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12/01/2014

(Mini-série UK) The Great Train Robbery : le casse du siècle

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Comme chaque année, les fêtes de Noël ont apporté dans le petit écran britannique leur lot d'épisodes spéciaux et de mini-séries, voire d'unitaires, assez divers. Avant de véritablement entrer dans les programmations de 2014 - ce mois de janvier s'annonce d'ailleurs fort riche ! -, je vous propose aujourd'hui de conclure l'année précédente en revenant sur une des fictions qui s'est détachée durant les fêtes : The Great Train Robbery. Scénarisée par Chris Chibnall, à qui l'on doit notamment en 2013 Broadchurch, cette mini-série comporte 2 parties d'1h30 chacune.

The Great Train Robbery s'inspire d'un fait réel, le braquage d'un train le 8 août 1963, considéré par beaucoup en Angleterre comme le "casse du XXe siècle". Pour l'anecdote, on retiendra que cette mini-série n'était pas initialement prévue comme un programme de fin d'année : elle devait être proposée durant l'été, pour coïncider avec les 50 ans du célèbre vol. Son timing n'a pourtant pas démérité : le jour même de la diffusion du premier épisode, les médias annonçaient en effet le décès de Ronnie Biggs, un des braqueurs. Si l'homme n'occupe qu'un rôle très secondaire dans The Great Train Robbery, la mini-série s'est donc assurée une promotion inattendue. Ce sont finalement environ 5 millions de téléspectateurs qui ont suivi le récit de ce braquage et de ses suites...

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The Great Train Robbery relate son fait divers suivant deux perspectives différentes et couvrant ainsi presque toute la décennie des années 60. Le premier épisode, intitulé A Robber's Tale, plonge le téléspectateur dans l'organisation et les préparatifs de l'attaque du train postal Glasgow-Londres du côté des braqueurs, en mettant tout particulièrement en lumière le rôle de Bruce Reynolds, qui va être le planificateur de l'ensemble de l'opération. Puis, le second épisode, intitulé A Copper's Tale, prend place une fois le braquage passé : il se place cette fois-ci du point de vue de la police. Les meilleurs officiers du pays sont mobilisés pour retrouver les criminels de cette attaque hautement symbolique contre laquelle les autorités se doivent de réagir avec la plus grande fermeté. C'est une enquête minutieuse qui est alors menée avec un objectif clair : que toutes les personnes ayant participé à ce crime se retrouvent derrière les barreaux. Le chef de l'investigation, le DCS Butler, fait vite de cette affaire une véritable croisade personnelle.

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Portant à l'écran un fait divers bien connu, The Great Train Robbery est une fiction d'approche classique, tout aussi efficace qu'appliquée dans les différents genres qu'elle investit. Avoir choisi deux angles distincts pour aborder un même sujet lui permet de densifier et de diversifier son récit : fiction de gangster dans sa première partie, la mini-série se mue en effet en histoire policière dans la seconde. Rythmée, capable de construire la tension dramatique attendue -en dépit d'une issue connue du téléspectateur-, l'écriture se révèle aussi assez méticuleuse, signe de la volonté de proposer une solide reconstitution. Pour autant, on peut regretter un format de 3 heures qui apparaît par moment trop réduit pour faire acquérir à la fiction toute sa dimension, avec des protagonistes secondaires manquant parfois d'épaisseur. Contrainte de faire des choix et d'emprunter quelques raccourcis, la mini-série va pouvoir s'appuyer sur un double portrait croisé, construit tout en clair-obscur, qui naît du face-à-face à distance de ses deux figures centrales que sont Reynolds le braqueur et Butler le policier.

The Great Train Robbery éclaire d'abord les contradictions de Reynolds. Si la mini-série se plaît à le présenter par instant comme le stéréotype romanesque du gangster des 60s', elle gratte vite ce vernis illusoire. Ainsi, si Reynolds refuse le port de revolver durant les braquages qu'il organise, les éclats de violence -délégués à ses hommes- n'en parsèment pas moins ses méfaits. S'il aspire à changer de statut en empruntant le raccourci de l'illégalité, ce n'est pas vraiment à une solution pérenne qu'il songe : il rêve d'un grand coup, de se faire un nom... Or face à ce braquage qui va aller bien au-delà de ses espérances, il se retrouve dépourvu de solutions pour gérer l'après, ses illusions de grandeur se heurtant à une vision à court terme fatale. Face à lui, The Great Train Robbery place, à la responsabilité de l'enquête, un homme très différent : Butler est quelqu'un d'intraitable et d'intransigeant, avec lui-même comme avec ses subordonnés. Implacable dans sa poursuite des criminels, il semble comme se consumer dans cette affaire qu'il condamne sans nuance et prend très personnellement -au point de retarder sa retraite jusqu'à l'arrestation de Reynolds. En guise de conclusion au récit de cette double trajectoire croisée, la mini-série délivre une première -et dernière- confrontation qui reste un de ses temps fort, résumant et symbolisant parfaitement l'opposition d'hommes à laquelle le téléspectateur vient d'assister.

