Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

16/11/2014

(J-Drama) Kanata no Ko : en quête d'expiation sur le Mt. Fuji

Kanatanoko_zps270bac08.jpg

Comment faire face au poids d'une responsabilité insoutenable ? C'est la difficile question qu'explore Kanata no Ko, une courte série japonaise de 4 épisodes, adaptation d'un roman de Kakuta Mitsuyo. Diffusée sur la chaîne payante WOWOW du 1er au 22 décembre 2013, sa transposition dans le petit écran a été confiée au réalisateur Omori Tatsushi, sur un scénario de Takahashi Izumi

Se déroulant sur les pentes du Mt. Fuji, ce drama entraîne le téléspectateur sur les sentiers tortueux et douloureux d'une expiation impossible. La fiction met en effet en scène plusieurs protagonistes qui ont provoqué -d'une façon ou d'une autre- l'irréparable, causant la mort d'un proche : un enfant, un ami, un être autrefois aimé... L'ascension du Mt. Fuji, symbole tout à la fois de fuite et de repentance, constitue le dépaysant fil rouge d'une œuvre aussi troublée que troublante. Au fil d'une randonnée qui prend des accents oniriques, la série revisite les parcours de ces figures brisées et les motifs qui les ont conduits à entreprendre cette randonnée.

vlcsnap-2014-11-13-21h53m03s198_zps2d972e4c.jpg

Kanata no Ko décline son thème central du pardon impossible par l'intermédiaire de plusieurs histoires personnelles. Elle adopte pour cela une narration atypique, qui exploite de manière assez particulière le format sériel. Ainsi, son premier et son quatrième épisode sont consacrés au même personnage, celui sur lequel s'ouvre la série : cette mère désemparée, courant dans les rues d'une ville en portant sa fille inanimée dans les bras. En revanche, les épisodes 2 et 3 peuvent presque être visionnés de manière indépendante, s'intéressant à deux autres protagonistes ayant eux-aussi un passé avec lequel il leur faut tenter de faire la paix.

Pour chacune des histoires relatées, le récit suit une même construction narrative. Il se déploie sur trois lignes temporelles différentes : d'une part, il y a l'ancrage dans le présent que constitue cette excursion sur le Mt. Fuji ; d'autre part, deux éclairages parallèles sur le passé du personnage sont proposés. Il s'agit d'essayer de comprendre sa vie et ce qui a pu conduire à l'événement tragique qui s'est produit, mais aussi parfois d'esquisser le si difficile "après" et l'incapacité de continuer à vivre qui en a résulté. La tendance du scénario à entremêler les lignes temporelles se révèle parfois déroutante, confrontant des scènes que le téléspectateur ne replace pas toujours immédiatement dans ces tableaux tragiquement humains que la série dévoile par petites touches. Pourtant derrière cet aspect un peu brouillon, patiemment, avec une lenteur assumée et une sobriété revendiquée, c'est une fiction ayant un cachet à part qui se construit sous nos yeux, une fiction dont on ne ressort pas indemne...

vlcsnap-2014-11-13-18h21m42s90_zpsc4fe3ea6.jpg

Kanata no Ko relate trois parcours distincts dans lesquels elle s'efforce d'impliquer le téléspectateur -avec plus ou moins de réussite. L'histoire principale est celle de Hitoko (épisodes 1 et 4). Elle traite d'une thématique double : d'abord, il s'agit d'explorer son enfance et la déchirure que représente l'abandon par sa mère, puis, à l'âge adulte, sa vie est l'occasion de rappeler la difficile situation dans laquelle se trouvent les mères célibataires au Japon (un thème qui avait été, souvenez-vous, brillamment traité quelques mois auparavant à la télévision japonaise dans Woman). Le premier temps est donc celui d'une innocence éphémère, avec un récit métaphorique troublant qui emprunte au folklore japonais ; le second, celui d'une descente aux enfers déchirante. Le deuxième épisode, sur le thème d'un amour hors de contrôle, est sans doute le moins abouti, devant beaucoup à l'interprétation très juste de Mitsushima Hikari (Woman). Quant au troisième, il évoque l'insouciance brisée par des jeux d'enfants ayant mal tourné.

