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11/09/2013

(J-Drama / Première partie) Hanzawa Naoki : les combats et l'ascension d'un banquier peu conventionnel


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En ce mercredi asiatique, penchons-nous sur LE grand succès de cette saison estivale au Japon : Hanzawa Naoki. C'est un peu le phénomène du moment : ses audiences n'ont cessé de grimper sans discontinuité depuis le 1er épisode proposé le 7 juillet 2013, franchissant début septembre la barre symbolique des 30% de part de marché. Le drama ne semble pas devoir s'arrêter en si bon chemin, puisque le dernier épisode diffusé ce dimanche 8 septembre (le 8ème) a encore enregistré un nouveau record, avec un pic d'audience à 37,5% de pdm ! Pour vous donner un ordre d'idée, il faut rappeler que le dernier drama japonais à avoir dépassé ces 30% date de presque deux ans, c'était Kaseifu no Mita à l'automne 2011. TBS tient donc là un beau succès public pour sa case de prime-time du dimanche soir. La barre des 40% est peut-être même atteignable.

Il est d'autant plus intéressant de s'arrêter sur Hanzawa Naoki que, sur le papier, le sujet peut paraître plus aride que fédérateur : la série propose en effet une immersion dans le milieu bancaire. La télévision japonaise est loin d'en être à son coup d'essai de banquiers propulsés en héros de fiction. Cela se rattache plus généralement à une thématique qui reste prisée, celle de la mise en scène des coulisses d'une entreprise. De telles approches du monde de la finance peuvent donner de grands dramas, j'en veux pour preuve le magnifique Hagetaka qui m'a durablement marqué il y a quelques années. J'étais donc curieuse de tester Hanzawa Naoki. L'article qui suit s'interroge sur les raisons de son succès.

[Cette review a été rédigée après le visionnage des 5 premiers épisodes (sur 10 annoncés au total).]

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Ce drama nous introduit dans le milieu bancaire japonais, après l'éclatement de la bulle financière dans les années 90 et la restructuration du secteur, marquée par la fusion d'importantes banques. Hanzawa Naoki est un employé qui occupe un poste à responsabilité au sein du département en charge des prêts dans une filiale d'Osaka. C'est un homme ambitieux et déterminé qui a ses propres comptes à régler avec l'institution bancaire. Sa carrière est cependant mise en danger le jour où son supérieur, Asano Tadasu, lui ordonne d'accorder dans la précipitation un prêt de 500 millions de yens, sans prendre les garanties nécessaires, à une grande entreprise en apparence solide, Nishi Osaka Steel. Naoki exécute les ordres avec beaucoup de réticence.

Mais quelques mois plus tard, la réalité de la situation financière de Nishi Osaka Steel apparaît au grand jour : elle est extrêmement endettée. Les comptes soumis à la banque avaient en fait été maquillés. Plus problématique encore, son dirigeant a profité de la situation pour s'enrichir personnellement et prendre la fuite. Confronté à une perte sèche de 500 millions pour sa banque, Asano voit en Naoki le bouc-émissaire tout désigné sur qui faire retomber la faute d'un prêt trop légèrement accordé. Cependant son subordonné est décidé à se battre : il obtient un délai en assurant à sa hiérarchie qu'il va récupérer la somme perdue de l'entrepreneur en fuite. Se sentant menacé, son supérieur direct ne l'entend pas ainsi et s'active pour le faire rapidement muter.

Débute alors une course contre-la-montre pour Naoki afin de sauver sa carrière : en plus de rechercher les avoirs cachés de son ex-client, il lui faut naviguer au sein des ambitions et des luttes internes qui rythment le quotidien du personnel.

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Hanzawa Naoki se déroule au sein d'une banque, mais son cadre aurait pu être une entreprise, voire un univers professionnel quelconque. Ayant opté pour le milieu de la finance, le drama fait logiquement siens quelques-uns des thèmes attendus, en pointant la déshumanisation auquel conduit ce système, son exploitation des plus fragiles et le tapis rouge déroulé aux puissants. Mais il ne s'attarde pas sur ces éléments. Car il ne faut pas s'y tromper, l'enjeu est ailleurs. Hanzawa Naoki met en scène un affrontement, une lutte de personnes, d'ambitions, mais aussi de conceptions et de principes. C'est aussi une histoire de revanche, celle de quelqu'un qui a payé un lourd tribut dans sa jeunesse à cause de la décision d'un banquier et qui veut s'élever dans la hiérarchie de l'institution-même ayant bouleversé sa vie. La série suit une idée directrice que Naoki répète à l'envie au cours des épisodes : il s'agit de faire payer deux fois, dix fois, ce qu'il a enduré.

Pour atteindre les objectifs qu'il s'est fixé, Naoki va devoir surmonter les épreuves et les adversités. Dès le pilote, le drama s'assure que le téléspectateur prenne fait et cause pour le banquier, faisant s'abattre sur lui nombre d'injustices dont il n'est aucunement responsable. C'est à l'avènement d'un champion que l'on assiste. Pour cela, l'écriture ne fait guère dans la nuance, assumant pleinement un manichéisme sur lequel elle joue pour mieux impliquer le public. Les méchants sont clairement identifiés, sans chercher à tempérer leur caractérisation. La fiction vire même au quasi-cartoonesque à l'occasion, notamment dans son portrait de l'administration fiscale avec un dirigeant qui tombe dans tous les excès. Face à ces obstacles placés sur sa route, l'objet du drama est de raconter comment Naoki va s'en sortir. C'est ainsi en réalité une déclinaison particulière de 'David contre Goliath' qui est proposée, mais avec dans le rôle de David quelqu'un de tout aussi machiavélique que ses adversaires.

