Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

21/12/2012

(Pilote UK) Last Tango in Halifax : une sympathique et attachante dramédie relationnelle

lasttangoinhalifaxg_zps9f686bd5.jpg

Il est des séries qui sont faites pour un visionnage hivernal. Celles qui, empreintes d'une chaude humanité, donnent envie de s'emmitoufler devant son petit écran, en sirotant un thé, tandis que la nuit froide est depuis longtemps tombée dehors. Last Tango in Halifax est de cette catégorie de fictions. Créée par Sally Wainwright, elle est diffusée depuis le 20 novembre 2012, le mardi soir, sur BBC1. Sa première saison compte six épisodes et s'est achevée mercredi soir en Angleterre.

Rassemblant un casting cinq étoiles au sein duquel on retrouve notamment Derek Jacobi et Anne Reid, la fiction a conquis le public anglais : avec une audience moyenne tournant autour de 7 millions de téléspectateurs, elle est la série diffusée en semaine qui a rassemblé le plus large public en Angleterre cette année. Cela explique le renouvellement par BBC1 pour une seconde saison. En attendant, laissez-moi vous expliquer pourquoi son pilote, rattrapé la semaine dernière, a su me séduire.

lasttangoinhalifaxb_zps0be60949.jpg

Alan et Celia se tournaient autour durant leur adolescence. Un déménagement et une lettre qui n'est pas parvenue à son destinataire les ont fait se perdre de vue sur un qui pro quo, chacun emportant avec lui son lot de regrets. Depuis, ils ont vécu leur vie, se sont mariés, ont eu des enfants... Soixante ans plus tard, se laissant convaincre par leurs jeunes générations de s'inscrire sur Facebook, ils se retrouvent par hasard par l'intermédiaire du réseau social. Tous deux sont désormais veufs. Lorsqu'Alan suggère qu'ils se rencontrent pour un thé, Celia hésite peu. L'après-midi qu'ils passent ensemble, riche en émotions, réveille des sentiments enfouis et oubliés. Serait-ce la possibilité d'une seconde chance pour leur ancienne flamme d'adolescence ?

Décidés à en profiter, ils annoncent alors, à leurs filles respectives, leur intention de se marier. Les deux femmes en restent sans voix : leur vie n'est-elle pas déjà assez compliquée comme cela ? Appartenant à deux milieux sociaux très différents, elles ont en effet leur lot de soucis. Caroline, la fille de Celia, dirige une école privée. Elle a deux garçons, mais sa vie personnelle est bien complexe : son mari, qui l'avait quittée, a délaissé sa maîtresse et veut revenir, alors que Celia avait entamé une relation avec une enseignante de son école. Quant à Gillian, la fille d'Alan, mère de famille veuve qui peine à joindre les deux bouts, jonglant entre sa ferme et un emploi de caissière dans un supermarché local, elle doit gérer un fils en pleine adolescence qui subit un peu trop l'influence du frère de son père. C'est peu dire qu'une telle famille recomposée promet sa part d'éclats et de confrontations.

lasttangoinhalifaxc_zps7fe75ede.jpg

Last Tango in Halifax est une dramédie relationnelle pleine de tendresse. Elle met en scène une improbable histoire de retrouvailles, racontée avec une écriture sincère et touchante qui n'entend pas laisser le téléspectateur indifférent. Le pilote s'amuse à décrire la valse d'hésitations à laquelle jouent ces deux êtres qui se recroisent 60 ans après. La particularité de cette histoire d'amour renaissante tient justement au vécu de ses protagonistes. Ils portent un regard bien différent de celui de leur jeunesse sur la nature des liens qui les unissent. Les expériences passées et les regrets qui les accompagnent leur permettent de mesurer l'importance des moments de bonheur, mais aussi d'apprécier la force des sentiments qu'ils éprouvent. Avec une authenticté attendrissante, on assiste au réveil d'un ancien amour que le temps avait dilué, mais qui s'est paradoxalement fortifié au fil des histoires -et des désillusions- que chacun a pu vivre de son côté. Celia, tout particulièrement, éprouve une profonde amertume à l'encontre de son défunt mari, consciente de ne pas avoir toujours pris les bonnes décisions, pour les bonnes raisons.

