bouleversante, légitimant a posteriori le choix fait au départ de prendre le temps de bien façonner les fondations du récit à dérouler. Transparaît en filigrane une dimension tragique et inéluctable à l'enchaînement des évènements, que la série va savoir pleinement exploiter. Cette saison 2 est une vraie décharge émotionnelle, à la fois grisante et poignante. Ce sont quelques heures de télévision de haut standing qui provoquent une implication rare de la part d'un téléspectateur, totalement investi dans les méandres relationnelles dévoilées, et qui la quitte un peu choqué, hébété, longtemps marqué.

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Ce que The Hour a gagné en cohésion se perçoit également dans son traitement des personnages. La série entremêle parfaitement les destinées des protagonistes à l'intrigue principale. Tout se recoupe, le versant personnel s'invitant dans les rebondissements d'une enquête qui touche au plus près certains. Finis les batifolages dilatoires : chacun gagne en épaisseur et en complexité. La logique l'emporte, notamment dans le rapprochement progressif de Freddie et de Bell. Qu'importe le bref twist inventé pour les séparer un temps, la cohérence reprend ensuite ses droits avec des certitudes renforcées, primant tout et emportant du même coup le coeur du téléspectateur. La saison 2 aura aussi vu l'introduction d'une nouvelle dynamique, entre le directeur de l'information, Randall, et Lix Storm. Ces derniers partagent une vieille histoire, et une blessure jamais refermée : celle d'un enfant né d'une brève passion, abandonné par Lix dans une France à l'aube de la Seconde Guerre Mondiale. Cette histoire prend un tour très poignant, contrebalançant très bien les relations des autres personnages qui ont, eux, encore un futur devant eux. Elle offre en plus aux deux acteurs des scènes à la hauteur de leur talent.

Cependant la plus belle évolution de la saison est indéniablement la consistance acquise par Marnie, l'épouse d'Hector. Femme au foyer de la bonne société qui a parfaitement intégrée tous les codes de cette dernière, sur la place effacée et docile dévolue à la femme, elle est prête à admettre toutes les largesses de son mari volage, si seulement il pouvait aussi remplir le rôle qui est attendu de lui : qu'ils aient un enfant. Mais Hector, ne pouvant lui donner cela, n'en fuit que plus les soirées en face à face avec sa femme. L'humiliation provoquée par le scandale auquel il est mêlé aurait pu signer la fin d'un couple qui s'était peu à peu perdu, elle est au contraire le moment où Marnie acquiert toute sa dimension : celle d'une épouse qui décide de reprendre sa vie en main et qui entend s'émanciper. Sa plus savoureuse vengeance est son succès, fut-il bref, sur ITV. Le re-équilibrage progressif qui s'opère au sein du couple symbolise à merveille la maturation de la série. Cette saison aura vraiment su donner aux personnages l'ampleur narrative qu'ils méritent.

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S'il vous fallait un dernier argument pour vous expliquer en quoi The Hour propose quelques heures de grande télévision, il convient de terminer ce billet en se tournant vers son casting. Même en trempant ma plume dans l'encre le plus dithyrambique qui soit, tous les superlatifs, que je pourrais mettre bout à bout dans ces colonnes, afin de tenter de décrire les performances d'acteurs auxquelles cette saison nous a permis d'assister, ne suffiraient sans doute pas pour retranscrire la puissance dramatique de certaines scènes. Leurs jeux, tout en nuances et en intensité, ont plus que jamais sublimé les échanges, des confrontations explosives jusqu'à certains dialogues initialement simplement anecdotiques, conférant au script une dimension supplémentaire. Plusieurs passages hanteront ainsi durablement le téléspectateur.

La dynamique entre Ben Whishaw (Criminal Justice) et Romola Gorai (Crimson Petal and the White) repart sur des bases proches de la première saison, avec un certain infléchissement et rapprochement, qui permet à leur relation de conservant ce mordant toujours réjouissant qui la caractériser. Le signe d'une maturité est encore plus perceptible dans le couple que Dominic West (The Wire, The Devil's Whore) forme avec Oona Chaplin : cette dernière bénéficie cette fois d'un rôle qui s'épaissit et lui donne l'occasion de gagner, sa place face à un Dominic West égal à lui-même. Enfin, l'ajout principal de la saison tient à l'arrivée de Peter Capaldi (The Thick of It), comme toujours particulièrement génial, a fortiori dans un rôle ambivalent où il délivrera, face à Anna Chancellor, une des plus marquantes scènes de la saison.

