Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

30/11/2014

(UK) Grantchester, saison 1 : un (crime) period drama empreint de chaleur humaine

vlcsnap-2014-11-23-15h04m07s78_zpse884c2a6.jpg

De The Vicar of Dibley à Father Ted, en passant par Rev., on peut sans nul doute dire qu'il existe une solide tradition de comédies cléricales dans le petit écran anglais. Mais depuis l'année dernière, les téléspectateurs d'outre-Manche ont désormais l'occasion de se familiariser avec un autre genre de fictions cléricales, des whodunit les replongeant dans les années 50. En janvier 2013, BBC1 a ainsi lancé Father Brown (diffusée dans la journée). Cet automne 2014, c'est ITV1 qui proposait à son tour son propre homme d'Église pour résoudre quelques intrigues criminelles, en prime-time cette fois, dans Grantchester, une série basée sur les romans de James Runcie.

Six épisodes plus tard, il faut reconnaître qu'il est bien difficile de rester insensible au charme de cette série pleine d'humanité (et de ses acteurs, James Norton en tête, dans un rôle qui tranche du tout au tout par rapport au personnage qu'il interprétait dans Happy Valley un peu plus tôt cette année). On retrouve dans Grantchester cette saveur caractéristique des 'period dramas réconforts', un peu hors du temps, très prisés des téléspectateurs britanniques pour conclure leur week-end (même si la série a été diffusée le lundi - les dimanches soirs d'automne, sur ITV1, étant réservés à Downton Abbey). Une fiction donc typiquement anglaise, pour laquelle une seconde saison a (heureusement) d'ores et déjà été commandée.

vlcsnap-2014-11-23-15h03m45s115_zpsde73026e.jpg

Le charme de Grantchester repose sur une chaleur humaine qu'elle a communicative, bien plus que sur les enquêtes relatées dont les atours sonnent quelque peu datés. Se déroulant dans un coin de campagne anglaise, près de Cambridge -un décor champêtre que la réalisation sait admirablement mettre en valeur avec des plans soignés et une photographie lumineuse-, la série se situe dans l'après Seconde Guerre Mondiale. Il ne faut cependant pas attendre d'elle un tableau critique et acéré de l'Angleterre d'alors. Par petites touches, la série aborde certes de manière très classique certains thèmes de société et les préjugés qui ont cours dans ce cadre resté rigide et conservateur, mais elle n'en fait jamais l'objectif premier du récit. Et si l'ombre de la guerre est omniprésente -jusque dans des flashbacks-, c'est avant tout pour éclairer ses conséquences humaines et mieux souligner combien elle hante toujours les esprits et pèse sur les consciences, au premier rang desquelles figure celle de Sidney Chambers, jeune prêtre anglican officiant dans cette petite communauté. La dimension policière -au rythme d'un crime à résoudre par épisode- ne dépareille pas dans cet ensemble, cependant les investigations servent surtout de ressorts narratifs -d'aucuns parleraient de prétextes- parfaits pour faire évoluer et pousser dans leurs retranchements des protagonistes qui constituent le cœur véritable de l'histoire.

En effet Grantchester est entièrement dédiée à ses personnages. La série cultive l'art de mettre en scène des duos inattendus, dont les interactions, vivantes et rafraîchissantes, fonctionnent extrêmement bien à l'écran. Dans le premier épisode, c'est un doute concernant la réalité d'un suicide qui conduit Sidney à pousser pour la première fois les portes du commissariat local. Il y rencontre Geordie Keating (impeccable Robson Green), le policier en charge de l'enquête. Complémentaires dans la résolution des crimes, les deux hommes nouent très vite une solide amitié qui saura par la suite traverser diverses turbulences. L'entourage de Sidney n'est pas en reste et trouve aussi très bien ses marques, de Mrs Maguire, gouvernante énergique à la franchise toujours très directe, au jeune vicaire Leonard et ses débats théologiques abstraits qu'ils accueillent à la mi-saison. L'écriture accorde une large place aux états d'âme des personnages, et tout particulièrement de Sidney. Hanté par la guerre, mais aussi par les déchirements causés par un amour impossible et une vie sentimentale compliquée, il s'évade dans ses disques de jazz -des goûts musicaux accueillis avec perplexité- et noie ses regrets dans l'alcool. Au fil des épisodes et des péripéties, Grantchester s'attarde sur les failles de chacun, mais aussi sur les émotions et les doutes qui menacent de les submerger. Elle dresse ainsi des portraits, plein de sincérité et profondément attachants, qui ne laissent pas le téléspectateur insensible et représentent le vrai fil rouge de la série.

