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17/02/2013

(Mini-série IRL) Prosperity (Prospérité) : chroniques humaines désillusionnées

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Au cours de ses balades européennes, My Télé is Rich! a eu l'occasion de poser ses valises dans de nombreux pays. Mais voilà plusieurs années que le blog n'était plus revenu en Irlande : depuis une review de la saison 1 d'une série qui demeure d'ailleurs la valeur irlandaise sûre actuelle, Love/Hate (il faudra un jour que je vous parle des saisons suivantes). Trois ans avant Love/Hate, RTÉ avait diffusé en septembre 2007 une mini-série d'un tout autre genre, Prosperity. Créée par Mark O'Halloran (à qui l'on doit notamment le film Adam & Paul, qui partage un personnage avec la série), et réalisée par Lenny Abrahamson, cette fiction comporte en tout 4 épisodes d'une cinquantaine de minutes chacun. Nommée en 2008 aux IFTA (Irish Film and Television Awards) où elle remporta deux prix, Prosperity est en ce mois de février 2013 diffusée sur Eurochannel. Comme toujours, le service de VOD de la chaîne (rendez-vous sur son site internet) devrait permettre aux curieux ne l'ayant pas sur leur télévision de tester par eux-mêmes cette série qui, par son sujet, trouve un écho très actuel.

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Proposant une suite de chroniques humaines, Prosperity adopte le format d'une anthologie, à la manière d'un Redfern Now par exemple en Australie l'automne dernier. Au cours de ces quatre épisodes, elle va nous raconter la journée de personnages très différents, qui n'ont rien en commun si ce n'est le fait qu'ils peuvent être amenés à se croiser dans leur quotidien.

Le premier épisode nous permet ainsi de faire la connaissance de Stacey, une adolescente de 17 ans, mère de famille. Venant d'un milieu défavorisé, elle vit actuellement dans un Bed & Breakfast faisant office de refuge d'urgence vers lequel les services sociaux l'ont orientée. A chaque épisode, de nouvelles thématiques seront abordées dans les portraits dressés : le deuxième épisode s'intéresse à Gavin, un adolescent de 14 ans souffrant de bégaiement en manque terrible de repères ; le troisième s'arrête sur Georgie, un père de famille d'une quarantaine d'année, au chômage, revenu vivre chez sa mère ; enfin, le dernier épisode met en lumière Pala, une jeune femme d'origine nigériane qui tente de survivre tout en espérant faire venir un jour son fils, resté au pays, en Irlande.

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Diffusée en 2007 avec pour ambition d'éclairer l'envers du miracle économique irlandais d'alors et son lot de laissés-pour-compte, Prosperity trouve aussi une résonnance particulière dans le contexte actuel. Au cours de ces quatre épisodes, armée d'une sobriété d'écriture qu'elle va toujours préserver, la mini-série met en scène des situations où prédominent misère, perte de repères et détresse humaine. La caméra s'immisce véritablement dans les vies de ces différents protagonistes, faisant office de témoin privilégié pour capturer un quotidien à la fois sombre et ordinaire. Se perçoit en filigrane la démarche de l'auteur : une volonté de réalisme, d'authenticité, pour parler d'une réalité que l'on préfère souvent oublier, ou reléguer loin de notre conscience. Ce parti pris rapproche Prosperity du documentaire : la narration y est abrupte, directe, refusant tout artifice. La mini-série ne romance pas une journée dans la vie de ces personnages, elle nous glisse dans ces existences, présentées sans fard, adoptant le rythme lent qui correspond tout simplement à celui de leurs vies.