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Bilan : La saison 2 de The Hour est une magnifique suite de 6 épisodes, durant lesquels la série fait preuve d'une maîtrise narrative à saluer. Fiction d'ambiance posant un décor et des enjeux dans sa première partie, son intrigue prend progressivement corps avec cohérence. Plus homogène et plus crédible dans son registre de roman noir au décor des 50s', cette saison culmine avec un dernier épisode à l'intensité dramatique qui laisse le téléspectateur le souffle court, choqué, fasciné, électrisé... Portée par de grands acteurs auxquels elle donne l'occasion de pleinement s'exprimer, The Hour aura proposé quelques heures de grand standing. Elle m'aura enthousiasmé comme peu de séries cet automne, et cela fait un bien fou. A savourer.


NOTE : 8,5/10


La bande-annonce de la saison :

22/12/2012

(Pilote SUI) L'heure du secret : une "saga de l'été" au parfum suisse

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Quoi de neuf en Suisse ? Manifestement des séries au titre, "L'heure du secret" -mélangeant horlogerie et secret- qu'il aurait été difficile de choisir plus typique pour résonner dans l'imaginaire collectif. Pays voisin, partiellement francophone, on l'a déjà évoqué sur ce blog : la Suisse a une télévision (romande, car ne parlons même pas des deux autres versants linguistiques inaccessibles) qui ne nous parvient qu'au compte-goutte. Concrètement, la principale source pour visionner ses séries en France se confirme être la chaîne TV5 Monde, en grande partie parce qu'elle a l'avantage de proposer un service de catch-up TV qui permet de rattraper ses programmes.

Télévision méconnue côté français certes, mais dans laquelle on croise des projets intéressants. Souvenez-vous du prenant thriller autour d'une partie de poker qu'a été 10, découvert au printemps (déjà grâce à une diffusion sur TV5Monde). Une vraie bonne surprise téléphagique qui aurait mérité une exposition bien meilleure (j'avoue que ce billet existe en partie pour vous rappeler ce chouette souvenir) ! Forte de cette première expérience concluante, je n'oublie donc pas la Suisse. Quitte à tester des fictions qui nous rappellent que la RTS reste globalement dans une situation très proche de la télévision française. Avec ses fulgurances, mais aussi ses recettes plus (trop ?) traditionnelles et des limites familières. En témoigne la série proposée par TV5 Monde depuis le 19 décembre dernier.

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L'heure du secret a été diffusée au cours de l'été 2012 sur RTS Un (à partir du 16 juin). Comptant 7 épisodes de 42 minutes, elle est produite par CAB Productions, à qui l'on doit notamment CROM. Réalisée par Elena Hazanov, et écrite par Alain Monney et Gérard Mermet, cette série ressuscite un genre bien connu du téléspectateur français : la saga de l'été, avec ses héroïnes prodigues remontant un passé méconnu, ses morts suspectes et sa dimension pseudo-mystique à la croisée des genres. Lancer L'heure du secret donne un peu l'impression de s'installer devant la télévision française d'il y a une décennie, avant que certaines ficelles trop grosses et des excès indigestes n'emportent (pour un temps ?) le genre dans sa tombe télévisuelle.

Quelle est donc l'histoire ? Lyne Tremblay, une jeune femme Québécoise, vient d'hériter des ateliers d'horlogerie "Univers", situés dans la petite localité du Locle en Suisse. Elle quitte le Canada pour quelques jours en espérant rapidement régler les formalités de la succession, comptant vendre l'entreprise au plus vite. Mais dès son arrivée, les évènements troubles s'enchaînent. Après une première frayeur dans le taxi, où elle fait un étrange cauchemar, elle apprend le lendemain que le chauffeur a été assassiné. Dernière personne à lui avoir parlé, elle est logiquement interrogée par la police. Déroutée et inquiète, en pays étranger, elle fait la connaissance d'un artisan-horloger, Vincent Girot, qui entreprend de lui faire visiter la région et surtout comprendre l'art qu'est l'horlogerie suisse. Mais un deuxième meurtre a lieu à son hôtel...

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L'heure du secret réunit quelques-uns des ingrédients les plus typiques des sagas de l'été. Son héroïne est assez attachante, avec du caractère. Etrangère dans une petite ville qui a son histoire, elle est la clé d'entrée du téléspectateur dans ce cadre particulier : à travers elle, on s'interroge sur ces lieux et les secrets qu'ils renferment, tout en découvrant aussi l'industrie horlogère. Le pilote ne perd pas de temps : très vite, les mystères se multiplient, et les morts aussi. On en compte déjà deux à la fin des premières 42 minutes. L'intrigue policière s'épaissit rapidement, les questions sans réponse s'assurant d'éveiller la curiosité du téléspectateur. Le principal reproche à adresser à L'heure du secret n'est pas de réactualiser des ressorts narratifs que, pour ma part, je considèrerais plutôt appartenir au passé, mais il vient surtout du relatif manque de naturel qui transparaît de certains dialogues et les quelques passages forcés qui en découlent. Trop policé, trop calibré (notamment au niveau de la caractérisation des personnages), c'est tout le cadre d'ensemble qui peine à être crédible, ignorant sa dimension sociale (Locle, l'horlogerie). Cette difficulté est accentuée par le registre fantastique introduit prudemment, qui laisse sur la réserve.

