15/05/2011
(IRL) Love / Hate, saison 1 : drames et loyautés en question dans le milieu des gangs
Après un mois d'avril qui fut très américain, My Télé is Rich! est reparti en voyage sur le continent européen. Si l'apprentissage du danois était au programme de jeudi dernier avec Borgen, aujourd'hui signe le retour à des fictions plus accessibles linguistiquement, puisqu'anglophones. Sauf que, non, ce n'est pas au Royaume-Uni que l'on va poser nos valises... mais en Irlande. L'an dernier, souvenez-vous, on avait commencé l'exploration de ce pays avec une co-production Father & Son, poussons donc plus avant la découverte, avec un bilan de la première saison de Love / Hate, qui nous entraîne d'ailleurs dans ce même milieu des gangs.
Autant vous rassurez tout de suite, le téléspectateur s'installant devant le pilote de cette série, loin d'être dépaysé un seul instant, sera même plutôt agréablement surpris côté casting. En effet, on retrouve en têtes d'affiche rien moins qu'Aidan Gillen, Ruth Negga et Robert Sheehan. Diffusée à l'automne 2010 sur la chaîne publique RTÉ One, cette première saison comporte en tout 4 épisodes. Une saison 2 a d'ores et déjà été commandée et est actuellement en cours de tournage.
Le pilote de Love/Hate s'ouvre sur ce qui s'annonce a priori comme un évènement à célébrer, la sortie de prison d'un jeune homme, Robbie, après une brève peine purgée. Une sortie qui coïncide avec le retour en Irlande de son frère Darren, après un départ précipité en Espagne où il a tenté de s'y faire oublier après une affaire de port d'arme illégal. Les deux jeunes gens ont hâte de se retrouver et de revoir leur cercle de proches, et tout particulièrement leur soeur, Mary. Cette dernière entretient d'ailleurs une relation avec un autre de leurs amis, Tommy, lequel en oublie de passer prendre Robbie à l'heure à sa libération.
Alors qu'il patiente à cause de ce retardataire, discutant au téléphone avec son frère, Robbie est brutalement abattu en pleine rue, dans ce qui ressemble fort à une exécution conduite par une bande rivale. Ce sont finalement ses funérailles qui vont permettre à toute la bande de se reformer, sous les directives de ce chef de gang toujours aussi ambitieux qu'est John Boy. Si Darren n'entend pas laisser ce crime impuni, d'autres pans de sa vie le rattrapent également alors qu'il retrouve son ancienne petite amie abandonnée dans la précipitation de son départ pour l'Espagne.
Sur fond de désir de vengeance au nom de Robbie, cette première saison va mêler amour et haine, rivalités entre gangs et jalousie, pour entraîner les différents protagonistes dans des confrontations où la tragédie peut frapper à tout moment.
Love/Hate s'inscrit dans un registre traditionnel, entremêlant histoires de gangs et de famille pour déboucher sur un cocktail aux accents forcément dramatiques. Par certains côtés, l'histoire peut sans doute être rapprochée d'une série comme The Black Donnellys. De trafics de drogue en port d'arme illégal, en passant par quelques passages à tabac en règle et soirées bien arrosées (voire plus), Love/Hate remplit un cahier des charges classique pour dresser un tableau attendu dans ce type de fiction. Cependant, sachant évitant les excès, la série opte pour une sobriété bienvenue. Il y a quelque chose qui sonne juste dans la façon dont les statuts de tous les personnages sont posés. Nous sommes face à des délinquants de bas étage, à l'exception notable de John Boy. Réagissant de manière impulsive, ils sont surtout habitués à vivoter sans ambition véritable. Seul petit reproche : il manque sans doute une photographie plus large du milieu des gangs pour parachever cette recherche d'un certain réalisme, les personnages semblant parfois un peu trop déconnectés de ce cercle au-delà de John Boy.
En fait, Love/Hate ne se départit jamais d'une certaine forme de romantisme dans son approche des personnages principaux, assez loin de la façon autrement plus directe (et "coup de poing") qu'avait pu proposer Father & Son. Cela n'est pas un reproche, car ce parti pris narratif permet en même temps à la série de s'imposer dans un registre très humain. Comment ne pas s'attacher quasi instantanément à ces personnages un peu écorchés qui sont ainsi mis en scène ? Avec habileté, la série cultive une intensité émotionnelle, parfois un peu naïve, mais qui ne saurait laisser insensible. Le pilote est à ce titre très réussi, de l'exécution de Robbie aux funérailles qui sont l'occasion pour chacun de se manifester et de se positionner sur cet échiquier du "milieu local" : il propose une galerie complète de toutes les relations, mais aussi de toutes les confrontations déjà en germe. Si la série aurait sans doute gagner à nuancer un peu plus quelques personnages secondaires, dont la présentation trop négative donne un petit parfum un peu manichéen par instant, les principaux gagnent cependant en profondeur au fil de cette brève saison. L'ensemble exploite donc efficacement une dimension humaine qui est un de ses atouts principaux.
Sur la forme, Love/Hate est une série qui soigne son dynamisme. Dotée d'une réalisation nerveuse, cette dernière reflète bien la tension ambiante. Appréciant les plans serrés, mettant en valeur le ressenti des personnages, les images proposent des teintes aux couleurs plutôt froides, mais classieuses. Par ailleurs, la série bénéficie également d'une bande-son tout aussi rythmée. Cela aide à renforcer la tonalité générale, même si elle cède cependant parfois à la facilité, ayant tendance à donner lieu à quelques écarts "clipesques" un peu longuets censés insister sur l'ambiance festive dans certains épisodes.
