23/12/2012
(UK) The Hour, saison 2 : le temps d'une superbe maturation
The Hour était de retour cet automne sur BBC2 (du 14 novembre au 13 décembre 2012). L'occasion de retrouver le Londres médiatico-politique des années 50. Diffusée durant l'été 2011, la première saison avait été intéressante par la richesse de ses thèmes et les personnages mis en scène, mais il lui avait manqué une vraie consistance dans son récit fil rouge d'espionnage pour exploiter le potentiel qu'elle avait laissé entrevoir. Pour cette saison 2, la série a cependant gagné en maîtrise, capable désormais de susciter l'intensité dramatique qui avait trop fait défaut à la première.
Les débuts de saison pour The Hour sont certes lents, mais c'est pourtant une histoire homogène et de plus en plus prenante qui prend corps sous nos yeux. Au final, cela donne une saison de qualité supérieure à la première, qui mérite vraiment l'investissement. Mais le public britannique n'a pas eu la même patience : les audiences n'ont malheureusement pas suivi. Cependant si vous n'aviez qu'une seule série anglaise de ces derniers mois à rattraper, pas d'hésitation, il s'agit de The Hour !
The Hour reprend plusieurs mois après les évènements ayant conclu la première saison. Tandis que Freddie a quitté l'Angleterre et est parti en quête de nouvelles expériences à travers le monde, Bell s'efforce de continuer à faire tourner une émission en perte de vitesse, notamment face à la concurrence d'une nouvelle émission d'ITV directement inspirée du concept de The Hour. La gestion est d'autant plus difficile que leur présentateur-vedette, Hector, profite désormais un peu trop de la célébrité, se faisant photographier dans tous les milieux en vogue des soirées londoniennes, tout en étant bien peu assidu pour faire acte de présence au bureau.
C'est dans ces circonstances qu'un nouveau directeur de l'information est placé à la tête de l'émission. Il s'agit de Randall Brown, qui a notamment bâti sa réputation à Paris. Conscient qu'il manque désormais ce qui faisait le piment des débuts de l'émission, une de ses premières décisions est de ré-embaucher... Freddie, permettant ainsi le retour du journaliste prodigue, cette fois, en tant que co-animateur aux côtés d'Hector. Le but est notamment de signifier à ce dernier qu'il est temps de redevenir professionnel. C'est pourtant le mode vie d'Hector qui va les conduire à enquêter sur un club à succès de la capitale et sur son puissant patron.
Entre affaires de moeurs, chantages et corruptions, les journalistes s'intéressent de bien dangereux arrangements, tandis qu'au sommet de l'Etat, les discussions autour de l'installation de missiles nucléaires américains sur le sol anglais attisent diverses convoitises.
Proposant un récit homogène, la saison 2 de The Hour s'appuie sur une construction narrative maîtrisée, où la tension ne va cesser d'aller crescendo. Les premiers épisodes suivent un rythme volontairement plutôt lent, permettant à la série de s'épanouir dans un registre de fiction d'ambiance. Parfaitement ciselées, toutes les scènes semblent saturées du parfum des années 50, chaque décor étant travaillé jusqu'au moindre détail. Reconstitution presque trop soignée et policée, la série joue habilement sur cette image surchargée des fantasmes d'une époque. The Hour assume ainsi à merveille les codes du roman noir qu'elle se réapproprie. Mêlant à une enquête, des thèmes familiers, entre prostitution, corruption et chevalier blanc se dressant contre les dérives du système, la série intègre de manière plus cohérente la géopolitique et les enjeux de la guerre froide, mis au service d'une intrigue consistante.
Progressivement, les enjeux se précisent, les histoires se recoupent, et l'ensemble se complexifie au fil des révélations et des découvertes. Une sourde tension apparaît, les dangers devenant parfaitement identifiables. Tandis que le rythme s'accélère, l'atmosphère se fait de plus en plus prenante. The Hour nous conduit vers un final à l'intensité dramatique tour à tour magnifique et bouleversante, légitimant a posteriori le choix fait au départ de prendre le temps de bien façonner les fondations du récit à dérouler. Transparaît en filigrane une dimension tragique et inéluctable à l'enchaînement des évènements, que la série va savoir pleinement exploiter. Cette saison 2 est une vraie décharge émotionnelle, à la fois grisante et poignante. Ce sont quelques heures de télévision de haut standing qui provoquent une implication rare de la part d'un téléspectateur, totalement investi dans les méandres relationnelles dévoilées, et qui la quitte un peu choqué, hébété, longtemps marqué.