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Sur la forme, The Great Train Robbery se réapproprie bien l'ambiance des 60s' attendue d'une telle fiction, bénéficiant d'une réalisation soignée et pleinement maîtrisée. C'est une mini-série stylée, qui s'offre même quelques passages à la mise en scène franchement géniale : ses premières minutes d'ouverture en sont une belle illustration, captant immédiatement l'attention du téléspectateur. Elle s'appuie de plus sur une bande-son tout aussi bien pensées, avec plusieurs chansons qui retentissent parfaitement dans l'atmosphère du moment, à l'image, par exemple, de l'utilisation de Sinnerman, par Nina Simone.

Enfin The Great Train Robbery a également le mérite de pouvoir s'appuyer sur un convaincant casting. Du côté des braqueurs, mis en avant durant la première partie, Luke Evans est parfait en Bruce Reynolds, personnage indéniablement charismatique, qui va se trouver face à une situation d'une ampleur aussi imprévue que non préparée. Autour de lui, on croise notamment Neil Maskell (Utopia), Martin Compston (Line of Duty), Paul Anderson (The Promise, Peaky Blinders), Nicholas Murchie, Jack Roth (Great Expectations, Bedlam), Del Synnott (The Silence), Jack Gordon et James Wilby. Du côté policier, la mini-série restreindra plus les protagonistes sur lesquels s'arrêter : Jim Broadbent (Any human heart, Exile) y est secondé par Robert Glenister (Spooks, Hustle, Law & Order UK), et c'est surtout la dynamique particulière de ce duo, entre concurrence et méfiance, qui fera l'attrait de la seconde partie.

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Bilan : Mini-série marquée par l'ambiance des 60s', The Great Train Robbery délivre une partition classique, mais stylée et efficace, dans un double registre qui emprunte aux fictions de gangsters comme aux enquêtes policières. Adaptation d'un fait divers réel, la mini-série soigne de manière appréciable les détails de la reconstitution proposée. Si le format de 3 heures l'oblige à se concentrer sur l'essentiel, elle propose en filigrane un intéressant double portrait croisé de deux figures contradictoires que tout oppose. Elle se construit donc à partir de leur confrontation à distance et, surtout, de leurs différences, pour signer un récit solide qui bénéficie en plus de l'aura qui entoure cette célèbre affaire. Avis aux amateurs !


NOTE : 7,25/10


La bande-annonce de la mini-série :

06/05/2011

(Mini-série UK) Exile : un thriller plongeant dans un passé aux souvenirs égarés par la maladie


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En cette première semaine du mois de mai, le petit écran britannique s'est rempli de nouveautés. Outre une cohorte de fictions policières en provenance d'ITV, de Vera à Case Sensitive (comment ça "trop de séries policières à la télévision british ?"), le tout parachevé hier soir par le lancement sur BBC2 de The Shadow Line sur laquelle j'aurais l'occasion de revenir, c'est une mini-série diffusée chaque soir de dimanche à mardi sur BBC1 qui avait tout particulièrement retenu mon attention : Exile

Ceux qui me connaissent un peu le savent : parmi les quelques commandements téléphagiques que je suis religieusement depuis presque une décennie, figure la règle qui consiste à ne rien rater de la filmographie de John Simm (c'est ce que j'appelle le syndrome State of Play). Au-delà de son casting, naviguant entre thriller et drame familial, le synopsis de cette fiction, imaginée par Paul Abbott et écrite par Danny Brocklehurst qui ont notamment collaboré sur Shameless, avait assurément éveillé ma curiosité. Et je n'ai pas été déçue de la découverte.

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Exile nous raconte le retour dans sa ville natale d'un journaliste londonien, Tom Ronstadt, dont la vie aussi bien personnelle que professionnelle n'est plus que ruines, ayant subi de plein fouet les conséquences de son comportement autodestructeur. Loin de la capitale, Tom retrouve une maison familiale qui a bien changé et dont les occupants ne lui réservent pas le plus chaleureux des accueils. Sa soeur, Nancy, se dévoue entièrement à s'occuper de leur père, Sam, qui souffre de la maladie d'Alzheimer. Mais cela fait près de deux décennies que Tom s'est brouillé avec ce dernier, à la suite d'éclats de violence contre l'adolescent qu'il était alors, qui sont toujours demeurés inexpliqués.