Le côté prévisible et un brin figé qui caractérise le récit de L'heure du secret se retrouve dans une réalisation à la mise en scène un peu plate. Sur la forme, le principal attrait de l'ensemble réside dans l'utilisation d'un thème musical entêtant qui retentit régulièrement, un morceau classique au piano qui contribue à construire l'ambiance intéressante envisagée, conçue comme à la fois feutrée et sourdement inquiétante. Ce style est aussi exploité pour le générique, minimaliste dans son esthétique, mais plutôt efficace (cf. la vidéo ci-dessous). Côté casting, la série repose en partie sur la fraîcheur d'une Catherine Renaud dont le style direct et l'accent québécois lui permettent de camper de manière convaincante cette jeune héroïne auprès de laquelle on a a envie de s'investir malgré les limites de la fiction. A ses côtés, on retrouve notamment Frédéric Recrosio, Agnès Soral, Carlo Brandt, Valentin Rossier, Laetitia Bocquet, Marie Druc ou encore Pierre Mifsud.

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Bilan : Saga de l'été au sens premier du terme, avec tous les ingrédients les plus classiques du genre, L'heure du secret est une fiction calibrée, sans tomber dans les excès de certains de ses prédécesseurs. Il flotte sur elle une impression passéiste quelque peu figée, notamment du fait de dialogues pas toujours percutants. Si elle sait mener sa barque honnêtement et éveille une certaine curiosité pour la suite (ce qui est son principal objet), elle manque d'audace et d'innovation. Malgré tout, le nostalgique des vraies sagas de l'été devrait y trouver son compte. D'autant que le dépaysement opère, aussi bien grâce à l'immersion dans l'industrie de l'horlogerie suisse, que par le charmant accent Québécois de l'héroïne.

Au final, cette série est surtout un rappel que la télévision suisse romande doit encore mûrir et grandir dans le registre de la fiction originale. Elle n'a pas le relatif éclectisme d'une Radio-Canada par exemple. Si je ne vous conseillerais pas L'heure du secret (mais c'était une des rares occasions de voir un peu ce qui se passe chez nos voisins suisses, d'où cette critique qui n'était pas initialement programmée dans le planning du blog), je renouvelle ma recommandation faite au printemps dernier : 10 reste indéniablement une référence dont la RTS devrait s'inspirer.


NOTE : 5/10


Lien vers le catch-up de TV5 Monde : Episode 1 (en ligne jusqu'au 26 décembre).

Le générique de la série :


PS : Avec le sens du timing qui me caractérise, j'ai donc rédigé le premier billet de l'hiver du blog sur... une saga de l'été. Rassurez-vous le prochain article devrait être un bilan de saison de mon coup de coeur du mois.

21/12/2012

(Pilote UK) Last Tango in Halifax : une sympathique et attachante dramédie relationnelle

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Il est des séries qui sont faites pour un visionnage hivernal. Celles qui, empreintes d'une chaude humanité, donnent envie de s'emmitoufler devant son petit écran, en sirotant un thé, tandis que la nuit froide est depuis longtemps tombée dehors. Last Tango in Halifax est de cette catégorie de fictions. Créée par Sally Wainwright, elle est diffusée depuis le 20 novembre 2012, le mardi soir, sur BBC1. Sa première saison compte six épisodes et s'est achevée mercredi soir en Angleterre.

Rassemblant un casting cinq étoiles au sein duquel on retrouve notamment Derek Jacobi et Anne Reid, la fiction a conquis le public anglais : avec une audience moyenne tournant autour de 7 millions de téléspectateurs, elle est la série diffusée en semaine qui a rassemblé le plus large public en Angleterre cette année. Cela explique le renouvellement par BBC1 pour une seconde saison. En attendant, laissez-moi vous expliquer pourquoi son pilote, rattrapé la semaine dernière, a su me séduire.

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Alan et Celia se tournaient autour durant leur adolescence. Un déménagement et une lettre qui n'est pas parvenue à son destinataire les ont fait se perdre de vue sur un qui pro quo, chacun emportant avec lui son lot de regrets. Depuis, ils ont vécu leur vie, se sont mariés, ont eu des enfants... Soixante ans plus tard, se laissant convaincre par leurs jeunes générations de s'inscrire sur Facebook, ils se retrouvent par hasard par l'intermédiaire du réseau social. Tous deux sont désormais veufs. Lorsqu'Alan suggère qu'ils se rencontrent pour un thé, Celia hésite peu. L'après-midi qu'ils passent ensemble, riche en émotions, réveille des sentiments enfouis et oubliés. Serait-ce la possibilité d'une seconde chance pour leur ancienne flamme d'adolescence ?

