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22/12/2012

(Pilote SUI) L'heure du secret : une "saga de l'été" au parfum suisse

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Quoi de neuf en Suisse ? Manifestement des séries au titre, "L'heure du secret" -mélangeant horlogerie et secret- qu'il aurait été difficile de choisir plus typique pour résonner dans l'imaginaire collectif. Pays voisin, partiellement francophone, on l'a déjà évoqué sur ce blog : la Suisse a une télévision (romande, car ne parlons même pas des deux autres versants linguistiques inaccessibles) qui ne nous parvient qu'au compte-goutte. Concrètement, la principale source pour visionner ses séries en France se confirme être la chaîne TV5 Monde, en grande partie parce qu'elle a l'avantage de proposer un service de catch-up TV qui permet de rattraper ses programmes.

Télévision méconnue côté français certes, mais dans laquelle on croise des projets intéressants. Souvenez-vous du prenant thriller autour d'une partie de poker qu'a été 10, découvert au printemps (déjà grâce à une diffusion sur TV5Monde). Une vraie bonne surprise téléphagique qui aurait mérité une exposition bien meilleure (j'avoue que ce billet existe en partie pour vous rappeler ce chouette souvenir) ! Forte de cette première expérience concluante, je n'oublie donc pas la Suisse. Quitte à tester des fictions qui nous rappellent que la RTS reste globalement dans une situation très proche de la télévision française. Avec ses fulgurances, mais aussi ses recettes plus (trop ?) traditionnelles et des limites familières. En témoigne la série proposée par TV5 Monde depuis le 19 décembre dernier.

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L'heure du secret a été diffusée au cours de l'été 2012 sur RTS Un (à partir du 16 juin). Comptant 7 épisodes de 42 minutes, elle est produite par CAB Productions, à qui l'on doit notamment CROM. Réalisée par Elena Hazanov, et écrite par Alain Monney et Gérard Mermet, cette série ressuscite un genre bien connu du téléspectateur français : la saga de l'été, avec ses héroïnes prodigues remontant un passé méconnu, ses morts suspectes et sa dimension pseudo-mystique à la croisée des genres. Lancer L'heure du secret donne un peu l'impression de s'installer devant la télévision française d'il y a une décennie, avant que certaines ficelles trop grosses et des excès indigestes n'emportent (pour un temps ?) le genre dans sa tombe télévisuelle.

Quelle est donc l'histoire ? Lyne Tremblay, une jeune femme Québécoise, vient d'hériter des ateliers d'horlogerie "Univers", situés dans la petite localité du Locle en Suisse. Elle quitte le Canada pour quelques jours en espérant rapidement régler les formalités de la succession, comptant vendre l'entreprise au plus vite. Mais dès son arrivée, les évènements troubles s'enchaînent. Après une première frayeur dans le taxi, où elle fait un étrange cauchemar, elle apprend le lendemain que le chauffeur a été assassiné. Dernière personne à lui avoir parlé, elle est logiquement interrogée par la police. Déroutée et inquiète, en pays étranger, elle fait la connaissance d'un artisan-horloger, Vincent Girot, qui entreprend de lui faire visiter la région et surtout comprendre l'art qu'est l'horlogerie suisse. Mais un deuxième meurtre a lieu à son hôtel...

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L'heure du secret réunit quelques-uns des ingrédients les plus typiques des sagas de l'été. Son héroïne est assez attachante, avec du caractère. Etrangère dans une petite ville qui a son histoire, elle est la clé d'entrée du téléspectateur dans ce cadre particulier : à travers elle, on s'interroge sur ces lieux et les secrets qu'ils renferment, tout en découvrant aussi l'industrie horlogère. Le pilote ne perd pas de temps : très vite, les mystères se multiplient, et les morts aussi. On en compte déjà deux à la fin des premières 42 minutes. L'intrigue policière s'épaissit rapidement, les questions sans réponse s'assurant d'éveiller la curiosité du téléspectateur. Le principal reproche à adresser à L'heure du secret n'est pas de réactualiser des ressorts narratifs que, pour ma part, je considèrerais plutôt appartenir au passé, mais il vient surtout du relatif manque de naturel qui transparaît de certains dialogues et les quelques passages forcés qui en découlent. Trop policé, trop calibré (notamment au niveau de la caractérisation des personnages), c'est tout le cadre d'ensemble qui peine à être crédible, ignorant sa dimension sociale (Locle, l'horlogerie). Cette difficulté est accentuée par le registre fantastique introduit prudemment, qui laisse sur la réserve.

