08/05/2011
(UK) Doctor Who, season 6, episode 3 : The Curse of the Black Spot
Après la densité d'un retour placé sous le signe d'une mythologie omniprésente, Doctor Who retrouve dans ce troisième épisode de la saison un registre plus traditionnel : celui d'un thème central (le folklore apporté par l'univers des pirates) qui donne le ton de ces quarante minutes. Pour l'occasion, la série accueille une autre guest-star de luxe, puisqu'elle a cette fois recours aux services de Hugh Bonneville, tout en barbe, avec le tricorne fièrement vissé sur la tête.
Si l'épisode se révèle très calibré, doté d'une construction linéaire plus accessible que le précédent, ce qui apporte aussi une prévisibilité supplémentaire au déroulement l'aventure du jour, l'épisode n'en demeure pas moins grandement divertissant. En résumé, il propose une parenthèse et un moment de détente assumé dans un registre beaucoup moins ambitieux que l'ouverture de la saison.
Comme nombre des aventures de Doctor Who, celle-ci est initiée par les aléas techniques du Tardis dont les instruments détectent un signal de détresse émanant d'un navire particulier. En effet, il atterrit, avec ses occupants, en plein XVIIe siècle terrien, dans la soute du bâteau d'un célèbre pirate anglais, John Avery. Si l'accueil réservé à nos trois explorateurs n'est assurément pas des plus chaleureux, les quelques membres de l'équipage encore restant ont des préoccupations autrement plus pressantes et dramatiques.
En effet, le bâteau semble poursuivi par une malédiction qui s'empare un à un de tous les marins. A la moindre blessure d'une personne se trouvant sur le navire, une créature chantante surgit de l'eau et l'attire à elle pour l'éliminer en le faisant disparaître dans un nuage de fumée. Attirée par le sang des plus petites blessures, personne ne semble en mesure de lui résister. Avec le sentiment confus qu'il manque quelque chose à l'équation, le Docteur échafaude théorie sur théorie... mais la situation se complique de plus en plus pour nos trois amis qui risquent bien de partager le sort des infortunés pirates.
Steve Thompson permet ici à la série de renouer avec les épisodes à thème. En l'occurence, c'est sous le signe des pirates que se place cette aventure maritime mouvementée. Aucune image d'Epinal ne nous est épargnée, enchaînant avec un enthousiasme évident, tous les clichés et autres scènes clés du genre, du supplice de la planche aux trésors dorés et autres pierres brillantes qui constituent la raison d'être de l'équipage, et plus particulièrement du capitaine... Rien ne manque au tableau, pas même une sirène, tandis qu'Amy aura même le privilège d'endosser un costume folklorique qui lui sied si bien. C'est un évident hommage aux fictions de genre, à commencer par Pirates des Caraïbes dont la référence pointe jusque dans le titre de l'épisode.
Si cet univers ainsi mis en scène exerce un attrait dépaysant certain, l'ensemble demeure peut-être un peu trop calibré ; tous les ingrédients étaient légitimement attendus a priori, et finalement il y a assez peu de place à une touche d'improvisation. D'ailleurs, dans sa construction même, l'épisode suit un développement assez prévisible. Le rythme nous permet certes de s'attacher aux divers rebondissements, mais on ne peut pas le cataloguer comme aventure à suspense. Même le cadre de ce bâteau sombre assailli par cette créature étrange suscite simplement une tension minimale. Juste ce qu'il faut en somme, mais loin des pics de la semaine passée.
Par conséquent, tout en poursuivant l'idée d'offrir une parenthèse plus légère, l'épisode se révèle à la fois plutôt optimiste et aussi assez simpliste dans son traitement, comme l'illustre ce happy end éclatant pour nos pirates, ou bien également l'approche de la question de la paternité pour John Avery.
Pour ce qui est de nos personnages principaux, la dynamique est cependant très bien huilée et fonctionne, avec quelques réparties parfaitement ajustées et surtout une dose de second degré, notamment pour accueillir l'enchaînement des théories éronnées du Docteur, qui est la bienvenue. Le trio a trouvé son équilibre et on prend beaucoup de plaisir à les suivre. Certes, certains ressorts narratifs semblent avoir la prédilection de tous les scénaristes qui se succèdent, la mise en danger mortel de Rory (souvent) ou d'Amy provoque des réactions toujours un peu semblable au sein du couple, mais c'est inhérent au fait de voyager à trois et l'alchimie des personnages prend aisément le pas sur le reste.
Quant au Docteur, ce début de saison 6 me conforte dans mon appréciation d'Eleven. Il y a en lui un dualisme autrement plus marqué que chez ses prédécesseurs immédiats : derrière sa jovialité apparente mise en scène, il y a une autre facette plus secrète qui donne au personnage une dimension supplémentaire. Ses excès théâtraux enjoués ne masquent plus complètement l'ambivalence du personnage ; et c'est très intrigant.
