29/07/2012
(US) Sports Night, saison 1 : une comédie dynamique dans les coulisses d'une émission sportive
Poursuivons ce week-end à thème olympique ! Après Twenty Twelve et la préparation de l'évènement, intéressons-nous aujourd'hui aux Jeux en eux-mêmes. Il faut dire que pour les vivre, la plupart d'entre nous n'allons pas avoir la chance d'aller jusqu'à Londres afin d'assister aux épreuves. Ce sera installés sur notre canapé, derrière l'écran d'un télévision, que l'on vibrera pour quelques exploits sous la dictée de commentateurs sportifs. Or le monde des séries a déjà eu l'occasion d'explorer les coulisses d'une émission sportive... C'était à la fin du siècle dernier, cela s'appelait Sports Night, et, ça tombe bien, je viens justement d'achever le revisionnage de la première saison en ce mois de juillet.
Lancée à la rentrée 1998, sur ABC, Sports Night est la première série créée par Aaron Sorkin, un an avant que The West Wing ne débarque sur NBC. Cette comédie, adoptant le format d'une sitcom avec des épisodes d'une durée de 20 minutes environ, n'a duré que 2 saisons (jusqu'en 2000), pour un total de 45 épisodes. En France, elle n'a été diffusée que sur Série Club ; et les coffrets DVD n'ont été édités qu'aux Etats-Unis (donc en zone 1). Portée par un dynamisme communicatif, c'est une série très intéressante et plaisante à suivre, servie par un sacré casting. On y retrouve aussi, déjà au point ou encore en gestation, plus d'un Sorkinism.
Sports Night nous plonge dans les coulisses d'une émission télévisée d'informations sportives, diffusée sur la chaîne fictive CSC (Continental Sports Channel). Imaginée sur le modèle de l'émission SportsCenter de ESPN, elle met en scène un duo de présentateurs, Casey McCall et Dan Rydell, qui animent le show, lançant les reportages et donnant les dernières news en passant en revue tous les sports. Se déroulant quasi uniquement dans les locaux de la chaîne, la série s'intéresse à l'ensemble des dynamiques à l'oeuvre dans la conception de l'émission.
Il faut dire que c'est une équipe de passionnés, très soudée, qui officie devant la caméra, mais aussi en régie, vivant intensément un quotidien rythmé par les directs et les programmations d'évènements sportifs. La série saisit l'occasion d'explorer leurs difficultés, de la gestion des imprévus et des aléas du live aux pressions éditoriales de la direction, en passant par les dilemmes moraux parfois posés. Si chacun mène une vie professionnelle très prenante, leur vie personnelle n'est pas pour autant oubliée : la solidarité d'ensemble, l'amitié et parfois l'amour qui se nouent dans les couloirs ont aussi leur importance pour la réussite du show.
Sports Night est une comédie dont le charme repose en premier lieu sur l'extrême dynamisme de ses dialogues. L'écriture y est enlevée et fluide, sacrément réjouissante, retenant instantanément l'attention du téléspectateur. Signe qui ne trompe pas, on y retrouve parfaitement utilisée la fameuse technique du "walk and talk" : elle n'a pas son pareil pour insuffler du rythme dans des épisodes qui laisse la part belle aux répliques stimulantes et à l'art de la répartie des personnages. L'humour s'insère dans ces échanges sans jamais paraître forcé ou artificiel, misant opportunément sur le rafraîchissant sens de l'auto-dérision des protagonistes, tout en jouant aussi sur l'absurdité ou l'improbabilité des situations rencontrées en plateau.
Conséquence de cette approche, Sports Night est une comédie qui dispose d'une large palette de tonalités et de nuances qu'elle va savoir pleinement exploiter. Cela fait sa richesse. Elle est en effet tout aussi capable de jouer sur le burlesque de certains développements (des incidents lors du direct, ou encore la fuite puis la chute d'une dinde congelée sur le plateau), que d'aborder de manière posée et avec beaucoup de justesse des thèmes sérieux - la saison 1 offrant quelques fulgurances, notamment quand la série s'aventure dans le domaine politique, où la plume d'Aaron Sorkin s'emballe de façon caractéristique (l'affaire du drapeau confédéré, par exemple).