Le visionnage se révèle plutôt éprouvant pour le téléspectateur qui ne peut rester indifférent : Prosperity est en effet une suite de portraits de personnages au bord du précipice. Au-delà d'un envers désenchanté, ce sont l'absence d'issue et l'impression de fatalité pesante qui marquent. Par exemple, dans le premier épisode, nous suivons la journée - qui semble véritablement interminable - de Stacey. Contrainte de quitter sa chambre au petit matin pour ne la réintégrer qu'en fin d'après-midi, elle erre, attendant simplement que le temps passe, naviguant entre la rue et le centre commercial, avec un détour par les services sociaux. La léthargie de l'adolescente, qui ne s'exprime que par monosyllabe, pèse sur tout l'épisode qui s'égrène avec la même lenteur que sa journée. Aucun des micro-évènements anecdotiques qui peuvent venir troubler ce quotidien désespérément plat ne semble avoir d'emprise sur Stacey. Elle cultive ses rêves inaccessibles d'un futur avec le père de son enfant, tout en ne renvoyant que l'image désillusionnée d'une existence sans issues.

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Cette recherche de proximité, de prise avec le réel, se retrouve sur la forme. Dans sa réalisation, Prosperity est une fiction qui privilégie la sobriété, qui n'hésite pas à user du silence et qui ne cherche jamais à édulcorer les passages qu'elle met en scène. Ambitionnant de trouver une certaine justesse grâce à ce type d'approche du quotidien, la série évite le misérabilisme, tout en apparaissant comme un témoignage qui entend faire réagir le téléspectateur.

Pour réussir cet objectif, il faut aussi noter que le casting est au diapason de cette tonalité particulière, souhaitant le naturel et l'authentique pour évoquer ces figures qui ont chacune leur expérience et leur vécu, à la fois égarée et touchante. Au fil des épisodes, on retrouvera d'abord Siobhan Shanahan, pour interpréter Stacey, puis Shane Thornton, Gary Egan et enfin Diveen Henry.

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Bilan : Il pèse sur Prosperity une lourde chape de désillusion que la cruelle ironie du titre de la mini-série ne fait qu'accentuer. Présentant des tranches de vie de personnes en marge de toute réussite sociale, laissés-pour-compte sans autre issue, elle dresse des portraits très humains, pessimistes, parfois douloureux, mais touchants aussi. Ces oubliés du miracle économique irlandais ainsi évoqués en 2007 ne sont pas juste des reflets de désespoir à Dublin ; cette mini-série est un miroir tendu vers nos sociétés actuelles bien au-delà de l'Irlande. C'est aussi pour cela que cette chronique sociale n'est pas d'un visionnage facile, mais que ce dernier se révèle en tout cas mérité.


NOTE : 6,75/10


La bande-annonce de la mini-série :

15/05/2011

(IRL) Love / Hate, saison 1 : drames et loyautés en question dans le milieu des gangs


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Après un mois d'avril qui fut très américain, My Télé is Rich! est reparti en voyage sur le continent européen. Si l'apprentissage du danois était au programme de jeudi dernier avec Borgen, aujourd'hui signe le retour à des fictions plus accessibles linguistiquement, puisqu'anglophones. Sauf que, non, ce n'est pas au Royaume-Uni que l'on va poser nos valises... mais en Irlande. L'an dernier, souvenez-vous, on avait commencé l'exploration de ce pays avec une co-production Father & Son, poussons donc plus avant la découverte, avec un bilan de la première saison de Love / Hate, qui nous entraîne d'ailleurs dans ce même milieu des gangs.

Autant vous rassurez tout de suite, le téléspectateur s'installant devant le pilote de cette série, loin d'être dépaysé un seul instant, sera même plutôt agréablement surpris côté casting. En effet, on retrouve en têtes d'affiche rien moins qu'Aidan Gillen, Ruth Negga et Robert Sheehan. Diffusée à l'automne 2010 sur la chaîne publique RTÉ One, cette première saison comporte en tout 4 épisodes. Une saison 2 a d'ores et déjà été commandée et est actuellement en cours de tournage.

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Le pilote de Love/Hate s'ouvre sur ce qui s'annonce a priori comme un évènement à célébrer, la sortie de prison d'un jeune homme, Robbie, après une brève peine purgée. Une sortie qui coïncide avec le retour en Irlande de son frère Darren, après un départ précipité en Espagne où il a tenté de s'y faire oublier après une affaire de port d'arme illégal. Les deux jeunes gens ont hâte de se retrouver et de revoir leur cercle de proches, et tout particulièrement leur soeur, Mary. Cette dernière entretient d'ailleurs une relation avec un autre de leurs amis, Tommy, lequel en oublie de passer prendre Robbie à l'heure à sa libération.

