01/08/2012
(J-Drama / Pilote) Iki mo Dekinai Natsu : du problème administratif à la crise existentielle
La saison estivale bat actuellement son plein au Japon. Beaucoup de nouveautés sont arrivées en juillet. Comme je vous l'avais dit, peu avait initialement retenu mon attention sur le papier. Mais le rythme du petit écran mondial étant quand même un peu moins soutenu durant cette période - plus si creuse - qu'est l'été, j'ai pris le temps de tester quelques dramas que j'aurais sans doute laissés passer en temps normal. Par curiosité pour une affiche, por un casting, ou tout simplement parce que j'étais intriguée de voir comment serait porté à l'écran et avec quelle approche tel ou tel concept.
A l'heure d'un premier bilan de visionnage, Magma est, malgré certaines limites, pour le moment le drama qui m'a le plus intéressé. J'y reviendrai dans un prochain billet d'ensemble (vivement la sortie des sous-titres anglais du dernier épisode). En attendant, arrêtons-nous aujourd'hui sur un pilote en particulier parmi ceux que j'ai visionnés, celui de Iki mo Dekinai Natsu. Diffusé le mardi soir sur Fuji TV, ce drama a débuté le 10 juillet dernier au Japon. Je savais qu'il n'appartenait pas un genre avec lequel j'ai beaucoup d'affinité (du mélodrame, des accidents de vie, de la romance...). Ce premier épisode m'a laissé une impression mitigée, mais je ne regrette pas de l'avoir vu.
L'héroïne de Iki mo Dekinai Natsu, Tanizaki Rei, est une jeune fille qui semble avoir sa vie bien en main. Elle vit avec sa mère et sa plus jeune soeur, a fini ses études au lycée et s'épanouit en faisant un travail qu'elle aime dans une grande enseigne de pâtisserie. Tout semble aller pour le mieux, d'autant plus que sa supérieure lui propose un contrat d'embauche au sein de l'entreprise qui lui permettrait de postuler à des formations prestigieuses, notamment à Paris. La persévérance de Rei a donc payé. Or c'est pourtant cette offre qu'elle attendait sans y croire qui va faire vaciller sa vie. En effet, pour devenir une employée à temps complet, elle doit fournir un certain nombre de justificatifs, notamment d'identité et de sécurité sociale. Mais en allant demander ces documents, elle découvre qu'elle n'a pas été inscrite sur le registre de sa famille à sa naissance.
Par conséquent, aux yeux de l'Etat et de l'administration, Rei n'existe pas et n'a donc aucun droit. Cet incident n'est pas unique : c'est un problème qui se rencontre lorsqu'une mère entendait contourner la présomption légale irréfragable posée dans le droit de la famille japonais, au terme de laquelle le mari est automatiquement le père d'un enfant qui serait né moins de 300 jours après la dissolution du mariage. Prise au dépourvu par cette situation déstabilisante, alors que sa mère fuit pour l'instant ses responsabilités, Rei s'interroge sur sa place au sein de sa famille et de la société. Elle va se lier avec l'employé administratif qui l'a reçue et lui a appris la situation. Ce dernier est touché par son cas, peut-être parce qu'il s'est lui-même retrouvé en marge de la société après avoir subi de graves désillusions dans sa carrière journalistique précédente.
Se noue peu à peu une surprenante relation entre Rei et cet homme qui aurait l'âge d'être son père. Les deux pourront-ils se guérir l'un l'autre ?
Il faut reconnaître au pilote de Iki mo Dekinai Natsuse une réelle efficacité dans sa construction narrative. Correspondant en tout point à ce qu'on pouvait légitimement en attendre pour introduire la situation, il met en scène avec une impression d'inéluctabilité poignante l'engrenage des évènements qui fait dérailler la vie jusque là si bien ordonnée de Rei. L'écriture apparaît solide et consistante, et le rythme est globalement maîtrisé. Judicieusement, c'est avant tout sur l'héroïne que se concentre l'épisode : il s'agit de créer un lien affectif avec le téléspectateur. Ce dernier ne pourra rester insensible aux conséquences que la révélation - sa non-inscription dans les registres - va avoir sur Rei. Le cauchemar administratif devient familial, pour se transformer ensuite en une remise en cause existentielle touchante et qui a du potentiel si elle est bien menée. Mais s'il avait jusque là su rester relativement sobre, l'épisode négocie mal le tournant une fois le problème exposé au grand jour.