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L'image implacable que renvoie Naoki est sans doute la seconde raison pour laquelle les téléspectateurs se retrouvent happés devant leur petit écran. Non seulement la fiction leur présente une figure à supporter contre tous, mais il s'agit en plus d'un personnage parfaitement apte à se défendre. Certes, pour ne pas l'identifier complètement à ceux qu'il combat, la série prend soin de le démarquer sur le plan des relations humaines : Naoki sait en effet inspirer une loyauté (méritée) à ses collaborateurs, qui tranche avec les rapports de défiance et de concurrence généralisés au sein de la banque. Cependant il n'en est pas moins un adversaire redoutable, déterminé, et même provocateur. Il avance ses pions avec un aplomb jamais pris en défaut. La série ne s'embarrasse pas de demi-mesures pour relater la partie d'échecs sur laquelle il joue sa carrière : l'écriture ne fait jamais dans la subtilité, elle emploie un théâtralisme qui sonne artificiel... Qu'importe : le téléspectateur se prend au jeu d'un récit vif, parcouru par une énergie communicative.

Les cinq premiers épisodes développent l'arc narratif posé dans le pilote : il s'agit pour Naoki de récupérer les 500 millions de yens tout en sauvant sa place au sein de la banque. Ses opposants sont dépeints de la plus négative des façons : l'industriel fraudeur s'est ainsi enfui avec des millions, trompant tout le monde, y compris sa propre entreprise et ses partenaires, pour s'enrichir. La course-poursuite qui s'engage vise à le retrouver, mais aussi à mettre la main sur l'argent qu'il a détourné. Pour compliquer un peu plus les choses, Naoki se heurte à la concurrence de l'administration fiscale, tout aussi agressive, voire guignolesque. Le récit est conduit suivant un rythme enlevé. Il est semblable aux montagnes russes, riche en multiples rebondissements, entre trahisons et révélations qui viennent pimenter les affrontements. Naoki subit nombre de coups bas et d'humiliations, mais il a aussi ses moments de gloire qui laissent au téléspectateur un arrière-goût de jubilation, aussi excessive que soit la mise en scène. Cette affaire trouve sa conclusion au terme du cinquième épisode, lequel rebondit sur de nouveaux objectifs : Naoki prend cette fois la direction de Tokyo et ses projets de vengeance se rapprochent.

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Sur la forme, Hanzawa Naoki se situe dans la moyenne du petit écran japonais : une réalisation passe-partout à peu près correcte, accompagnée d'une bande-son plus interventionniste qui sur-joue les passages de tension et souligne à l'excès les scènes où le suspense est à son comble. On retrouve aussi un thème musical récurrent très rythmé qui donne bien le ton (et se révèle vite entêtant pour le téléspectateur). Un peu à l'image de la narration et des limites que j'y ai soulignées, on se retrouve donc face à une série directe et dynamique à défaut d'être subtile.

Enfin, côté casting, l'approche suivie par le drama se répercute dans les interprétations. Le sur-jeu y est généralisé et assumé. S'il aurait sans doute sa place dans une comédie, il déroute plutôt dans une fiction bancaire. C'est ici plus leur direction que les acteurs eux-mêmes qui est en cause. C'est sans doute le point le plus critiquable du drama. Naoki est incarné par Sakai Masato (JOKER : Yurusarezaru Sousakan, Tsukahara Bokuden), un acteur avec lequel j'ai en plus des relations compliquées tant certaines de ses mimiques figées récurrentes peuvent avoir tendance à m'agacer. Il est ici dans son registre habituel, et au diapason du reste du casting. Ueto Aya (Attention Please, Zettai Reido) interprète son épouse, femme au foyer supportrice (enterrez tout espoir de voir bouger les choses sur la condition féminine dans ce drama masculin, ce n'est clairement pas son objet). On retrouve également Oikawa Mitsuhiro, Kataoka Ainosuke, Kitaoji Kinya, Kagawa Teruyuki, Ishimaru Kanji ou encore Ukaji Takashi. Tous se prêtent au sur-jeu, à des degrés divers suivant les scènes. Le téléspectateur finit par s'habituer à ce choix, à défaut de s'y rallier, tout en se disant que certains excès restent très dispensables...

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Bilan : Hanzawa Naoki est une histoire d'affrontements et de revanche, le tout sur fond d'ascension vers les sommets hiérarchiques et de manœuvres en coulisses au sein d'un milieu ultra-concurrentiel. Théâtrale, excessive, voire cartoonesque, la série propose un récit sans nuances, mais très rythmé et capable de multiplier les twists. Frustrante à l'occasion par sa tendance à trop en faire, avec un casting trop versé dans le sur-jeu, elle n'en fait pas moins preuve d'une redoutable efficacité pour prendre dans sa toile de suspense le téléspectateur. Ce dernier s'implique en effet rapidement aux côtés de ce héros, champion tout désigné, aussi implacable que déterminé, qui va relever challenges impossibles et autres retournements de situation.

En résumé, il ne faut pas aborder Hanzawa Naoki en attendant un drama bancaire rigoureux, ni espérer y trouver un propos travaillé sur les banques (si vous cherchez cela, tournez-vous vers Hagetaka, c'est une perle sur ce sujet). Mais dans ce registre de divertissement à suspense qu'elle investit, voilà une série qui décline une recette bien huilée.