Si Kanata no Ko est parfois inégale, ses fulgurances marquent durablement. La série a en effet l'art de capturer des instantanés de vie avec une authenticité rare. La réalisation y est pour beaucoup : offrant quelques plans magnifiques et sublimant certaines scènes du passé, la caméra sait aussi se montrer intimiste, filmant en retrait, sans intrusion, ces passages clés menant à l'irréparable. Omori Tatsushi apporte ainsi au drama de vrais instants de grâce, tout en accompagnant invariablement le téléspectateur vers la tragédie. La narration a le mérite de ne jamais accélérer, ni rechercher le moindre artifice, en menant au moment fatal. L'attente en devient aussi insoutenable que la scène du drame elle-même, la sobriété constante du récit restant une de ses forces majeures. Quant à la quête d'expiation -impossible- sur le Mt. Fuji, elle confère à la série des accents oniriques, aux confins du réel, qui déroutent et achèvent de donner à l'ensemble une dimension à part. Car, à l'image de son thème musical principal (cf. la vidéo ci-dessous), Kanata no Ko est une fiction hantée... à plus d'un titre.

vlcsnap-2014-11-12-20h47m14s125_zpsfd151174.jpg
vlcsnap-2014-11-12-20h21m22s219_zps9bc94428.jpg
KanataNoKo-MtFuji7_zpsf11b53ae.jpg

Au final, Kanata no Ko apparaît comme une œuvre brute, caractérisée par des fulgurances marquantes et la capture d'instantanés à la justesse troublante. Les inégalités qui amoindrissent parfois le récit elliptique mis en scène sont contrebalancées par une réalisation soignée qui, notamment dans les flashbacks, a l'art de sublimer certains passages. Kanata no Ko mise ainsi souvent plus sur le ressenti et la décharge émotionnelle qu'elle va susciter. Dans ce registre de l'expiation impossible, elle n'a sans doute pas l'intensité dérangeante de Shokuzai, dont elle sera logiquement rapprochée (les deux séries proviennent d'ailleurs toutes deux de la même chaîne), mais elle est une fiction dramatique éprouvante qui hantera durablement le téléspectateur. Il s'agit par conséquent d'un drama japonais intéressant qui ne saurait laisser insensible et mérite la curiosité.


NOTE : 7/10


Le thème musical principal de la série, par Mono :

05/10/2014

(J-Drama / SP) Umoreru : Lanceur d'alerte... et après ?

vlcsnap-2014-10-04-17h24m34s221_zpsd32a96fc.jpg

Le 'lanceur d'alerte' trouve un écho particulier dans l'actualité de ces dernières années. C'est par définition une figure qui interpelle et ne laisse personne indifférent. Héros pour les uns, traître pour d'autres, il a mené un combat pour exposer une vérité au grand jour et faire cesser des agissements qui, à ses yeux, compromettaient l'intérêt de tous. Action menée avec plus ou moins de succès. Les récits sur le sujet s'arrêtent souvent à ce moment-là, sur cette fin qui n'en est pas vraiment une. Mais, se demanderont les plus curieux, une fois la tempête médiatique retombée, que devient celui par qui les révélations sont arrivées ? C'est sur cette question particulière de l'après, sans s’appesantir sur les dilemmes éthiques qui ont conduit le protagoniste principal à faire ses choix, que revient Umoreru, un tanpatsu qui a été diffusé le 16 mars 2014 sur la chaîne japonaise payante WOWOW. L'occasion d'un billet dominical asiatique.

vlcsnap-2014-10-04-17h20m40s179_zps342b168b.jpg

Umoreru suit le parcours introspectif de Kitami, ancien cadre dans l'industrie agro-alimentaire, ayant informé des journalistes de pratiques illégales au sein de sa société. Le récit prend immédiatement à rebours celui qui attendrait la célébration d'un redresseur de torts et une vérité triomphante. Il est au contraire chargé d'incompréhensions, d'amertume, de regrets et d'interrogations, lesquels sont partagés avec un téléspectateur invité à la réflexion aux côtés de ce personnage principal en plein doute. Car le résultat de la mise en accusation médiatique n'a guère été probant : des dirigeants s'excusant jamais inquiétés réellement, 120 employés de la société sous-traitante sacrifiés comme boucs-émissaires, et un ami proche l'ayant aidé lui-aussi remercié... Poussé à la démission, Kitami doit faire face à des conséquences et un prix à payer qu'il n'avait jamais envisagés. Il pensait au droit du consommateur anonyme et voilà que, bien plus concrètement, sa fille est persécutée à l'école par des camarades lui reprochant l'attitude de son père. Sa famille éclate dans les mois qui suivent. C'est finalement un jeune divorcé que l'on suit, quittant Tokyo et toutes ces turbulences, pour un emploi à temps-partiel dans la mairie de sa petite ville d'origine.