En effet, Iki mo Dekinai Natsuse bascule alors dans une sur-dramatisation au cours de laquelle le récit perd en force et en crédibilité. Cette évolution trouve son apogée dans le cliffhanger sur lequel se conclut le pilote : il laisse en suspens le sort de l'héroïne blessée, alors même que l'on vient de nous expliquer qu'une des conséquences de sa non inscription sur le registre serait le non accès aux soins. Cette fin a été pour moi la goutte d'eau faisant déborder le vase. Alors que le concept de départ était intéressant en tant que tel par la réflexion autour de crises identitaires vers laquelle il pouvait conduire, ce dernier quart d'heure donne l'impression que le scénariste s'est senti obligé de sur-ajouter. Il a voulu trop en faire, cherchant absolument à faire vibrer la corde la plus sensible du téléspectateur. En forçant le trait larmoyant, le drama tombe dans la démesure face au problème existant (d'ordre simplement bureaucratique) et perd en justesse et en authenticité. Sachant que c'est une histoire qui doit jouer sur un registre émotionnel, il ne faudrait pas que cette surenchère inutile soit une technique qui se répète.
Sur la forme, Iki mo Dekinai Natsu est classique, mais sa réalisation fait preuve de maîtrise. Sa photographie très claire renvoie une impression soignée et épurée tout en restant colorée qui m'a séduite. C'est visuellement un drama qui, en dépit de certaines limites inhérentes, sait nous immerger dans ses décors et son ambiance. En revanche, les images de son générique d'ouverture sont un peu moins inspirée (ou plutôt, devrais-je dire, "travaillées"), mais il a la bonne idée d'emprunter une chanson anglaise d'Adele qui donne bien le ton (pour un aperçu, cf. la première vidéo ci-dessous).
Enfin, le casting est homogène et devrait tenir la route. Takei Emi (GOLD, W no Higeki) sait susciter l'empathie requise pour son personnage : elle gère plutôt correctement la transition à l'écran, passant du bonheur stéréotypé initial à une perte de repères et à des doutes qui lui font questionner son existence. Face à elle, Eguchi Yosuke retrouve cette sobre efficacité que j'avais pu apprécier dans Chase : c'est un genre de rôle qu'il maîtrise, et je ne me fais donc aucun souci le concernant. Kimura Yoshino (Hatsukoi) doit elle relever un défi plus difficile : elle sait se montrer expressive, mais son personnage souffre d'une écriture qui l'instrumentalise pour accentuer à outrance le mélodrame. On retrouve également à l'affiche Nakamura Aoi, Hara Mikie, Kirishima Reika, Koshiba Fuka, Hamada Mari ou encore Kaname Jun.
Bilan : Iki mo Dekinai Natsu signe un pilote efficace, agréable visuellement et solide dans sa construction narrative. Malheureusement l'épisode se sent obliger de verser dans une sur-dramatisation discutable, qui rend ses derniers développements artificiels et forcés. Pour la suite, tout dépendra si le drama entend poursuivre dans cette tonalité, ou s'il s'agissait surtout de retenir l'attention du téléspectateur (même si cela a eu pour moi l'effet opposé). Passer d'un problème bureaucratique à une crise existentielle est en soi une idée qui réclame de rester sobre, or Iki mo Dekinai Natsu n'a pas encore trouvé son équilibre.
En résumé, c'est un pilote moyen, avec des atouts et des limites, mais la série n'est sans doute pas faite pour moi. Je reconnais avoir un seuil de tolérance assez bas à ce registre mélodramatique. Si le genre ne vous déplaît pas a priori, jetez-y quand même un oeil.