NOTE : 6,75/10

01/08/2012

(J-Drama / Pilote) Iki mo Dekinai Natsu : du problème administratif à la crise existentielle

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La saison estivale bat actuellement son plein au Japon. Beaucoup de nouveautés sont arrivées en juillet. Comme je vous l'avais dit, peu avait initialement retenu mon attention sur le papier. Mais le rythme du petit écran mondial étant quand même un peu moins soutenu durant cette période - plus si creuse - qu'est l'été, j'ai pris le temps de tester quelques dramas que j'aurais sans doute laissés passer en temps normal. Par curiosité pour une affiche, por un casting, ou tout simplement parce que j'étais intriguée de voir comment serait porté à l'écran et avec quelle approche tel ou tel concept.

A l'heure d'un premier bilan de visionnage, Magma est, malgré certaines limites, pour le moment le drama qui m'a le plus intéressé. J'y reviendrai dans un prochain billet d'ensemble (vivement la sortie des sous-titres anglais du dernier épisode). En attendant, arrêtons-nous aujourd'hui sur un pilote en particulier parmi ceux que j'ai visionnés, celui de Iki mo Dekinai Natsu. Diffusé le mardi soir sur Fuji TV, ce drama a débuté le 10 juillet dernier au Japon. Je savais qu'il n'appartenait pas un genre avec lequel j'ai beaucoup d'affinité (du mélodrame, des accidents de vie, de la romance...). Ce premier épisode m'a laissé une impression mitigée, mais je ne regrette pas de l'avoir vu.

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L'héroïne de Iki mo Dekinai Natsu, Tanizaki Rei, est une jeune fille qui semble avoir sa vie bien en main. Elle vit avec sa mère et sa plus jeune soeur, a fini ses études au lycée et s'épanouit en faisant un travail qu'elle aime dans une grande enseigne de pâtisserie. Tout semble aller pour le mieux, d'autant plus que sa supérieure lui propose un contrat d'embauche au sein de l'entreprise qui lui permettrait de postuler à des formations prestigieuses, notamment à Paris. La persévérance de Rei a donc payé. Or c'est pourtant cette offre qu'elle attendait sans y croire qui va faire vaciller sa vie. En effet, pour devenir une employée à temps complet, elle doit fournir un certain nombre de justificatifs, notamment d'identité et de sécurité sociale. Mais en allant demander ces documents, elle découvre qu'elle n'a pas été inscrite sur le registre de sa famille à sa naissance.

Par conséquent, aux yeux de l'Etat et de l'administration, Rei n'existe pas et n'a donc aucun droit. Cet incident n'est pas unique : c'est un problème qui se rencontre lorsqu'une mère entendait contourner la présomption légale irréfragable posée dans le droit de la famille japonais, au terme de laquelle le mari est automatiquement le père d'un enfant qui serait né moins de 300 jours après la dissolution du mariage. Prise au dépourvu par cette situation déstabilisante, alors que sa mère fuit pour l'instant ses responsabilités, Rei s'interroge sur sa place au sein de sa famille et de la société. Elle va se lier avec l'employé administratif qui l'a reçue et lui a appris la situation. Ce dernier est touché par son cas, peut-être parce qu'il s'est lui-même retrouvé en marge de la société après avoir subi de graves désillusions dans sa carrière journalistique précédente.

Se noue peu à peu une surprenante relation entre Rei et cet homme qui aurait l'âge d'être son père. Les deux pourront-ils se guérir l'un l'autre ?

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Il faut reconnaître au pilote de Iki mo Dekinai Natsuse une réelle efficacité dans sa construction narrative. Correspondant en tout point à ce qu'on pouvait légitimement en attendre pour introduire la situation, il met en scène avec une impression d'inéluctabilité poignante l'engrenage des évènements qui fait dérailler la vie jusque là si bien ordonnée de Rei. L'écriture apparaît solide et consistante, et le rythme est globalement maîtrisé. Judicieusement, c'est avant tout sur l'héroïne que se concentre l'épisode : il s'agit de créer un lien affectif avec le téléspectateur. Ce dernier ne pourra rester insensible aux conséquences que la révélation - sa non-inscription dans les registres - va avoir sur Rei. Le cauchemar administratif devient familial, pour se transformer ensuite en une remise en cause existentielle touchante et qui a du potentiel si elle est bien menée. Mais s'il avait jusque là su rester relativement sobre, l'épisode négocie mal le tournant une fois le problème exposé au grand jour.

En effet, Iki mo Dekinai Natsuse bascule alors dans une sur-dramatisation au cours de laquelle le récit perd en force et en crédibilité. Cette évolution trouve son apogée dans le cliffhanger sur lequel se conclut le pilote : il laisse en suspens le sort de l'héroïne blessée, alors même que l'on vient de nous expliquer qu'une des conséquences de sa non inscription sur le registre serait le non accès aux soins. Cette fin a été pour moi la goutte d'eau faisant déborder le vase. Alors que le concept de départ était intéressant en tant que tel par la réflexion autour de crises identitaires vers laquelle il pouvait conduire, ce dernier quart d'heure donne l'impression que le scénariste s'est senti obligé de sur-ajouter. Il a voulu trop en faire, cherchant absolument à faire vibrer la corde la plus sensible du téléspectateur. En forçant le trait larmoyant, le drama tombe dans la démesure face au problème existant (d'ordre simplement bureaucratique) et perd en justesse et en authenticité. Sachant que c'est une histoire qui doit jouer sur un registre émotionnel, il ne faudrait pas que cette surenchère inutile soit une technique qui se répète.