Alors qu'il patiente à cause de ce retardataire, discutant au téléphone avec son frère, Robbie est brutalement abattu en pleine rue, dans ce qui ressemble fort à une exécution conduite par une bande rivale. Ce sont finalement ses funérailles qui vont permettre à toute la bande de se reformer, sous les directives de ce chef de gang toujours aussi ambitieux qu'est John Boy. Si Darren n'entend pas laisser ce crime impuni, d'autres pans de sa vie le rattrapent également alors qu'il retrouve son ancienne petite amie abandonnée dans la précipitation de son départ pour l'Espagne.

Sur fond de désir de vengeance au nom de Robbie, cette première saison va mêler amour et haine, rivalités entre gangs et jalousie, pour entraîner les différents protagonistes dans des confrontations où la tragédie peut frapper à tout moment.

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Love/Hate s'inscrit dans un registre traditionnel, entremêlant histoires de gangs et de famille pour déboucher sur un cocktail aux accents forcément dramatiques. Par certains côtés, l'histoire peut sans doute être rapprochée d'une série comme The Black Donnellys. De trafics de drogue en port d'arme illégal, en passant par quelques passages à tabac en règle et soirées bien arrosées (voire plus), Love/Hate remplit un cahier des charges classique pour dresser un tableau attendu dans ce type de fiction. Cependant, sachant évitant les excès, la série opte pour une sobriété bienvenue. Il y a quelque chose qui sonne juste dans la façon dont les statuts de tous les personnages sont posés. Nous sommes face à des délinquants de bas étage, à l'exception notable de John Boy. Réagissant de manière impulsive, ils sont surtout habitués à vivoter sans ambition véritable. Seul petit reproche : il manque sans doute une photographie plus large du milieu des gangs pour parachever cette recherche d'un certain réalisme, les personnages semblant parfois un peu trop déconnectés de ce cercle au-delà de John Boy.

En fait, Love/Hate ne se départit jamais d'une certaine forme de romantisme dans son approche des personnages principaux, assez loin de la façon autrement plus directe (et "coup de poing") qu'avait pu proposer Father & Son. Cela n'est pas un reproche, car ce parti pris narratif permet en même temps à la série de s'imposer dans un registre très humain. Comment ne pas s'attacher quasi instantanément à ces personnages un peu écorchés qui sont ainsi mis en scène ? Avec habileté, la série cultive une intensité émotionnelle, parfois un peu naïve, mais qui ne saurait laisser insensible. Le pilote est à ce titre très réussi, de l'exécution de Robbie aux funérailles qui sont l'occasion pour chacun de se manifester et de se positionner sur cet échiquier du "milieu local" : il propose une galerie complète de toutes les relations, mais aussi de toutes les confrontations déjà en germe. Si la série aurait sans doute gagner à nuancer un peu plus quelques personnages secondaires, dont la présentation trop négative donne un petit parfum un peu manichéen par instant, les principaux gagnent cependant en profondeur au fil de cette brève saison. L'ensemble exploite donc efficacement une dimension humaine qui est un de ses atouts principaux. 

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Sur la forme, Love/Hate est une série qui soigne son dynamisme. Dotée d'une réalisation nerveuse, cette dernière reflète bien la tension ambiante. Appréciant les plans serrés, mettant en valeur le ressenti des personnages, les images proposent des teintes aux couleurs plutôt froides, mais classieuses. Par ailleurs, la série bénéficie également d'une bande-son tout aussi rythmée. Cela aide à renforcer la tonalité générale, même si elle cède cependant parfois à la facilité, ayant tendance à donner lieu à quelques écarts "clipesques" un peu longuets censés insister sur l'ambiance festive dans certains épisodes.