Décidés à en profiter, ils annoncent alors, à leurs filles respectives, leur intention de se marier. Les deux femmes en restent sans voix : leur vie n'est-elle pas déjà assez compliquée comme cela ? Appartenant à deux milieux sociaux très différents, elles ont en effet leur lot de soucis. Caroline, la fille de Celia, dirige une école privée. Elle a deux garçons, mais sa vie personnelle est bien complexe : son mari, qui l'avait quittée, a délaissé sa maîtresse et veut revenir, alors que Celia avait entamé une relation avec une enseignante de son école. Quant à Gillian, la fille d'Alan, mère de famille veuve qui peine à joindre les deux bouts, jonglant entre sa ferme et un emploi de caissière dans un supermarché local, elle doit gérer un fils en pleine adolescence qui subit un peu trop l'influence du frère de son père. C'est peu dire qu'une telle famille recomposée promet sa part d'éclats et de confrontations.

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Last Tango in Halifax est une dramédie relationnelle pleine de tendresse. Elle met en scène une improbable histoire de retrouvailles, racontée avec une écriture sincère et touchante qui n'entend pas laisser le téléspectateur indifférent. Le pilote s'amuse à décrire la valse d'hésitations à laquelle jouent ces deux êtres qui se recroisent 60 ans après. La particularité de cette histoire d'amour renaissante tient justement au vécu de ses protagonistes. Ils portent un regard bien différent de celui de leur jeunesse sur la nature des liens qui les unissent. Les expériences passées et les regrets qui les accompagnent leur permettent de mesurer l'importance des moments de bonheur, mais aussi d'apprécier la force des sentiments qu'ils éprouvent. Avec une authenticté attendrissante, on assiste au réveil d'un ancien amour que le temps avait dilué, mais qui s'est paradoxalement fortifié au fil des histoires -et des désillusions- que chacun a pu vivre de son côté. Celia, tout particulièrement, éprouve une profonde amertume à l'encontre de son défunt mari, consciente de ne pas avoir toujours pris les bonnes décisions, pour les bonnes raisons.

Au-delà de ce couple central qui va provoquer une réunion familiale qui promet d'être pimentée, Last Tango in Halifax ambitionne, en prenant son temps (son rythme de narration est assez lent), d'explorer plus avant les dynamiques et la complexité des rapports unissant une galerie de personnages colorés introduits dès ce premier épisode. La complicité qui s'installe entre Alan et Celia offre quelques passages mémorables, empreints d'humour et d'une touche d'espièglerie qui fait mouche. Par contraste, la série pourra également jouer sur l'antagonisme instantané qui prend place entre les filles respectives du nouveau couple. Ces quadragénaires ont elles-mêmes leurs expériences de vie et leur lot de blessures personnelles. Elles ont des caractères extrêmement différents, mais ont toutes deux du potentiel pour évoluer. Leurs interactions promettent donc de pimenter aussi l'organisation du mariage soudain que leurs parents leur annoncent, les laissant pareillement pantoises. Voilà donc une série qui semble promettre sentiments et émotions. lasttangoinhalifaxh_zpsc66a93cf.jpg

Sur la forme, Last Tango in Halifax bénéficie d'une réalisation classique, qui convient bien à la nature du récit mis en scène. La série trouve une identité propre surtout par une bande-son qui suit très bien les changements de tonalités. Les thèmes instrumentaux légers et rythmés interviennent quand il le faut pour donner l'ambiance appropriée à certaines scènes marquantes, à l'image, dans le pilote, de l'improbable scène de course-poursuite qui voit Celia et Alan tenter de suivre la voiture volée de ce dernier (à vous faire pleurer de rire). 

Si Last Tango in Halifax fonctionne, elle le doit aussi beaucoup à un casting extrêmement solide. L'association entre Derek Jacobi (I Claudius, Cafdael) et Anne Reid (Bleak House, Marchlands, Upstairs, Downstairs) est très enthousiasmante : chacun délivre une prestation convaincante, et des hésitations à la complicité qui renaît bientôt entre eux, l'évolution de leurs rapports dans le pilote résonne avec une authenticité particulière. A leurs côtés, c'est toujours un plaisir de retrouver Nicola Walker (Spooks), qui incarne la fille d'Alan, tandis que Sarah Lancashire (Lark Rise to Candleford, The Paradise) interprète de façon très assurée la fille de Celia. Parmi les autres acteurs, c'est l'occasion de croiser notamment Tony Gardner (The Thick of it, Fresh Meat), Dean Andrews (Life on Mars) ou encore Ronni Ancona.