Au-delà de ce couple central qui va provoquer une réunion familiale qui promet d'être pimentée, Last Tango in Halifax ambitionne, en prenant son temps (son rythme de narration est assez lent), d'explorer plus avant les dynamiques et la complexité des rapports unissant une galerie de personnages colorés introduits dès ce premier épisode. La complicité qui s'installe entre Alan et Celia offre quelques passages mémorables, empreints d'humour et d'une touche d'espièglerie qui fait mouche. Par contraste, la série pourra également jouer sur l'antagonisme instantané qui prend place entre les filles respectives du nouveau couple. Ces quadragénaires ont elles-mêmes leurs expériences de vie et leur lot de blessures personnelles. Elles ont des caractères extrêmement différents, mais ont toutes deux du potentiel pour évoluer. Leurs interactions promettent donc de pimenter aussi l'organisation du mariage soudain que leurs parents leur annoncent, les laissant pareillement pantoises. Voilà donc une série qui semble promettre sentiments et émotions. lasttangoinhalifaxh_zpsc66a93cf.jpg

Sur la forme, Last Tango in Halifax bénéficie d'une réalisation classique, qui convient bien à la nature du récit mis en scène. La série trouve une identité propre surtout par une bande-son qui suit très bien les changements de tonalités. Les thèmes instrumentaux légers et rythmés interviennent quand il le faut pour donner l'ambiance appropriée à certaines scènes marquantes, à l'image, dans le pilote, de l'improbable scène de course-poursuite qui voit Celia et Alan tenter de suivre la voiture volée de ce dernier (à vous faire pleurer de rire). 

Si Last Tango in Halifax fonctionne, elle le doit aussi beaucoup à un casting extrêmement solide. L'association entre Derek Jacobi (I Claudius, Cafdael) et Anne Reid (Bleak House, Marchlands, Upstairs, Downstairs) est très enthousiasmante : chacun délivre une prestation convaincante, et des hésitations à la complicité qui renaît bientôt entre eux, l'évolution de leurs rapports dans le pilote résonne avec une authenticité particulière. A leurs côtés, c'est toujours un plaisir de retrouver Nicola Walker (Spooks), qui incarne la fille d'Alan, tandis que Sarah Lancashire (Lark Rise to Candleford, The Paradise) interprète de façon très assurée la fille de Celia. Parmi les autres acteurs, c'est l'occasion de croiser notamment Tony Gardner (The Thick of it, Fresh Meat), Dean Andrews (Life on Mars) ou encore Ronni Ancona.

lasttangoinhalifaxf_zps3aae8ce7.jpg

Bilan : Last Tango in Halifax est une dramédie chaleureuse et confortable, à la fois tendre et profondément humaine. Une de ces oeuvres, pas vraiment originale et plutôt prévisible, mais dont l'écriture sait toucher et parler au téléspectateur. Elle offre aussi l'occasion de savourer de vraies performances d'acteurs qui apportent une dimension supplémentaire à l'histoire. C'est une de ces fictions sympathiques qui se regardent un froid soir d'hiver, chaudement installé sur son canapé. Ce n'est certainement pas une série qui conviendra à tous les publics, mais son pilote m'a agréablement surprise. A suivre.


NOTE : 7,5/10


Le générique de la série :


24/03/2010

(UK) Life on Mars : Am I mad, in a coma, or back in time ?

LOM2.jpg

La dernière et troisième saison de Ashes to Ashes débutera le 2 avril prochain sur BBC1, ouvrant un week-end pascal particulièrement savoureux pour les amateurs de séries britanniques, puisque le lendemain marquera les débuts de la très attendue cinquième saison de Doctor Who. Le retour de deux de mes séries préférées actuelles, mine de rien, ce printemps téléphagique en cours et futur est des plus attractif.