Enfin, - et c'est incontestablement un de ses arguments forts - Love/Hate bénéficie d'une galerie d'acteurs attachants qui délivrent des performances solides. Parmi les têtes familières des sériephiles, en personnage très intense, cherchant à venger la mort de son frère, il est impossible de rester insensible à Robert Sheehan, qui s'impose avec beaucoup de charme de manière convaincante dans un registre assez différent de son rôle dans Misfits. Notons aussi pour les amateurs de cette même série la présence de Ruth Negga (The Nativity, Criminal Justice, Personal Affairs). A leurs côtés, on retrouve également un Aidan Gillen (Queer as Folk, The Wire, Game of Thrones) impeccable en chef de gang ambitieux caressant ses rêves de grandeur. Parmi les autres acteurs, signalons aussi la présence de Tom Vaughan-Lawlor, Killian Scott, Ruth Bradley, Brian Gleeson ou encore Laurence Kinlan.

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Bilan : Love/Hate s'exprime pleinement dans ce qui s'apparente plutôt à des tragédies humaines, mêlant de façon explosive, loyautés familiales, ambitions personnelles et sentiments flirtant parfois avec une jalousie mal contenue. Si les ficelles narratives sont classiques et que le milieu des gangsters, toile de fond opportune, reste traité de façon un peu trop superficielle pour être pleinement satisfaisante, cette saison 1 se révèle pourtant également extrêmement attachante tout en restant très prenante, fidélisant quasi instantanément le téléspectateur. Une découverte sympathique. 


NOTE : 6,75/10


La bande-annonce de la série :

17/06/2010

(Mini-série UK / IRL) Father & Son : le chemin d'un père vers la rédemption sur fond de guerre des gangs


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La semaine passée, ITV diffusait sur plusieurs soirées (à la manière de Collision, il y a quelques mois) une mini-série coproduite avec la chaîne publique irlandaise RTÉ : Father & Son. Tournée fin 2008 et diffusée en Irlande au cours du mois de juillet 2009, cette fiction avait longtemps traîné inexplicablement égarée dans les cartons de ITV, avant que cette dernière ne se décide finalement à la programmer à l'antenne. Avouons-le, ces tergiversations pouvaient générer quelques inquiétudes sur le résultat, ITV n'étant pas la chaîne la plus fiable qui soit en ce qui concerne sa politique de fictions. Pour autant, les échos des critiques irlandaises n'étaient pas inintéressants, ce qui a suffi à éveiller ma curiosité. Un générique d'ouverture sur fond de chanson de Johnny Cash plus tard, c'est au bout du compte l'intégralité de cette mini-série que j'aurais suivie sans déplaisir.

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Derrière son décor nous plongeant dans le crime organisé du nord de l'Angleterre et de l'Irlande, Father & Son est une série sur la rédemption. L'histoire qu'elle va nous conter est celle de deux personnes, unies par les liens du sang, mais devenues étrangères l'une à l'autre en raison d'une tragédie. C'est un père et son fils qui vont d'une certaine façon se retrouver... pour mieux se perdre à nouveau ?

La mini-série débute à Manchester. Dans une banlieue déchirée par les guerres de gangs, Sean O'Connor est un adolescent apparemment sans histoire, vivant avec sa tante Connie, officier de police. Un jour, une fusillade éclate devant la maison ; une connaissance de sa petite amie est abattue. Ils sont pourchassés par les deux jeunes tueurs jusque dans l'hôpital où ils ont trouvé refuge. En état de légitime défense, Stacey abat l'un d'eux alors qu'il s'apprêtait à viser Sean. Refusant de laisser la jeune fille endosser la responsabilité des évènements, Sean se saisit de son revolver. La police, alertée par les détonations, l'arrêtera ainsi, l'arme du crime en main, se tenant aux côtés du corps ensanglanté de l'adolescent qui les avait poursuivis. Ne réalisant pas vraiment la gravité de la situation, jouant les chevaliers blancs envers Stacey sans apprécier toutes les conséquences, Sean se laisse embarquer par les forces de l'ordre.