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Bilan : Last Tango in Halifax est une dramédie chaleureuse et confortable, à la fois tendre et profondément humaine. Une de ces oeuvres, pas vraiment originale et plutôt prévisible, mais dont l'écriture sait toucher et parler au téléspectateur. Elle offre aussi l'occasion de savourer de vraies performances d'acteurs qui apportent une dimension supplémentaire à l'histoire. C'est une de ces fictions sympathiques qui se regardent un froid soir d'hiver, chaudement installé sur son canapé. Ce n'est certainement pas une série qui conviendra à tous les publics, mais son pilote m'a agréablement surprise. A suivre.


NOTE : 7,5/10


Le générique de la série :


19/12/2012

(K-Drama / Pilote) Cheongdamdong Alice : Se Kyung au pays du luxe et de la mode

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En ce mercredi asiatique, reprenons quelques bonnes habitudes et penchons-nous donc sur les nouveautés de ces dernières semaines en Corée du Sud. J'ai été à deux doigts de traiter à nouveau d'un drama special de KBS, à l'image de l'enthousiasmant Art de la semaine dernière, car j'avoue que les séries actuellement diffusées sur les grandes chaînes m'enthousiasment pour le moment assez peu. Aucun de mes visionnages-tests des premiers épisodes n'a été pleinement concluants. J'ai cependant sélectionné celui qui m'a semblé avoir le plus de potentiel, avec certaines réserves : Cheongdamdong Alice.

Ce drama est diffusé sur SBS depuis le 1er décembre 2012, les samedi et dimanche soirs. Il est pour l'instant envisagé pour une durée de 16 épisodes. Cette fiction, dont l'écriture a été confiée à Kim Jo Woon et Kim Jin Hee, et la réalisation à Jo Soo Won, apparaissait sur le papier extrêmement classique dans ses thèmes comme dans la situation mise en scène. Son attrait principal réside en fait dans sa capacité à dépasser le manichéisme avec lequel sont présentés les antagonismes de classe habituellement, pour proposer une héroïne consistante auprès de laquelle il est possible de s'investir.

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Han Se Kyung est une jeune femme ambitieuse qui souhaiterait faire carrière comme designer dans le milieu de la mode. Issue d'une famille avec peu de moyens, sa maxime est la suivante "l'effort est ma force" (en français dans le texte !). Elle est persuadée que si elle s'en donne les moyens, elle pourra réussir ses objectifs, et ce, en dépit des difficultés quotidiennes qu'elle connaît bien, voyant combien ses parents peinent pour joindre les deux bouts. Elle pense son heure enfin arrivée lorsqu'elle décroche un travail dans une société de mode. Cependant, très vite, elle doit déchanter : elle est confinée dans un rôle d'employée à tout faire, devant s'occuper des courses de la femme de l'héritier à qui reviendra la direction de la compagnie.

Se Kyung découvre vite que cette dernière est en réalité une ancienne connaissance de lycée avec laquelle elle avait eu plus d'une altercation, du fait de leurs divergences de vues sur la manière de faire carrière. Yoon Joo est une opportuniste qui a toujours fait en sorte d'utiliser les talents des autres et ses charmes pour parvenir à ses fins : on peut dire qu'elle a réussi puisqu'elle est désormais l'épouse richissime d'un important homme d'affaires. Se Kyung accepte dans un premier temps comme elle peut la situation difficile dans laquelle elle se trouve, peinant à trouver sa place au sein cette compagnie. Finalement, elle comprend que pour réussir, c'est elle-même qui doit changer et s'adapter à ce milieu. Il est trop simpliste de croire que la seule persévérance peut lui permettre d'atteindre ses rêves.

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Si Cheongdamdong Alice peut retenir l'attention du téléspectateur, c'est qu'il semble bien que ce drama ne soit pas un énième simili-conte de fée trop bien huilé, où une innocente pauvre accède au clinquant à paillettes et conquiert l'héritier. Le personnage de Se Kyung est le grand atout de ce drama : c'est une jeune femme ordinaire, qui, si sa famille a en effet peu d'argent, a toujours mené une existence classique, sans avoir subi aucun drame particulier. Elle vit chez ses parents, a un petit ami depuis 6 ans, et cherche sa voie côté professionnel. De plus, elle n'a rien de l'innocente insouciante et/ou ingénue par laquelle démarrent trop de fictions sud-coréennes : au contraire, elle connaît les galères financières et elle a expérimenté le fossé creusé par les différences de conditions sociales. En résumé, c'est une femme moderne, au caractère entier, qui va revoir ses certitudes sur la manière dont elle peut réussir : elle parle donc naturellement au public.

