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05/08/2012

(US) Revenge, saison 1 : le retour du prime time soap

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Tout a commencé dans le courant de la semaine dernière par une panne de DSLAM de mon fournisseur d'accès internet. Privée de connexion, je me suis retrouvée prise au dépourvue face au dilemme de l'interminable soirée se profilant à l'horizon. C'était l'occasion ou jamais de ressortir mes dossiers de séries "à rattraper" qui prennent la poussière en attendant une impulsion subite de ma part (très aléatoire) ou l'instauration des journées de 48h (probablement utopique). Comme je n'avais pas la possibilité de récupérer des sous-titres, il me fallait une fiction anglophone, d'accès pas trop "argo-tique", et je me suis donc dit que c'était le moment d'essayer de me replonger dans une série américaine d'un grand network.

Sur cette liste des productions auxquelles (re)donner une chance figurait Revenge après les échos que j'avais pu lire ces derniers mois. Le pilote ne m'avait certes pas marqué - notamment, comme je l'avais expliqué, parce qu'il sonnait surtout comme un mauvais k-drama. Mais, dans le même temps, j'étais curieuse de voir ce que pouvait donner le développement d'un vrai prime time soap qui s'assume. Cela faisait une éternité que je n'avais pas vu de série de ce genre, alors que je garde de mon adolescence des souvenirs nostalgiques de la grande époque de Melrose Place. Vous vous en doutez, si, seulement quelques jours après, je vous propose (déjà) le bilan de la saison 1 de Revenge, c'est que je me suis prise au jeu d'une série qui n'a certes rien d'une grande, mais qui investit efficacement son genre et un registre de divertissement plaisant à suivre.

[La review qui suit contient des spoilers concernant des évènements de la saison.]

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La jeune Amanda Clarke a vu sa vie brisée le jour où les fédéraux ont débarqué dans la maison familiale pour arrêter son père, accusé d'avoir blanchi de l'argent pour une organisation terroriste ayant revendiqué la responsabilité du terrible attentat fomenté contre un avion de ligne américain qui venait de coûter la vie à plusieurs centaines de personnes. Arrachée à son père, qui est condamné à la prison à vie, elle va alors d'institutions en institutions, nourrie de récits sur les horreurs commises par cette figure paternelle qui était la seule famille qui lui restait. Tandis que son père est tué en prison, à 18 ans, elle est libérée du centre de détention pour mineurs où elle a passé la fin de son adolescence. Elle est attendue à sa sortie par une connaissance de son père qui a bien des révélations à lui faire.

Quelques années plus tard, alors que la région des Hamptons s'apprête à accueillir pour un nouvel été la haute société américaine au bord de l'océan, une nouvelle venue se présente : Emily Thorne. Après avoir appris la vérité sur le drame qui a mis fin à son enfance, Amanda Clarke a changé de nom et lentement façonné ses plans pour se venger de la destruction de sa famille. Se présentant comme une riche héritière sans histoire, elle loue l'ancienne maison que son père et elle occupaient et entreprend de se glisser dans ce microcosme luxueux où derrière les apparences lissées, chacun suit son propre agenda, ne reculant souvent devant rien pour parvenir à ses fins. Emily est déterminée à jouer avec les mêmes armes que ses cibles pour exécuter sa vengeance.

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Une fois dépassé mon agacement initial face aux parallèles purement marketing dressés durant la promo avec le Comte de Monte-Cristo (il y a des oeuvres auxquelles je tiens trop pour accepter de les voir citées à tort et à travers), j'attendais de Revenge d'être capable de faire revivre du vrai prime time soap qui s'assume avec aplomb et va au bout de ses idées, délivrant ainsi du pur divertissement. Sur ce point, j'ai été servie car la série use de toutes les ficelles légitimement associées à ce genre, enchaînant séductions et alliances de circonstances, espionnage et chantage en tout genre, mensonges et manipulations, complots et meurtres, le tout dans l'environnement feutré de la haute société. Son écriture fait rarement dans la subtilité ou la nuance, mais elle a le mérite de ne pas tergiverser et d'aller à l'essentiel. Son grand point fort, pour mener à bien toutes ces storylines, est justement son rythme. Sans temps mort, elle ne fait jamais traîner en longueur une situation et mise sur des rebondissements constants pour retenir l'attention du téléspectateur. Cette permanente redistribution des cartes permet en plus de vite dépasser les ratés, les laissant derrière elle tout aussi rapidement qu'ils ont été commis. Cependant, cette vitesse d'exécution est rendue possible l'emprunt sans remord de raccourcis narratifs, le plus artficiel étant sans aucun doute le débarquement du sensei japonais ayant éduqué Emily à l'art de la revanche.