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Sur la forme, Iki mo Dekinai Natsu est classique, mais sa réalisation fait preuve de maîtrise. Sa photographie très claire renvoie une impression soignée et épurée tout en restant colorée qui m'a séduite. C'est visuellement un drama qui, en dépit de certaines limites inhérentes, sait nous immerger dans ses décors et son ambiance. En revanche, les images de son générique d'ouverture sont un peu moins inspirée (ou plutôt, devrais-je dire, "travaillées"), mais il a la bonne idée d'emprunter une chanson anglaise d'Adele qui donne bien le ton (pour un aperçu, cf. la première vidéo ci-dessous).

Enfin, le casting est homogène et devrait tenir la route. Takei Emi (GOLD, W no Higeki) sait susciter l'empathie requise pour son personnage : elle gère plutôt correctement la transition à l'écran, passant du bonheur stéréotypé initial à une perte de repères et à des doutes qui lui font questionner son existence. Face à elle, Eguchi Yosuke retrouve cette sobre efficacité que j'avais pu apprécier dans Chase : c'est un genre de rôle qu'il maîtrise, et je ne me fais donc aucun souci le concernant. Kimura Yoshino (Hatsukoi) doit elle relever un défi plus difficile : elle sait se montrer expressive, mais son personnage souffre d'une écriture qui l'instrumentalise pour accentuer à outrance le mélodrame. On retrouve également à l'affiche Nakamura Aoi, Hara Mikie, Kirishima Reika, Koshiba Fuka, Hamada Mari ou encore Kaname Jun.

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Bilan : Iki mo Dekinai Natsu signe un pilote efficace, agréable visuellement et solide dans sa construction narrative. Malheureusement l'épisode se sent obliger de verser dans une sur-dramatisation discutable, qui rend ses derniers développements artificiels et forcés. Pour la suite, tout dépendra si le drama entend poursuivre dans cette tonalité, ou s'il s'agissait surtout de retenir l'attention du téléspectateur (même si cela a eu pour moi l'effet opposé). Passer d'un problème bureaucratique à une crise existentielle est en soi une idée qui réclame de rester sobre, or Iki mo Dekinai Natsu n'a pas encore trouvé son équilibre.

En résumé, c'est un pilote moyen, avec des atouts et des limites, mais la série n'est sans doute pas faite pour moi. Je reconnais avoir un seuil de tolérance assez bas à ce registre mélodramatique. Si le genre ne vous déplaît pas a priori, jetez-y quand même un oeil.


NOTE : 6/10


Le générique du drama :


16/05/2012

(J-Drama / Pilote) Unmei no Hito : le scandale de la rétrocession d'Okinawa

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J'ai beaucoup hésité sur le sujet de ce mercredi asiatique. J'avais d'abord esquissé un bilan de premier visionnage des pilotes des différentes nouveautés printanières japonaise (parce qu'aucune ne m'a marqué suffisamment pour y consacrer un article entier pour le moment). Il y avait aussi ce drama plus ancien que je suis en train de finir. Mais finalement, après avoir déjà failli y consacrer le billet de la semaine dernière, je n'ai pu résister à l'envie de prendre la plume pour vous parler de mon dernier coup de coeur japonais... Entre politique, journalisme, Histoire, il y a tant à dire sur cette série. Et si Unmei no Hito est un drama de la saison hivernale, son sous-titrage a débuté le mois dernier ; pour le moment, les quatre premiers épisodes sont disponibles.

Diffusé sur TBS du 15 janvier au 18 mars 2012, le dimanche soir dans la case horaire de 21h, Unmei no Hito compte 10 épisodes de 45 minutes environ. Il s'agit d'une adaptation d'un roman éponyme de Yamasaki Toyoko, qui s'inspire lui-même d'un évènement réel, le scandale ayant entouré la rétrocession d'Okinawa par les Etats-Unis au Japon dans les années 70. La responsabilité de porter à l'écran cette histoire a été confiée au scénariste Hashimoto Hiroshi (qui a déjà pu démontrer ses talents d'adaptation historique dans Karei Naru Ichizoku par exemple). C'est une fiction très dense qui nous plonge dans les coulisses de la société japonaise, soldant certains comptes avec la Seconde Guerre Mondiale, mais qui parle aussi de démocratie avec une interrogation sur la place de la presse, le tout en mêlant grande et petites Histoires.

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Unmei no Hito s'ouvre dans le Japon du début des années 70. Ce drama va suivre sur une décennie le destin d'un journaliste, Yuminari Ryota, qui est alors en pleine ascension professionnelle. En charge du service politique du grand quotidien qui l'emploie, l'ambitieux reporter a ses entrées dans les cercles gouvernementaux du pouvoir. Il a dans le même temps une idée claire de son métier : dans sa quête de scoops et de vérité, il n'hésite cependant ni à poser les questions qui fâchent, ni à se montrer entreprenant et tacticien pour obtenir des informations. Avec ses quelques soutiens de l'ombre et son travail rigoureux, il semblerait que rien ne puisse venir entraver une carrière qui s'annonce très prometteuse.

Mais, 1971, c'est aussi la date de la signature d'un traité entre le Japon et les Etats-Unis, organisant la rétrocession d'Okinawa, et précisant notamment le sort des bases militaires américaines et le paiement d'indemnités. Lors des négociations diplomatiques qui eurent lieu, le gouvernement américain exigea certaines contre-parties stratégiques et financières de la part du gouvernement japonais que ce dernier ne pouvait, politiquement, rendre publiques. Or grâce à une de ses sources au ministre des affaires étrangères, Ryota met la main sur des documents confidentiels évoquant un accord secret qui prévoit le versement de plusieurs millions de dollars aux Etats-Unis. Le journal publie l'information sans pouvoir directement dévoiler le document, ce qui risquerait de compromettre leur source.