Un des premiers moments clés de la série pour comprendre ce personnage est l'incident autour de la parure en diamants dont elle perd la garantie : cela ne peut que signifier qu'elle a ouvert le sac et a essayé le collier qui n'était pas pour elle. Mais Se Kyung le nie avec innocence à son supérieur. Ce n'est qu'ensuite qu'on découvre qu'elle n'a en effet pas résisté. Le drama quitte ici les éternels clichés du conte de fée : la jeune femme n'est pas une simple employée modèle qui va persévérer obstinément dans son approche besogneuse. En découvrant la position occupée par son ancienne ennemie du lycée qui, partie elle aussi du bas de l'échelle sociale, a, à sa façon, réussi l'ascension et l'accession à ce milieu que les deux femmes ambitionnaient dans leur jeunesse, elle comprend qu'elle doit évoluer. L'amère désillusion qui frappe Se Kyung au cours de ces premiers épisodes, devant rafaler sa fierté et encaisser humiliations et critiques, est un prétexte cohérent à son changement d'approche. Lorsqu'elle confronte son ancienne ennemie sur les ressorts derrière sa réussite, elle entrevoit pour la première fois une façon de véritablement intégrer ce milieu : il faut commencer par le comprendre.

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L'éventuel talent ne fait pas tout. Telle Alice, Se Kyung découvre que un nouvel univers avec des règles qui lui sont propres. Cheongdamdong Alice est assez pessimiste dans sa mise en scène des rapports sociaux, chacun gardant jalousement sa place dans ce monde argenté. Derrière les luxueuses apparences policées, les jalousies et les concurrences sont une réalité permanente : il est nécessaire de se battre constamment. On pourrait y voir une énième déclinaison autour de la thématique de l'argent, chère à nombre de k-dramas, cependant le discours tenu est un décryptage assez cynique qui permet à la fiction de trouver un ton qui lui est propre. Ainsi, comme l'explique le PDG d'Artemis, "Jean Thierry" Cha", en matière de mode, l'apparence est fondamentale. Mais ce n'est pas tant le produit affiché, que son prix qui est déterminant : il est le référent qui fait exhiber fièrement tel sac à main, tel bijou... Les firmes exploitent à leur profit cette surenchère à la consommation qu'elles orchestrent. Derrière cet exposé, on sent que la série essaye de démontrer, sans toujours y parvenir, que l'éclat du luxe mis en scène à outrance n'est pas juste un prétexte narratif, mais qu'elle a quelque chose à dire sur cette démesure. 

Cependant, si son thème peut être intéressant, le démarrage de Cheongdamdong Alice est poussif, notamment en raison d'une écriture qui fait quelques choix discutables. Parmi les problèmes gênants, il y a tout d'abord une tendance à la surenchère émotionnelle, et à une sur-dramatisation de certains enjeux, qui deviennent pesantes, à l'image des tirades larmoyantes qui accompagnent la fragilisation de la relation entre Se Kyung et son petit ami, criblé de dettes. Mettre un terme à une histoire pour une question d'argent, cela est cohérent avec les codes de l'univers posé, mais la façon dont tout cela est amené, avec une telle sur-dose émotionnelle, rend l'ensembe très forcé et artificiel. Ce qui m'inquiète sur la capacité du drama à gérer ensuite le relationnel sans trop de mélo. La deuxième réserve que je formulerais tient plus généralement à la personnalité du PDG d'Artemis : oscillant entre le professionnel doué et aguéri, et l'homme puéril et revanchard derrière le masque, il échappe à tout classement. Cette imprévisibilité pourrait être un atout si les différentes facettes de son caractère avaient plus de liant et de cohésion. Là, on frôle tout simplement la schizophrénie. Et puis, avec de telles bases, il est difficile d'envisager comment pourront évoluer avec cohérence ses rapports avec Se Kyung.

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Cheongdamdong Alice ne compense pas ces limites de fond par des atouts formels. La réalisation est assez quelconque, ne parvenant pas vraiment à souligner les scènes les plus importantes. Sa bande-son est correcte, mais assez vite oubliable, qu'il s'agisse de son thème musical récurrent ou des chansons rythmées qui retentissent. L'ensemble est donc de facture très classique, et le drama ne pourra s'appuyer que sur son scénario pour espérer retenir l'attention du téléspectateur.

Cependant, il dispose d'un autre atout de choix : son actrice principale. Moon Geun Young (The Painter of the wind, Cinderella's Sister) revient au petit écran après un Marry me, Mary! que l'on préfèrera oublier, et elle revient en grande forme. Elle capture à merveille l'ambivalence de son personnage, jouant sur une part d'innocence, mais aussi une détermination sans faille, pour laisser entrevoir, progressivement, toute l'ampleur de Se Kyung. Face à elle, Park Shi Hoo (Prosecutor Princess, The Princess' Man) s'en donne à coeur joie dans le rôle difficilement cernable du PDG d'Artemis ; mais ce côté schizophrénique mal maîtrisé lui en faire un peu trop pour être totalement convaincant. A leurs côtés, on retrouve notamment So Yi Hyun (Swallow the sun, Gloria), Kim Ji Suk (Personal Preference) ou encore Kim Yoo Ri.