Umoreru s'articule autour d'une confrontation permanente entre les valeurs (de justice, de vérité) auxquelles Kitami se veut fidèle et le poids d'un conformisme rigide prôné par une société qui encourage à se fondre dans la masse et à ne pas se détacher du groupe (au travail, comme ailleurs). La fiction interroge sur le corporatisme, sur ses limites éventuelles, mais aussi sur l'impact que l'on peut avoir en agissant de l'intérieur d'une institution... Il faut dire que l'exil de Kitami n'a pas l'effet escompté, puisque son nouveau cadre de vie soulève des dilemmes pas si différents de ceux de la capitale : le fonctionnement de la mairie dans laquelle il échoue se révèle en effet loin d'être exempt de reproches. Les deux premiers tiers du tanpatsu retranscrivent donc, avec une certaine finesse et une ambivalence bien dosée, tous les doutes qui jalonnent la trajectoire personnelle d'un personnage chez qui tous ces événements produisent une logique remise en cause. Loin de toute évidence héroïque et de toute lecture manichéenne, l'angle choisi encourage au contraire la réflexion. Cependant, Umoreru ne parvient pas à maintenir son juste dosage jusqu'à la fin. Il dévie de la problématique initialement posée quand il se rapproche de sa conclusion, réduisant soudain ses enjeux à une quête de la vérité qui s'est greffée au fil du récit dans la vie personnelle de Kitami. Les ultimes tournants amoindrissent quelque peu la portée d'un ensemble dont les nuances avaient été jusqu'alors préservées.

vlcsnap-2014-10-04-18h59m04s64_zps403d8753.jpg
vlcsnap-2014-10-04-20h14m21s200_zpsb1e8ced7.jpg

Doté d'une réalisation soignée, Umoreru reste un tanpatsu intéressant à plus d'un titre, interrogeant notamment sur les arbitrages difficiles entre intérêts général, collectif et personnel. De plus, par son traitement même d'un tel sujet et les choix que le scénario fait, il apparaît aussi comme un révélateur assez marquant des mécanismes sociaux et du poids du conformisme dans ce cadre japonais qui est le sien. Cet unitaire, à sa manière, encourage également à maintenir une certaine distance critique avec l'ensemble, avec un téléspectateur impliqué au plus près des réflexions du protagoniste principal.

En résumé, une curiosité du petit écran japonais à plus d'un titre, et qui dure moins de deux heures. Avis aux amateurs.


NOTE : 7/10

23/02/2014

(J-Drama) Pan to Supu to Neko Biyori (Bread and Soup and Cat Weather) : une fiction emplie d'une chaleur humaine communicative


pantosupu0_zps633552b1.jpg

Pour finir le week-end, un peu de réconfort : direction le Japon afin de revenir sur une série qui constitue une véritable petite bulle d'air frais dans les programmations télévisuelles. C'est une de ces fictions, pleine de chaleur, qui prend son temps et met du baume au cœur. Pan to Supu to Neko Biyori (Bread and Soup and Cat Weather) a en effet été un de mes visionnages coups de cœur de ces derniers mois. Il était donc grand temps que j'écrive quelques mots dessus.

Diffusé par la chaîne câblée WOWOW (qui se situe ici loin de son classique registre sombre "politico-médiatico-policier" de prédilection), du 21 juillet au 11 août 2013, ce drama est très court : il ne compte en effet que quatre épisodes de 50 minutes chacun. Il s'agit de l'adaptation d'un roman du même nom de Mure Yoko. La réalisation a été confiée à la cinéaste Matsumoto Kana. Et le travail de cette dernière est à saluer, car Pan to Supu to Neko Biyori est une expérience aussi bien visuelle que narrative. Il offre une invitation empreinte de calme et d'une certaine nostalgie à la culture japonaise. 

pantosupub_zps9cde3d6d.jpg

Pan to Supu to Neko Biyori raconte le parcours d'Akiko et de tout un ensemble de personnages gravitant autour d'elle. Lorsque le drama débute, elle travaille pour une maison d'édition, aimant prendre part à la création de livres. De son côté, sa mère tient un restaurant, avec une ambiance qui lui est propre, dans une petite rue passante. Mais un jour, la mère d'Akiko décède brusquement. Akiko hérite alors du restaurant. Au même moment, une restructuration dans son entreprise l'éloigne du contact quotidien des écrivains.

Même si elle a déjà une carrière bien avancée, Akiko décide de quitter son travail et de reprendre le restaurant maternel. Dans ce nouvel établissement ainsi ouvert, elle choisit de ne servir que deux types de plats : des sandwichs et des soupes. Pour l'aider, elle se trouve vite une assistante dont la façon de fonctionner correspond à l'atmosphère qu'elle veut insuffler dans ce petit espace. Akiko tente peu à peu de trouver son style, mais aussi de se positionner par rapport à sa mère, et à la relation parfois compliquée qu'elles ont pu avoir sur laquelle elle réfléchit toujours...

