Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

20/11/2009

(Mini-série UK) Tinker, Tailor, Soldier, Spy : looking for the mole


Tinker-Tailor-Soldier-Spy-dvd.jpg

Je vous ai déjà confié mon petit penchant pour les histoires d'espionnage. Je ne pouvais donc pas ne pas vous parler des célèbres adaptations faites par la BBC, à partir d'une suite de romans du maître de ce genre, John Le Carré. Elles font partie des grands classiques qui méritent d'être vus au moins une fois dans une vie de téléphage, surtout si on apprécie ces thématiques. Certes, je vous parle d'un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, car elles commencent à dater un peu. Mais, si l'image et la réalisation sont d'époque, la force du récit et de la narration est proprement intemporelle. Tinker, Tailor, Soldier, Spy, la première de ces mini-séries, remonte à 1979. Puis, en 1982, la BBC diffusera Smiley's People (dont je vous reparlerai ultérieurement sans doute). Les deux font partie des Smiley novels, un ensemble de livres mettant en scène le célèbre personnage de George Smiley, officier du MI-6 et anti-James Bond par excellence, qu'il concurrence au panthéon des espions britanniques de fiction.

tinkertailorsoldierspy1979bl.jpg
tinkertailorsoldierspy1979al.jpg

Tinker, Tailor, Soldier, Spy, c'est une histoire classique, somme toute indémodable : en pleine Guerre Froide, la recherche d'un agent soviétique infiltré dans les instances dirigeantes du MI-6 britannique. Au sein d'un Circus déstabilisé (nom donné au MI-6), la mission d'identifier cet individu qui menace les fondations des services de renseignements de Sa Majesté échoit à un officier mis en retraite forcée quelques mois plus tôt, George Smiley. Le téléspectateur plonge rapidement avec lui dans une ambiance de paranoïa, tandis que l'on suit la partie d'échecs très complexe qui se déroule sous nos yeux. Pour écrire ce roman publié en 1974, John Le Carré, lui-même ancien agent du MI-6, s'est basé sur ses propres souvenirs et des faits réels, s'attachant à retranscrire l'atmosphère qui régnait dans les années 50 et au début des années 60 au sein de l'organisation, et faisant référence, derrière cette chasse à la taupe, à la figure d'un traître bien réel, Philby (Mais si, souvenez-vous, je vous en ai déjà parlé, il était le plus célèbre des Cambridge Five. Pour vous rafraîchir la mémoire, cf. mon billet sur la mini-série Cambridge Spies).

tinker3.jpg

Tinker, Tailor, Soldier, Spy comporte sept épisodes, que le téléspectateur enchaîne avec une fébrilité croissante, au fil de la complexification des intrigues. Pourtant, ne vous y trompez pas, ce n'est pas une mini-série d'action. A l'exception de quelques rares scènes de course-poursuites ou de fusillades, la plupart des moments-clés se joue entre quatre murs, dans des endroits souvent clairs-obscurs, versant dans le sombre, en diverses entrevues et autres réunions informelles. Des discussions déterminantes, parfois longues, parfois à plusieurs niveaux de compréhension, mais desquelles on ne décroche pourtant pas. Le ciselage des dialogues entretient la curiosité du téléspectateur, dont l'intérêt pour la façon dont l'intrigue globale se construit et se dénoue ne se dément jamais. La compréhension n'est pas toujours aisée, mais c'est la conséquence de la richesse du scénario, à laquelle les flashbacks pavant cette enquête méthodique contribuent. Car la fiction est à l'image de son générique, un jeu d'apparence où des poupées russes se dévoilent les unes après les autres...

La force de Tinker, Tailor, Soldier, Spy réside aussi dans le fait de réussir à jouer sur plusieurs tableaux. En effet, il s'agit, d'une part, d'une mini-série d'investigation qui trempe avec finesse, et surtout beaucoup de réalisme, dans les rouages de l'espionnage international. Mais c'est aussi une fiction teintée de nostalgie, à dimension très humaine. A travers son personnage principal, elle jette un regard désabusé sur la vie et la nature des hommes. Au-delà de son intrigue, elle traite à mots couverts des idéaux oubliés, des certitudes brisées. Vies personnelles et vies publiques s'entremêlent. La simple question "How is Ann ?" posée de façon récurrente à George Smiley n'est pas une formule de politesse pour s'enquérir de la santé de sa femme, mais une façon cruelle pour son interlocuteur de pointer ses faiblesses en tant qu'époux, les infidélités de Ann étant de notoriété publique. Finalement, cette mini-série constitue un étrange mélange des genres parfaitement équilibré, un drame humain, suscitant un suspense intense, tout en étant capable de développer des interrogations plus subtiles sur les ressorts de ce théâtre qu'il met en scène.