Enfin, - et c'est incontestablement un de ses arguments forts - Love/Hate bénéficie d'une galerie d'acteurs attachants qui délivrent des performances solides. Parmi les têtes familières des sériephiles, en personnage très intense, cherchant à venger la mort de son frère, il est impossible de rester insensible à Robert Sheehan, qui s'impose avec beaucoup de charme de manière convaincante dans un registre assez différent de son rôle dans Misfits. Notons aussi pour les amateurs de cette même série la présence de Ruth Negga (The Nativity, Criminal Justice, Personal Affairs). A leurs côtés, on retrouve également un Aidan Gillen (Queer as Folk, The Wire, Game of Thrones) impeccable en chef de gang ambitieux caressant ses rêves de grandeur. Parmi les autres acteurs, signalons aussi la présence de Tom Vaughan-Lawlor, Killian Scott, Ruth Bradley, Brian Gleeson ou encore Laurence Kinlan.
Bilan : Love/Hate s'exprime pleinement dans ce qui s'apparente plutôt à des tragédies humaines, mêlant de façon explosive, loyautés familiales, ambitions personnelles et sentiments flirtant parfois avec une jalousie mal contenue. Si les ficelles narratives sont classiques et que le milieu des gangsters, toile de fond opportune, reste traité de façon un peu trop superficielle pour être pleinement satisfaisante, cette saison 1 se révèle pourtant également extrêmement attachante tout en restant très prenante, fidélisant quasi instantanément le téléspectateur. Une découverte sympathique.
NOTE : 6,75/10
La bande-annonce de la série :
09:35 Publié dans (Séries européennes autres) | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : irlande, rté, love hate, robert sheehan, aidan gillen, ruth negga, tom vaughan-lawlor, killian scott, ruth bradley, brian gleeson, laurence kinlan | Facebook |
12/05/2011
(Pilote DAN) Borgen : une série politique stimulante et captivante dans les coulisses du pouvoir
Samedi dernier, j'ai enfin pu m'installer devant le pilote d'une série que je rêvais de découvrir depuis la fin de l'année dernière : Borgen. Il faut dire qu'elle arrivait sur mon écran à la suite d'un joli buzz, depuis Scénaristes en séries consacrés aux fictions scandinaves à l'automne dernier jusqu'au Fipa d'Or qu'elle a remporté fin janvier. Et puis, si vous avez pu constater que la télévision danoise a pris ses quartiers sur ce blog au cours de ces dernières semaines, il faut en plus préciser que Borgen est une série politique. Or vous savez combien je suis particulièrement attachée à ce genre.
Sa saison 1, comportant 10 épisodes d'une heure environ chacun, a été diffusée sur la chaîne publique DR1 en 2010. Succès critique et public, puisqu'elle a rassemblé en moyenne 1,5 millions de téléspectateurs danois, une saison 2 a été commandée et devrait arriver dans le courant de l'année au Danemark. Si, pour les plus impatients, un coffret DVD comportant une piste de sous-titres anglais existe, le téléspectateur français aura cependant normalement l'occasion de la découvrir, puisque la série a été achetée par Arte (qui a la bonne idée de poursuivre l'expérience danoise après Forbrydelsen) pour une diffusion normalement annoncée courant 2012.
C'est peu dire que je plaçais de très hautes attentes dans Borgen. Dans ces cas-là, le risque de la déception s'accroît... Mais c'est pourtant aussi impressionnée que charmée que j'ai fini ce premier épisode.
Le pilote de Borgen débute en pleine fièvre électorale, trois jours avant des élections législatives qui vont modifier les rapports de force au sein du paysage politique multipartite danois. Le personnage central de la fiction, Birgitte Nyborg, est la leader du parti centriste, lequel a conclu des accords avec l'opposition, menant campagne contre le Premier Ministre sortant. Mais le dirigeant de ce parti, avec qui les centristes sont théoriquement alliés le temps de cette élection, rompt soudainement et sans préavis la ligne de programme commune sur laquelle il s'était engagé à propos d'un thème très sensible, celui de l'immigration. Prise au dépourvu en y assistant en direct lors d'une interview télévisée, Birgitte Nyborg refuse de se compromettre dans les fluctuations populistes de son partenaire et décide instantanément de rompre l'alliance qui les unissait, redistribuant ainsi les cartes sur l'échiquier politique.
La prise de position de la dirigeante centriste va en réalité ouvrir trois journées qui vont considérablement bouleverser la scène politique danoise. En effet, parallèlement, à Londres, le Premier Ministre, dans une tentative mal inspirée d'éviter un scandale désagréable causé par son épouse, commet l'erreur de payer ses achats personnels avec une carte bancaire réservé aux frais publics. Par une série d'intermédiaires, les factures compromettantes arrivent entre les mains du spin doctor de Birgitte Nyborg, Kasper Juul. Si la femme politique refuse catégoriquement de s'abaisser à des pratiques aussi tendancieuses, sur la base de seules factures, le chargé de communication est plus amoral et le leader du parti d'opposition qu'il ira trouver n'aura pas la réserve de sa patronne.