pantosupuq_zps4da0d09c.jpg

Pan to Supu to Neko Biyori est un drama à part. C'est une fiction d'ambiance, assez contemplative, qui nous introduit dans les existences d'une poignée de personnages s'interrogeant sur leur vie, les choix qu'ils ont fait et ceux qu'ils leur restent à faire. L'intrigue y apparaît minimaliste : elle est faite d'instantanés du quotidien, de petites anecdotes inattendues et de rencontres. Le récit prend volontairement son temps, capturant les détails d'une scène et l'ensemble des échanges qui peuvent en résulter. Si le téléspectateur se laisse happer par cette narration particulière qui déjoue tout sensationnalisme et s'affranchit du format sériel un peu à la manière d'un Going My Home il y a deux ans, c'est parce que Pan to Supu to Neko Biyori sait lui parler, l'impliquer et le toucher. Le drama brasse en effet, avec pudeur et subtilité, des thèmes universels, cherchant à éclairer la manière dont chaque individu se construit peu à peu, et comment il appréhende, au fil de sa vie, l'empreinte laissée par la famille et le passé. Une de ses interrogations constante est notamment celle de la part d'héritage que chacun est prêt à accepter.

Par-delà la suite d'introspections personnelles dans laquelle la série nous glisse, c'est le relationnel qui reste au cœur de l'histoire. Rarement une fiction aura pris soin de cultiver une chaleur humaine communicative comme peut le réussir Pan to Supu to Neko Biyori. Il y a quelque chose de profondément réconfortant qui émane de ce drama. Ce dernier s'emploie à renouer des liens, notamment ceux distendus du passé, tout en étant aussi une invitation à s'ouvrir à de nouvelles connaissances. Le restaurant joue dans ce registre de socialisation un rôle clé : il apparaît à la fois comme un lieu de rencontres et un espace de travail. A partir de ce parti pris, le scénario se bâtit sur des conversations qui prennent souvent une tournure intime : il s'agit de mieux connaître l'autre, mais aussi d'apprendre à se connaître. Pour parachever la tonalité particulière, l'ensemble se développe suivant un fil culinaire que ne renierait aucun food drama. L'attention réservée au contenu des repas confirme à quel point cette série joue sur le ressenti du téléspectateur, pour lui offrir une incursion lente et posée dans un petit bout de société japonaise.

pantosupuz_zps8fdb869b.jpg

Pan to Supu to Neko Biyori mise beaucoup sur sa faculté à toucher le téléspectateur. Si la série y parvient aussi efficacement, elle le doit également au style formel adopté. La réalisation est en effet particulièrement réussie : la caméra se réapproprie pleinement l'espace, maîtrisant très bien les plans larges et offrant aussi quelques jolis instantanés esthétiques de scènes du quotidien. Le récit respire une chaleur humaine qui est renforcée par une photographie soignée dans laquelle domine les teintes claires et les couleurs chaudes. Le tout est en plus accompagné par une bande-son discrète, mais parfaitement dosée, d'où ressortent notamment les chansons accompagnant les génériques de fin. Tout concourt donc à cultiver une ambiance très particulière qui laisse difficilement indifférent.

Enfin, Pan to Supu to Neko Biyori peut aussi s'appuyer sur un casting solide qui est au diapason de la tonalité recherchée. Il s'agit avant tout de faire ressortir la spontanéité, l'humanité, mais aussi la vulnérabilité de ces personnes qui s'interrogent, se cherchent - et finissent par se trouver en prenant des décisions. C'est Kobayashi Satomi (Don Quixote) qui interprète, avec une justesse jamais prise en défaut, Akiko. A ses côtés, on retrouve Kana, qui joue son assistante, Mitsuishi Ken (Lady Joker, Henshin Interviewer no Yuuutsu), Shiomi Sansei (Rondo, BOSS), Minami, Ichikawa Miwako (Mother, Kumo no Kaidan), Kase Ryo (Camouflage), Motai Masako (My Boss, My Hero) et Kishi Keiko (99-nen no Ai ~ Japanese Americans). Tous ces acteurs forment un casting homogène qui donne une assise solide au récit.

pantosupuc_zps46e8a8d5.jpg
pantosupuj_zpsf81b1e7c.jpg
pantosupup_zpsbcd4a9c5.jpg
pantosupug_zps03da1da6.jpg

Bilan : Fiction calme, emplie de chaleur humaine, Pan to Supu to Neko Biyori est un drama qui s'affranchit en partie des contraintes calibrées du format sériel. Doté d'une écriture simple et pudique, il nous introduit avec sobriété dans le quotidien de différents protagonistes. Par sa façon de chérir les relations humaines et de s'interroger sur l'héritage que chacun doit au passé, il est une forme de retour aux sources, tout autant qu'une invitation à s'accomplir personnellement. S'il nous glisse dans un pan de culture japonaise, les questionnements existentiels qu'il fait partager, sur les choix à faire et la manière dont chacun peut trouver sa place, ont une résonance universelle qui interpellera tout téléspectateur. D'autant plus que, par-delà son sujet, la série se démarque par l'ambiance très particulière qu'elle parvient à installer.

En résumé, c'est un mets sériephile japonais à part, mais que je conseille de consommer sans modération.