Les ambivalences de la mini-série se trouvent personnifiées dans le personnage de George Smiley. La performance d'Alec Guinness (que vous connaissez forcément sous les traits d'Obi-Wan Kenobi dans une célèbre trilogie fondatrice de la même époque) y est pour beaucoup. Absolument magistral, il n'incarne pas seulement Smiley : il est ce personnage toute en nuances, désenchanté et désillusionné, sur la vie en général comme sur le monde de l'espionnage, ne se départissant jamais d'un flegme tout britannique qui lui permet de conserver une certaine réserve vis-à-vis des évènements et une contenance quasiment jamais prise en défaut. Dans l'ensemble, c'est d'ailleurs tout le casting qui vaut plusieurs étoiles : Michael Jayston, Anthony Bate, George Sewell, Ian Richardson... tous délivrent des prestations très solides.

tinker4.jpg

Bilan : Tinker, Tailor, Soldier, Spy est un grand classique britannique des fictions d'espionnage. Dotée d'un scénario complexe et très dense, cette mini-série se révèle rapidement passionnante. Peu importe que les images apparaissent quelque peu datées (1979) pour notre regard de moderne, les ressorts de l'histoire sont indémodables et la force des dialogues fait toujours mouche.
C'est sans aucun doute un must-seen de la télévision britannique, et probablement la plus convaincante adaptation télévisée d'un des romans les plus aboutis de John Le Carré.


NOTE : 8,5/10


Petit bonus nostalgique, la superbe chanson de fin :


Commentaires

Eh bien, eh bien. Je suis très agréablement surpris par cet article. Il se trouve que La Taupe est une oeuvre qui m'est chère. Tant cette adaptation du livre de le Carré (dont je suis un grand admirateur) que l'ouvrage lui-même.

Vous nous faites un petit papier sur Sleepers (avec Warren Clarke et Nigel Havers) un de ces quatre? ;-)

Je mets le lien de votre blog sur le mien.

Cordialement,

Thierry Attard

Écrit par : Thierry Attard | 20/11/2009

'La Taupe' mérite sans conteste un article (D'autant que John Le Carré est, selon moi, la référence en matière de romans d'espionnage).
Concernant le choix des séries à traiter, en fait, la ligne éditoriale du blog, toute fluctuante (et pas toujours clairement définie) qu'elle soit, n'est pas cantonnée uniquement aux séries les plus récentes. J'espère avoir l'occasion d'explorer un peu et de présenter quelques coups de coeur de la production britannique présente et passée. Car, si les fictions américaines ont plutôt bien voyagé vers la France, j'ai l'impression qu'il reste énormément de chef-d'oeuvre, ou de réelles curiosités, encore trop méconnus, en provenance d'Angleterre, et qui mériteraient de petits coups de projecteur. (Et puis, c'est aussi pour moi une façon de nourrir ma relative anglophilie, en ayant l'occasion de découvrir du même cours cet univers téléphagique british.)

'Sleepers' peut être une bonne idée de billet. Il faudrait cependant que je prenne le temps de la voir intégralement (je n'en connais que des extraits plus ou moins longs) ; ce qui est assez compliqué actuellement, puisque les DVD ne sont sortis qu'en Zone 1. Mais l'occasion se présentera peut-être, d'une façon ou d'une autre. ;-)

Sinon, je vous remercie pour l'échange de liens.

Écrit par : Livia | 21/11/2009

Bravo pour ton blog et longue vie

Écrit par : emoticones animés | 21/01/2010

magnifique cette serie.je l'avais vu en 80 81 elle avait ete diffusée sur A2. j'en garde un merveilleux souvenir et que dire du roman. magnifique. avez vous des nouvelles sur une sortie probable en france de ce dvd en zone 2 et où peut on faire du lobbying pour que cela arrive

Écrit par : amx30 | 08/06/2010

Désolée de commenter aussi tardivement: l'article a plus de 3 ans, mais comme la série en a plus de 30, j'espère être excusée...

C'est sans aucun doute la meilleure série que j'ai pu voir depuis plus de 15 ans. Elle est entrée directement à la 1ère place de mon top des séries: devant BSG, The Wire, les Sopranos....en bref toutes les séries modernes récentes.

J'ai été soufflée et je suis toujours sous le choc: j'avais lu les critiques dithyrambiques des journalistes britanniques, elles m'ont d'ailleurs convaincu d'acheter le DVD, mais c'est la sortie du film de Tomas Alfredson qui m'a poussé à regarder la série pour pouvoir comparer les 2 versions.