Ce que The Hour a gagné en cohésion se perçoit également dans son traitement des personnages. La série entremêle parfaitement les destinées des protagonistes à l'intrigue principale. Tout se recoupe, le versant personnel s'invitant dans les rebondissements d'une enquête qui touche au plus près certains. Finis les batifolages dilatoires : chacun gagne en épaisseur et en complexité. La logique l'emporte, notamment dans le rapprochement progressif de Freddie et de Bell. Qu'importe le bref twist inventé pour les séparer un temps, la cohérence reprend ensuite ses droits avec des certitudes renforcées, primant tout et emportant du même coup le coeur du téléspectateur. La saison 2 aura aussi vu l'introduction d'une nouvelle dynamique, entre le directeur de l'information, Randall, et Lix Storm. Ces derniers partagent une vieille histoire, et une blessure jamais refermée : celle d'un enfant né d'une brève passion, abandonné par Lix dans une France à l'aube de la Seconde Guerre Mondiale. Cette histoire prend un tour très poignant, contrebalançant très bien les relations des autres personnages qui ont, eux, encore un futur devant eux. Elle offre en plus aux deux acteurs des scènes à la hauteur de leur talent.
Cependant la plus belle évolution de la saison est indéniablement la consistance acquise par Marnie, l'épouse d'Hector. Femme au foyer de la bonne société qui a parfaitement intégrée tous les codes de cette dernière, sur la place effacée et docile dévolue à la femme, elle est prête à admettre toutes les largesses de son mari volage, si seulement il pouvait aussi remplir le rôle qui est attendu de lui : qu'ils aient un enfant. Mais Hector, ne pouvant lui donner cela, n'en fuit que plus les soirées en face à face avec sa femme. L'humiliation provoquée par le scandale auquel il est mêlé aurait pu signer la fin d'un couple qui s'était peu à peu perdu, elle est au contraire le moment où Marnie acquiert toute sa dimension : celle d'une épouse qui décide de reprendre sa vie en main et qui entend s'émanciper. Sa plus savoureuse vengeance est son succès, fut-il bref, sur ITV. Le re-équilibrage progressif qui s'opère au sein du couple symbolise à merveille la maturation de la série. Cette saison aura vraiment su donner aux personnages l'ampleur narrative qu'ils méritent.
S'il vous fallait un dernier argument pour vous expliquer en quoi The Hour propose quelques heures de grande télévision, il convient de terminer ce billet en se tournant vers son casting. Même en trempant ma plume dans l'encre le plus dithyrambique qui soit, tous les superlatifs, que je pourrais mettre bout à bout dans ces colonnes, afin de tenter de décrire les performances d'acteurs auxquelles cette saison nous a permis d'assister, ne suffiraient sans doute pas pour retranscrire la puissance dramatique de certaines scènes. Leurs jeux, tout en nuances et en intensité, ont plus que jamais sublimé les échanges, des confrontations explosives jusqu'à certains dialogues initialement simplement anecdotiques, conférant au script une dimension supplémentaire. Plusieurs passages hanteront ainsi durablement le téléspectateur.
La dynamique entre Ben Whishaw (Criminal Justice) et Romola Gorai (Crimson Petal and the White) repart sur des bases proches de la première saison, avec un certain infléchissement et rapprochement, qui permet à leur relation de conservant ce mordant toujours réjouissant qui la caractériser. Le signe d'une maturité est encore plus perceptible dans le couple que Dominic West (The Wire, The Devil's Whore) forme avec Oona Chaplin : cette dernière bénéficie cette fois d'un rôle qui s'épaissit et lui donne l'occasion de gagner, sa place face à un Dominic West égal à lui-même. Enfin, l'ajout principal de la saison tient à l'arrivée de Peter Capaldi (The Thick of It), comme toujours particulièrement génial, a fortiori dans un rôle ambivalent où il délivrera, face à Anna Chancellor, une des plus marquantes scènes de la saison.
Bilan : La saison 2 de The Hour est une magnifique suite de 6 épisodes, durant lesquels la série fait preuve d'une maîtrise narrative à saluer. Fiction d'ambiance posant un décor et des enjeux dans sa première partie, son intrigue prend progressivement corps avec cohérence. Plus homogène et plus crédible dans son registre de roman noir au décor des 50s', cette saison culmine avec un dernier épisode à l'intensité dramatique qui laisse le téléspectateur le souffle court, choqué, fasciné, électrisé... Portée par de grands acteurs auxquels elle donne l'occasion de pleinement s'exprimer, The Hour aura proposé quelques heures de grand standing. Elle m'aura enthousiasmé comme peu de séries cet automne, et cela fait un bien fou. A savourer.
NOTE : 8,5/10
La bande-annonce de la saison :
13:39 Publié dans (Séries britanniques) | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : bbc, the hour, ben whishaw, romola garai, dominic west, julian rhind-tutt, joshua mcguire, lisa greenwood, anna chancellor, peter capaldi, oona chaplin | Facebook |