NOTE : 8,25/10


L'ultime générique (chorégraphié) concluant la série (qui confirme le côté un peu "à part" du drama) :

04/09/2013

(J-Drama / Pilote) Lady Joker : kidnapping et extorsion d'industriel

ladyjoker0_zpsc03f99df.jpg

Retour au Japon en ce mercredi asiatique. Aujourd'hui, évoquons une série pour laquelle j'avais croisé les doigts tout le printemps en espérant la sortie éventuelle de sous-titres. C'est finalement dans le courant du mois d'août dernier que quelqu'un s'est lancé dans le projet de fansub. Il est encore loin d'être achevé mais, face aux fictions qui aiguisent ma curiosité, vous le savez bien, je n'ai aucune patience. Je n'ai donc pas résisté à jeter un œil aux premiers épisodes, quitte à attendre un peu pour pouvoir découvrir la suite.

Diffusé sur WOWOW, du 3 mars au 14 avril 2013, les dimanche soirs, Lady Joker est un renzoku composé de 7 épisodes. Il s'agit de l'adaptation d'un roman de Kaoru Takamura (publié de 1995 à 1997 dans l'hebdomadaire Sunday Mainichi). Elle peut être considérée comme la suite indépendante d'un drama datant de 2010 : Marks no Yama, un polar efficace qui avait été proposé sur la même chaîne du câble. Lady Joker partage avec cette précédente série son protagoniste policier principal, le détective Goda. Elle a cependant une histoire plus dense, d'une ampleur qui dépasse la seule enquête policière. C'est une fiction riche, et ses débuts sont prometteurs...

[La review qui suit a été rédigée après le visionnage des trois premiers épisodes.]

ladyjokerc_zps773d29f6.jpg

Le groupe Hinode est une grande et puissante entreprise, leader national incontournable dans le marché de la bière. Son président, Shiroyama Kyosuke, reçoit un jour un CD audio qui accuse son groupe de discrimination. Tout en faisant référence à une affaire des années 50, ce document a été envoyé par le père d'un candidat aux origines Burakumin récemment rejeté lors des entretiens d'embauche et mort peu de temps après dans un accident de la circulation. Or, ce jeune homme fréquentait aussi la nièce de l'industriel, laquelle avait été invitée par sa famille à cesser de le voir en raison de la classe sociale dont ce prétendant était issu. Le scandale potentiel attise les convoitises de gens peu scrupuleux, y voyant un levier d'extorsion.

Dans le même temps, cinq individus s'étant connus dans les couloirs des hippodromes, et dont l'un d'eux est un proche de la famille du jeune homme décédé, imaginent un plan pour faire payer un de ces grands groupes qui se croient au-dessus des lois. Ils prennent comme cible Hinode. Ces amateurs de paris hippiques sont tous issus de milieux différents, et l'on trouve même parmi eux un policier. Cela leur donne un avantage non négligeable face aux autorités. Ils organisent le kidnapping du PDG de l'entreprise, puis le relâchent en réclamant 600 millions de yens. Le groupe, signant sous le nom de Lady Joker, espère poursuivre une extorsion autrement plus profitable en traitant directement avec Shiroyama. C'est la survie même de Hinode qui est en jeu, mais, respectant les consignes de leurs maîtres-chanteurs, la direction laisse la police dans le flou de la réalité de leurs intentions...

ladyjokerp_zpsa8227c38.jpg

S'inspirant librement de l'affaire Glico Morinaga, restée non résolue dans les années 80, Lady Joker est une œuvre chorale loin de se cantonner à une simple fiction d'enquête. Dès le premier épisode, la série pose les jalons d'un vaste engrenage, complexe et ambitieux, et le principal défi du scénariste va être de parvenir à maîtriser toute cette ampleur narrative. La multiplicité des intervenants permet la présentation de l'intrigue sous tous les angles, ne se limitant pas au seul point de vue policier. Il faut dire que Lady Joker rassemble, dans son ADN, les ingrédients du drama-type qu'affectionne particulièrement la chaîne WOWOW : elle plonge le téléspectateur dans ces milieux décisionnaires où se croisent les concurrents du monde des affaires et les représentants du pouvoir étatique et du contre-pouvoir médiatique. Tout en évoquant les arrangements de l'ombre qui font perdurer ce système, la série va dans le même temps jeter un éclairage particulier sur les laissés-pour-compte de cette société.