Mais devant les démentis fermes du gouvernement et l'indifférence à laquelle il se heurte, Ryota s'indigne et va tenter de faire bouger les choses... au risque de se brûler face au pouvoir.

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Unmei no Hito marque tout d'abord par sa richesse et la densité de son propos. La série aborde des thématiques multiples, certaines très personnelles aux protagonistes, d'autres dignes des fictions politiques les plus abouties. C'est ce second aspect que mettent d'abord en valeur les premiers épisodes. Bénéficiant d'une écriture solide qui permet de prendre la mesure de la complexité de ce milieu, le drama nous introduit dans les coulisses du pouvoir de l'époque, à travers une problématique particulière, très intéressante, celle des rapports entre la presse et la classe dirigeante. Plus que certains cas de compromission ou de corruption, ce qui frappe dans le portrait ainsi dressé, c'est la connivence régnante dictée par les usages et les moeurs journalistiques de l'époque. La liberté de la presse semble tenir au mieux à un équilibre aussi fragile que précaire, au pire n'être qu'une chimère tant les reporters les plus influents apparaissent comme des pions à part entière sur l'échiquier du pouvoir ; beaucoup courtisent plus qu'ils ne songent au droit d'informer. La course aux scoops est une compétition encadrée, au sein de laquelle c'est le pouvoir qui dicte les limites et pose les bornes infranchissables. Des discussions de couloir aux déjeuners symboliques, la série nous fait ainsi assister à la montée des uns et à la chute des autres au gré des faveurs et des rapports de force.

Ce qui rend cette approche si passionnante, c'est qu'en plus de cette dimension politico-médiatique, Unmei no Hito, c'est aussi de l'Histoire. Elle revient sur les conditions de la rétrocession d'Okinawa, sur ses zones d'ombre, sur ce que le Japon a réellement accepté et ce que le gouvernement d'alors a officialisé. Le sujet est complexe pour qui (comme moi) connaît peu ces problématiques, mais si certaines subtilités peuvent au départ échapper au téléspectateur profane, la réussite de la série est de parvenir à rendre accessible les grands enjeux. L'intérêt du drama est ici double. Il permet de parler du Japon et de sa démocratie en éclairant la gestion gouvernementale de l'affaire ; mais il s'arrête aussi sur une problématique de géopolitique internationale, avec les relations entre le Japon et les Etats-Unis. Et moi qui n'aime rien tant que pouvoir apprendre grâce aux séries, autant dire que j'ai été particulièrement servie. J'ignorais tout de ces questions avant de débuter le drama, mais les informations existent en anglais pour bien les replacer dans leur contexte - attention cependant aux spoilers, cliquer à vos risques et périls ! - avec des articles tels que Okinawa-Gate : The Unknown Scandal, ou encore une interview du journaliste par qui le scandale est arrivé (de son vrai nom, Takichi Nishiyama). Unmei no Hito s'inscrit donc pour ces débuts dans la lignée des dramas capable de jouer sur la grande et les petites histoires, à la fois très enrichissant par ce qu'il évoque du Japon, mais qui en même temps ne perd pas de vue ses personnages, car ce sont eux qui en sont l'essence.

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Unmei no Hito va en effet s'intéresser aux destinées que la fuite de l'accord secret passé avec les Etats-Unis bouleverse, et à toutes les conséquences d'un scandale qui, d'une affaire d'Etat, finira par toucher la part la plus intime de ses protagonistes. Le flashforward des premières minutes donne immédiatement le ton : c'est au récit d'une déchéance que l'on va assister. Au début du drama, Yuminari Ryota est un professionnel à qui tout réussit, au point de s'imaginer peser sur ces cercles de pouvoir qu'il fréquente. Trop arrogant et sûr de ses forces, il pourrait être antipathique s'il n'était pas animé d'une passion sincère pour son métier, qu'accompagne une certaine éthique. Il est en effet prêt à beaucoup pour décrocher un scoop, mais tout ne se réduit pas à une simple compétition avec la concurrence. Le sort d'Okinawa, problématique particulièrement sensible au Japon, va être révélateur des limites de la connivence qu'il peut accepter. Lorsqu'il découvre le contenu réel du traité, Ryota cherche à prendre à témoin l'opinion publique pour le remettre en cause. Ce qui est le motive ici, ce n'est pas seulement la liberté d'informer ou l'exigence de transparence du gouvernement, c'est aussi la conscience du citoyen. D'où ses erreurs d'appréciation. Le drama touche ici à une thématique assez universelle en démontrant à quel point capter l'opinion publique est un jeu complexe ; et à l'époque, le pouvoir le maîtrise tout aussi bien.

De manière générale, ces premiers épisodes de Unmei no Hito permettent d'asseoir une galerie de personnages forts, dont on perçoit la complexité et les ambivalences. Outre le personnage central de Ryota, on y trouve notamment deux figures féminines au potentiel intéressant. Avec leurs forces et leurs faiblesses, elles sont en bien des points représentatives de la condition de la femme au Japon dans les années 70. Yuriko est l'épouse au foyer modèle, supportant et défendant son mari, même contre ceux qui comprennent mal ce qu'elle peut trouver à ce professionnel trop froid qui fait toujours passer son métier avant sa famille. On devine que les épreuves à venir vont la forcer à reconsidérer sa place et ses choix. Travaillant au ministère des affaires étrangères, Miko Akiko, elle, a déjà dû évoluer : son mari incapable de travailler, c'est elle qui doit subvenir aux besoins du foyer. Loin d'être une forme d'émancipation, cela pèse lourdement sur son couple. Elle subit en effet les brimades d'un époux ne supportant pas cette inversion des rôles. C'est justement cette tension intenable qui explique qu'elle va se tourner vers Ryota, devenant sa fameuse source.

