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12/10/2014

(Mini-série UK) The Driver : Another midlife crisis

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En 1983, David Morrissey signait ses débuts à la télévision britannique dans une mini-série estivale intitulée One Summer. À ses côtés, on retrouvait notamment un autre jeune acteur en devenir, Ian Hart [pour les curieux : jetez un œil à cette vidéo entrecoupée d'interviews rétrospectives]. Trois décennies plus tard, toujours dans le petit écran anglais, l'année 2014 aura été, pour David Morrissey, synonyme de 'midlife crisis'. En janvier, c'était une romance inattendue, sur un train de banlieue, qui ébranlait son personnage. Cet automne, c'est plus qu'une simple crise conjugale qu'il traverse dans The Driver, également sur BBC1. Il y incarne un père de famille impuissant, assistant à l'implosion progressive de sa famille. Frustré face à cette situation qui lui échappe, il se laisse embarquer dans un engrenage dangereux par une vieille connaissance tout juste sortie de prison, interprétée par... Ian Hart. The Driver, c'est une miflife crisis, mais aussi une vraie boucle télévisuelle en clin d’œil.

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The Driver s'ouvre sur une course-poursuite qui donne le ton et vise à distiller une tension sourde dans le récit. Jusqu'alors conducteur de taxi traité avec peu de considération par ses clients, Vince McKee décide de mettre ses talents au service d'un employeur d'un autre genre, un criminel avec qui il est mis en relation. Cette opportunité est non seulement pour lui une façon d'arrondir des fins de mois parfois difficiles, ayant notamment à la maison une adolescente exigeante, elle est surtout un moyen de rompre avec un quotidien à la morosité étouffante, donnant à Vince l'illusion de retrouver un semblant contrôle, de reprendre sa vie en main en décidant brusquement d'une nouvelle direction. Évidemment, il déchante vite. Être un simple conducteur ne fait pas moins de lui le complice des crimes perpétrés par la bande qu'il est censée accompagner. Rapidement, le voilà confronté à lui-même, à tous les principes qui l'ont défini jusqu'alors, lorsque la vie d'un homme se retrouve en jeu. Il lui faut faire des choix difficiles. Et les enjeux se compliquent un peu plus lorsque la police s'en mêle... Loin d'avoir renoué avec cette famille qu'il sentait lui échapper un peu plus chaque jour, il l'a en fait peut-être définitivement perdue.

La mini-série suit ainsi une construction relativement prévisible, de l'engrenage au brusque retour à une réalité qui se révèle encore plus douloureuse que la situation que Vince voulait laisser derrière lui. À la crise existentielle personnelle, se mêle également une crise familiale, plus latente, dont le scénario ne dévoile l'ampleur que progressivement. Tout cela donne un récit plutôt riche en thèmes à explorer, mais qui pèche en étant souvent trop brouillon. La direction narrative, hésitante, peine à trouver l'équilibre et le bon dosage entre les différents éléments de l'histoire relatée. La dynamique familiale, par exemple, aurait sans doute gagné à être plus explorée. Centrée sur son protagoniste principal, The Driver repose en grande partie sur la performance d'un David Morrissey impeccable. L'acteur se situe ici dans un de ses registres de prédilection, n'ayant pas son pareil pour incarner ces rôles un peu écorchés et impliquer le téléspectateur dans le sillage des errances et des dilemmes de son personnage. Il parvient d'ailleurs tout au long des trois épisodes à maintenir ce lien. Mais, en dépit du casting qui reste indéniablement le point fort de la mini-série, l'ensemble laisse l'impression d'un potentiel qui n'est pleinement exploité, à l'image d'une fin expédiée s'inscrivant en porte-à-faux de la tonalité ambiante...

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Au final, The Driver peut mériter un détour pour ses jeux d'acteurs. Mais, malgré quelques bonnes idées et une ambiance sombre qui ressort bien par moment, la mini-série n'aura pas réussi à mener à bien, d'une manière complètement convaincante, la 'crise de la quarantaine' qu'elle ambitionnait de mettre en scène. Ce qu'avait su réaliser The 7.39, dans un tout autre style. 