La versatilité et l'éclectisme dont fait preuve Sports Night s'imposent ainsi très vite comme un de ses grands atouts. Ils trouvent leur origine dans le concept de départ de la série : raconter les coulisses d'une émission d'informations reste un prétexte permettant de capturer tout ce qui gravite autour, donnant l'opportunité de traiter d'une multitude de problématiques très différentes liées au journalisme. La fiction met alors en lumière le fragile équilibre existant derrière le show, entre la passion sincère qu'éprouvent tous ces intervenants, non seulement pour leur émission mais plus généralement pour l'information et l'exploit sportif en lui-même, et les contraintes commerciales et d'audience d'une chaîne de télévision, avec toutes les questions d'éthique qui peuvent se rencontrer.
Outre ce versant professionnel, le téléspectateur s'attache également à la série grâce à sa dimension humaine. Les personnages sont très sympathiques, toujours solidaires entre eux quand il faut. Ils sont bien caractérisés, conservant leurs principes, leur talent, mais aussi leurs failles et leurs insécurités. Sports Night laisse en plus une large place au relationnel : la vie amoureuse des protagonistes empiète dans leur quotidien en studio. Il ne faut en effet jamais sous-estimer les coups de foudre ayant lieu au travail (comme Jeremy et Natalie le prouvent). Mais plus généralement, nous sommes projetés dans un petit microcosme où la vie privée n'a pas vraiment vocation à rester "privée" et où chacun finit par avoir une opinion sur la manière dont les autres devraient mener leur vie sentimentale. Sur ce point, la série en fait parfois un peu trop, mais ces quelques déséquilibres restent anecdotiques et les triangles/rectangles amoureux qui s'esquissent permettent un fil rouge progressant au fil de la saison.
Sur la forme, Aaron Sorkin s'était notamment adjoint des collaborateurs dont les noms vous sont forcément familiers si vous connaissez ses séries ultérieures : la réalisation d'un certain nombre d'épisodes est confiée à Thomas Schlamme (l'art de prendre les tournants d'un couloir pour suivre un "walk & talk" animé est parfaitement maîtrisé par la caméra), tandis que W. G. Snuffy Walden se charge de la bande-son. De manière générale, l'évolution la plus notable de la série est la disparition progressive des rires enregistrés qui, initialement, en raison de la construction de la série reposant sur la dynamique des dialogues avaient du mal à s'insérer comme dans une sitcom plus traditionnelle.
Enfin, Sports Night rassemble un casting impressionnant. Les deux présentateurs sont interprétés respectivement par Josh Charles (The Good Wife) et Peter Krause (Six Feet Under, Parenthood), tandis que Felicity Huffman (Desperate Housewives) joue la productrice de l'émission. Sabrina Lloyd (Sliders) est son assistante, avec à ses côtés Joshua Malina (The West Wing, Scandal). Enfin, Robert Guillaume incarne leur supérieur. A noter que les fans de The West Wing ont aussi le plaisir de croiser quelques visages familiers au gré des guest de cette première saison, comme Janel Moloney, Lisa Edelstein (House MD) ou encore Nina Siemaszko.
Bilan : Portée par des dialogues parfaitement ciselés et une écriture extrêmement dynamique, Sports Night est une comédie réjouissante et stimulante. Son concept lui permet une richesse dans les sujets abordés, mais aussi dans les tonalités, qu'elle sait très bien exploiter. Les épisodes, qui ne durent qu'une vingtaine de minutes, se regardent ainsi avec beaucoup de plaisir et s'enchaînent très facilement. Et j'ai pu constater qu'elle a conservé une saveur intacte au revisionnage.
Une série recommandée pour tous les amateurs du style d'Aaron Sorkin, pour les curieux s'intéressant aux coulisses des médias et plus globalement pour tout sériephile qui souhaite découvrir une attrayante comédie !
NOTE : 8/10
Une bande-annonce de la série :
15:52 Publié dans (Séries américaines) | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : sports night, abc, aaron sorkin, josh charles, peter krause, felicity huffman, joshua malina, sabrina lloyd, robert guillaume | Facebook |
Commentaires
Dieu sait que je n'aime pas le sport (euphémisme du siècle) mais qu'est ce que j'aime cette série ! Bon on voit bien que c'est la première de Sorkin et qu'il se cherchait un peu sur certaines choses. Dans le pilot les dialogues vont quand même très très vite - voire trop - et j'admire Joshua Malina qui sort un monologue assez difficile pour sa première scène. Mais c'est une série que j'aime beaucoup parce que les personnages sont très attachants et les acteurs très bons.