C'est le soir du débat télévisé final, au cours duquel chaque candidat est censé conclure sa campagne par un discours d'intention généralement parfaitement calibré, que tout bascule. Birgitte Nyborg, persuadée que sa carrière n'a plus d'avenir en raison de ses dernières décisions, délivre un magnifique discours débridé qui est un appel au sens citoyen de chacun. Juste après, le leader de l'opposition achève de plonger la campagne dans une ambiance délétère en lançant ses accusations financières contre le Premier Ministre sortant. Le public ne lui pardonnera pas cet excès de mise en scène. Le lendemain, à la surprise générale, le parti centriste est la formation qui remporte le plus de sièges aux élections. Logiquement, c'est alors vers Birgitte Nyborg que chacun se tourne pour constituer son gouvernement.
La première réussite de Borgen est d'investir de manière très prenante et réaliste ce champ du politique sur lequel plus d'une fiction s'est échouée. Elle présente un tableau aussi stimulant que captivant des coulisses du pouvoir. D'autant que, pour nous introduire au sein de cette démocratie danoise, quoi de mieux que de la découvrir en pleine action ? Nous plonger dans les derniers jours enfiévrés d'une campagne électorale pour les législatives est une parfaite mise en bouche, les résultats venant conclure ce premier épisode. Cette approche permet de rapidement situer chacun des protagonistes, personnalisant ainsi les enjeux. Adoptant une narration rythmée qui fait pleinement ressortir la tension ambiante, la série sonne ici très juste dans sa reconstitution des dessous du pouvoir.
C'est avec une certaine fascination que l'on suit cet équilibre parfois hésitant où s'entremêlent convictions sincères sous-tendant l'engagement politique, ambitions personnelles affichées, le tout saupoudré d'un cynisme pragmatique. Borgen n'est pas manichéenne, encore moins idéaliste, mais son souci de réalisme se conjugue avec un autre souffle, caractéristique des grandes fictions politique du genre, celui qui réveille en nous une fibre particulière en parlant au téléspectateur citoyen. Le débat télévisé final constitue sur ce point le véritable déclic du pilote, révélant et imposant pleinement le personnage de Birgitte.
Cette impression d'authenticité que renvoie Borgen est accentuée par la double perspective dont ce pilote bénéficie. En effet, non seulement la série nous immerge dans le cambouis des tractations politiques de dernières minutes, des alliances de circonstances et autres rapports de force internes à ce milieu, mais elle fait également le choix de donner une place importante à la place des médias. La politique est plus que jamais devenue un jeu de communication, où les spin doctor règnent et calibrent chaque idée, chaque apparition de leur candidat, aseptisant l'ensemble selon les attentes supposées du public.
N'occultant pas cet aspect qui fait désormais partie du jeu de pouvoirs, la série nous laisse entrevoir l'envers du décor médiatique en découvrant les coulisses d'une chaîne de télévision. En nous relatant ainsi les deux versants de cette "théâtralisation du politique", Borgen se révèle particulièrement intéressante. D'autant qu'elle esquisse une problématisation plus polémique, celle des rapports entre les protagonistes des deux camps : les journalistes et les politiques. C'est un sujet trop souvent plein de non-dits. A travers le drame que vit la jeune présentatrice au cours de ce pilote, l'épisode n'échappe pas à un certain excès de dramatisation peut-être dispensable. Mais le simple fait que cette question soit abordée frontalement promet beaucoup, si la suite est du même accabit.
En plus de poser ce cadre politique, le pilote va prendre le temps de personnaliser son récit, en accordant un peu de temps à ces différents protagonistes qui vont tous, chacun à leur manière, volontairement ou non, jouer un rôle clé dans l'enchaînement d'évènements qui va porter Birgitte Nyborg au pouvoir. C'est peut-être dans cette dimension humaine que le parfum de réalisme de Borgen est le plus fort. En effet, dans ce milieu carriériste, souvent impitoyable, l'individualisme règne. Nous sommes loin de la solidarité familière, presque confortable, du staff présidentiel de The West Wing.
Dans cette série, chacun suit sa route et fait ses choix en conscience. Le fait que chaque personnage appartienne à une sphère différente renforce ce ressenti, chacun semble évoluer de manière indépendante. Accentuant cet aspect, il faut dire que le seul lien professionnel existant entre deux personnages est rompu à la fin, sans le moindre sentimentalisme déplacé ou l'ombre d'une hésitation, Birgitte refusant de transiger avec certains de ses principes. En cela, j'ai eu le sentiment que Borgen s'efforçait d'être plus en prise avec la réalité de ces milieux professionnels.
Par contraste, la série se charge cependant d'introduire un autre versant, plus personnel, qui offre un pendant parfait. Certes, vie privée et vie professionnelle sont imbriquées. Le pilote regorge d'exemples le prouvant : tandis que la chute du Premier Ministre est précipitée par sa femme, la jeune journaliste vedette entretient des rapports intimes avec différents conseillers en communication. Les relations de cette dernière vont d'ailleurs avoir des conséquences sur l'élection puisque Kasper n'aurait jamais mis la main sur les factures créant le scandale financier. Si la césure n'existe donc pas toujours, la vie personnelle offre aussi un cocon protecteur, loin de cette arène, comme l'illustre parfaitement Birgitte Nyborg.