Le côté prévisible et un brin figé qui caractérise le récit de L'heure du secret se retrouve dans une réalisation à la mise en scène un peu plate. Sur la forme, le principal attrait de l'ensemble réside dans l'utilisation d'un thème musical entêtant qui retentit régulièrement, un morceau classique au piano qui contribue à construire l'ambiance intéressante envisagée, conçue comme à la fois feutrée et sourdement inquiétante. Ce style est aussi exploité pour le générique, minimaliste dans son esthétique, mais plutôt efficace (cf. la vidéo ci-dessous). Côté casting, la série repose en partie sur la fraîcheur d'une Catherine Renaud dont le style direct et l'accent québécois lui permettent de camper de manière convaincante cette jeune héroïne auprès de laquelle on a a envie de s'investir malgré les limites de la fiction. A ses côtés, on retrouve notamment Frédéric Recrosio, Agnès Soral, Carlo Brandt, Valentin Rossier, Laetitia Bocquet, Marie Druc ou encore Pierre Mifsud.

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Bilan : Saga de l'été au sens premier du terme, avec tous les ingrédients les plus classiques du genre, L'heure du secret est une fiction calibrée, sans tomber dans les excès de certains de ses prédécesseurs. Il flotte sur elle une impression passéiste quelque peu figée, notamment du fait de dialogues pas toujours percutants. Si elle sait mener sa barque honnêtement et éveille une certaine curiosité pour la suite (ce qui est son principal objet), elle manque d'audace et d'innovation. Malgré tout, le nostalgique des vraies sagas de l'été devrait y trouver son compte. D'autant que le dépaysement opère, aussi bien grâce à l'immersion dans l'industrie de l'horlogerie suisse, que par le charmant accent Québécois de l'héroïne.

Au final, cette série est surtout un rappel que la télévision suisse romande doit encore mûrir et grandir dans le registre de la fiction originale. Elle n'a pas le relatif éclectisme d'une Radio-Canada par exemple. Si je ne vous conseillerais pas L'heure du secret (mais c'était une des rares occasions de voir un peu ce qui se passe chez nos voisins suisses, d'où cette critique qui n'était pas initialement programmée dans le planning du blog), je renouvelle ma recommandation faite au printemps dernier : 10 reste indéniablement une référence dont la RTS devrait s'inspirer.


NOTE : 5/10


Lien vers le catch-up de TV5 Monde : Episode 1 (en ligne jusqu'au 26 décembre).

Le générique de la série :


PS : Avec le sens du timing qui me caractérise, j'ai donc rédigé le premier billet de l'hiver du blog sur... une saga de l'été. Rassurez-vous le prochain article devrait être un bilan de saison de mon coup de coeur du mois.

27/04/2012

(SUI) "10" : un intrigant thriller sur fond de partie de poker

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My Télé is Rich! pose ses valises dans un nouveau pays européen aujourd'hui... la Suisse ! Certes, une destination peut-être pas aussi exotique que certaines des découvertes précédentes, mais l'occasion de me rappeler que la fiction francophone en dehors des frontières françaises mérite également le détour. Il y avait déjà eu CROM en début d'année toujours en Suisse ; mais je pense aussi au Québec, sur lequel j'entends des échos très positifs au sujet de séries comme Apparences. Pour en revenir à la Suisse, j'ai découvert "10" par hasard (je blâme le fameux secret suisse), alors que je me renseignais sur des fictions sur le thème du jeu. Et j'ai été doublement agréablement surprise : non seulement le pilote au parfum de thriller m'a fortement intrigué, mais en plus, en maître de cérémonie, on retrouve Jérôme Robart (et vous savez combien j'apprécie cet acteur). 

Conçue à partir d'une idée de Christophe Marzal, associé pour l'écriture du scénario à Christian François et Jean-Laurent Chautems, "10" a été diffusée sur la TSR du 21 novembre au 19 décembre 2010. Elle comporte 10 épisodes, de 26 minutes chacun. Si je décide de vous en parler aujourd'hui, alors que je n'ai vu que les quatre premiers épisodes, c'est surtout parce qu'elle est actuellement diffusée en France sur TV5 Monde depuis lundi dernier (le 23 avril) et jusqu'au 4 mai prochain. Or cette chaîne dispose d'un service de catch-up qui pourra donc permettre aux lecteurs curieux de rattraper ces épisodes, qui sont encore disponibles (jusqu'à lundi pour le premier) sur son site (par ici pour le pilote), avant d'attendre la suite dans le courant de la semaine prochaine.

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Quelque part dans Genève, un 31 décembre, dix personnes se retrouvent dans un appartement a priori anonyme. Si certains se connaissent, la plupart ne sont pas amis. Ils ne sont pas non venus réveillonner, mais pratiquer une activité officiellement illégale dans ce cadre : jouer au poker. Vincent, un entrepreneur en informatique, est un organisateur habituel de parties clandestines. En plus de lui, huit joueurs et un croupier, professeur de poker, s'assoient autour de la table. Suivant les règles que chacun a accepté, l'enjeu est de taille : le vainqueur empochera l'intégralité des mises, un demi-million de francs suisses, tandis que les autres perdront leur apport de départ.