Car, avant tout chose, Lady Joker est une histoire de revanche, celle des faibles contre les puissants. Ceux qui s'associent pour penser et mettre au point l'entreprise d'extorsion contre Hinode se situent en effet tous un peu en marge. Ils sont désabusés pour certains, en colère pour d'autres, à l'image de ce détective sans perspective de carrière dans l'institution policière, et qui va employer sa connaissance des procédures - et sa participation directe à l'enquête - pour prendre de vitesse les autorités. Après le kidnapping initial, c'est une entreprise de chantage d'envergure qui s'organise, visant à faire trembler les fondations mêmes d'Hinode. Un jeu des manipulations s'installe, dans lequel le groupe se faisant prénommer Lady Joker tire les ficelles contre l'industriel et la police qu'elle place en porte-à-faux en faisant en sorte qu'ils ne collaborent pas. Chacun va devoir effectuer des choix difficiles. Le récit retient d'autant plus l'attention qu'il est loin d'être manichéen, et forme un ensemble complexe et intriguant. A noter cependant que le scénario doit se méfier de sa densité : voulant utiliser des intervenants nombreux, il a parfois tendance à s'éparpiller. Le rythme de narration et la tension s'en ressentent alors.

ladyjokerd_zpsfbf6052d.jpg

Sur la forme, Lady Joker est un drama satisfaisant : il bénéficie de la qualité globale de réalisation que l'on retrouve généralement sur la chaîne WOWOW, laquelle place ses séries visuellement au-dessus de la moyenne des fictions télévisées japonaises. La bande-son est aussi assez caractéristique, avec une tendance aux grandes envolées lyriques lors des passages de tension qui constitue une habitude que je n'ai jamais particulièrement appréciée. Le drama n'en abuse cependant pas. Le résultat donne donc une fiction solide formellement.

Côté casting, on retrouve logiquement dans Lady Joker une partie de la distribution de Marks no Yama. Kamikawa Takaya reprend son rôle de détective, dans un registre auquel il semble abonné sur WOWOW depuis le tanpatsu Lupin no Shosoku. Il est notamment épaulé par Ishiguro Ken, procureur et ami fidèle du policier, déjà présent dans Marks no Yama. Face à eux, Shibata Kyohei (dont vous vous souvenez forcément dans le brillant Hagetaka) interprète le président de Hinode qui s'efforce de sauver sa compagnie en ne collaborant que partiellement avec la police. Côté kidnappeurs, on croise Toyohara Kosuke (Tetsu no Hone), tête pensante du plan d'escroquerie, Izumiya Shigeru (Control ~ Hanzai Shinri Sousa), Itao Itsuji (Platinum Town), Kaneko Nobuaki (Ohisama) et Takahashi Tsutomu (Soratobu Kouhoushitsu). Enfin, Yamamoto Koji (Karei Naru Ichizoku, Mother, Pandora, Towa no Izumi) incarne un journaliste qui entend mener sa propre enquête de son côté pour démêler les fils de cette complexe histoire.

ladyjokern_zps9a0d8331.jpg
ladyjokerl_zpscf1d1061.jpgladyjokerh_zps7e1034bc.jpg

Bilan : Mettant en scène le kidnapping, puis l'extorsion d'un groupe industriel, Lady Joker est un drama très dense (parfois trop) qui mène son intrigue en ne négligeant aucun point de vue, qu'il s'agisse de celui des malfaiteurs, de l'entreprise attaquée, de la police ou encore des médias. Loin de toute approche manichéenne, le récit est manifestement ambitieux. Il réussit aisément à intriguer le téléspectateur qui, à défaut de s'investir vraiment humainement dans les destinées de chacun, s'interroge sur l'escalade et l'engrenage vers lesquels les plans de chacun conduisent. Il reste à savoir si Lady Joker maîtrisera sa densité dans la durée, et orchestrera ces oppositions avec l'intensité attendue, mais après trois épisodes, l'ensemble apparaît prometteur. A suivre.


NOTE : 7,5/10

26/06/2013

(J-Drama) Tsumi to Batsu : est-il possible de s'arroger le droit de tuer ?

tsumitobatsu0_zpse20b2cad.jpg

En ce mercredi asiatique, restons au Japon. Je vous propose de revenir sur ce qui semble devoir être le thème marquant de mon printemps sériephile : se glisser dans la tête d'un tueur. C'est-à-dire qu'il ne s'agit pas seulement d'être témoin de crimes ou de suivre une enquête, mais bien d'apprendre à connaître au quotidien, tout au long d'une série, un personnage principal ayant commis ou s'apprêtant à commettre un (ou des) meurtre(s). Dexter est passé par là, mais il y aurait sans doute tout un article à écrire (c'est d'ailleurs un de mes projets qui verra peut-être le jour) sur la façon de jouer sur cette intimité pour susciter le malaise. The Fall en Angleterre et Hannibal aux Etats-Unis ont décliné ce thème d'une façon qui leur est propre, c'est également le cas de la série japonaise sur laquelle je vais revenir aujourd'hui.