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Bilan : Les premiers épisodes de Cheongdamdong Alice laissent une impression mitigée. La grande force du drama est une héroïne au potentiel certain, et un traitement de ses enjeux avec un accent social plus cynique et réaliste que la moyenne. Cela lui permet de dépasser les éternels clichés inhérents aux ascensions sociales relatées comme des contes de fée modernes. Cependant, l'écriture a ses excès et ses maladresses, notamment dans le traitement des relations amoureuses (soit celle passée mal digérée de Jean Thierry Cha, soit celle actuelle de Se Kyung). Si bien qu'on ressort de ces débuts avec une prudente réserve...


NOTE : 5,75/10


Une bande-annonce de la série :

Une chanson de l'OST :


16/12/2012

(UK) Callan : l'espion récalcitrant

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Vous connaissez mon faible pour les fictions d'espionnage. Pas le clinquant glamour d'un James Bond, mais plutôt ces récits sombres, riches en manipulations, en jeux d'espions froids et calculés, où la frontière morale est toujours floue. La télévision anglais a produit au fil des décennies plusieurs perles appartenant à ce genre à rapprocher des romans de John Le Carré. Dans les années 70, Tinker, Tailor, Soldier, Spy (La Taupe) sur la BBC et The Sandbaggers sur ITV restent deux bijoux, incontournables, dont je vous ai déjà parlé. Au printemps dernier, j'avais eu un vrai coup de coeur pour The Sandbaggers qui demeure une des meilleures séries que j'ai eu l'occasion de voir en cette année 2012. Logiquement, j'ai donc voulu poursuivre mes explorations, et j'ai continué à remonter le temps, changeant encore de décennie : direction les années 60 !

Après avoir vu The Sandbaggers, j'avais demandé quelques conseils : un grand merci à Thierry Attard pour m'avoir suggéré la série, inédite en France, dont je vais vous parler aujourd'hui. Créée par James Mitchell, Callan a été diffusée sur ITV de 1967 à 1972, comptant 44 (seuls 3 épisodes restent conservés de la première saison). Le personnage sera porté sur grand écran en 1974, et fera une ultime apparition dans un téléfilm de 1981. Initialement proposée en noir et blanc pour ces deux premières saisons, les dernières seront en revanche en couleur. Plusieurs éditions DVD sont disponibles en Angleterre, séparant ces deux périodes : The Monochrome Years d'une part, The Colour Years d'autre part. J'ai investi dans le premier coffret, et c'est comme ça que j'ai donc découvert une série dont le pilote a été diffusée pour la première fois en... février 1967 !

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Dans le pilote de la série, intitulé A Magnum for Schneider, David Callan est rappelé par son ancien chef, le colonel "Hunter". Longtemps considéré comme un des meilleurs agents d'une mystérieuse organisation gouvernementale connue sous le nom de "The Section", il a été renvoyé parce qu'il avait pris l'habitude de trop s'intéresser à ses cibles, enquêtant sur elles et questionnant les missions qui lui étaient confiées. Or The Section a pour but de faire disparaître toute personne posant un danger pour les sujets britanniques ; elle ne recule devant aucun moyen, qu'il s'agisse de chantage, d'extorsion ou bien d'exécution. En résumé, elle est celle qui se salit les mains quand aucune autre agence gouvernementale ne souhaite intervenir.

Le colonel "Hunter" s'interroge sur le statut de Callan, qui est à la fois leur plus efficace tueur, mais aussi un agent trop instable et un risque permanent qu'il n'est pas certain de vouloir prendre. La saison 1 illustre bien cette ambivalence : dans le premier, Hunter confie à Callan la mission de tuer un homme d'affaires échappant aux autorités, avec comme objectif de mettre son agent à l'épreuve, quitte à s'en débarrasser au cours de l'opération en le précipitant entre les mains de la police. Dans le second épisode, Hunter revient vers Callan cette fois-ci en jouant carte sur table : ou il remplit la mission confiée (délivrer un ex-SS aux Israéliens), ou il devient lui-même une cible pour l'agence.