NOTE : 6/10
Le générique du drama :
17:16 Publié dans (Séries asiatiques) | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : j-drama, fuji tv, iki mo dekinai natsu, takei emi, equchi yosuke, kimura yoshino, nakamura aoi, hara mikie, kirishima reika, koshiba fuka, hamada mar, kaname jun, rikiya, hashimoto reika, shimizu kazuki, katsunobu, asada miyoko, kitaoji kinya | Facebook |
28/09/2011
(J-Drama) Ryuuten no Ouhi - Saigo no Koutei (Princess Hiro) : la dernière princesse de Chine
En ce mercredi asiatique, poursuivons l'alternance avec la Corée du Sud, et prenons la direction du Japon pour un drama historique qui m'a vraiment fait vibrer et passionnée : Ryuuten no Ouhi - Saigo no Koutei, aussi connu sous le nom de Princess Hiro (La Dernière Princesse de Chine). C'est une fiction qui devrait notamment intéresser ceux qui ont apprécié le film Le Dernier Empereur, puisqu'elle relate des évènements proches, suivant la destinée de l'épouse japonaise du prince cadet de la famille impériale.
Ruten no Ouhi - Saigo no Koutei est un tanpatsu (un téléfilm) d'une durée globale d'environ 4h30 (visionné en quatre parties). Ce drama, que l'on pourrait qualifier de mini-série, a été diffusé sur TV Asahi en novembre 2003, à l'occasion du 45e anniversaire de la chaîne. Nous plongeant dans l'Histoire tumultueuse du Japon et de la Chine, des années 30 au début des années 60, il exploite habilement ce sujet très intéressant, tout en gardant un volet plus intimiste, en s'intéressant à un couple principal formé et malmené par les évènements.
Ruten no Ouhi - Saigo no Koutei débute en 1936. Le Japon impérial a envahi la Mandchourie au début de la décennie. Elle en a fait un Etat, officiellement indépendant, mais qui dans les faits demeure contrôlé par l'armée japonaise, qui a placé à sa tête comme chef de l'exécutif, le dernier Empereur de la dynastie Qing, Aixinjueluo Puyi. La tutelle japonaise s'exerce jusqu'à la maîtrise du destin de la famille impériale chinoise, à laquelle est lié le contrôle du territoire. Puyi n'ayant pas d'héritier, son jeune frère, Pujie, officier dans l'armée japonaise, est fortement encouragé à se choisir une épouse lors de ses études au Japon. Si un fils pouvait naître de cette union, cela permettrait d'asseoir durablement l'influence et la légitimité japonaise sur la région.
Ruten no Ouhi - Saigo no Koutei raconte l'histoire de ce couple originellement né de la raison d'Etat et de considérations géostratégiques qui les dépassent. Ce mariage initialement politique, entre un prince chinois et une jeune noble japonaise, apparentée de manière éloignée à l'Empereur du Japon, deviendra une véritable union, fondée sur un amour réciproque inébranlable. C'est ainsi que la relation de Hiro et Puije va réussir à traverser, en dépit des difficultés, tous les tumultes politiques et militaires qui vont marquer leurs pays respectifs : les exactions japonaises en Mandchourie, la Guerre du Pacifique et la défaite japonaise, la révolution communiste chinoise, la rééducation en camp...
Ryuuten no Ouhi - Saigo no Koutei dispose de deux grands atouts. Il s'agit tout d'abord d'une très intéressante fresque historique qui, de 1936 à 1961, va nous faire vivre, directement ou indirectement, les destins croisés du Japon et de la Chine. Les bouleversements sont nombreux, et l'Histoire foisonnante permet un récit très riche. Loin de présenter une photographie figée, ce drama propose au contraire un portrait très vivant, souvent poignant, de cette époque troublée et des soubresauts qui la rythment. C'est logiquement sur le sort de la Mandchourie que s'arrête plus particulièrement ce drama. Dans cet Etat pantin (Mandchoukouo) où le gouvernement est une marionnette entre les mains du Japon, les tensions et la fracture sino-japonaise sont marquantes et de plus en plus tragiques. La mise en scène de la série souligne bien les paradoxes d'une situation chargée d'anachronismes, comédie des apparences où chacun suit le rôle qui lui a été donné. Des traditions d'une dynastie restaurée mais fantoche, aux ingérences et aux abus japonais, le drama n'occulte aucune facette de son sujet.