Écrit par : Jessica | 30/07/2012
@ Jessica : Il y a en effet quelques réglages au cours des premiers épisodes où Sorkin apprivoise peu à peu le format, mais aussi les contraintes qui lui étaient imposées par la chaîne (les rires liés au format sitcom). Je trouve d'ailleurs très intéressant d'y retrouver justement des Sorkinism en gestation et d'autres déjà clairement établis.
Mais ça reste très savoureux et tellement agréable à suivre (la durée des épisodes et leur rythme les rendent vraiment trop brefs). Et comment ne pas être en admiration devant ce super cast.
C'est une série qui mériterait de ressortir des cartons, et un coffret DVD serait quand même une chouette idée. Avec tous ces acteurs désormais bien connus, et un créateur tout aussi connu, c'est une série qui ne mérite pas d'être oubliée !
Écrit par : Livia | 31/07/2012
S'il vous plaît est-ce que quelqu'un peut me dire quelles sont les séries affichées sur le bandeau du site ? merci d'avance.
Écrit par : MrFlyns | 01/08/2012
@ MrFlyns : De gauche à droite, on retrouve : tout d'abord Rowan Atkinson, Tony Robinson et Hugh Laurie dans la série Blackadder (La Vipère noire en VF), puis Ioan Gruffudd dans Hornblower, et enfin Keeley Hawes et Philip Glenister dans Ashes to Ashes. La cabine téléphonique bleue étant une référence à Doctor Who (et à son Tardis).
;)
Écrit par : Livia | 01/08/2012
Merci beaucoup d'avoir répondu si vite et aussi précisément :)
Écrit par : MrFlyns | 01/08/2012
Superbe article (trouvé par une alerte sur Sabrina) qui me donne envie d'aborder la série plus loin que le pilote. Etait-elle en français sur Série Club? Avec les voix connues?
J'ai récupéré le coffret intégral Zone 1 avec toutefois des sous-titres américains et je ne pige pas beaucoup plus! Le rythme est super soutenu c'en est pénible. Ça ne change pas trop de Felicity des ''Desperate Housewives'' ceci dit sauf que les textes ne sont pas adressés à des non anglophones avertis, et vu que tout repose là-dessus, en plus il y a des motions sportives!...
Le drame est qu'une édition 10ème anniversaire Zone 1 est sortie tout juste après mon achat. Dégoûté mais que contient-elle de plus?
Écrit par : fan2lc | 03/08/2012
@ fan2lc : Je ne sais pas du tout si la série a été diffusée en VF, à l'époque, Série Club diffusait surtout ses séries en VOST, j'imagine que ça a également été le cas pour elle. C'est vrai que le débit de dialogues (du Sorkin style) nécessite d'avoir un niveau suffisant en anglais, même si les sujets n'ont pas la technicité de The West Wing, par exemple ! C'est sans doute avant tout pour saisir les jeux de mots et l'humour que la difficulté est la plus importante.
J'ai vraiment envie de te conseiller de poursuivre un peu ton visionnage. Parce que la série trouve peu à peu son rythme, développe ses thèmes, et tu t'habitueras peut-être assez vite au rythme des dialogues ! Peut-être pas pour saisir immédiatement toutes les subtilités, mais suffisamment pour l'apprécier. D'autant que la durée des épisodes les rend plus accessible qu'un de 40 minutes ou d'1h !
Sinon, d'après Wikipedia, l'édition DVD anniversaire contient des bonus en plus : "A special 10th Anniversary Edition Sports Night DVD set was released on September 30, 2008 from Shout! Factory with new bonus features including all-new interviews with creator Aaron Sorkin and cast & crew, featurettes and commentaries. Also included is a commemorative 36-page booklet."
Écrit par : Livia | 05/08/2012
Sérieclub n'a diffusé la série qu'en VOST, en seconde partie de soirée puis en access, il y a 12 ans.
C'était la belle époque de la chaîne, qui diffusait alors beaucoup de séries/saisons inédites (FRASIER, TAXI, CHEERS, STARK RAVING MAD...) et au rythme d'un épisode par case.