Et comme je regrette d'avoir attendu si longtemps pour découvrir ce pur chef d'oeuvre...Vraiment, je regrette, et en même temps je voudrais pouvoir effacer ce 1er visionnage pour redécouvrir encore et encore ce sommet de la TV.

Ta critique est très complète et très bien rédigée, je n'ai donc rien de plus à ajouter, et je souscris à tout, en y ajoutant tous les superlatifs possibles sur la complexité de l'intrigue, l'intelligence, la subtilité et la richesse du scénario, la dimension humaine, la qualité incroyable de l’interprétation d'Alec Guinness, et la cohésion de l'ensemble du cast qui aurait mérité des récompenses et pas seulement des louanges.

Ce n'est pas seulement la meilleure adaptation du roman de John Le Carré (le film sorti en 2011 est tellement mauvais que je ne sais pas par où commencer, je ne comprends pas du tout la satisfaction de Le Carré), c'est LE modèle, qui devrait inspirer tout scénariste qui souhaite adapter un roman à la TV. La référence absolue.

Le blog a beaucoup évolué depuis cet article, et se concentre davantage sur les séries actuelles mais j'adorerais avoir ton opinion sur la suite des aventures de Georges Smiley (la série de 1982). Que je commence moi même dès maintenant...

Et sur d'autres séries de la même période (je pense à Blake's 7, Thriller, The Fawlty Towers etc....).

Écrit par : Titania | 08/03/2012

@ Titania : C'est toujours un vrai plaisir d'avoir des retours et des commentaires, donc ne t'excuse pas. Au contraire, merci ! Surtout pour un commentaire si enthousiaste ! :)

Personnellement, j'ai bien aimé le film sorti récemment ; mais on se situe cependant à un tout autre niveau par rapport à l'excellence de cette mini-série fascinante. C'est un chef d'oeuvre qui n'a pas usurpé sa réputation. A la fin des 70s' et le début des 80s', il y a une décennie qui est un vrai golden age pour le petit écran anglais.

J'ai regardé la série Smiley's People l'été dernier. Je n'avais eu le temps de reviewer sur le moment que Edge of Darkness, un autre bijou de cette époque (1985) : http://myteleisrich.hautetfort.com/archive/2011/08/30/mini-serie-uk-edge-of-darkness-thriller-nucleaire-glacant.html qui n'a pas lui non plus usurpé sa réputation de référence du petit écran UK du côté des thrillers.
Smiley's People est une très bonne mini-série. Elle n'a pas peut-être pas sur le fond de l'intrigue la densité de Tinker, Tailor, Soldier, Spy, mais elle a la maîtrise narrative, la subtilité et une richesse qui la place parmi les grandes réussites de la télévision anglaise. Le casting y est également impeccable. Elle est un complément indispensable à Tinker, Tailor, Soldier, Spy, d'autant qu'elle poursuit l'exploration du même univers. Par conséquent, un seul conseil : savoure !

Et si tu veux poursuivre dans les belles adaptations de John Le Carré, je te conseille aussi A Perfect Spy. Sans atteindre l'excellence de ses deux prédécesseurs dans cette mise à l'écran de John Le Carré (et ce n'est pas le même univers), elle demeure aussi très intéressante, explorant plus avant certaines thématiques, notamment celle de la trahison.

Les deux premières mini-séries sont des oeuvres indispensables ; la dernière est une belle oeuvre complémentaire. On se situe à un niveau très au-dessus d'essais plus récents, comme Cambridge Spies [http://myteleisrich.hautetfort.com/archive/2009/10/31/mini-serie-cambridge-spies-l-histoire-d-une-trahison.html] en Angleterre, ou The Company aux Etats-Unis.

Sinon, sur d'autres séries de cette période, je voue un culte à Yes Minister (une comédie politique proprement brillante, et tellement juste qu'elle n'a pas pris une ride), à Blackadder également (c'est mon article du jour justement ^^). Je te conseille également Edge of Darkness dont je parlais plus haut.
Pour Fawlty Towers, je ne me suis encore jamais programmée une intégrale dans l'ordre pour l'apprécier pleinement. Mais j'ai acheté les DVD l'an dernier, donc c'est au programme sans doute pour l'été (mais de ce que j'en ai vu, cela mérite le détour !). Blakes 7 est une série qui m'intéresse beaucoup, mais je n'ai encore jamais eu l'occasion d'y jeter ne serait-ce qu'un oeil.
Sinon en remontant un peu plus, en period drama, il y a l'original Upstairs Downstairs, qui a plus de saveur que la suite BBCienne actuellement diffusée (même si cette dernière maintient un intérêt historique intéressant).

Écrit par : Livia | 11/03/2012

Les commentaires sont fermés.