vlcsnap-2014-11-23-18h40m46s17_zps0f48ec99.jpg
vlcsnap-2014-11-23-21h20m02s96_zps07f6a86f.jpg
vlcsnap-2014-11-22-21h23m13s205_zps78dfa267.jpg

Ainsi, Grantchester ne saurait se réduire à une simple -énième- fiction d'enquêtes. Plaçant l'humain, avec ses failles et ses passions, au cœur du récit, elle repose sur les dynamiques -entre respect, petites piques et soutien- qui s'installent entre ses personnages, ayant l'art d'associer des figures inattendues pour former des duos fonctionnant très bien à l'écran. Portée par un casting convaincant et une réalisation soignée, elle s'impose comme un period drama empreint de chaleur humaine dont le charme communicatif et sincère ne laisse pas indifférent. Une série qui se révèle donc attachante et parvient à se démarquer dans un genre -whodunit- saturé. Avis aux amateurs.

NOTE : 7,25/10


La bande-annonce de la série :

20/10/2012

(UK) Hunted : une froide fiction d'espionnage

hunted0.jpg

Orphelin de Spooks en cette rentrée télévisuelle, privé de la perspective de retrouver les missions tendues de ces agents du MI-5 qui lui ont fait perdre quelques cheveux au fil des ans, le téléspectateur se cherchait instinctivement des substituts. Il était facile d'en imaginer un dans Hunted, une série derrière laquelle on retrouve justement la boîte de production Kudos, et avec un développement confié à Frank Spotnitz dont le nom reste associé à X-Files. Diffusée sur BBC1 depuis le 4 octobre, Hunted a démarré hier soir aux Etats-Unis sur Cinemax. Malheureusement la série ne m'a toujours pas convaincu.

Il n'y a pourtant rien que j'aime tant qu'une solide fiction d'espionnage, aussi classiques soient les voies qu'elle emprunte. Vous vous souvenez peut-être de ce véritable coup de coeur  qu'a été The Sandbaggers au printemps dernier - elle reste sans doute une de mes révélations sériephiles de l'année 2012. Cette série m'a prouvé et rappelé qu'un genre connu par coeur peut toujours être aussi fascinant et excitant qu'au premier jour, sans besoin de se réinventer, à condition que l'écriture (et le casting) soit à la hauteur. Hunted s'est engouffrée sur bien des sentiers déjà battus, mais elle peine cependant à dépasser le stade de la caricature. Un léger mieux se perçoit au fil des trois épisodes, après un début poussif, mais est-ce suffisant ?

huntedb.jpg

Après une mission conduite à Tanger, Sam Hunter, agent d'une compagnie de sécurité privée, est grièvement blessée dans un bar où elle avait rendez-vous. Elle échappe de peu à la mort, mais perd l'enfant qu'elle portait. Ignorant qui l'a trahie et qui a commandité cette tentative d'assassinat, elle fait le choix de disparaître pour se rétablir en Ecosse. Une année plus tard, de nouveau sur pied, elle recontacte son ancien employeur bien décidée à découvrir le fin mot de l'histoire. Se méfiant des membres de son ancien équipe, de son supérieur, mais aussi de tous ceux qu'elle a pu croiser à Tanger, elle entend découvrir qui et pourquoi elle a été prise pour cible. Elle obtient rapidement sa réintégration pour être incluse dans une mission d'infiltration dans la maison d'un riche et trouble homme d'affaires, qui doit prendre part à des enchères qui attisent bien des convoitises. Mais ceux qui voulaient sa mort ne semblent pas l'avoir oubliée...