Mais très vite, il apparaît que derrière les apparences, la partie comporte des enjeux qui dépassent le cadre du simple jeu d'argent, avec son lot de suspense et sa part de chance. Les dix amateurs de poker ne sont pas seuls ; ils sont en effet surveillés par des caméras installées par la police fédérale. Cette dernière ne s'intéresse pas à ces parties clandestines, elle enquête sur une affaire d'espionnage industriel. Or la transaction de documents doit normalement avoir lieu ce soir. Qui est impliqué ? Chaque participant cache des secrets et des motivations plus ou moins troubles... Et à mesure que la nuit avance, la tension monte autour de la table...

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Plus qu'une série sur le poker, "10" est une fiction à suspense qui nous immerge dans un prenant quasi-huis clos, celui de l'appartement dans lequel la partie se déroule. Comme ses protagonistes, la série ne dévoile ses cartes et ses réels enjeux qu'avec parcimonie. Construisant peu à peu son suspense, elle intrigue, interpelle un téléspectateur vite intéressé par ce curieux mélange des genres, entre ces confrontations cartes en main et l'espionnage industriel en toile de fond. Cette fiction investit d'autant mieux le registre du thriller qu'elle exploite pleinement la durée relativement courte de ses épisodes (seulement 25 minutes). Ne pouvant prendre le temps de tergiverser, elle va à l'essentiel pour délivrer un récit dense, sans temps mort. La structure suivie par chaque épisode est d'une grande efficacité : une accélération sur la fin lui permet de se terminer en quasi-cliffhanger, dévoilant une nouvelle pièce du puzzle ou introduisant un bouleversement potentiel, s'assurant ainsi de la fidélité d'un téléspectateur qui ne voit pas l'épisode passer.

L'ensemble est d'autant plus intéressant qu'il ne se réduit pas à cette sourde tension qui s'installe. Il apparaît très vite que la partie de poker va servir de révélateur aux différents joueurs. Recourrant à de brefs flashback (sans jamais en abuser), "10" nous relate les évènements qui ont conduit chacun derrière la table de jeu en ce 31 décembre, explorant leurs motivations réelles et les arrière-pensées qu'ils peuvent nourrir. C'est une galerie de portraits plus ou moins troubles qui s'esquisse, dépeignant des personnages avec leur part de mystères et de certitudes, avec aussi les non-dits et les apparences sur lesquels ils jouent : que se passe-t-il dans la tête de ce diplomate chinois, de cette grand-mère si déterminée à ne pas perdre, de ce bègue en quête d'assurance, de cette apprentie comédienne ou de ce jeune homme à lunettes de soleil ne décrochant pas de son téléphone ? Evoluant dans une zone grise chargée d'ambivalences, "10" est un puzzle intrigant, une énigme que le téléspectateur entend bien résoudre.

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L'ambition et la volonté d'expérimenter et d'explorer les atouts de son format télévisuel se perçoivent également sur la forme. La réalisation confiée à Jean-Laurent Chautems insuffle volontairement une certaine tension : la caméra se fait nerveuse ; la photographie est sombre, avec une teinte dominée par des couleurs froides. "10" bénéficie également d'une bande-son intéressante, parfois un peu trop omniprésente pour certaines scènes, mais qui a le mérite de bien correspondre à l'ambiance et de poser l'identité visuelle et musicale de la série. Le thème du générique, rythmé et vite entêtant, en est bien représentatif.

Enfin, "10" bénéficie d'un casting homogène et solide. En orchestrateur de la partie, Jérôme Robart (Reporters, Nicolas le Floch) est (comme toujours) très charismatique et convaincant, n'ayant pas son pareil pour retranscrire l'ambivalence et le côté joueur d'un personnage qui semble miser gros dans cette soirée. A ses côtés, le téléspectateur français reconnaîtra également Bruno Todeschini (prochainement à l'affiche d'Odysseus sur Arte). Et, pour incarner le reste de cette galerie de protagonistes très dissemblables, la série rassemble des acteurs qui trouvent vite leur place, comme Natacha Koutchoumov, Philippe Mathey, Paulo Dos Santos, Séverine Bujard, Alice Rey, Bastien Semenzato, Moussa Maaskri, Sifan Shao, Sophie Lukasik, Martin Rapold, Rachel Gordy ou encore Isabelle Caillat.

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Bilan : Ficton sur le jeu dont l'intrigue dépasse vite ce seul cadre, "10" est une série intrigante, un huis clos aux accents de thriller dont le suspense grandit peu à peu. Bénéficiant d'un fil rouge consistant - l'enquête fédérale d'espionnage industriel -, la série surprend par la richesse des thématiques qu'elle est capable de mener de front en seulement 25 minutes, s'intéressant non seulement au déroulement de la partie et aux coulisses policières, mais s'arrêtant aussi sur chacun des joueurs. C'est donc une série très intéressante qui se regarde avec plaisir.

Une curiosité suisse (!) à tester : Episode 1 sur le site de TV5Monde+.


NOTE : 7,25/10


La bande-annonce de la série :