Mais, au-delà du flagrant délit apparent, l'adolescent a un autre lourd passif qui ne plaide pas en sa faveur aux yeux des policiers : son père. Michael O'Connor a en effet longtemps été une figure du grand banditisme local, ayant contribué au climat de violence qui prévaut désormais dans les quartiers comme celui où vit son fils. Arrêté en Irlande alors que Sean était encore enfant, il y a purgé une peine de prison de six années. Mais trois jours après son arrestation, sa femme, Lynne, était abattue à leur domicile. L'enquête conclut à des représailles contre Michael. La soeur de Lynne, Connie, recueillit Sean chez elle... et aucun ne revit Michael qui ne rentra pas en Angleterre une fois sa peine finie. C'est dans un petit bourg irlandais, auprès d'une nouvelle femme, enceinte, que Michael entend refaire sa vie. Mais le coup de téléphone de Connie l'informant des évènements de Manchester le précipite dans un passé qu'il aurait préféré derrière lui, alors qu'il décide de rentrer au pays pour essayer d'aider son fils.

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Father & Son dresse tout d'abord un portrait appliqué d'une banlieue de Manchester gangrénée par les guerres de gangs. S'essayant à une approche sociale, elle s'efforce de capter et retranscrire l'ambiance régnant dans ces quartiers. Elle parvient d'ailleurs à mettre en scène de façon assez convaincante ce climat d'insécurité instable, soulignant les engrenages létaux qui conduisent aux tragédies rythmant la mini-série. Si Sean fait ici figure de victime collatérale du milieu dans leque il vit, n'ayant pu se maintenir en marge de tout cela en dépit des efforts de Connie, Father & Son prend toute sa dimension en pointant la responsabilité de Michael O'Connor, et de ses anciens acolytes, dans la détérioration du lien social. Ce sont eux qui ont introduit les moeurs du crime organisé, mais aussi les moyens de les mettre en oeuvre avec la circulation des armes à feu.

Désormais, le mal s'est propagé, hors de contrôle. La violence suit un cercle vicieux qui se perpétue et se nourrit lui-même, sacrifiant les jeunes générations plongées dans ces préoccupations dès leur plus jeune âge. L'illustration de ce mal donnera d'ailleurs lieu à l'une des scènes les plus marquantes de la mini-série : celle où le petit frère d'une des victimes amène un revolver à son école et, en pleine salle de classe, le sort pour le pointer sur Imani, la fille de Connie. Combien d'adolescents ainsi perdus dans les méandres impitoyables de ces appels à la vengeance ?

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Au-delà de cette approche plus sociale du pan policier, reflet d'essais télévisés modernes, Father & Son marche aussi sur les pas du genre thriller. Des manipulations aux mensonges par omission, la mini-série révèle peu à peu que le hasard et la fatalité n'ont pas grand chose à voir avec l'enfer dans lequel Sean a été projeté. Derrière la tragédie qui se joue sous nos yeux, diverses personnes tirent les ficelles, dans l'ombre, qu'il s'agisse de vieux règlements de compte ou d'intérêts personnels à promouvoir. Qui manipule qui, la question se glisse rapidement dans l'esprit du téléspectateur, à mesure qu'il découvre la complexité réelle de l'affaire.

Father & Son n'est donc pas une simple fiction policière. La fusillade qui déclencha l'enchaînement des évènements s'inscrit dans un tableau plus vaste, où les enjeux se révèlent petit à petit. Aspect attrayant d'un scénario donc plus ambitieux que l'on aurait pu le penser aux premiers abords, la mini-série ne parvient cependant pas à totalement s'imposer dans ce créneau. Globalement un peu trop  prévisible pourrait-on dire, ou un peu trop calibrée, elle n'échappe pas à des raccourcis dommageables ou à quelques facilités scénaristiques. Reste que même si ce traitement laisse quelques regrets au téléspectateur, l'ensemble demeure efficace dans l'ensemble.