huntedn.jpg

Des histoires d'infiltration, de tentatives d'assassinat, de taupe, le tout dans un milieu où chacun garde jalousement ses secrets et ses atouts, et où la méfiance règne... Nul doute que Hunted entend se réapproprier bien des classiques du genre. Son approche même ne manque pas de potentiel. Fiction feuilletonnante, elle nous plonge dans les coulisses d'une compagnie de renseignements privée, ravivant un peu plus l'écho du fantôme d'Alias déjà présent dans l'inconscient du téléspectateur du seul fait de la présence de Melissa George. Conduire des missions pour d'obscurs clients, sans avoir même la perspective de se raccrocher à l'idée que ces sacrifices potentiels auront lieu "pour le bien commun du pays", voilà de quoi construire un univers particulièrement endurci. L'ensemble fonctionne par intermittence grâce à l'ambiance que ce cadre génère, par cette paranoïa excessivement froide dans laquelle la fiction se complaît. Mais le problème est que la série peine à dépasser l'enchaînement des poncifs. Son écriture, manquant trop de subtilité, a souvent du mal à maîtriser et à exposer les enjeux afin de capturer l'attention du téléspectateur. La progression des intrigues est hachée et inégale, fonctionnant par à-coup et parachutage d'informations sans réelle cohésion.

En trois épisodes, une amélioration se constate cependant, grâce à cette tension presque mécanique engendrée par moment par quelques coups d'éclat. Ou plutôt, devrais-je dire, par ces explosions de violence. La dure réalité de l'univers dans lequel évolue la série était un atout légitimement exploitable. Mais, comme pour le reste, ses scénaristes abusent de ces ressorts violents vite banalisés : leur gratuité finit par leur faire perdre tout impact. La fiction évolue dans un univers complètement désensibilisé, presque déshumanisé. Le problème est que la caractérisation des personnages en souffre : nulle émotion, encore moins d'empathie, chez des protagonistes trop unidimensionnels, peu aidés par des répliques souvent assez creuses et où manque de façon parfois criante cette dose de manipulation subtile, de non-dits, sur laquelle un vrai thriller paranoïaque doit être en mesure de jouer. La série ne s'attarde vraiment que sur l'héroïne, les autres peinant à exister par eux-mêmes et à susciter l'intérêt d'un téléspectateur qui ne trouve pas vraiment ces repères dans l'équipe dysfonctionnelle mise en scène. Et même Sam Hunter reste une figure à la psychologie à peine esquissée. On peut finir par se préoccuper de son enquête sur ses tueurs, mais on ne s'implique pas, ni ne s'attache à la jeune femme.

huntedk.jpg

Sur la forme, Hunted présente une réalisation stylée, plutôt agréable de premier abord. Elle propose également quelques plans inspirés, notamment en extérieur - les scènes en Ecosse du pilote sont tout simplement magnifiques. Mais elle a aussi tendance à trop en faire (cette façon de prendre une idée pas mauvaise sur le papier, mais de tirer ensuite trop sur la corde se retrouve comme sur le fond). La photographie, avec ses teintes bleutées - ou jaunâtres suivant les lieux, apparaît dans certains scènes vraiment trop saturée. Cela contribue à donner à l'ensemble une impression d'artificialité, mais aussi de distance avec le récit, qui n'aide pas à l'investissement du téléspectateur.

Enfin, le casting, international, rassemblé pour l'occasion ne permet pas de redresser la barre. Melissa George peut parfois être très correcte dans certains rôles, comme dans The Slap l'an dernier. Mais dans Hunted, elle peine à s'exprimer, dépeignant un personnage trop froid, dont les quelques parenthèses d'humanité sonnent superficielles ou forcées. L'ensemble du casting souffre de l'écriture trop rigide et mal agencée, qui fait que beaucoup de scènes semblent fausses. J'ai beau vouer un culte à Stephen Dillane depuis John Adams, il faut que admettre que ses quelques scènes glacées et pseudo-cryptiques en patron de cette agence tombent le plus souvent à plat. Adam Rayner, Adewale Akinnuove-Agbaje, Morven Christie ou encore Lex Shrapnel n'échappent pas à ces mêmes limites.

huntede.jpg

Bilan : Ressassant les clichés du genre espionnage sans parvenir à se les réapproprier, Hunted est une série souvent frustrante en raison de ses difficultés à gérer le développement régulier de ses intrigues et du manque de subtilité de son écriture. Si on devine qu'elle ne souhaite pas être une simple fiction d'action, elle ne se prive pourtant pas d'explosions de violence assez gratuites. Evoluant dans un univers presque déshumanisé, dont même les personnages semblent cantonnés à une froideur peu engageante, Hunted se cherche, et sa seule réussite est de parvenir par intermittence à nous prendre au jeu de cette ambiance tendue et glacée. Le potentiel était là, je voulais vraiment l'aimer, mais la mécanique reste grippée...