En plus d'un éclairage passionnant sur la grande Histoire, la réussite de Ryuuten no Ouhi - Saigo no Koutei va être de savoir intégrer à cette toile de fond troublée une belle histoire personnelle. C'est celle d'un couple réuni par des préoccupations politiques extérieures, au sein duquel les deux époux vont apprendre à se connaître pour construire un véritable mariage d'amour très solide. La magie des sentiments s'opère sous nos yeux, inéluctablement et irrémédiablement en dépit du contexte très difficile et du déchirement provoqué par la situation en Mandchourie. Le récit touche et émeut sans jamais tomber dans le mélodrama. Si ces destinées marquent autant, c'est sans doute aussi parce que la lueur d'espoir ne s'éteindra jamais pour ce couple balayé par l'Histoire sans qu'il ait jamais été vraiment maître de son destin. Hiro et Pujie resteront unis dans l'adversité, malgré tout ce qui aurait dû et pu les opposer. La distance d'une séparation liée à la guerre ne brisera pas leur lien... une patience finalement récompensée en 1961, le régime communiste chinois autorisant leurs retrouvailles.
Solide sur le fond, Ryuuten no Ouhi - Saigo no Koutei atteint une autre dimension grâce à sa forme. Sa réalisation est soignée. La photographie met en valeur les qualités esthétiques d'une reconstitution historique appliquée, offrant des contrastes très intéressants en mêlant notamment costumes traditionnels impériaux et habits modernes des années 30 et 40. De plus, ce drama bénéficie d'une superbe OST, avec des thèmes musicaux qui savent parfaitement guider la narration et accentuer la dimension émotionnelle d'un drama qui va toucher une corde sensible, sans jamais en abuser. Le thème instrumental principal notamment, teintée d'une douce mélancolie qui semble au fil du récit de plus en plus déchirante et pesante, est une musique à laquelle la série demeurera toujours associée dans mon esprit.
Enfin, Ryuuten no Ouhi - Saigo no Koutei dispose d'un casting très solide, porté par deux acteurs principaux dont les performances ne laissent pas indifférents (même si je ne vous garantis pas en revanche que leur mandarin soit irréprochable). Tokiwa Takako (Long Love Letter, Tenchijin) propose une prestation pleine de vitalité et de fraîcheur pour incarner cette jeune femme au caractère affirmé qu'est Hiro. A ses côtés, j'ai eu le plaisir de retrouver, dans un registre très différent des dramas dans lesquels j'avais pu le voir jouer, Takenouchi Yutaka (Rondo, Fumou Chitai, BOSS) : d'une sobriété à toute épreuve, il incarne avec simplicité ce prince réfléchi, confronté à des évènements sur lesquels il n'a que l'illusion d'une emprise. Je peux sans doute dire au terme de cette série que cet acteur est définitivement entré dans ma courte liste des acteurs japonais à suivre. Outre ce couple phare qui retient l'attention, on retrouve également Hayase Erina, Ichikawa Yui, Esumi Makiko, Amami Yuki, Sorimachi Takashi, Nogiwa Yoko, Kimura Yoshino, Takenaka Naoto ou encore Danta Yasunori.
Bilan : Bénéficiant d'une forme soignée, Ryuuten no Ouhi - Saigo no Koutei est une belle oeuvre, homogène, qui mêle habilement la grande et la petite histoire. Fresque historique appliquée et passionnante proposant l'instantané d'une époque troublée en Asie, le drama ne néglige pas non plus une dimension émotionnelle, souvent touchante, en nous plongeant dans les destinées chaotiques d'un couple principal entraîné dans les soubresauts de l'Histoire. Le téléspectateur se laisse ainsi captiver par cette histoire, porteuse d'espoir à sa façon en ouvrant un pont entre les peuples, entre la Chine et le Japon.
NOTE : 8,25/10
Une présentation avec quelques images :
Le thème musical principal de la superbe OST :
Un extrait, Amami Yuki chante "When shall you return" (en mandarin) :
12:30 Publié dans (Séries asiatiques) | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : j-drama, tv asahi, ryuuten no ouhi saigo no koutei, princess hiro, tokiwa takako, takenouchi yutaka, hayase erina, ichikawa yui, esumi makiko, amami yuki, sorimachi takashi, nogiwa yoko, kimura yoshino, takenaka naoto, danta yasumori | Facebook |