Enfin, sur le plan mythologique, aucune avancée significative n'a lieu. Le fil rouge nous est rappelé à travers quelques petites scènes qui renvoient aux grandes lignes des questions soulevées par le double épisode d'introduction : de l'hallucination d'Amy, à sa (non?)grossesse, voire, bien entendu, cette épée de Damoclès qui pèse sur le Docteur avec sa mort "future" et le secret que Rory et Amy doivent conserver, tout y est pour assurer une minimum de continuité... en attendant donc la suite.
Bilan : Distrayant dans le bon sens du terme, ce troisième épisode renoue avec le divertissement familial, moins ambitieux et plus classique, loin de l'ambition mythologique de l'entrée en matière de la saison. L'ensemble est plaisant à suivre avec une thématique des pirates traitée de manière assez calibrée, mais dont l'ambiance est bien exploitée. A défaut de réel suspense, la dynamique entre les personnages continue d'être explorée et fonctionne parfaitement. De quoi reprendre un peu son souffle après la semaine dernière !
NOTE : 7/10
La bande-annonce de l'épisode :
11:18 Publié dans Doctor Who | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : bbc, doctor who, matt smith, karen gillan, arthur darvill, hugh bonneville | Facebook |
Commentaires
Je sais qu'on ne peut pas avoir toutes les semaines un épisode de la trempe du précédent (même s'il me faut être excessivement rationnelle pour le reconnaître), mais si cet épisode avait été au début de la 1e saison (enfin, la saison de Nine), j'aurais lâché la série. On lui pardonne parce qu'on sait que la série peut faire mieux et l'a déjà fait, mais cet épisode, c'est un véritable bouche-trou sans intérêt, je te trouve bien complaisante.
Heureusement, la semaine prochaine... the Ood !!!
Écrit par : lady, qui préfère Hugh dans Downton Abbey | 08/05/2011
Oh, et "Eleven. Il y a en lui un dualisme autrement plus marqué que chez ses prédécesseurs immédiats" ? On n'a pas dû voir le même Nine.
Écrit par : lady, qui a failli oublier | 08/05/2011
@ ladyteruki : C'est un épisode de transition nul ne le conteste ;) Après, j'ai toujours été très "complaisante" avec les épisodes de transitions ; et paradoxalement dans le cas présent, j'ajouterais même que je suis presque contente qu'il intervienne après le double épisode d'entrée en matière auquel on a eu droit. Au fond, même si je reviewe la série épisode par épisode, je garde le ressenti global que procure le visionnage d'ensemble. J'aime aussi me divertir ainsi le samedi soir, avec des personnages attachants. Il n'y a pas d'autres ambitions que de détendre et c'est certainement une baisse de qualité par rapport au premiere ; mais la saison est un tout, et il y a un équilibre à trouver.
Sinon, pour moi, Nine affichait d'emblée un côté plus sombre. C'est le Docteur le plus mature et peut-être le plus marqué qu'il m'ait été donné de voir (sous réserve de mes souvenirs flous de la saison 1, que je n'ai encore jamais revisionné ; tu as des souvenirs plus frais que moi). Eleven affiche une exubérance surjouée volontaire, une supposée innocence, qui n'existe pas. Il cache en revanche plus cette part sombre, qui est de toute façon inhérente au Docteur. D'où ma remarque sur le dualisme : Eleven va plus loin, parce qu'il joue sur une image de jeunesse impulsive qu'il entretient, et masque plus cet autre versant. Nine était plus franc, moins secret si j'ose dire.
(Un jour, je me ferais l'intégrale pour être en mesure de bien comparer, promis ! ;) )
Écrit par : Livia | 08/05/2011
Oh oui, Livia, fais-toi l'intégrale et offre-nous un billet génial dont tu as le secret, j'en bave !! :)
Écrit par : Cuné | 09/05/2011
Je suis assea d"accord avec toi Livia ! Ce n'est pas le meilleur épisode de Doctor Who, et il est forcément moins intense que les précédents, mais il est distrayant !
Et pour Nine, il était clairement plus brut de décoffrage, alors qu'Eleven est plus dissimulateur et manipulateur !
Écrit par : jainaxf | 09/05/2011
@ Cuné : Ca va être difficile vu mon emploi du temps des prochaines semaines, mais c'est certainement une des intégrales que je mets dans mes priorités ! D'autant que revoir avec le recul l'évolution au fil des saisons doit donner du relief et une dimension particulière à l'ensemble ! (Je crois qu'il faudra même plus qu'un seul billet ^_^ )
@ JainaXF : Oui, le choix de l'adjectif "manipulateur" pour décrire Eleven me semble approprié. Pour Nine, il était plus "franc" si j'ose dire dans son paraître.
Écrit par : Livia | 10/05/2011
Divertissant, ça résume bien cet épisode. C'est plaisant à suivre, mais j'ai quand même trouvé le scénario assez léger... même sans le comparer à celui du double premier épisode.