NOTE : 6,25/10


La bande-annonce de la mini-série :

22/02/2013

(UK) My Mad Fat Diary, saison 1 : un portrait sincère, drôle et touchant, d'adolescence

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Cela fait plusieurs années que je ne m'installe plus spontanément devant une série mettant en scène des adolescents. Je me dis que ce ne sont plus vraiment des thèmes qui me parlent. Pourtant cela peut être un tort (l'an dernier, Answer me 1997 l'avait parfaitement illustré). Heureusement je ne demande qu'à me tromper. C'est donc sur vos (judicieux) conseils que j'ai lancé la première saison de My Mad Fat Diary, qui sur le papier me faisait un peu penser à un autre teen-drama loin d'être déméritant, Huge.

Diffusée sur E4 depuis le 14 janvier 2013, la série s'est achevée lundi dernier en Angleterre. Adaptée d'un roman de Rae Earl, intitulé My Fat, Mad Teenage Diary, la première saison compte 6 épisodes. Une seconde saison a d'ores et déjà été commandée. Visionnée en quelques jours, My Mad Fat Diary a été une des belles découvertes de ma semaine, dressant un portrait d'adolescence dont l'équilibre interpelle : à la fois poignant et drôle, direct et excessif, réaliste et idéaliste... Une de ces fictions profondément attachantes que l'on quitte avec regret.

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My Mad Fat Diary se déroule dans une petite ville du Lincolnshire, en 1996. Elle nous invite à suivre Rae, une adolescente de 16 ans que le mal-être et la dépression ont presque conduit à commettre l'irréparable. Au cours du pilote, on assiste à sa sortie de l'institut psychiatrique où la jeune fille vient de passer plusieurs mois hospitalisée. Elle laisse là-bas son amie Tix et doit retourner dans le monde, retrouvant notamment une mère avec laquelle les rapports restent difficiles. Parmi ses connaissances, nul ne connaît les réelles causes de son absence, un voyage en France ayant été inventé comme excuse par sa mère.

Par hasard, Rae recroise sa plus ancienne et meilleure amie, Chloe, qu'elle a progressivement perdu de vue au cours de l'année difficile qu'elle vient de vivre. Chloe s'est constituée autour d'elle un groupe d'amis soudés, avec Izzy, Archie, Chop et Finn. Elle invite Rae à entrer dans leur cercle. Enthousiaste et volontaire à l'idée de s'intégrer dans ce groupe d'adolescents qui lui paraissent si "normaux", cette dernière va apprendre beaucoup sur elle-même, sur l'amitié, mais aussi l'amour à leur contact. Pour emprunter la voie de l'acceptation de soi et de la guérison ?

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La force de My Mad Fat Diary est de savoir toucher le téléspectateur comme peu de fictions en sont capables, grâce à une héroïne qui, par ses doutes et par ses questionnements, parle à tout un chacun, écho de nos propres incertitudes. Semblable à un journal intime qu'on feuilletterait, la série nous glisse dans la tête de Rae, laissant une large place à ses commentaires et à ses impressions. Nous faisant ainsi partager son point de vue, toujours spontané, souvent excessif, parfois très cru, la fiction propose un traitement brut et sans détour de thématiques d'adolescence. Là où la série se démarque, c'est dans le portrait qu'elle propose de Rae : au-delà des interrogations propres à son âge, c'est une adolescente qui tente de se reconstruire. Son mal-être s'est mué en une haine d'elle-même, sur laquelle pèse tout le poids d'une dépression qui ne le lui laisse aucune issue. My Mad Fat Diary aborde la maladie de Rae avec une tonalité et une approche semblable à ses autres problématiques adolescentes (amour, sexe, amitié). La série conserve toujours un dynamisme communicatif, capable de se montrer drôle et légère, sans occulter des passages douloureux et poignants. C'est une série très vivante, très humaine, qui, à l'image de ses personnages, se révèle haute en couleur.