NOTE : 5,5/10


La bande-annonce de la série :

27/07/2012

(UK) Twenty Twelve, saison 2 : un savoureux mockumentary dans les coulisses de l'organisation des Jeux Olympiques de Londres


twentytwelvea.jpg

A moins de passer vos vacances dans un îlot perdu loin de tout média, vous n'avez sans doute pas pu échapper au raz-de-marée médiatique : ce soir débutent officiellement les Jeux Olympiques de Londres. Mais en vous installant devant la cérémonie d'ouverture, pourrez-vous imaginer alors les heures/mois/années de travail en amont qui ont rendu possible la tenue de cet évènement colossal ? Les Anglais ont fait mieux qu'y penser, ils ont créé une série sur le sujet : Twenty Twelve. Souvenez-vous, j'avais déjà évoqué les premiers épisodes il y a plus d'un an, un peu perplexe alors, mais intéressée par ce mockumentary dans les coulisses de cette organisation forcément compliquée.

Depuis, j'ai poursuivi mon visionnage. La série a finalement été renouvelée pour une saison 2, dont les quatre premiers épisodes ont été diffusés au printemps sur BBC2, puis les trois derniers l'ont été en ce mois de juillet 2012. La série s'est clôturée en Angleterre ce mardi soir, il y a donc trois jours. Si je l'avais débutée avec des réserves, Twenty Twelve est une série que je suis venue à apprécier avec le temps, la première saison trouvant progressivement son ton et son rythme. Et la seconde m'a semblé plus maîtrisée, plus réussie aussi dans sa façon d'exploiter des situations entre réalisme et improbabilité.

twentytwelveb.jpg

Rappelons brièvement l'objet de la série : Twenty Twelve prend la forme d'un (faux) documentaire qui nous fait suivre le quotidien du comité en charge de la préparation des Jeux Olympiques de 2012. Placée sous la direction de Ian Fletcher, est rassemblée une équipe composée de personnalités très diverses, plus ou moins efficaces et investies dans leur travail. Ils ont la responsabilité de toutes les facettes de cette organisation. En premier lieu, il s'agit de s'assurer que les Jeux Olympiques eux-mêmes se dérouleront sans le moindre accroc : le comité doit se préoccuper aussi bien du sort des différentes épreuves sportives (et du lieu où elles se tiendront), que de la gestion des athlètes et du public, ou bien encore de la vie des Londoniens (et de leurs - si problématiques - transports).

La série a l'occasion d'aborder toutes les difficultés inhérentes à de telles manifestations, s'intéressant aux questions d'infrastructure, de logique, de sécurité, mais aussi aux campagnes de communication et de sensibilisation à certaines causes qu'elles permettent. De plus, l'équipe doit également penser à l'enjeu sensible que représente l'après Jeux Olympiques : il s'agit de s'assurer que les équipements et autres constructions seront exploitables sur le long terme, et que la facture ne sera pas trop salée (objectifs pour le moins utopiques). C'est donc un quotidien rempli de casse-têtes, de défis insurmontables, de compromis discrets et de voeux pieux inévitables, qui nous est raconté... pour aller jusqu'au 24 juillet 2012. L'équipe en charge du direct a alors pris la succession, la suite... vous la connaîtrez ce soir en allumant votre télévision.