Néanmoins il faut reconnaître que Revenge sait jouer sur les codes du soap que les scénaristes se réapproprient pleinement. Pour consolider la fidélité du public, elle assure même son propre teasing, abusant des flashforward au début de ses épisodes comme autant de promesses de confrontations et de drames à venir. La construction de la saison illustre la progressive affirmation de la série. Dans ses premiers épsodes, elle apparaît semi-procédurale, suivant le rythme d'une vengeance par épisode. Cela permet d'introduire les enjeux et de trouver sa tonalité, indiquant au téléspectateur sa finalité tout en étant consciente que ce schéma n'est que temporaire (ou bien Emily aurait décimé tous les résidents des Hamptons avant la fin de la saison 2). La série glisse ensuite vers l'arc majeur de la saison, introduit dans le flashforward ouvrant le pilote, celui du meurtre sur la plage. Elle n'exploitera cependant que partiellement (et insuffisamment) ce drame trop vite refermé, se focalisant sur Daniel alors qu'elle aurait pu jouer une partition plus large avec tous les protagonistes. Ensuite, le dernier quart de la saison est l'occasion d'entreprendre un renouvellement des dynamiques et déjà de poser les bases de la seconde.

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Revenge repose sur ses intrigues entremêlées rythmées par des rebondissements, et sur les fonctions qu'elles confèrent aux différents personnages, mais parfois au détriment ces derniers. Car il faut bien l'avouer, dans la galerie des protagonistes, la majeure partie est fade et est limitée à une exploitation purement utilitariste. Seul un trio principal se dégage vraiment. Emily et Victoria tout d'abord, qui sont celles qui se démarquent en se trouvant au centre et souvent à l'initiative des confrontations. La façon dont chacune joue face à l'autre, usant finalement d'armes très semblables, offre quelques unes des meilleures scènes de la série - ou du moins des plus jubilatoires en dehors des exécutions des vengeances. L'autre personnage à s'imposer est Nolan. Je craignais initialement que son compte en banque infini et son étiquette de génie de l'informatique ne le réduisent à être le prétexte parfait à tous les raccourcis narratifs des scénaristes afin de mener à bien les vengeances. C'est le cas, mais pas seulement : car dans le même temps, étant le seul à connaître la vérité, sa présence est nécessaire pour humaniser le personnage d'Emily dont le point fort n'est certainement pas l'empathie qu'elle est capable de susciter (c'était un des problèmes principaux du pilote, et cela ne s'est pas amélioré). Et comme le personnage sait conserver au fil de la saison un certain recul et une relative ambivalence, il devient le pendant indispendable pour la dynamique des intrigues.

A côté de ce trio, les autres personnages laissent entrevoir moins de potentiel, voire sont complètement transparents. Charlotte suit le développement classique d'une adolescente en crise, le secret de sa naissance justifiant finalement son existence. Les frères Porter nourrissent l'équation clichée : "pauvres = simples = innocents". Si la présence de Jack se justifie pour ce qu'il représente pour Emily, en 22 épisodes, je n'ai toujours pas compris l'utilité de Declan. Daniel commence lui à prendre un semblant d'intérêt dans les derniers épisodes, désormais au courant de certains secrets. Dans le sillage de son père, il peut sans doute continuer sur cette voie, la duplicité étant le seul moyen d'étoffer le personnage. Seulement, sur ce point, il faut se méfier des inconsistances des scénaristes, lesquels ont tendance à lancer certaines idées sans les mener à bout. C'est le cas pour Ashley, inutile assistante/amie à laquelle ils esquissent par intermittence une personnalité et une ambition, notamment au contact de Tyler. Ce dernier, aussi extrême qu'ait pu tourner sa storyline, aura malgré tout apporté de la fraîcheur et une bonne dose de machiavélisme à ses épisodes, prouvant aussi que la série a besoin de bousculer ses lignes pour rester à flot.

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Sur la forme, Revenge est une série bien calibrée. La photographie est claire, avec une réalisation qui prend le temps de mettre à l'honneur le beau cadre maritime des Hamptons et ses plages, ce qui lui confère une tonalité estivale plaisante dans la première partie et met en exergue la froideur et l'isolation dans le dernier quart de la série. Les choix des chansons agrémentant sa bande-son sont souvent assez judicieux, sans que ce recours musical ne devienne excessif. Une série qui se conclut sur un cliffhanger au cours duquel retentit un morceau de Florence and The Machines ne peut être mauvaise musicalement parlant, non ?