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Sur la forme, Unmei no Hito est une série soignée. La réalisation est maîtrisée, d'une sobriété travaillée, en sachant également mettre en valeur le cadre et les symboles qui peuvent accompagner la mise en scène. Beaucoup de choix judicieux sont faits : ainsi, le premier épisode qui s'ouvre sur un flashforward à Okinawa, nous fait découvrir un océan bleuté d'une beauté à couper le souffle qui souligne parfaitement l'importance des enjeux qu'elle va concentrer. De plus, le drama bénéficie également d'une bande-son riche et très intéressante qui pose bien la tonalité ambiante ; elle est signée Sato Naoki, un habitué des OST dont le dernier travail notable était sur Ryomaden, mais que j'avais déjà beaucoup apprécié dans Hagetaka.

Enfin, Unmei no Hito dispose d'un casting dans l'ensemble solide et convaincant. Motoki Masahiro (Saka no ue no kumo, 87%) incarne bien la rigidité et l'aplomb sans faille du carriériste qui a réussi, mais en conservant des failles qui ne vont que croître à mesure que la situation va lui échapper. C'est Matsu Takako (Hero, Saka no ue no kumo) qui interprète son épouse, tandis que Maki Yoko (Loss Time Life) est sa source au ministère. Sinon, cela m'a fait plaisir de retrouver Omori Nao (Prisoner, Ryomaden), un acteur qui garde une place à part pour moi depuis Hagetaka. On croise également d'autres têtes familières du petit écran japonais, comme Kitaoji Kinya (Karei Naru Ichizoku), Matsushige Yutaka (Shinya Shokudou, Last Money ~Ai no Nedan~), Hasegawa Hiroki (Second Virgin, Suzuki Sensei, Kaseifu no Mita), Ishibashi Ryo (Gaiji Keisatsu), Harada Taizo (Kurumi no Heya) ou encore Emoto Akira (Karei naru Spy).

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Bilan : Bénéficiant d'une écriture solide, Unmei no Hito délivre un récit dense et complexe parcouru par une tension très prenante. Tout en ayant un parfum prononcé de fiction politique (et historique) par l'éclairage qu'elle offre sur la démocratie japonaise du début des années 70, et sur les rapports qu'entretiennent alors la presse et le pouvoir, la série va tout particulièrement s'intéresser à des destinées personnelles auprès desquelles le téléspectateur est prêt à s'investir. L'équilibre est rapidement trouvé entre toutes les composantes de cette histoire ; le résultat est intéressant et consistant. A suivre !


NOTE : 8,5/10

03/11/2010

(J-Drama) Karei Naru Ichizoku : déchirement familial sur une toile de fond industrielle

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Une review en forme de bilan en ce premier mercredi asiatique du mois de novembre. Non que je manque de nouveautés à découvrir, aussi bien japonaises que sud-coréennes, mais parce que, comme annoncé durant l'été, je m'efforce de poursuivre en parallèle mon exploration de la télévision du pays du Soleil Levant, suivant notamment vos recommandations du mois d'août (en l'espèce, merci donc à lady et calcifer qui m'avaient parlé de ce drama). Car ce week-end, j'ai profité du changement d'heure pour terminer une série commencée il y a déjà quelques semaines : Karei Naru Ichizoku. Diffusée en 2007, sur la chaîne TBS, elle comporte 10 épisodes (le premier et le dernier durant 75 minutes, les huit autres, 45 minutes).

Au vu du résumé, je m'attendais à de l'économique, de l'industriel, une pointe d'ambiance sixties... J'ai eu bien plus que cela. C'est une série qui, par ses thématiques et la manière de les traiter, ne ressemble à aucune autre. Rien ne m'avait vraiment préparé, à la seule lecture du synopsis, à la force de l'histoire dans laquelle je me suis ainsi engagée. Dix épisodes plus tard, Karei Naru Ichizoku s'est imposé à mes yeux comme un incontournable du petit écran japonais. Pas pleinement séduite dès le départ, au final, ce récit dont la tension va crescendo, s'affirmant peu à peu, aura plus que mérité l'investissement réalisé. Si bien que, c'est en téléspectatrice sans doute pas encore complètement remise de ce visionnage que je vous propose un bilan aujourd'hui. Car il était inconcevable de reporter d'une seule semaine la critique de ce drama.

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Adaptation d'un roman de Yamazaki Toyoko, Karei Naru Ichizoku nous plonge au coeur de la réorganisation financière du Japon à la fin des années 60, à travers la destinée tumultueuse de la famille Manpyo, riche et puissante dynastie qui a fait fortune dans le domaine bancaire. A l'aube de l'entrée dans l'ère de l'économie moderne, la série offre un parfait reflet des tensions d'une époque, portrait contrasté d'une société hésitant entre crispation sur des acquis s'amenuisant et regard tourné vers le futur. A ce conflit, incarné par les deux figures centrales de la série, se superpose la description d'une relation - ou plutôt d'une non-relation, troublée et troublante, chargée d'incompréhension, entre un père et son fils.