Je dois dire que la façon dont nous est présentée son couple est une des excellentes idées de ce pilote : complices et complémentaires, Birgitte et son mari suivent jusqu'à présent un arrangement qui les place sur un plan d'égalité : chacun mène, par cycle de cinq années, sa carrière professionnelle, tandis que l'autre se consacre à leurs enfants. Philip apparaît vraiment comme un partenaire, soutenant et conseillant sa femme. Leurs échanges souvent plein de complicité et de réparties taquines et tendres font partie des scènes les plus justes et réussies. C'est une vie de famille saine, épanouie, que mène en parallèle celle qui va devenir la Premier Ministre danoise, venant donc compléter parfaitement ce portrait de dirigeante politique authentique que nous dépeint l'épisode.
Aboutie sur le fond, Borgen impressionne également sur la forme. La série bénéficie en effet d'une superbe réalisation, à l'esthétique soignée quasi-cinématographique. D'une excellente facture, la photographie est épurée, tout en sachant faire ressortir à propos les couleurs afin d'offrir des images belles, nerveuses quand il le faut, mais toujours maîtrisées. L'ensemble s'avère donc très convaincant, pour proposer un produit fini qui s'apprécie visuellement. A noter également la présence d'un générique classique, mais élégant et stylé, tout en sobriété, où l'âme des fictions politiques transparaît pleinement (pour un aperçu, il s'agit de la première vidéo à la fin de l'article).
Enfin, Borgen bénéficie d'un casting qui se révèle impeccable. Pour interpréter Birgitte Nyborg, Sidse Babett Knudsen s'impose peu à peu dans ce rôle de femme de conviction, dont le naturel et le charisme deviennent progressivement une évidence au fil de l'épisode pour être consacré lors de la (fameuse) scène du débat final. A ses côtés, soutien indéfectible autant que partenaire complice, son mari est incarné par Mikael Birkkjaer. Johan Philip Asbaek joue ce spin doctor pragmatique, qui prendra la décision déterminante de confier les preuves du scandale financier à l'opposition. Birgitte Hjort Sorensen est cette jeune journaliste ambitieuse que ces quelques jours vont secouer aussi bien sur un plan personnel que professionnel. On retrouve également Freja Riemann, Emil Poulsen, Anders Juul, Thomas Levin, Soren Malling, Lisbeth Wulff ou encore Kasper Lange.
Bilan : Fiction politique au sens noble du terme, Borgen propose un pilote stimulant, bien écrit (par instant frôlant même le brillant), superbement réalisé et magnifiquement interprété. Tandis que Brigitte conquiert peu à peu le téléspectateur, l'épisode nous plonge avec réalisme dans un monde politique individualiste, mettant particulièrement en lumière les relations des politiques et des médias, déterminantes dans cet ère où l'art de la communication prime et en vient à effacer les idées. Si l'évocation de The West Wing, référence du genre, vient naturellement à l'esprit, Borgen ne renie pas son inspiration mais sait imposer sa propre identité. Ici, son atout est peut-être aussi d'être une fiction européenne : elle trouve naturellement un écho sans doute plus proche de nous et de notre démocratie.
En conclusion, retenez bien le nom de cette série. Dès que l'occasion se présentera, n'hésitez pas un seul instant : si j'en juge par ce pilote, Borgen est une série très intéressante qui mérite assurément le détour !
NOTE : 8,75/10
EDIT : A lire désormais, mon bilan complet de la première saison de Borgen.
Le générique :
(via Ladytelephagy)
Quelques images et une présentation de la série (suivies d'interviews) :
17:14 Publié dans (Séries européennes autres) | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : danemark, dr1, borgen, arte, sidse babett knudsen, mikael birkkjaer, johan philip asbaek, birgitte hjort sorensen, freja riemann, emil poulsen, anders juul, thomas levin, soren malling, lisbeth wulff, kasper lange | Facebook |
11/05/2011
(J-Drama) Soratobu Taiya (The Flying Tire) : un thriller industriel à suspense sur fond de tableau social nuancé
C'est au Japon que nous ramène le mercredi asiatique de la semaine. Il faut dire que vous avez décidement de très bons conseils, et que je pense en plus commencer à bien cerner quels styles de séries sont susceptibles de me plaire actuellement au pays du Soleil Levant. Et s'il y a bien une thématique que les japonais semblent maîtriser, c'est bien leur approche du milieu de l'entreprise et de l'industrie. L'été dernier, le visionnage de Hagetaka avait été pour moi une vraie révélation. Depuis, avec une dimension historique supplémentaire, Karei Naru Ichizoku et Fumou Chitai m'ont aussi impressionnée. Nous restons aujourd'hui dans cette même lignée.
Soratobu Taiya (The Flying Tire) est un drama de la chaîne câblée WOWOW. Il s'agit en fait de l'adaptation d'un roman portant le même titre, de Ikeido Jun. Relativement courte, puisqu'elle est composée de seulement 5 épisodes, elle a été diffusée du 29 mars au 25 avril 2008. Sa durée ne l'empêche pas d'aborder de manière très riche mais aussi nuancée des thématiques multiples, mêlant à un thriller industriel prenant, un tableau social et une présentation des relations en entreprise des plus passionnants.