Enfin, Revenge bénéficie d'un casting où les performances oscillent entre le correct et le médiocre. Je ne peux pas être totalement objective face à Emily VanCamp (Brothers & Sisters) en raison des souvenirs d'Everwood qu'elle réveille en moi. Elle a ses limites en terme de présence, mais sait s'adapter et faire une très correcte Emily Thorne. Face à elle, Madeleine Stowe (Raines) n'a pas son pareil pour mettre mal à l'aise en arborant le large sourire hypocrite récurrent de son personnage. Gabriel Mann s'est sort plutôt bien, appréhendant le rôle de Nolan avec la distance nécessaire. Les deux autres hommes de la vie d'Emily, Josh Bowman (Make it or Break it) et Nick Wechsler (Roswell), se situent en revanche dans un registre beaucoup plus limité. Henry Czerny (The Tudors) fait le job tout en glissant dans la caricature vers la fin de la saison. Et Connor Paolo et Christa B. Allen jouent ces rôles d'adolescents trop prévisibles pour ne pas être dispensables, tandis qu'Ashley Madekwe (Teachers, Secret Diary of a call girl, Bedlam) ne peut pas faire grand chose dans le rôle dans lequel elle est enfermée.

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Bilan : Parce qu'elle repose presque entièrement sur un rythme de narration enlevé, où la redistribution des cartes est fréquente et les révélations constantes, Revenge est par nature une série très fragile, souvent sur le fil du rasoir, mais justement capable de retomber sur ses pieds parce qu'elle ne s'éternise et ne tergiverse jamais. Cela durera le temps que cela durera, mais cette première saison remplit son office en délivrant avec beaucoup d'aplomb un prime time soap qui a du répondant et se montre efficace pour happer l'attention du téléspectateur. Plus que l'écriture et les intrigues, où le over the top est attendu (le cliffhanger final en étant la parfaite illustration), le point le plus problématique reste le manque de consistance de nombre de personnages secondaires, fades et unidimensionnels, qui plombent vraiment certains épisodes.

Revenge se passant en majeure partie l'été, dans le cadre maritime et aisé des Hamptons, si vous cherchez une série pour les vacances, divertissante sans être exigeante, elle peut être un programme aoûtien adéquat. Sa saison 2 débutera à la rentrée sur ABC.


NOTE : 6,25/10


Une bande-annonce de la série :

26/09/2011

(Pilote US) Revenge : pourquoi la série aurait pu être écrite pour la télévision sud-coréenne (et la raison qui la fait échouer)


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[Ceci est un exercice de review un peu particulier, mais Revenge s'y prêtait. A noter que l'article a été conçu de manière à pouvoir être lu par tous les lecteurs, familiers ou non des petits écrans auxquels il est fait référence.]


On a souvent l'habitude d'écrire des critiques de séries à travers un prisme de références américaines... Et si on changeait l'angle d'approche ?


Ce billet est né à la suite d'échanges sur twitter après le visionnage du pilote de Revenge. En cours d'épisode, j'avais parlé des grandes similitudes de recettes avec une série sud-coréenne "type" de vengeance. Par curiosité, je suis allée ensuite vérifier ce qu'en avaient pensé d'autres blogueurs disposant de bases similaires sur ces deux cultures télévisuelles. Vérification faite chez Lady, où c'est la thématique même de la vengeance qui est associée au petit écran sud-coréen. Tandis que chez Eclair, s'il concentre sa critique sur l'épisode en lui-même, il ne peut cependant pas s'empêcher de le comparer aux références du genre et finit donc par citer... un k-drama. Le réflexe est naturel.