La dernière saison de Ashes to Ashes est annoncée comme devant venir "boucler la boucle" entamée par Life on Mars, nous promettant des explications, mais aussi une vraie conclusion. L'attente est donc à son comble ; l'impatience grandit chaque jour un peu plus, tandis que la campagne de promotion commence dans les médias. Cependant, avant d'évoquer Ashes to Ashes, il est sans doute opportun de revenir aux origines du concept, de repartir dans les années 70 aux côtés de Sam Tyler, en vous parlant, aujourd'hui, de Life on Mars.

lifeonmars2-1.jpg
"My name is Sam Tyler. I had an accident and I woke up in 1973. Am I mad, in a coma, or back  in time ? Whatever's happened, it's like I've landed on a different planet. Now, maybe if I can work out the reason, I can get home."
(Monologue de Sam, introduisant le générique)

Je vous avoue que j'ai toujours eu beaucoup de mal à retranscrire avec des mots l'intense ressenti émotionnel, sans doute très subjectif, que suscite chez moi cette série. Elle fait partie de ces fictions que je vais savourer, mais où, après le visionnage, je n'aurais pas le besoin d'exprimer, d'analyser, l'expérience je viens de vivre... Si elle est ainsi associée au syndrome de la page blanche, c'est sans doute parce que Life on Mars est, dans mon coeur de téléphage, profondément liée à l'affectif ; la part rationnelle du critique étant obscurcie par les élans de son coeur.

Pour ceux qui auraient vécu sur Mars (littéralement) au cours des dernières années, reprenons au commencement. Le synopsis de la série est à la fois original, maniant de grandes questions a priori complexes, mais aussi d'une simplicité presque désarmante dans son traitement du quotidien. Sam Tyler, policier à Manchester en 2006, est renversé par une voiture au cours d'une enquête, lors du pilote de la série. Il perd connaissance et se réveille alors en 1973. Une interrogation lancinante, en forme de fil rouge, va guider le téléspectateur à travers les deux saisons que compte la série, ainsi résumée par Sam dans le générique du début : Am I mad, in a coma, or back in time ?

LifeOnMars.jpg

Life on Mars s'impose tout d'abord une série d'ambiance ; elle mise et capitalise sur une fibre nostalgique inconsciente en redonnant vie aux années 70, présentant, avec ses reconstitutions stéréotypées à dessein, une forme d'hommage aux cop-shows de cette époque-là... Entre course-poursuites en voitures ronflantes, policiers jouant encore aux cow-boys, voire pseudo justiciers, dans les rues de leur ville et règles disciplinaires intervenant à éclipse suivant les circonstances, tous ces ingrédients se retrouvent d'une façon très condensée dans Life on Mars. Ne vous y trompez pas : il n'y a pas de réelle volonté de reconstitution rigoureuse derrière ce portrait très coloré, l'image renvoyée correspond plutôt au mythe télévisé associé à cette période. C'est donc sur un tableau fictif, reposant en grande partie sur l'imaginaire collectif partagé consciemment ou inconscimment par chaque téléspectateur, que la série va se construire un décor attractif, tranchant volontairement avec le genre policier moderne qui inondent nos ondes. Au final, ce qui est proposé, ce sont un peu des années 70 revisitées par l'esprit d'une personne dont la mémoire biaisée mêlerait quelques souvenirs personnels et tout une série de clichés classiques ayant une origine culturelle.

Si le téléspectateur redécouvre, par le biais de cette remise au goût du jour, un certain nombre de codes scénaristiques, parfois assez directs, pour ne pas dire simpliste, d'une époque plus manichéenne, moins nuancée dans son rapport à l'ordre, cette atmosphère se révèle être un des atouts majeurs de la série. D'autant que l'immersion 70s' passe également par des détails plus formels : les costumes, mais aussi et surtout une excellente bande-son musicale, très fournie et particulièrement bien choisie, qui offre un retour en arrière entraînant, tout aussi symbolique, au téléspectateur.

lifeonmars460.jpg

Au-delà de ce dépaysement sympathique, Life on Mars bénéficie également de son concept, qui permet un intrigant mélange des genres, offrant la possibilité d'alterner différentes tonalités. En effet, certes, la série se présente sous l'apparence d'un cop-show -tout droit sorti des 70s'- et va donc proposer diverses enquêtes occupant chaque épisode. Des affaires pouvant avoir une connotation très marquée par l'époque, mais on y trouve également des intrigues très classiques. Seulement, et Life on Mars ne vous le fera jamais oublier, Sam Tyler n'est pas un simple policier qui évoluerait dans un formula-show traditionnel. La confusion, source de mystère et de tant d'interrogations, qui entoure sa présence dans les 70s' est savamment entretenue tout au long de la série. Si les scénaristes nous donnent des pistes et des indices penchant pour l'une ou l'autre des explications proposées au début de chaque épisode, la série va s'avérer particulièrement réussie pour progressivement diluer les repères de la réalité, faisant peu à peu disparaître, par des hallucinations tout autant que par les étranges coïncidences qu'il croise, la frontière qui préserve la santé mentale de son héros.