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L'élément le plus perfectible de Father & Son réside sans doute dans sa dimension humaine. Cette mini-série utilise son cadre policier pour nous relater une histoire personnelle, celle de deux personnes que leurs choix et les drames de la vie ont séparées. Michael O'Connor n'a pas revu son fils depuis son arrestation, il y a plusieurs années. Trois jours après, sa femme était abattue à bout portant, un meurtre dont tout le monde s'accorde à penser qu'il est du aux activités criminelles de son époux. Sean a grandi élevé par sa tante, la soeur de sa mère. Un fossé s'est créé entre lui et Michael, chargé de ressentiments, de non-dits. L'intensité de ces sentiments s'est peu à peu muée en une forme de haine de la part de l'adolescent qui, désormais, ne veut plus, ne peut plus, entendre parler de cette figure paternelle absente.

Mais s'il a choisi la fuite en avant, à sa sortie de prison, Michael se retrouve désormais face à ses diverses responsabilités. Celle de père, pour n'avoir pas osé revoir Sean après le drame. Celle d'un ancien gangster qui n'y est pas pour rien dans le climat de violence et de guerre des gangs régnant dans la banlieue de Manchester. En retrouvant le chemin du nord de l'Angleterre, le voilà de nouveau confronté à un passé qu'il aurait souhaité oublier. Toutes ses actions sont orientées dans un seul but : aider son fils. Finalement, par ses confrontations avec ses anciens acolytes, avec son père, c'est le difficile chemin de la rédemption qu'il suit. Il a payé sa dette à la société en purgeant sa peine de prison. Il a une dette à payer envers cet enfant qui a grandi sans lui, profondément traumatisé par un évènement dont il n'a jamais parlé, la mort de sa mère.

Father & Son disposait donc de bases intéressantes pour construire un drama intense sur un plan émotionnel. Certains passages fonctionnent bien. Les paradoxes de Michael, la lassitude de Connie, sont des aspects bien décrits. Cependant, la mini-série ne va pas au bout de cette mise en valeur de sa dimension humaine, parfois un peu excessive ou maladroite. L'ensemble est certes prenant, mais elle avait les cartes pour faire mieux.

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Il faut souligner que si Father & Son fonctionne assez bien, c'est en grande partie dû à son casting. Autant Dougray Scott avait semblé aux abonnés absents, en début d'année, dans The Day of the Triffids, autant, ici, il est pleinement impliqué dans la complexité de son personnage, qu'il va incarner d'une façon très intense parfaitement maîtrisée. A ses côtés, on retrouve des valeurs sûres du petit écran britannique, comme Sophie Okonedo (Criminal Justice), Ian Hart (Dirt, Five Daughters) ou encore Stephen Rea. Enfin, Reece Noi incarne avec beaucoup de défiance et de versatilité Sean.

Sur un plan technique, Father & Son reste plutôt en retrait. Elle dispose d'une réalisation classique, correcte mais sans réelle identité, en dépit de quelques plans intéressants. Elle ne se démarque pas non plus par sa bande-son. En revanche, il faut souligner son splendide générique, superbe esthétiquement et opportunément construit sur une chanson de Johnny Cash, God's Gonna Cut You Down. Il donne immédiatement le ton et nous plonge dans une ambiance sombre, chargée de regrets, qui correspond parfaitement à la tonalité de la mini-série.

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Bilan : Jouant sur plusieurs tableaux, Father & Son comporte plusieurs bonnes idées, tant dans la lignée du thriller que du drame humain, le tout en dressant un portrait appliqué des escalades de violence au sein de la banlieue de Manchester. Elle se suit dans déplaisir, bien aidée par un rythme solide. Cependant, la mini-série ne concrétisera pas toutes ses promesses, sa dimension humaine ne parvenant pas toujours à s'exprimer avec justesse et sobriété. De plus, si elle réussit à faire efficacement monter la tension ambiante, les résolutions finales, presque trop calibrées, pourront laisser un arrière-goût d'inachevé.

Au final, Father & Son s'avère être une mini-série intéressante à plus d'un titre, notamment en raison de l'environnement mis en scène. Elle mérite ainsi d'être découverte, mais le téléspectateur pourra nourrir quelques regrets au vu d'un potentiel entre-aperçu qu'elle n'aura pas toujourss réussi à pleinement exploiter.


NOTE : 7/10