Écrit par : Eirian | 10/05/2011
C'était un des pires épisodes de doctor who ! Complètement prévisible, la résolution du mystère de la sirène était navrant : on dirait qu'il a pompé Moffat et l'épisode avec Mme de Pompadour. Par contre, le jeu des acteurs était bon et l'alchimie entre les membres du tardis est toujours aussi bonne... Un épisode à oublier, vivement Neil Gaiman !
Écrit par : kuma | 14/05/2011
@ Eirian : Scénario léger, c'est certain, et beaucoup moins d'ambition... Mais si la saison reste sur les bases du double premier épisode et du 4e, pour moi, ça me conviendra en guise de parenthèse ! ;)
@ kuma : Tu es vraiment dur avec l'épisode ! En un sens, je comprends ton point de vue, même si pour moi, on n'est cependant pas dans l'inverse du "pire épisode" de la série. C'est prévisible, mais ça rend l'ensemble divertissant et confortable.
Enfin, je peux parfaitement comprendre que ce manque d'ambition ait pu frustrer. Tu as dû plus apprécier le 4e épisode en tout cas ! ;)
Écrit par : Livia | 18/05/2011
"Sinon, pour moi, Nine affichait d'emblée un côté plus sombre. C'est le Docteur le plus mature et peut-être le plus marqué qu'il m'ait été donné de voir (sous réserve de mes souvenirs flous de la saison 1, que je n'ai encore jamais revisionné ; tu as des souvenirs plus frais que moi). Eleven affiche une exubérance surjouée volontaire, une supposée innocence, qui n'existe pas. Il cache en revanche plus cette part sombre, qui est de toute façon inhérente au Docteur. D'où ma remarque sur le dualisme : Eleven va plus loin, parce qu'il joue sur une image de jeunesse impulsive qu'il entretient, et masque plus cet autre versant. Nine était plus franc, moins secret si j'ose dire."
Nine, je ne l'ai jamais trouvé sombre. Triste et mélancolique peut-être, mais pas vraiment sombre.
La manière dont il laisse éclater sa joie à la fin du double épisode "Are you my mummy" (désolé, je ne me souviens plus du titre correct de l'épisode) en hurlant "today, nobody dies", c'est pas vraiment une attitude de personnage sombre.
Eleven est à mon sens un Doctor sinon beaucoup plus sombre, en tout cas beaucoup moins "humain".
Ca reflète sans doute aussi la personnalité des showrunners et l'absence de l'humanisme "gorgé de pathos" de Davies chez Moffatt.
Écrit par : Fred | 03/10/2011
"Ca reflète sans doute aussi la personnalité des showrunners et l'absence de l'humanisme "gorgé de pathos" de Davies chez Moffatt."
Je me suis replongée dans cette saison 6 avant de parvenir à écrire la review du season finale, et plus je l'ai visionnée, plus les différences d'approche entre les deux showrunners m'ont semblé flagrante. Le concept de Doctor Who permet des déclinaisons tellement différentes, qu'il laisse véritablement chacun s'exprimer pleinement, avec ses prédilections. Cette saison 6 aura véritablement scellé la prise de contrôle de Moffat, dans toute la construction de la saison. Elle n'a pas fait l'unanimité, mais je pense que c'est surtout dû au fait que certains ont oublié l'extrême souplesse de la série qui permet plus de liberté que bon nombre d'autres fictions pour offrir à chacun de ses showrunners de véritablement la réinventer.
Concernant les différents Docteurs, je crois que tu as mis le doigts sur ce qui me fascine chez Eleven. Peut-être le fait que cette part de Time Lord transparaît dans toute son ambivalence de manière plus prononcée.
Écrit par : Livia | 22/10/2011
"Je me suis replongée dans cette saison 6 avant de parvenir à écrire la review du season finale, et plus je l'ai visionnée, plus les différences d'approche entre les deux showrunners m'ont semblé flagrante. Le concept de Doctor Who permet des déclinaisons tellement différentes, qu'il laisse véritablement chacun s'exprimer pleinement, avec ses prédilections. Cette saison 6 aura véritablement scellé la prise de contrôle de Moffat, dans toute la construction de la saison. Elle n'a pas fait l'unanimité, mais je pense que c'est surtout dû au fait que certains ont oublié l'extrême souplesse de la série qui permet plus de liberté que bon nombre d'autres fictions pour offrir à chacun de ses showrunners de véritablement la réinventer."
Tout à fait.
En ce qui me concerne, il est tout à fait hors de propos de prétendre que telle vision est supérieure à telle autre.
J'ai beaucoup apprécié l'ère Davies, avec ses qualités et ses défauts et à présent, j'apprécie également beaucoup l'ère Moffatt, avec d'autres qualités et d'autres défauts.
Écrit par : Fred | 22/10/2011
Les commentaires sont fermés.