Aujourd'hui, une saison de SOUTHLAND ou JUSTIFIED est expédiée en... 2 soirées et la grille est polluée par des fictions navrantes (PLUS BELLE LA VIE, LOUIS LA BROCANTE etc.) !
Intelligente et drôle, SPORTS NIGHTS se distinguait surtout par la qualité de sa distribution.
Bien que première production "Sorkinienne", elle est bien plus réussie et aboutie que STUDIO 60 ON THE SUNSET STRIP.
Écrit par : Jérôme | 06/08/2012
Ah mais en VOST c'est encore mieux! Ça me rappelle la glorieuse époque de TEVA. Merci Livia oui il va falloir que je survole et rejoue les épisodes sans quoi je ne vais jamais y arriver! Ou alors une rediffusion future mais qui pourrait le faire? On a bien attendu 20 ans pour Twin Peaks et Clair de Lune, or celle-ci est totalement étrangère au public français... Sinon on a bien eu droit à une partie de la saison 5 de Sliders sur Virgin 17 maintenant disparue, il faudra voir sur TNT ou du payant vers 2018...
Encore merci pour cet article très détaillé!
Écrit par : fan2lc | 06/08/2012
@ Jérôme : Ce qu'est devenu SérieClub fait mal au coeur... Une telle dévaluation qualitative.
Sports Night reste en effet une belle découverte. Il faudrait que je revois Studio 60 pour comparer en ayant les deux bien en tête, mais je dirais que cette dernière était assez différente dans la tonalité recherchée, ainsi que par son ambition d'où découlaient certaines maladresses. Sports Night avait le charme et la spontanéité des premières fois.
@ fan2lc : Il faut garder espoir en effet. La multiplication des chaînes offre bien des débouchés. Croisons les doigts, parce que cette série le mérite - et continuons de la rappeler au bon souvenir de tout un chacun histoire qu'elle ne tombe pas dans l'oubli ! ;)
Écrit par : Livia | 13/08/2012
Hello,
J’ai découvert cette série (comme tant d’autres) en lisant ton blog. On y reconnait la patte Sorkin malgré les quelques balbutiements évoqués dans les commentaires précédents.
Ce qui me gêne un peu, c’est l’alternance entre les rires forcés pour le côté Sitcom et les penchants dramatiques du sieur Sorkin (notamment après l’agression de l’Assistant(e) Producer de Sports Night en saison 1).
Par contre, j’ai vu la saison 1 de Newsroom avant de visionner Sports Night. Du coup je regarde Sports Nights en tentant de décompter les éléments qui, plus tard, ont fait éclore Newsroom. Et ils sont légion. C’est comme une plongée dans la gestation pré embryonnaire de sa série en cours. (C’est valable pour la partie conception de show télé et les relations entre personnages. Les problématiques politiques méritant, je pense, un chapitre à part)
Merci pour le billet
Écrit par : Tarik | 14/09/2012
@ Tarik : Ces mélanges de tons et des inspirations qui caractérisent Sports Night sont certainement le signe de la maturation progressive de l'écriture, et aussi de la prise de conscience du potentiel (et des limites) du format (d'autant que Sports Night suit le forma sitcom avec des épisodes donc relativement courts).
Pour voir l'évolution de Sorkin, et apprécier justement les continuités et les traits communs, je te conseille aussi un visionnage de Studio 60 (sur les coulisses d'une émission). Ces trois séries se situent dans une continuité d'inspiration manifeste, c'est très intéressant à comparer !
Écrit par : Livia | 20/09/2012
Merci pour la réponse. Je me lance dans Studio 60 dès que j'aurai entamé et fini la saison 2 de Sports Night.
Jusqu'à maintenant les critiques sur Studio 60 m'avaient moyennement motivé. Mais vu que j'ai bien aimé les oeuvres de Sorkin que j'ai pu voir (A la Maison Blanche et Newroom, outre Sports Night), je vais suivre ton conseil et me lancer.
Pour en revenir à Sports Night, je crois que le mélange des tons auquel tu fais référence m'a étonné par son amplitude. Depuis, et au fur et à mesure des épisodes, je m'habitue.
Merci encore
Tarik
Écrit par : Tarik | 24/09/2012
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