C'est sur un drame que débute Soratobu Taiya. Le frein d'un camion saute lors d'un virage apparemment anodin et vient faucher une mère et son enfant qui marchaient sur le trottoir. La femme est tuée sur le coup, le fils gardera à vie cette vision terrible de l'accident qui s'est déroulé sous ses yeux. L'enquête conduite par la police disculpe rapidement le conducteur, dont le comportement n'était pas en cause ce jour-là, respectant les limitations de vitesse et toutes les consignes de sécurité. Sur un plan plus technique, pour étudier le véhicule, les autorités se tournent vers le constructeur qui apparaît légitimement le plus compétent. Hope Motors rend un rapport accablant pour l'entreprise de transport Akamatsu qui lui a acheté le camion, estimant que l'accident est imputable à une négligence d'entretien de la part de cette dernière.
Condamné moralement et socialement sur la seule foi de ce document, Akamatsu, gérant de cette société de taille moyenne qu'il a hérité de son père, voit ses clients se désister les uns après les autres, faisant craindre très vite une banqueroute irrémédiable. Seulement, l'entrepreneur refuse de baisser les bras. Plus il y réfléchit, moins il croit au diagnostic de Hope Motors et à ses réponses fuyantes. Cherchant à découvrir la vérité autant qu'à sauver son entreprise, il va trouver du soutien dans le travail d'une jeune journaliste s'intéressant également au sujet. De plus, à l'intérieur même du groupe Hope, certains employés s'interrogent aussi sur des pratiques qui risquent de fragiliser la filiale alors qu'elle traverse déjà une période difficile ; en effet, même si tout est soigneusement cloisonné, il semble bien que soit organisée en son sein une vaste opération visant à éviter à tout prix d'ordonner le rappel de véhicules défectueux, qui aurait un coût financier très important.
Soratobu Taiya va nous proposer de suivre tous ces différents protagonistes, tandis qu'en toile de fond des intérêts et des influences contradictoires s'exercent dans ce milieu complexe de l'entreprise et de la finance.
Série très prenante, maîtrisant parfaitement son format relativement court de 5 épisodes, Soratobu Taiya va proposer une quête vers la vérité pleine de tension et de suspense. La réussite de ce drama, c'est non seulement de savoir se réapproprier certains codes narratifs du thriller, mais c'est aussi d'opter pour une sobriété bienvenue qui donne une impression de réalisme et d'authenticité lui conférant une dimension supplémentaire. Les efforts d'Akamatsu vont logiquement le conduire à se dresser contre Hope Motors. L'importance de cette société, qui appartient à un vaste conglomérat - lequel comprend même une banque -, explique que les recherches d'Akamatsu donnent parfois l'impression d'une réminiscence du face-à-face de David contre Goliath. La série va d'ailleurs s'attacher à souligner le clivage et les disparités existentes : elle démontre sans complaisance comment, selon que vous soyez puissants ou faibles, vous ne serez pas traités de la même manière, pas plus que vous n'aurez les mêmes chances de survie lorsque votre réputation ou votre santé financière sera remise en cause.
Impliquant un téléspectateur qui ne peut rester insensible à certaines injustices, la portée du drama est accrue par son exploitation d'une dimension plus humaine et sociale qui enrichit d'autant l'intrigue. En effet, Soratobu Taiya offre un tableau social détaillé et nuancé de diverses cultures d'entreprises, portrait très intéressant des modèles co-existant encore au Japon. L'archétype familial traditionnel, symbolisé par l'entreprise d'Akamatsu, fonctionne sur des bases paternalistes, étant à taille "humaine" puisqu'elle ne comporte qu'une cinquantaine d'employés. Tout repose sur le patron, y compris la survie de la société. A l'opposé, la gestion de Hope Motors n'a rien de commun : nous sommes alors face à des employés interchangeables, gérés suivant un management qui valorise les traitements préférentiels et récompenses les loyautés personnelles entre services. Pour autant, tout comme au sein d'Akamatsu Transport, il y existe également un esprit d'entreprise. L'éclairage sur la volonté de certains de changer les choses et modifier de l'intérieur ces choix discutables doit être salué, car il évite une opposition trop facile et simpliste entre deux camps...
En effet, la force de Soratobu Taiya va être de ne jamais tomber dans un portrait manichéen. Au contraire, la série s'attache à présenter toute une palette de points de vue, bénéficiant pour cela d'une vaste galerie de personnages aux situations professionnelles très différentes. On aborde ainsi l'affaire sous toutes les perspectives possibles. Si la croisade pour la vérité d'Akamatsu, qui se persuade très tôt que quelque chose cloche chez Hope Motors, se heurte aux préjugés, aux généralités aisées et à la facilité qu'il y a de croire avant tout l'entreprise qui paraît présenter le plus de garanties de par son importance, on comprend aussi - tout en souffrant à ses côtés - le scepticisme initial que ses dénégations peuvent susciter. Cependant, ce qui est encore plus intéressant, c'est la manière dont sont décrites les divergences au sein même de Hope Motors. A des questions purement éthiques se superposent une réelle préoccupation pour l'avenir de l'entreprise : ceux qui cautionnent les mensonges, comme ceux qui vont décider d'organiser des fuites à l'intention de la presse, ont paradoxalement tous à coeur un même objectif : celui de sauver leur entreprise. A ce titre, la fin offrira une résolution mesurée très réaliste.