Patriarche dirigiste, qui mène son entourage d'une main de fer, Manpyo Daisuke possède une importante banque en bonne santé financière. Mais cette dernière est mise en danger par les plans de restructuration du ministère qui prévoient, à terme, de créer de grandes concentrations bancaires, au sein desquelles les plus petites se dilueront. Parallèlement, son fils aîné, Teppei, qui n'a jamais manifesté le moindre attrait pour ces jeux d'argent, s'est pleinement investi dans l'industrie métallurgique. Rêvant de faire entrer le Japon parmi les pays les plus industrialisés, visionnaire quant aux futurs enjeux décisifs, Teppei dirige une entreprise de fabrication de métaux. Ses certitudes le portant vers des projets ambitieux, la grande réalisation qu'il souhaite accomplir est la construction d'un haut fourneau qui lui permettra d'acquérir une indépendance de fabrication et une assise matérielle pour partir à l'assaut de nouveaux marchés, notamment américains.

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Pour mener à bien ses idées, Teppei a besoin de soutiens financiers. C'est pourquoi il s'adressera logiquement à Daisuke, en dépit des rapports atypiques, dénués de tout sentiment qu'il a toujours entretenu avec lui, le fils se sentant comme étrangement rejeté par un père qui n'a eu d'yeux que pour le cadet, Ginpei. Aussi meurtri qu'il soit par cette attitude paternelle, Teppei continue obstinément de rechercher une trace de satisfaction dans le regard que son père peut poser sur lui. Seulement, pour ce dernier, la survie et la pérennité de la famille Manpyo ne sauraient passer que par la prospérité de leur banque. Ses manoeuvres pour permettre ce sauvetage vont l'amener à prendre des décisions difficiles et à orchestrer des manipulations brisant, sans arrière-pensée, plus d'un adversaire sur sa route. C'est ainsi sur une voie bien dangereuse qu'il conduit fermement une famille au bord de l'implosion. Daisuke se dit certes prêt à tout pour sauver sa banque, mais a-t-il vraiment songé au prix qu'il pourrait payer ? La famille Manpyo survivra-t-elle à ces soubressauts ? Quels seront les sacrifices à réaliser ?

A la seule lecture du synopsis, si on pressent le potentiel indéniable de Karei Naru Ichizoku, on peine à vraiment apprécier la multiplicité des thématiques que la série va développer et la force d'une histoire qui va tout simplement submerger le téléspectateur. Ce serait une erreur que de trop hâtivement la catégoriser dans un genre précis. Car un de ses principaux atouts va justement être de savoir transcender tous les thèmes mis en scène, pour finalement offrir un récit dense et surtout homogène, dont la maîtrise dans l'exploitation de ces différentes facettes, va dépasser toutes les attentes initiales.

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Tout d'abord, Karei Naru Ichizoku a évidemment les accents d'une saga industrielle au sens noble du terme. Nous plongeant dans les coulisses agitées et létales de la restructuration économique japonaise de la fin des année 60, elle manie avec dextérité le langage compliqué des financiers, tout comme les manipulations retorses des ambitieux qui peuplent ses réunions. Son incursion politique se révèle toute aussi désillusionnée, tant elle dévoile un monde corrompu aux alliances changeantes. Pour autant, ces passages complexes ne vont jamais rendre la série abrupte ou rébarbative. Au contraire, elle réussit à intégrer avec naturel ces enjeux, parfois excessivement abstraits mais toujours compréhensibles, dans les tensions émotionnelles sous-jacentes qui la parcourent.

Car voilà bien un des attraits les plus fascinants de Karei Naru Ichizoku : sa capacité constante à développer une empathie diffuse et sous-jacente tout au long de la série. Si le téléspectateur ne se sent jamais déconnecté de ces intrigues politico-industrielles, c'est parce que le récit n'y est jamais déshumanisé. C'est toujours par le facteur humain, les personnages, que l'histoire se construit, demeurant profondément liée aux aspirations et conflits internes qui les régissent. C'est ainsi que le téléspectateur va être capable de ressentir et de partager cette bouffée d'idéalisme mal contenue manifestée par Teppei, lorsque ce dernier décrit ses grands projets d'avenir, ou qu'il parle avec passion de l'industrie métallurgique. De même, on perçoit bien que les apparentes froides motivations de Daisuke cachent d'autres non-dits, d'autres blessures plus profondes et plus enfouies.

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Dans Karei Naru Ichizuku, si elle en est le décor principal, l'industrie n'est pas une fin en soi. Elle apparaît comme une extension, un univers qui se superpose à la famille, cette dernière restant le coeur véritable du drama. Car cette série est avant tout un véritable drame familial, dans tous les sens du terme. 

La puissance des Manpyo n'a d'égal que le malaise qui s'étend et se creuse dans une famille au bord de l'implosion. Placée sous la férule tyrannique et patriarcale d'un Daisuke pour qui chacun de ses enfants est un outil lui permettant d'oeuvrer à la protection de l'empire financier qu'il souhaite pérenniser, le téléspectateur s'aperçoit bien vite que la gangrène qui ronge les Manpyo est beaucoup plus profonde que de simples mariages arrangés. Il y a quelque chose de vicié dans ce portrait dressé d'une dynamique familiale, quelque chose qui va bien au-delà d'une simple histoire de moeurs et de cette maîtresse omniprésente, presque officiellement intronisée et qui s'arroge la place de l'épouse officielle. Face à ce ressort qui semble cassé, le téléspectateur est longtemps réduit à se perdre en conjectures, incapable d'identifier ce qui se cache derrière certains non-dits ou réactions disproportionnées.