Le retour de Tom ramène à la surface des souvenirs qui auraient sans doute dû restés enfouis. En pleine crise existentielle, le journaliste éprouve ce besoin irrépressible de comprendre un père dont il a fini par faire son contre-modèle. Cherchant à déterminer ce qui a pu se passer et briser ainsi l'homme que son père était (avant que la maladie ne le gagne), Tom se replonge dans un passé oublié et fuyant, au risque de réveiller les mêmes forces auxquels Sam s'était heurté des années auparavant. D'autant que si Tom perçoit rapidement qu'un scandale se cache derrière des indices troublants, il est loin d'imaginer la vérité qui s'est peu à peu diluée dans les souvenirs confus et effilochés de son père.

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Exile est une mini-série prenante qui mêle avec habileté les ingrédients du drame familial et du thriller psychologique. Elle commence sur un parfum de retrouvailles, vascillant entre flottement gêné et instant de complicité, qui confère à ce portrait une authenticité qui va être une des forces de cette fiction. En effet, il émane de l'ensemble une forme de sensibilité touchante, permettant au téléspectateur de ressentir une empathie immédiate pour ces différents protagonistes. Les rapports humains sont particulièrement bien traités. Qu'il s'agisse des relations frère/soeur sonnant très juste, ou bien la manière dont est présenté ce père, autrefois figure d'autorité, à l'esprit désormais rongé par la maladie. L'inversion des rôles entre le parent et les enfants, le poids que cela fait peser sur Nancy, puis sur Tom, toutes ces thématiques sont abordées sont détour, mais non sans pudeur.

C'est par son approche de la maladie d'Alzheimer que la mini-série va acquérir toute sa dimension, glissant progressivement dans la tonalité d'un thriller psychologique troublant. En effet, cette quête tardive qu'entreprend Tom pour essayer de comprendre son père se heurte justement aux souvenirs désormais égarés de ce dernier, dont l'esprit n'est là que par éclipse. De façon originale, dans cette histoire, il ne s'agit pas de mettre à jour un mystère extérieur, mais bien d'une enquête finalement très intime. Car démêler les zones d'ombre du passé, c'est reconstituer les bribes d'une mémoire que Sam a toujours, mais qui n'est plus accessible que par intermittence. Si l'intensité d'Exile vous prend à la gorge, elle reste uniquement psychologique : à mesure que l'intrigue progresse, ce passé au contenu inavouable déstabilise, les révélations sapent une à une bien des certitudes. On vit et ressent la violence des interrogations de Tom. Sans débauche d'action, avec une sobriété opportune, la mini-série trouve sa pleine mesure dans ce suspense particulier très efficace.

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Sur la forme, Exile bénéficie d'une réalisation soignée, classique de BBC1 si j'ose dire, mêlant fixité avec des cadres larges où ses personnages se perdent parfois sur l'écran et passages plus nerveux, sachant également jouer sur le suggestif pour orienter la perspective du téléspectateur. De plus, elle s'accompagne également d'une bande-son intéressante, ou plus précisément d'un thème instrumental nerveux qui va savoir refléter et encourager une atmosphère de tension qui capte l'attention du téléspectateur.

Enfin, Exile bénéficie d'un casting très solide, emmené par un John Simm (State of Play, Life on Mars, Mad Dogs) inspiré, juste parfait pour mettre en scène ce personnage aussi autodestructeur qu'obstiné, aux certitudes remises en causes. On éprouve une empathie instinctive pour lui, et l'interprétation aussi intense que nuancée de l'acteur y contribue grandement. Il est parfaitement épaulé par Jim Broadbent (Any human heart) qui trouve le ton juste pour interpréter ce père dont la rationnalité glisse dans les méandres de la maladie d'Alzheimer. Olivia Colman (Rev, Twenty Twelve) joue une soeur qui offre un contre-poid crédible, tout autant qu'une belle complicité avec le personnage de Tom. A leurs côtés, on retrouve également John Paul Hurley, Claire Goose, Timothy West, Shaun Dooley ou encore Daryl Fishwick.

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Bilan : Exile est une mini-série à la fois troublante et prenante. Derrière ses atours de drame familial marqué par la maladie dont l'écriture est pleine d'authenticité, se dessine peu à peu un thriller psychologique intense, d'une violence émotionnelle qui sonne juste. Le passé est à la fois le trait d'union et de division de cette fiction, sur fond de dillution de la conscience et des souvenirs dans la maladie. Une oeuvre poignante. A découvrir.


NOTE : 7,75/10


Des bande-annonces de la mini-série :