Cette sobriété globale n'empêche pas la série d'investir une dimension émotionnelle éprouvante. Il ne faut pas oublier que c'est un drame humain qui est mis en scène. En toile de fond poignante, il y a, constante, la douleur de la famille de la victime dont le deuil ne pourra vraiment commencer que lorsque les torts de chacun auront été reconnus. Le drama a l'intelligence de la mettre en scène avec retenu. Ne s'attardant pas, il évite ainsi un pathos qui aurait alourdi un quasi sans faute sur le plan du traitement émotionnel. Car ce qui marquera sans doute également fortement le visionnage du téléspectateur, c'est la manière dont l'opprobre social s'abât sur la famille d'Akamatsu, coupable aux yeux de tous en raison d'une perquisition policière qui n'a pourtant rien donné. Cette violence insidieuse que subissent au quotidien la femme et le fils d'Akamatsu laisse ainsi un arrière-goût très amer.
Sur la forme, Soratobu Taiya est un drama très sobre. La réalisation est efficace, mais ne s'essaye à aucun effet de caméra : l'histoire prime, et la solidité du scénario permet au récit de se suffire à lui-même. Il parvient à générer par sa seule narration une tension et une émotion telles, qu'il devient inutile de trop en faire. Dans la même optique, sa bande-son demeure assez effacée, et cela n'est en rien préjudiciable à la portée de l'histoire. En résumé, le cadre classique assure l'essentiel.
Enfin, la série bénéficie d'un casting homogène des plus convaincants. S'attachant à mettre en scène tous les points de vue du drame, c'est une galerie diversifiée de personnages nuancés qui nous est dépeinte. Nakamura Toru (Kokoro) délivre une performance solide et intense, pour jouer ce chef d'entreprise à l'ancienne qui va tout tenter pour sauver sa société. Tanabe Seiichi (Hotelier) incarne avec nuance les interrogations d'un employé de ce groupe automobile, hésitant dans l'arbitrage à donner entre ses principes moraux et sa carrière personnelle. Le personnage joué par Hagiwara Masato (Full Swing), un banquier, est soumis aux mêmes interrogations, le touchant encore plus personnellement puisque c'est son futur mariage qui finit par être en jeu. Mizuno Miki (Dream) est parfaite en journaliste qui n'hésite pas à pousser son enquête jusqu'au bout. A leurs côtés, on retrouve également Mimura, Hakamada Yoshihiko, Emoto Tasuku, Komoto Masahiro, Aijima Kazuyuki, Ono Machiko, Endo Kenichi, Honjo Manami, Nishioka Tokuma ou encore Kunimura Jun.
Bilan : Soratobu Taiya est une série prenante qui surprend par son intensité et la densité des thématiques abordées. Thriller industriel à suspense, elle présente également un tableau social sans complaisance mais nuancé de diverses cultures d'entreprise, tout en offrant aussi un aperçu plus général des préconceptions qui peuvent avoir cours au sein de la société face à des accusés préjugés coupables. Finalement, elle s'impose comme une histoire poignante d'êtres humains confrontés à des choix difficiles sur fond de drame marquant.
Une série conseillée à tout un chacun, les amateurs de séries asiatiques comme les téléphages d'autres horizons, tant elle fait vibrer une corde sensible universelle à tout téléspectateur. Incontournable !
NOTE : 9/10
La bande-annonce de la série :
06:04 Publié dans (Séries asiatiques) | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : j-drama, soratobu taiya, the flying tire, wowow, nakamura toru, tanabe seiichi, hagiwara masato, mizuno miki, mimura, hakamada yoshihiko, emototasuku, komoto masahiro, aijima kazuyuki, ono machiko, endo kenichi, honjo manami, nishioka tokuma, kunimura jun | Facebook |
08/05/2011
(UK) Doctor Who, season 6, episode 3 : The Curse of the Black Spot
Après la densité d'un retour placé sous le signe d'une mythologie omniprésente, Doctor Who retrouve dans ce troisième épisode de la saison un registre plus traditionnel : celui d'un thème central (le folklore apporté par l'univers des pirates) qui donne le ton de ces quarante minutes. Pour l'occasion, la série accueille une autre guest-star de luxe, puisqu'elle a cette fois recours aux services de Hugh Bonneville, tout en barbe, avec le tricorne fièrement vissé sur la tête.
Si l'épisode se révèle très calibré, doté d'une construction linéaire plus accessible que le précédent, ce qui apporte aussi une prévisibilité supplémentaire au déroulement l'aventure du jour, l'épisode n'en demeure pas moins grandement divertissant. En résumé, il propose une parenthèse et un moment de détente assumé dans un registre beaucoup moins ambitieux que l'ouverture de la saison.
Comme nombre des aventures de Doctor Who, celle-ci est initiée par les aléas techniques du Tardis dont les instruments détectent un signal de détresse émanant d'un navire particulier. En effet, il atterrit, avec ses occupants, en plein XVIIe siècle terrien, dans la soute du bâteau d'un célèbre pirate anglais, John Avery. Si l'accueil réservé à nos trois explorateurs n'est assurément pas des plus chaleureux, les quelques membres de l'équipage encore restant ont des préoccupations autrement plus pressantes et dramatiques.
En effet, le bâteau semble poursuivi par une malédiction qui s'empare un à un de tous les marins. A la moindre blessure d'une personne se trouvant sur le navire, une créature chantante surgit de l'eau et l'attire à elle pour l'éliminer en le faisant disparaître dans un nuage de fumée. Attirée par le sang des plus petites blessures, personne ne semble en mesure de lui résister. Avec le sentiment confus qu'il manque quelque chose à l'équation, le Docteur échafaude théorie sur théorie... mais la situation se complique de plus en plus pour nos trois amis qui risquent bien de partager le sort des infortunés pirates.