De policière, la série flirte ainsi parfois avec le surnaturel. Ce fantastique de façade, jamais pleinement consacré, est utilisé pour mettre au défi la tentative de maintien de rationnalité du show. Quels sont les points de repère que Sam peut conserver ? Ne glisse-t-il pas peu à peu vers une assimilation de cet univers si coloré des 70s' ? Son comportement gardera toujours une profonde ambivalence, tiraillée entre deux priorités : ce qui l'entoure dans l'immédiat et son analyse extérieure et détachée de la situation dans laquelle il se trouve bloqué. Au fond, la thématique récurrente, qui constitue le coeur de la série, est celle de la perte du sens de la réalité. Un égarement progressif qui culminera avec le déchirant - mais sonnant si juste - final.

lom6.jpg

Au-delà d'une métaphore identitaire aux accents de tragédie, Life on Mars ne repose pas uniquement sur cette toile de fond prenante et originale. En effet, la série ne se serait pas imposée avec une telle force à l'écran sans des protagonistes qui en sont la véritable âme. L'équipe policière, au sein de laquelle Sam Tyler est parachuté, est dirigée par un DI, Gene Hunt, personnalité forte qui défie toute catégorisation : il a ses ambiguïtés éthiques mais demeure instinctivement attaché à son métier et à la mission qu'il sous-tend. Ce personnage est profondément marqué, tant par les moeurs de son époque, que par les stéréotypes associés depuis dans l'imaginaire du public. Bien souvent, l'intérêt des épisodes va résider plus dans la confrontation explosives des deux approches, souvent presque antinomiques, incarnées par Sam et par Gene, plutôt que dans le fond de l'enquête menée qui n'est pas toujours des plus fouillées. Ici encore, l'opposition s'inscrit dans une lignée classique : les méthodes policières de travail des années 2000 n'ayant pas grand chose de commun avec ce qui peut être perçu comme le tourbillon des années 70. L'aspect très rigoriste, mais aussi très humain et souvent touchant, de Sam se heurte aux initiatives pragmatiques, détachése du code de bonnes conduites, et fonctionnant à l'instinct, que symbolise Gene.

Le clash était inévitable - et même recherché - et il va suivre un développement intéressant, s'inscrivant dans la logique du petit écran. En effet, si la construction des épisodes, de l'affaire du jour jusqu'aux oppositions de vues qu'elle génèrera chez nos deux principaux personnages, peut apparaître un peu répétitive sur le long terme, il faut cependant préciser qu'elle ne suit pas toujours avec rigueur un schéma invariable. Peu à peu, Gene et Sam vont parvenir à une certaine compréhension réciproque, où vont poindre les bases d'une amitié, mais aussi une forme de respect. Bénéficiant de cette complicité relative et du théorème selon lequel les opposés s'attirent, Life on Mars s'inscrit dans la lignée de ces bromances explosives particulièrement appréciées du petit écran. Pour parfaire cela, les excellents acteurs qui composent ce duo, John Simm et Philip Glenister, délivrent des performances parfaites, aux accents charismatiques très magnétiques et à l'alchimie évidente à l'écran.

LOM5-1.jpg

Bilan : Sans révolutionner le petit écran, Life on Mars aura réussi à pleinement capitaliser sur un concept de départ original, qui l'aura conduit à utiliser des ingrédients classiques dont la force va être de parvenir, avec beaucoup de naturel, à toucher la fibre affective du téléspectateur. Qu'il s'agisse de l'attrait nostalgique, de cette étrange ambiance indéfinissable naviguant entre faux policier et quête identitaire, entre drames et décalages humoristiques, l'attrait de la série restera sa capacité à se faire apprécier instinctivement, notamment par le biais de personnages très attachants.


NOTE : 8,5/10


Le générique de la série :

Une bande-annonce (de la première saison) :