En effet, si le téléspectateur pense instinctivement "série sud-coréenne" devant le pilote de Revenge, c'est tout d'abord en raison du thème. Certes, il existe des séries occidentales sur la notion de vengeance, mais c'est une thématique qui ne s'est pas systématisée dans le petit écran américain, à l'exception peut-être des soap. Or le paysage est très différent en Corée du Sud, pour diverses raisons aussi bien culturelles qu'historiques (Lecture complémentaire : The Korean Quest for revenge). Dans son cinéma, la vengeance est ainsi un sujet particulièrement exploré - le dernier film sud-coréen sorti en France cet été, J'ai rencontré le diable, l'illustre bien, au-delà de tous les classiques que l'on pourrait citer (la trilogie de Park Chan Wook en étant sans doute l'exemple le connu). A la télévision, le thème de la vengeance est moins influent dans un petit écran qui demeure le terrain privilégié des mélodramas et autres RomComs où l'amour apparaît comme la dynamique centrale. Pour autant, la vengeance reste là-aussi une constante récurrente, bien plus qu'ailleurs. Chaque année, on retrouve en Corée du Sud des dramas qui explorent et déclinent à leur manière le revenge thriller, suivant des approches très différentes. Parmi les plus récents, on peut citer de manière non exhaustive, des séries comme : Sorry I love you (2004), A love to kill (2005), Time between Dog and Wolf (2007), Story of a man / The Slingshot (2009), Bad Guy (2010), et en 2011, City Hunter sur les grandes chaînes, Little Girl K pour le câble. Et ce, sans mentionner les (nombreuses) séries où le sujet est plus incident, mais néanmoins bien présent (aussi bien dans les séries contemporaines que dans les sageuk - séries historiques).

Par conséquent, c'est sans surprise que l'idée à la base de Revenge peut être associée naturellement dans l'esprit du téléspectateur à des références sud-coréennes. Cependant, ce qui m'a interpellé sur le moment, c'est que le pilote va plus loin qu'un simple partage du thème principal : on y retrouve aussi une construction narrative et une présentation qui pourraient avoir été écrites pour la télévision sud-coréenne. Mais, et c'est sans doute sur ce point que la comparaison trouve son intérêt, Revenge a aussi des spécificités qui la distingue fondamentalement d'un k-drama. De manière assez révélatrice, c'est précisément l'aspect par lequel elle se démarque qui va sceller l'échec de cette introduction.

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I. Pourquoi Revenge aurait pu être écrite par un scénariste sud-coréen (et respecte tous les codes du cahier des charges classiques des k-dramas) :

Commençons par le premier parallèle proposé par ce pilote, qui constitue un emprunt culturel évident : le choix d'ouvrir l'épisode sur une phrase, pleine de sagesse, posant d'emblée la tonalité de la série. La citation qui s'affiche est de Confucius. Si les écrits du philosophe chinois et tous les courants de pensée qui s'en sont réclamés par la suite sont deux choses différentes, l'influence des valeurs (néo)confucéennes est historiquement importante dans la société sud-coréenne, et demeure une réalité.

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Poursuivons plus avant dans ce pilote, en étudiant la construction-même du récit. L'épisode débute par un flashforward, évoquant une situation irréversible : la mort d'un des personnages principaux, sans que ces quelques minutes ne lèvent le mystère sur ce qui a abouti à cette situation. Puis, c'est le retour dans le présent, quelques mois plus tôt au début de l'été. L'héroïne retrouve la maison de son passé et va faire ses première rencontres avec les différents protagonistes. Pour nous expliquer la situation, le pilote a recours à de multiples flashbacks qui viennent idéaliser les souvenirs de l'enfance perdue de la jeune femme, avant que sa vie familiale ne soit brisée. Utiliser toute la palette des fils temporels à leur disposition pour introduire les enjeux de l'histoire - les emmêlant parfois excessivement - demeure un mécanisme scénaristique qui vient naturellement au scénariste sud-coréen. Parmi les séries citées plus haut, Bad Guy par exemple adopte la même approche.

Outre la construction de l'histoire, il y a les thèmes qui conduisent à faire des parallèles. L'objectif est le suivant : Emily veut se venger de la destruction de la vie et de la réputation de son père, et donc par ricochet avoir brisé sa propre vie. Contre qui agit-elle ? Il y a différents responsables, mais plus particulièrement une famille riche et influente (dans une série sud-coréenne, ce serait une famille de chaebol) qu'elle entend donc faire payer. Cela permet de nous immerger dans le milieu de ces gens aisés, si clinquant et brillant en apparence, mais tellement grangréné en réalité, les manipulations et les trahisons y étant un quotidien normal. Le tout se déroule dans les Hamptons, offrant donc un décor luxueux toujours prisé dans les k-dramas.