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Une bonne part de la fascination qu'exerce immédiatement la série tient au personnage de Callan, véritable modèle d'anti-héros, difficilement classable pour le téléspectateur tant son ambivalence apparaît exacerbée. Tueur rompu à ce métier, doté d'un savoir-faire clinique remarquable, il a toutes les qualités requises pour être un agent d'exception pour The Section. Mais il pense et réfléchit trop au goût de ses supérieurs. Le masque de froideur grâce auquel il peut mener à bien les infiltrations et les manipulations les plus dangereuses se fissure parfois brusquement pour laisser place à ses questionnements. Il est d'ailleurs capable de développer une profonde empathie envers ces cibles, oscillant alors dangereusement sur la ligne entre professionnalisme et humanité. Sa versatilité d'état d'esprit permet d'entrevoir avec une intensité marquante tous les doutes qui l'assaillent. Vulnérable dans ces moments où sa détermination vascille, l'homme dévoile au fil des épisodes une psychologie complexe et nuancée proprement captivante.

De manière générale, l'ambiguïté semble être le maître-mot de la série. Le colonel Hunter se méfie de lui, mais dans le même temps, il reconnaît sans mal qu'il est leur meilleur tueur. Toute la question est de savoir jusqu'où peut-il utiliser les talents de Callan, et à partir de quand le risque pris devient-il trop important. Dès le deuxième épisode, les menaces se font directes : si Callan n'exécute pas la tâche confiée, il deviendra lui-même l'objet d'une des missions d'élimination de The Section. Sans aucun statut officiel - il a été renvoyé -, l'homme est forcé d'agir sous la contrainte. Pourtant, excellant dans ce qu'il fait, ses réflexes reviennent toujours comme une seconde nature. Il tente d'ailleurs à l'occasion de s'émanciper, démontrant à Hunter toute sa dangerosité, mais aussi - paradoxalement - pourquoi il reste un agent incontournable qui, si les bonnes pressions sont exercées, reste utile à l'agence. Si Callan se découvre encore avec plaisir aujourd'hui, c'est aussi justement parce que la noirceur de l'univers dépeint, qui ne dépaillerait pas parmi les anti-héros dits "modernes", lui a permis de tgrès bien traverser les décennies. Les épisodes demeurent construits efficacement et, en dépit de quelques lenteurs propres à son époque, la solidité de l'écriture est intacte : la série sait générer une tension et une nervosité qui fonctionnent toujours.

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Sur la forme, nul doute que ces premiers épisodes trahissent leur âge. Si  le thème musical récurrent les hante avec toujours autant de force, la qualité de la vidéo est aléatoire, le transfert sur DVD des originaux laissant entrevoir quelques limites. Pensez que The Monochrome Years nous fait remonter en 1967 et 1969, pour les deux premières saisons. Certains épisodes paraissent tout juste sortis des obscures archives d'où on les a exhumées, avec leurs défauts techniques, ce qui ajoute un certain cachet d'authenticité face à un tel support. Et tant que le scénario s'apprécie pareillement, l'effort fait pour nous proposer de découvrir de telles séries mérite avant tout d'être salué : c'est une sorte de plongeon dans les archives sériephiles.

Enfin, il faut terminer par rendre un hommage appuyé à la performance délivrée par Edward Woodward (plus connu sans doute dans les mémoires internationales -notamment auprès du public américain- pour The Equalizer). Si le personnage de Callan a tant pu marquer, c'est non seulement dû à l'écriture teintée d'ambivalence des scénaristes, mais c'est aussi grâce à l'impressionnante interprétation de l'acteur. Il parvient à capturer, en imposant une présence très intense à l'écran, toute l'ambiguïté de ce maître-assassin dos au mur, trop doué pour pouvoir être rendu à la vie civile et exécutant avec un savoir-faire à part les missions qui lui sont confiées. 

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Bilan : Découvrir Callan en 2012, c'est se retrouver happé par la figure d'un anti-héros ambivalent, évoluant dans un univers extrêmement sombre où chacun manipule l'autre. C'est se laisser capturer par les rouages d'un scénario remarquable d'ambiguïtés, magnifiquement sublimé par une performance d'acteur qui se savoure. Il faut noter que la construction globale des missions reste d'une efficacité rarement prise en défaut, en dépit d'un rythme avec quelques lenteurs signe l'âge de la série. Quant à la mise en scène datée, elle n'est pas un obstacle à l'appréciation de la série.

Dans la lignée des grandes fictions d'espionnage (ou plutôt, parmi les oeuvres de référence d'origine !), Callan fait preuve d'une nuance et d'une noirceur maîtrisées qui n'ont pas pris une ride et s'avèrent bien plus aboutis que certains ersatz indigestes récents comme Hunted cet automne. Pour qui apprécie le genre espionnage, il s'agit d'une découverte qui mérite d'être curieux (à condition d'être anglophone, les DVD ne comportant pas de piste de sous-titres anglais) !


NOTE : 7,5/10


Pour un aperçu, un extrait qui pose bien le ton de la série :