twentytwelveg.jpg

Le grand atout de Twenty Twelve réside dans l'impression de réalisme brut qu'elle renvoie. La série évolue sur le fil de la comédie, forçant un peu les traits ça et là, grossissant un brin les réactions, mais prenant toujours garde de ne pas en faire trop, restant dans une satire qui refuse l'excès de caricature. Avec un flegme tout britannique, personnifié par Ian Fletcher, elle investit ainsi un humour froid. N'imposant pas d'enchaînement de plaisanteries ou de véritables gags, elle préfère jouer plus subtilement sur le ridicule qui ressort en filigrane de certains échanges ou situations parfaitement sérieux, insistant sur ces moments de confus flottement, à la fois plein d'authenticité mais sonnant aussi surréaliste quand on en vient à penser à l'ampleur des responsabilités confiées à un tel comité. Comme chaque participant se sait filmer, il modère consciemment ou non ses réactions, cherchant (souvent vainement) à travailler son image pour la caméra. Cette extrême sobriété d'ensemble a nécessité quelques épisodes d'ajustement dans la saison 1 pour parfaire leur rythme et leur construction. Arrivé en saison 2, le problème ne se pose plus, et l'excellent double épisode d'ouverture est l'occasion de démontrer combien les scénaristes maîtrisent désormais leur tonalité comme leur format.

Au fil de ses deux saisons, Twenty Twelve a su fidéliser le téléspectateur en le familiarisant avec les personnalités bien définies de ses intervenants. Par exemple, les quelques monosyllabes répétitives d'une Siobhan bafouillante quand elle est prise au dépourvu sont devenus un de ces classiques qu'il est toujours savoureux de retrouver. La gestion, par Ian Fletcher, des égos, de la concurrence ou de l'incompétence de ses subordonnés permet d'apprécier le développement de tout un art du management et de la diplomatie qui, derrière notre écran, prête à plus d'un sourire. Parallèlement, la série retient aussi l'intérêt du téléspectateur en jouant sur la frontière entre réalisme et libertés permises par la fiction. Elle a un constant souci du détail dans toutes les situations dépeintes, concernant la communication publique, les enjeux pratiques, ou encore les solutions - parfois vraiment d'équilibriste - trouvées, qui renforce sa crédibilité. Il y a d'ailleurs eu à l'occasion de troublantes proximités entre les "crises" de la série et celles de la réalité (comme l'horloge géante). C'est donc une série qui s'est révélée capable d'exploiter pleinement son idée de départ (montrer les coulisses de l'organisation), en n'hésitant pas à aborder des issues potentiellement sensibles - comme la religion et le lieu de culte des athlètes, traités avec quelques rebondissements opportuns et un compromis savoureux dans le double épisode d'ouverture de la saison. En résumé, Twenty Twelve a réussi sa mission de mockumentary.

twentytwelvee.gif

Sur la forme, la série se réapproprie les codes propres à son genre : une réalisation nerveuse, avec un cameraman qui suit la scène et permet de nous faire vivre au plus près cette vie des coulisses "caméra à l'épaule" (avec toutes les péripéties que peut donc vivre cet acteur à part entière, notamment lorsque certains protagonistes refusent d'être filmés). On a également quelques belles vues londoniennes qui posent bien le cadre. Et j'en suis venue à beaucoup aimer le générique d'ouverture, avec cette chanson entre insouciance et annonce d'ennuis qui colle très bien à la tonalité ambiante (cf. la 1re vidéo ci-dessous). 

Enfin, Twenty Twelve bénéficie d'un solide casting, sobre et efficace pour retranscrire le parti pris des scénaristes. Dirigeant ce comité, Hugh Bonneville (Lost in Austen, Downton Abbey) est parfait dans un rôle qui oscille entre pragmatisme et diplomatie, s'efforçant de gérer, avec le sérieux exigé face à de telles responsabilités, tous ces collaborateurs aux personnalités assez particulières. A ses côtés, on retrouve Amelia Bullmore (State of Play, Ashes to Ashes), Olivia Colman (Rev., Peep Show), Vincent Franklin (The Thick of It), Jessica Hynes (Spaced, The Royle Family), Karl Theobald (Primeval) et Morven Christie (Sirens). Enfin, notons que la voix off du documentariste qui sert de narrateur et fait la transition entre certaines scènes est celle de David Tennant (Blackpool, Doctor Who).

twentytwelvec.jpg

twentytwelvef.jpg

Bilan : Mockumentary qui gagne en saveur au fil des épisodes, Twenty Twelve cultive une mise en scène volontairement réaliste, caractérisée par une rigoureuse sobriété. L'humour y est subtile, fonctionnant à froid. On a l'impression d'assister à un récit d'anecdotes, plus ou moins fictives, plus ou moins théoriques (le téléspectateur s'interrogeant parfois sur la frontière avec la réalité), qui sont l'occasion d'évoquer tous les types de questions et de problèmes soulevés par la tenue d'un tel évènement. Dans l'ensemble, cette saison 2 aura été bien maîtrisée, avec une tonalité désormais parfaitement au point.