Steve Thompson permet ici à la série de renouer avec les épisodes à thème. En l'occurence, c'est sous le signe des pirates que se place cette aventure maritime mouvementée. Aucune image d'Epinal ne nous est épargnée, enchaînant avec un enthousiasme évident, tous les clichés et autres scènes clés du genre, du supplice de la planche aux trésors dorés et autres pierres brillantes qui constituent la raison d'être de l'équipage, et plus particulièrement du capitaine... Rien ne manque au tableau, pas même une sirène, tandis qu'Amy aura même le privilège d'endosser un costume folklorique qui lui sied si bien. C'est un évident hommage aux fictions de genre, à commencer par Pirates des Caraïbes dont la référence pointe jusque dans le titre de l'épisode.
Si cet univers ainsi mis en scène exerce un attrait dépaysant certain, l'ensemble demeure peut-être un peu trop calibré ; tous les ingrédients étaient légitimement attendus a priori, et finalement il y a assez peu de place à une touche d'improvisation. D'ailleurs, dans sa construction même, l'épisode suit un développement assez prévisible. Le rythme nous permet certes de s'attacher aux divers rebondissements, mais on ne peut pas le cataloguer comme aventure à suspense. Même le cadre de ce bâteau sombre assailli par cette créature étrange suscite simplement une tension minimale. Juste ce qu'il faut en somme, mais loin des pics de la semaine passée.
Par conséquent, tout en poursuivant l'idée d'offrir une parenthèse plus légère, l'épisode se révèle à la fois plutôt optimiste et aussi assez simpliste dans son traitement, comme l'illustre ce happy end éclatant pour nos pirates, ou bien également l'approche de la question de la paternité pour John Avery.
Pour ce qui est de nos personnages principaux, la dynamique est cependant très bien huilée et fonctionne, avec quelques réparties parfaitement ajustées et surtout une dose de second degré, notamment pour accueillir l'enchaînement des théories éronnées du Docteur, qui est la bienvenue. Le trio a trouvé son équilibre et on prend beaucoup de plaisir à les suivre. Certes, certains ressorts narratifs semblent avoir la prédilection de tous les scénaristes qui se succèdent, la mise en danger mortel de Rory (souvent) ou d'Amy provoque des réactions toujours un peu semblable au sein du couple, mais c'est inhérent au fait de voyager à trois et l'alchimie des personnages prend aisément le pas sur le reste.
Quant au Docteur, ce début de saison 6 me conforte dans mon appréciation d'Eleven. Il y a en lui un dualisme autrement plus marqué que chez ses prédécesseurs immédiats : derrière sa jovialité apparente mise en scène, il y a une autre facette plus secrète qui donne au personnage une dimension supplémentaire. Ses excès théâtraux enjoués ne masquent plus complètement l'ambivalence du personnage ; et c'est très intrigant.
Enfin, sur le plan mythologique, aucune avancée significative n'a lieu. Le fil rouge nous est rappelé à travers quelques petites scènes qui renvoient aux grandes lignes des questions soulevées par le double épisode d'introduction : de l'hallucination d'Amy, à sa (non?)grossesse, voire, bien entendu, cette épée de Damoclès qui pèse sur le Docteur avec sa mort "future" et le secret que Rory et Amy doivent conserver, tout y est pour assurer une minimum de continuité... en attendant donc la suite.
Bilan : Distrayant dans le bon sens du terme, ce troisième épisode renoue avec le divertissement familial, moins ambitieux et plus classique, loin de l'ambition mythologique de l'entrée en matière de la saison. L'ensemble est plaisant à suivre avec une thématique des pirates traitée de manière assez calibrée, mais dont l'ambiance est bien exploitée. A défaut de réel suspense, la dynamique entre les personnages continue d'être explorée et fonctionne parfaitement. De quoi reprendre un peu son souffle après la semaine dernière !
NOTE : 7/10
La bande-annonce de l'épisode :
11:18 Publié dans Doctor Who | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : bbc, doctor who, matt smith, karen gillan, arthur darvill, hugh bonneville | Facebook |
06/05/2011
(Mini-série UK) Exile : un thriller plongeant dans un passé aux souvenirs égarés par la maladie
En cette première semaine du mois de mai, le petit écran britannique s'est rempli de nouveautés. Outre une cohorte de fictions policières en provenance d'ITV, de Vera à Case Sensitive (comment ça "trop de séries policières à la télévision british ?"), le tout parachevé hier soir par le lancement sur BBC2 de The Shadow Line sur laquelle j'aurais l'occasion de revenir, c'est une mini-série diffusée chaque soir de dimanche à mardi sur BBC1 qui avait tout particulièrement retenu mon attention : Exile.
Ceux qui me connaissent un peu le savent : parmi les quelques commandements téléphagiques que je suis religieusement depuis presque une décennie, figure la règle qui consiste à ne rien rater de la filmographie de John Simm (c'est ce que j'appelle le syndrome State of Play). Au-delà de son casting, naviguant entre thriller et drame familial, le synopsis de cette fiction, imaginée par Paul Abbott et écrite par Danny Brocklehurst qui ont notamment collaboré sur Shameless, avait assurément éveillé ma curiosité. Et je n'ai pas été déçue de la découverte.