De quels moyens dispose Emily pour parvenir à ses fins ? Se glisse ici une dimension sentimentale. Au cours du pilote, l'héroïne croise en effet deux prétendants potentiels manifestes. D'une part, il y a l'héritier de la famille à détruire, lequel a tous les attributs du jeune riche (lourd passif d'arrogance, abus). D'autre part, il y a un jeune homme de milieu plus modeste qui, cerise sur le gâteau, l'a connue enfant. Les deux étaient proches (à ce moment-là, le voyant *premier amour d'enfance, flamme éternelle* clignoterait dans tout drama sud-coréen normalement constitué, puisque c'est ici un ressort narratif qui transcende tous les genres de séries), la vie les a séparées, il ne la reconnaît pas mais n'y est pas insensible, elle le reconnaît et préfère l'éviter... S'esquisse donc un triangle amoureux possible (fondation nécessaire de nombre de séries sud-coréennes), avec les sentiments et l'amour comme arme de vengeance au long cours pour réussir à atteindre l'objectif suprême. Le flashforward du début ne faisant qu'insister sur l'importance de ces trois-là.

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Si tous ces éléments expliquent ma réaction devant le pilote, pour autant Revenge est aussi très éloignée d'une série sud-coréenne.

 

II. Pourquoi Revenge se différencie irrémédiablement d'une production sud-coréenne (et rate son introduction) :

Au cours de ce premier épisode, alors même que tous les ingrédients sont bien là, la recette universelle et calibrée du revenge thriller dérape. Le pilote échoue dans sa mission de proposer une introduction intrigante, car Revenge reste en effet une enveloppe vide, un papier glacé dénué d'émotions. Une partie du problème vient sans doute d'un casting qui reste en retrait, Emily VanCamp n'ayant peut-être pas la carrure du personnage qui lui est confiée, mais une grosse part de responsabilité pèse sur l'écriture. Car s'il est souvent possible de reprocher un certain manque de rigueur narrative dans la gestion des k-dramas, en revanche, le point fort de ces productions réside dans l'empathie que vont savoir susciter les personnages. La recette miracle qui fidélise le téléspectateur, l'implique dans le sort des protagonistes et l'amène à s'investir dans la série, c'est un ressenti particulier qui va recouper une dimension émotionnelle, difficilement quantifiable. Or, dans le pilote de Revenge, on ne ressent rien. Nulle compassion face au récit de l'enfance d'Emily. Aucun lien ne se crée avec elle.

On touche ici à la limite du sur-calibrage de ces recettes scénaristiques millimétrées : on ne reprochera pas à une série d'employer des ingrédients éprouvés, simplement parce qu'ils sont excessivement classiques. En revanche, on le lui reprochera si elle devient un ensemble mécanisé et déshumanisé, d'où rien n'émane si ce n'est l'impression de visualiser des rouages savamment huilés, sans parvenir à s'intéresser à l'ensemble en tant que création. Si les k-dramas se permettent une sur-exploitation de certaines ficelles narratives, c'est parce que, jusqu'à présent, ils ont globalement su généralement conserver leur lien avec le public, en se rappelant leur force : savoir toucher une fibre émotionnelle. Mais le jour où la réutilisation des mêmes pots et le poids du cahier des charges feront oublier l'âme que doit avoir toute création, le système s'effondrera. C'est pourquoi le pilote de Revenge est un échec : il a des recettes qui pourraient indéniablement marcher, peu importe qu'elles paraissent surannées, mais le cahier des charges prend le pas sur l'histoire, et ce pilote reste une enveloppe policée, mais creuse et sans identité propre.

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Conclusion :

Sur bien des aspects, le pilote de Revenge, à partir du genre particulier que sont les séries de vengeance, semble surtout être le parachèvement et le produit d'une forme de standardisation et de mondialisation culturelles plus globale, dont le processus tend à s'accentuer en raison des nouvelles technologies, de l'abolition des frontières de la création. C'est un phénomène qui joue sur les créateurs, mais aussi sur le public - le simple téléspectateur lambda - qui a désormais un accès beaucoup plus large à tous ces contenus. Au-delà des origines et influences de Revenge (de la littérature classique aux soap américains), il reste le constat amusant et indéniable d'un parallèle évident, d'une promiscuité certaine, entre cette série et des recettes qu'on pourrait qualifier de "canoniques" au sein la production télévisuelle sud-coréenne. Une belle illustration de cette fameuse culture mainstream mondialisée.

Dommage que l'essai soit ici un échec.


Pour conclure sur une note de prosélytisme bien ordonné : si une série de vengeance vous tente vraiment, jetez un oeil à celle qui reste un modèle du genre et une des plus abouties de ces dernières années : Story of a man / The Slingshot.