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Pourtant, dès le départ, on devine inconsciemment que tout tourne, comme la série elle-même, autour de cette relation père-fils dont la détérioration apparaît presque instantanément inéluctable. Telle la partition maîtrisée d'une tragédie à l'ancienne au destin déjà scellé, on assiste impuissant à l'engrenage qui s'opère. Cette incompréhension initiale, de deux êtres qui ont toujours été des étrangers l'un pour l'autre, se change progressivement en une concurrence, un temps seulement inconsciente, mais qui prend peu à peu toute sa force pour se conclure en un affrontement direct visant à l'anéantissement de l'autre. Cette inimité qui bascule dans une aversion unilatérale à travers laquelle Daisuke règle ses comptes avec son propre père, Teppei n'étant qu'une incarnation, à ses yeux, de cette figure paternelle tant haïe, est proprement glaçante à l'écran. Si les secrets de famille soigneusement gardés expliqueront bien des ressorts cassés au sein des Manpyo, rien ne pourra arrêter l'engrenage infernal initié par cette opposition destructrice. A mesure que la situation se détériore et que la possibilité d'une réconciliation s'éloigne, le téléspectateur perçoit très tôt - trop tôt - l'issue probable vers laquelle tout finit par tendre.

Le dernier acte de cette tragédie qu'est Karei Naru Ichizoku est à l'image de la série, reflet de toutes les désillusions que cet univers aura apporté. Plus que le contenu de cette fin, c'est l'extrême vanité de tous ces évènements qui reste le plus marquant. Ces luttes acharnées auxquelles on a assisté, ces sacrifices qui ont été faits jusqu'au plus ultime, nous auront entraîné et submergé dans un tourbillon émotionnel d'une ampleur rare. Mais, au final, ce sont d'autres forces, bien plus implacables, bien plus déshumanisées qu'une famille se déchirant, qui poursuivent leurs oeuvres, imperturbables, broyant sur leur passage tout ce qui peut se mettre au travers de leur route. C'est en cela que l'ambivalence de Karei Naru Ichizoku reste profondément dérangeante : certes, au sein de la famille Manpyo, la tradition l'a emporté sur la modernité, mais elle a déjà perdu la bataille finale. Ce n'est qu'un sursis un peu vain, qui donne au final un arrière-goût extrêmement amer (pas uniquement en raison du flot de larmes salées l'accompagnant), conclusion parfaite dans la droite lignée de la série.

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Sur la forme, si sa réalisation est classique, la photographie bénéficie d'une intéressante teinte un peu sepia. Reflet de son appartenance aux sixties, elle renforce aussi l'ambiance de reconstitution historique à la veille de grands changements qu'évoque le drama. Cependant, le registre dans lequel Karei Naru Ichizoku excelle plus que toute autre, c'est dans la composition de sa bande-son. Avec ses accents épiques un peu surprenants aux premiers abords, au vu du sujet traité, elle permet au récit d'atteindre une dimension supplémentaire, lui conférant un souffle fascinant, mais qui prend tout son sens devant la mise en scène de cet affrontement au parfum de tragédie dans laquelle l'histoire glisse progressivement. Minimaliste dans son recours à des chansons, c'est par des morceaux instrumentaux que ce volet musical s'impose. Omniprésente, sans que son utilisation paraisse pour autant excessive ou artificielle, il apparaît rapidement que la musique occupe la fonction d'un outil de narration, rythmant le récit, ses avancées et ses bouleversements, renforçant d'autant l'intensité émotionnelle de certains passages. Cela accroît également cette apparence théâtrale, étonnamment grandiloquente, mais dont la force emporte le téléspectateur comme rarement. C'est bien une des plus marquantes - et des plus belles - OST de j-dramas qu'il m'ait été donné d'écouter.  

Enfin, Karei Naru Ichizoku bénéficie d'un casting très solide. S'il s'appuie sur une riche galerie de personnages, le rôle principal est dévolu à un Kimura Takuya très convaincant. Même pour une relative néophyte en télévision japonaise telle que moi, cet acteur ne pouvait être un inconnu. Cependant, évènement notable, c'est la première fois que je parviens au bout d'un de ses dramas, après des essais infructueux devant Pride ou MR BRAIN. Face à lui, Kitaoji Kinya (Zettai Reido) incarne un père avec ses propres préoccupations, mais aussi blessures personnelles. A leurs côtés, on retrouve un large casting, composé notamment de Suzuki Kyoka, Hasegawa Kyokon, Yamamoto Koji, Yamada Yu, Aibu Saki, Fukiishi Kazue, Nakamura Toru, Inamori Izumi, Takigawa Yumi, Nishimura Masahiko ou encore Harada Mieko.

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Bilan : Entre épopée industrielle et saga familiale, Karei Naru Ichizoku est avant tout une histoire d'hommes. Avec pour toile de fond la modernisation économique du Japon, ce drame humain relate la détérioration progressive de la relation de deux êtres qui n'ont jamais su se trouver, ni se comprendre : un père et son fils aîné, dont les actions vont être une source de souffrance pour l'autre. A mesure que la série progresse, le récit acquiert une ampleur aussi fascinante que presque inattendue. Chaque épisode, chaque nouvelle prise de décision, renforce cette impression d'assister à un nouvel acte d'une sourde tragédie qui s'est inéluctablement mise en marche, et que rien ne paraît pouvoir arrêter. Entre tradition et modernité, entre amour et haine, il y a quelque chose de profondément désillusionné dans l'univers de cette série, illustré par la vanité finale de tous ces évènements. Vraiment dotée d'une intensité émotionnelle rare, Karei Naru Ichizoku ne laissera aucun téléspectateur indifférent.

Un incontournable du petit écran japonais.


NOTE : 9/10


La bande-annonce de la série :


Le thème musical principal (superbe) :