Voilà donc une série qui mérite un investissement au-delà des premiers épisodes. En guise de programmation alternative (ou complémentaire), pour rester dans l'air du temps actuel, un rattrapage de Twenty Twelve apparaît tout indiqué pour le sériephile au cours des prochaines semaines.


NOTE : 7/10


Le générique de la série :

Une bande-annonce :

09/07/2011

(Mini-série UK) Lost in Austen : un fantasme littéraire devient réalité

lostinaustend.jpg

Parmi les quelques rituels du vendredi soir que j'affectionne tout particulièrement se trouve notamment le plaisir de lancer un period drama anglais pour s'évader et conclure une semaine pesante. Hier, devant ma DVDthèque, j'ai finalement opté pour une mini-série atypique, mélange des genres assez savoureux et pour laquelle j'éprouve une tendresse particulière : Lost in Austen. Composée de 4 épisodes de 45 minutes chacun, elle fut diffusée sur ITV en 2008.

Dotée d'un indéniable charme, cette fiction s'adresse tout aussi naturellement au profane qu'au plus fidèle lecteur de Jane Austen, lequel y trouvera sans aucun doute une saveur particulière. Par sa fraîcheur et l'attrait naturel que cet univers familier exerce sur le téléspectateur, qu'il ait lu le livre d'origine ou vu une adaptation portée à l'écran, Lost in Austen est une de ces mini-séries agréablement dépaysante qui laisse libre court à notre imagination en proposant sa propre version de Pride & Prejudice.

lostinaustena.jpg

Amanda Price est une anglaise, moderne, vivant à Hammersmith. Pour tromper son quotidien et s'évader d'un job guère épanouissant et d'un petit ami avec lequel la relation est des plus distendue, elle se plonge dans son livre préféré, qu'elle connaît désormais par coeur : Orgueil & Préjugé. Rêvant de l'univers couché sur le papier par Jane Austen, de cette société galante, mais aussi de cet amour naissant et se fortifiant entre Elizabeth et Darcy, la jeune femme n'hésite pas à s'isoler toute une soirée en tête à tête avec son roman. Or un jour, qu'elle n'est pas sa surprise de tomber nez à nez, dans sa salle de bain, sur Elizabeth Bennet, en chair et en os. Un portail, dissimulé, semble faire le lien entre le monde réel du présent et le passé issu de la littérature.

Incrédule, Amanda franchit cette porte qui paraît lui ouvrir la voie vers ses rêves. Mais le passage se referme derrière elle, laissant Elizabeth à sa place dans le présent, tandis qu'Amanda se retrouve invitée par les Bennet à rester quelques jours, puisque leur autre fille s'est, croient-ils, rendue à Hammersmith (le leur). Piégée dans ce monde qu'elle connaît sur le bout des doigts, Amanda se fixe rapidement pour mission de s'assurer que toutes les rencontres à venir se déroulent fidèlement au livre d'origine dont elle s'apprête à vivre les différents évènements marquants. En effet, le lendemain matin, Mr. Bingley, nouveau voisin, rend visite à la maisonnée, les invitant à une réception chez lui. Malgré elle, Amanda sent son coeur s'emballer à cette perspective : elle s'apprête à rencontre Mr. Darcy.

lostinausteng.jpg

Lost in Austen est une mini-série qui entremêle les genres et les tonalités pour proposer un appel à l'évasion des plus attrayant. Une partie du charme réside d'ailleurs dans sa capacité à nous immerger aux côtés de l'héroïne dans ce cadre familier tout droit sorti de la littérature. La narration joue sur les contrastes entre les conventions sociales du début du XIXe siècle et le franc parler plus que direct d'Amanda pour délivrer une sorte de fiction moderne en costume. Le style soigne son anachronisme calculé, proposant un réel décalage lors de certaines scènes qui ne manquent pas de références et de clins d'oeil. Cette absence de rigueur convient d'ailleurs parfaitement à l'ambiance. Ce n'est pas une reconstitution, mais bien une fantaisie qui se vit et qui prend peu à peu un tournant très humain d'où vont naître plus d'émotions que l'on aurait pu imaginer.