Tsumi to Batsu : A Falsified Romance est un renzoku de 6 épisodes qui a été diffusé du 29 avril au 3 juin 2012 sur la chaîne câblée WOWOW. 'Tsumi to Batsu' signifie littéralement 'Crime et Châtiment'. Il s'agit d'une adaptation d'un manga éponyme d'Ochiai Naoyuki, lui-même se réappropriant les thèmes d'un classique de la littérature russe, 'Crime et Châtiment' de Fiodor Dostoïevski. Par la noirceur des sujets mis en scène, Tsumi to Batsu s'inscrit dans la droite lignée d'une autre série proposée l'an passé sur WOWOW, Shokuzai (sortie au cinéma en France il y a quelques semaines). Marquante par l'approche directe avec laquelle elle traite ces thématiques, Tsumi to Batsu n'atteint cependant pas le rang d'incontournable de sa prédécesseur. Elle n'en reste pas moins un visionnage recommandé pour plusieurs raisons.

[La critique qui suit contient des spoilers sur le déroulement de l'intrigue.]

tsumitobatsuf_zps8f9cdfba.jpg

Tachi Miroku est un jeune homme, asocial et renfermé, qui rêve de devenir écrivain. Il a été profondément marqué par le suicide de son père dans sa jeunesse. Sa mère et sa soeur l'ont toujours couvé depuis, nourrissant d'importantes ambitions pour son futur. Mais après avoir été envoyé poursuivre ses études en ville, Miroku cesse rapidement d'assister aux cours de l'université. Il réussit à faire publier une première nouvelle, dont il reste insatisfait : en transposant à l'écrit les principes fantasmés d'un tueur dans son bon droit, c'est une oeuvre déconnectée de la réalité, formellement irréprochable, mais trop artificielle sur le fond pour toucher.

Un jour, Miroku est accosté par une jeune lycéenne, Risa, qui fait du racolage dans la rue. Un peu plus tard, il la recroise à un café. Il découvre alors qu'elle appartient à un groupe de lycéennes se prostituant, géré d'une main de fer par l'une d'entre elles, Baba Hikaru. Cette dernière a des liens avec un groupe de yakuza, leur remettant une partie des sommes gagnées par ces activités. Face à cette adolescente glaçante, Miroku songe à son livre, à l'idéal de tueur qu'il y avait décrit. Il décide de plannifier le meurtre de Hikaru. Mais les évènements ne vont pas se dérouler comme prévu... D'autant qu'une fois l'irréversible commis, le jeune homme peut-il vraiment rester ce tueur détaché qu'il fantasme ?

tsumitobatsuc_zps48946b3b.jpg

La première chose qui marque devant Tsumi to Batsu est l'extrême noirceur ambiante, à la fois troublante et malsaine. La série entraîne le téléspectateur dans les pires recoins de la nature humaine, avec un récit empreint d'un pessimisme pesant dont les manifestations vont être parfois très éprouvantes à visionner. Si l'histoire tourne autour de l'évolution de Miroku et des choix qu'il va faire, le meurtre n'est pas le seul thème glaçant de l'intrigue, puisque seront abordés et mis en scène, au cours des six épisodes, la prostitution, le proxénétisme, le viol ou encore le suicide... Le drama est d'autant plus marquant qu'il ne se limite à du simple suggestif, profitant de sa diffusion sur une chaîne câblée : outre les violences sexuelles filmées, c'est la mise en scène des meurtres de Miroku qui hante durablement le téléspectateur. L'inexpérience et la tension du moment troublent ses actes : la maladresse pleine de détermination avec laquelle le couteau s'abat, méthodiquement, par trois fois, sur l'adolescente qu'est Hikaru, avant qu'elle ne perde conscience, sont des images d'une force brute presque insoutenable. L'irréversible se réalise soudain, difficilement, et la réalité se change en horreur très concrète quittant le champ des seules idées.

Cependant, ce n'est pas juste par ces faits que Tsumi to Batsu marque, c'est aussi par l'approche psychologique  que le drama propose de son personnage central. Il nous glisse dans l'esprit troublé de Miroku, tentant (vainement) d'expliquer l'inexplicable raisonnement qui le conduit à tuer. Emmuré dans une colère irrationnelle face à des proches trop présents qui se sont obstinés à dépeindre en modèle un père qui a pourtant failli en tout auprès de sa famille, le jeune homme est animé d'une rage et d'une volonté d'émancipation qui l'entraînent dans des fantasmes dangereux. Se rêver écrivain, cela lui permet d'apposer sur le papier ses réflexions, de mettre en mots ses obsessions qui sont les reflets de ses propres ambitions : l'idée de séparer les faibles, les nuisibles, des supérieurs qui sont capables de prendre et d'assumer de légitimes décisions qui impliquent prendre une vie. Si bien que, quand il rencontre Hikaru, jeune femme à la cruauté froide et inaccessible, il veut la réduire au silence. Tuer cette lycéenne proxénète, c'est prendre le dessus sur elle, l'écraser et se prouver quelque chose à lui-même dans la logique tourmentée et paradoxale qui est la sienne : Miroku souffre d'un complexe d'infériorité, tout en aspirant à une supériorité, notamment morale, grâce à laquelle il entend se détacher du commun des mortels.