Exile nous raconte le retour dans sa ville natale d'un journaliste londonien, Tom Ronstadt, dont la vie aussi bien personnelle que professionnelle n'est plus que ruines, ayant subi de plein fouet les conséquences de son comportement autodestructeur. Loin de la capitale, Tom retrouve une maison familiale qui a bien changé et dont les occupants ne lui réservent pas le plus chaleureux des accueils. Sa soeur, Nancy, se dévoue entièrement à s'occuper de leur père, Sam, qui souffre de la maladie d'Alzheimer. Mais cela fait près de deux décennies que Tom s'est brouillé avec ce dernier, à la suite d'éclats de violence contre l'adolescent qu'il était alors, qui sont toujours demeurés inexpliqués.
Le retour de Tom ramène à la surface des souvenirs qui auraient sans doute dû restés enfouis. En pleine crise existentielle, le journaliste éprouve ce besoin irrépressible de comprendre un père dont il a fini par faire son contre-modèle. Cherchant à déterminer ce qui a pu se passer et briser ainsi l'homme que son père était (avant que la maladie ne le gagne), Tom se replonge dans un passé oublié et fuyant, au risque de réveiller les mêmes forces auxquels Sam s'était heurté des années auparavant. D'autant que si Tom perçoit rapidement qu'un scandale se cache derrière des indices troublants, il est loin d'imaginer la vérité qui s'est peu à peu diluée dans les souvenirs confus et effilochés de son père.
Exile est une mini-série prenante qui mêle avec habileté les ingrédients du drame familial et du thriller psychologique. Elle commence sur un parfum de retrouvailles, vascillant entre flottement gêné et instant de complicité, qui confère à ce portrait une authenticité qui va être une des forces de cette fiction. En effet, il émane de l'ensemble une forme de sensibilité touchante, permettant au téléspectateur de ressentir une empathie immédiate pour ces différents protagonistes. Les rapports humains sont particulièrement bien traités. Qu'il s'agisse des relations frère/soeur sonnant très juste, ou bien la manière dont est présenté ce père, autrefois figure d'autorité, à l'esprit désormais rongé par la maladie. L'inversion des rôles entre le parent et les enfants, le poids que cela fait peser sur Nancy, puis sur Tom, toutes ces thématiques sont abordées sont détour, mais non sans pudeur.
C'est par son approche de la maladie d'Alzheimer que la mini-série va acquérir toute sa dimension, glissant progressivement dans la tonalité d'un thriller psychologique troublant. En effet, cette quête tardive qu'entreprend Tom pour essayer de comprendre son père se heurte justement aux souvenirs désormais égarés de ce dernier, dont l'esprit n'est là que par éclipse. De façon originale, dans cette histoire, il ne s'agit pas de mettre à jour un mystère extérieur, mais bien d'une enquête finalement très intime. Car démêler les zones d'ombre du passé, c'est reconstituer les bribes d'une mémoire que Sam a toujours, mais qui n'est plus accessible que par intermittence. Si l'intensité d'Exile vous prend à la gorge, elle reste uniquement psychologique : à mesure que l'intrigue progresse, ce passé au contenu inavouable déstabilise, les révélations sapent une à une bien des certitudes. On vit et ressent la violence des interrogations de Tom. Sans débauche d'action, avec une sobriété opportune, la mini-série trouve sa pleine mesure dans ce suspense particulier très efficace.
Sur la forme, Exile bénéficie d'une réalisation soignée, classique de BBC1 si j'ose dire, mêlant fixité avec des cadres larges où ses personnages se perdent parfois sur l'écran et passages plus nerveux, sachant également jouer sur le suggestif pour orienter la perspective du téléspectateur. De plus, elle s'accompagne également d'une bande-son intéressante, ou plus précisément d'un thème instrumental nerveux qui va savoir refléter et encourager une atmosphère de tension qui capte l'attention du téléspectateur.
Enfin, Exile bénéficie d'un casting très solide, emmené par un John Simm (State of Play, Life on Mars, Mad Dogs) inspiré, juste parfait pour mettre en scène ce personnage aussi autodestructeur qu'obstiné, aux certitudes remises en causes. On éprouve une empathie instinctive pour lui, et l'interprétation aussi intense que nuancée de l'acteur y contribue grandement. Il est parfaitement épaulé par Jim Broadbent (Any human heart) qui trouve le ton juste pour interpréter ce père dont la rationnalité glisse dans les méandres de la maladie d'Alzheimer. Olivia Colman (Rev, Twenty Twelve) joue une soeur qui offre un contre-poid crédible, tout autant qu'une belle complicité avec le personnage de Tom. A leurs côtés, on retrouve également John Paul Hurley, Claire Goose, Timothy West, Shaun Dooley ou encore Daryl Fishwick.
Bilan : Exile est une mini-série à la fois troublante et prenante. Derrière ses atours de drame familial marqué par la maladie dont l'écriture est pleine d'authenticité, se dessine peu à peu un thriller psychologique intense, d'une violence émotionnelle qui sonne juste. Le passé est à la fois le trait d'union et de division de cette fiction, sur fond de dillution de la conscience et des souvenirs dans la maladie. Une oeuvre poignante. A découvrir.
NOTE : 7,75/10
Des bande-annonces de la mini-série :
15:36 Publié dans (Mini-séries UK) | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : bbc, exile, john simm, jim broadbent, olivia colman, john paul hurley, claire goose, timothy west, shaun dooley, daryl fishwick | Facebook |