En effet, Lost in Austen va parfaitement savoir capitaliser sur son concept : adaptation libre, elle s'offre sa propre re-écriture d'Orgueil & Préjugé. Si les protagonistes sont les mêmes, Amanda vient jouer malgré elle les troubles-fêtes tout en ayant à coeur de permettre à tous les couples "destinés" l'un à l'autre de se former. Si bien que, bientôt, ce n'est plus la version de Jane Austen, mais une voie indépendante que suit le récit. Au plaisir de retrouver ces figures connues, que nous découvrons à travers le regard chargé de préconceptions d'Amanda, se substitue ensuite la saveur tout particulière de découvrir d'autres facettes de ces personnages si emblématiques. Si Mr. Darcy se montre encore plus sec et arrogant que dans notre imaginaire de lecteur, Wickham se révèle sous un jour autrement plus sympathique. C'est d'ailleurs dans cette émancipation, consacrée dans la deuxième partie, que Lost in Austen trouve vraiment son ton juste, provoquant avec aplomb des changements importants.

D'observateur extérieur, Amanda devient peu à peu une participante incontournable de l'histoire, impliquant d'autant plus le téléspectateur dans cet Orgueil & Préjugé qui se reconstruit finalement sous ses yeux, et assumant pleinement ce statut de fantasme littéraire devenant réalité.

lostinaustenj.jpg

Le dynamisme dont fait preuve Lost in Austen pour s'approprier avec modernité ce récit classique se ressent également sur la forme. Si la réalisation se permet quelques scènes introductives au parfum un peu irréel que l'on a l'impression de voir tout droit sorties du roman ou des fantasmes d'Amanda, dans l'ensemble, la photographie, très claire, offre des images riches en couleurs, où la dualité présent/passé joue pleinement. C'est frais, plaisant pour les yeux et agréable à suivre. Pour compléter l'ensemble, un petit thème musical récurrent prolonge cette ambiance : le but apparaît vraiment de s'approprier les protagonistes de l'oeuvre pour s'offrir avec eux une forme d'évasion.

Enfin, le casting se révèle très sympathique. Parfois versant volontairement dans une forme de sur-jeu, il reste aussi très naturel. Jemima Rooper (Hex) incarne une Amanda Price vive et pragmatique, oscillant entre ses devoirs envers l'histoire d'origine et les passions de son propre coeur. Elliot Cowan (The Fixer, Marchlands) est un Darcy aux traits aristocratiques encore plus affirmés, tandis que Tom Mison joue un Mr. Bingley qui s'égare en s'éloignant de sa destinée. Du côté des Bennet, Alex Kingston (Urgences, Marchlands) et Hugh Bonneville (Downton Abbey) jouent les parents, tandis que Morven Christie (The Sinking of the Laconia), Perdita Weeks (The Promise), Florence Hoath, Ruby Benthal (Lark Rise to Candleford) et Gemma Arterton incarnent leurs filles. Enfin, on retrouve Tom Riley (Monroe) dans le rôle de Whickham.

lostinaustenq.jpg

Bilan : Faisant vibrer la fibre de l'imaginaire chère à toute personne connaissant l'oeuvre d'origine, Lost in Austen est une adaptation libre qui propose une immersion plaisante et attachante dans cet univers classique parmi les classiques de la littérature anglaise. Mini-série divertissante, appel détourné aux rêves, elle n'est certes pas dépourvue de quelques maladresses, mais c'est sûrement par sa simplicité qu'elle séduit. Son style direct, très franc, lui confère un charme frais par lequel le téléspectateur se laisse entraîner.


NOTE : 7/10


La bande-annonce de la série :