Or, le plan de Miroku dérape quand une autre adolescente surgit sur les lieux où il vient de tuer Hikaru : Risa, innocente égarée et trop confiante, méprend ses motivations et en paiera le prix de sa vie. Suite à ces actes, Tsumi to Batsu s'intéresse à la manière dont ils vont affecter le jeune tueur. Car Miroku découvre après coup qu'il n'est pas ce prédateur fantasmé vers lequel il souhaitait tendre, et la mort de Risa le hante. L'introduction d'un nouveau personnage, Echika, une autre âme écorchée et brisée mais qui s'accroche, va provoquer une évolution. L'étrange relation qui se développe entre les deux est assurément inclassable. Elle aboutit à des échanges contradictoires, ambivalents, d'une rare intensité, esquissant des réflexions sur la dépendance et la solitude, sur le bonheur et le sacrifice fait en conscience pour blesser, sur l'amour et la violence légitime... Dans cette dernière partie, le drama sonne toujours aussi désespéré, mais après la dérive, vient le temps pour Miroku de faire face. La repentance implique d'expier ce qui a été commis. Poussé par Echika, il substitue, à son ancien idéal de supériorité détachée, une quête vers cette humanité qui lui fait tant défaut dans l'esprit troublé qui est le sien. Mesurer cette absence sera sa prise de conscience personnelle des actes qu'il a commis, venant ainsi conclure six épisodes de progressions et d'interrogations très éprouvants.

tsumitobatsuh_zpsabd6c013.jpg

Sur la forme, Tsumi to Batsu est un drama au-dessus de la moyenne dans le petit écran japonais : on y retrouve le soin généralement apporté aux séries proposées par WOWOW. La photographie reste dans l'ensemble volontairement froide, avec une réalisation qui est de très correcte facture. La bande-son n'est pas trop envahissante, avec certains passages dans lesquels transparaît musicalement la solennité propre au sujet. Cette ambiance musicale reflète assez bien la tonalité du récit, à l'image de la chanson qui vient conclure les épisodes est 'Mabushii Asa' du groupe Merengue (cf. la vidéo ci-dessous pour une écoute).

Enfin, Tsumi to Batsu bénéficie d'un casting qui saura trouver le ton juste pour porter à l'écran ces personnages et ces thèmes durs et complexes. Le rôle de Tachi Miroku est confié à Kora Kengo (Shotenin Michiru no Mi no Uebanashi), qui semble destiné à devoir incarner ces figures de tueur poussé à bout : souvenez-vous de son rôle dans Marks no Yama également sur WOWOW, dans Tsumi to Batsu, il reste dans un registre finalement pas si éloigné. A ses côtés, on retrouve Mizukawa Asami (Nodame Cantabile, Last Friends, Gou), une jeune femme qui va, par ses propres tragédies, réussir à atteindre Miroku. Baba Hikaru est interprétée par Hashimoto Ai (Hatsukoi). On retrouve également Ibu Masato (Koshonin, Rinjo, Last Money ~Ai no Nedan~), Sometani Shota (Hei no Naka no Chuugakkou, Gou, xxxHOLiC) ou encore Tanaka Tetsushi (Yakou Kanransha).

tsumitobatsuz_zps3aa3e8b4.jpg
tsumitobatsuz2_zps2601fb8f.jpg
tsumitobatsuy_zps738234f1.jpg

Bilan : Fiction extrêmement sombre, Tsumi to Batsu est un drama très dense et éprouvant à visionner, dont la façon brute et directe d'aborder des thèmes difficiles marque durablement. C'est un récit entièrement dédié à son personnage central : il ne s'agit pas seulement d'en suivre les actions, mais aussi de nous glisser dans son esprit. Au fil de ses réflexions et de la progression que Miroku connaît, une confusion ambiante difficile à appréhender ressort, pouvant dérouter le téléspectateur : elle n'est que le reflet des propres troubles du jeune tueur. Faire le choix de privilégier une telle approche psychologique était en soi un défi complexe, et Tsumi to Batsu n'évite pas quelques écueils. La narration manque aussi parfois de consistance dans sa façon de relier ses diverses storylines éclatées autour de sa figure principale. L'ambition n'en reste pas moins manifeste : cette expérience, même si elle n'est pas exempte de limites, mérite le coup d'oeil, et se démarque dans le petit écran japonais.


NOTE : 7,5/10


Le clip de la chanson qui conclut chaque épisode (
'Mabushii Asa', par Merengue) :