De manière générale, My Mad Fat Diary mise également sur la diffuse authenticité qui transparaît des dynamiques qu'elle met en scène. D'aucuns parleraient de réalisme, pourtant, si elle se révèle si attachante, c'est surtout par un certain idéalisme. L'enjeu de la saison est, pour Rae, d'apprendre à s'accepter elle-même, pour accepter les autres. Il n'est sans doute pas d'épreuve plus intime et difficile que celle-ci. Au cours de ce cheminement, Rae redécouvre l'amitié, mais aussi tous les espoirs et autres aspirations d'une adolescente de son âge qui vient de passer plusieurs mois coupée de tout. Elle s'intègre peu à peu à une bande de jeunes qui, si on y retrouve toutes les caractéristiques propres à un groupe d'adolescents, l'accueille avec un naturel assez touchant. Par-delà ses craintes et ses besoins, Rae s'ouvre à leur contact. Les épreuves et les péripéties qu'elle va traverser au cours de cette saison ne sont pas toujours parfaitement dosées. Beaucoup sont aussi des classiques du genre au parfum de déjà vu, rappelant que My Mad Fat Diary reste dans la logique des teen-drama. Mais la série ne se départira jamais de sa saveur toute particulière : tandis que Rae fait chuter des barrières qui semblaient si infranchissables, le coeur du téléspectateur se serre et se réjouit. Tout simplement parce que s'esquisse sous nos yeux un portrait sincère, d'une vraie justesse, qui trouve un écho en chacun de nous.

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Sur la forme, My Mad Fat Diary adopte une réalisation très dynamique, avec une caméra qui fait ressortir une relative proximité avec les personnages. L'ensemble sied parfaitement au ton particulier de la série. Fidèle à l'approche narrative du récit qui reste le "journal de Rae", elle introduit en plus à l'image des dessins et autres gribouillages qui défilent et se rajoutent à l'écran : ils accompagnent et illustrent les confidence de l'héroïne, tout en nous permettant d'entrevoir un peu plus le monde de sa perspective. L'accompagnement musical achève de plonger le téléspectateur dans un bout d'adolescence des années 90, tout en restant bien dosé.

Enfin le casting se révèle à la hauteur, tout particulièrement Sharon Rooney autour de qui tourne la série. L'actrice sait susciter l'empathie du téléspectateur, notamment grâce à la manière et la tonalité avec laquelle elle partage avec nous toutes ses remarques sur sa vie. Son psychiatre est interprété par Ian Hart, et sa mère par Claire Rushbrook. Pour jouer les autres adolescents, avec leurs portraits quelque peu idéalisés, on retrouve Jodie Comer, Nico Mirallegro, Dan Cohen, Jordan Murphy et Ciara Baxendale.

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Bilan : Plus qu'un simple teen-show, auquel elle emprunte pourtant un certain nombre de thématiques classiques, My Mad Fat Diary est une série profondément humaine, drôle mais aussi touchante. Elle est une bouffée d'air frais dédiée à l'adolescence, avec les excès et les disproportions que tout acquiert à cet âge-là. Elle est aussi le portrait très juste et entier d'une héroïne, dont les incertitudes, le mal-être et la détresse parlent à tout téléspectateur. Elle est l'histoire d'une reconstruction personnelle, d'une redécouverte et d'un apprentissage de la vie qui ne laissent pas indifférents. Avec son écriture toujours sincère, par-delà ses quelques maladresses, elle mérite assurément l'investissement.


NOTE : 7,5/10


La bande-annonce de la série :

15/12/2011

(Pilote US) Luck : une immersion ambitieuse dans les coulisses des courses hippiques

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Comme un cadeau de Noël avant l'heure, HBO a proposé ce dimanche, à la suite du season finale de Boardwalk Empire, le pilote d'une de ses nouveautés très attendues de 2012, dont la diffusion débutera le 29 janvier prochain : Luck. Sur le papier, le pedigree de cette série sonne particulièrement impressionnant : créée par David Milch (Deadwood, John from Cincinnati), avec un premier épisode réalisé par Michael Mann, elle rassemble également un casting cinq étoiles emmené par Dustin Hoffman.

En fait, Luck, c'est la série que David Milch, passionné de courses hippiques, a toujours voulu porter à l'écran. C'est donc un univers particulièrement complexe qu'elle dévoile en ce premier épisode. Mes seules connaissances de ce milieu remontant à mes visionnages d'antan de L'Etalon Noir, les dialogues, surtout ceux liés aux enjeux d'argent, m'ont paru parfois très cryptiques. Seulement, il y a aussi quelque chose dans l'ambiance de ce pilote qui vous scotche devant votre écran, et vous donne vraiment envie d'apprendre à comprendre la série.

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Luck nous plonge dans le milieu des courses de chevaux, en s'intéressant plus particulièrement aux vies de tous ceux qui gravitent autour des intérêts financiers que brasse cet univers. Qu'ils soient simples amateurs de courses en quête de sensations, entraîneurs, propriétaires, jockeys ou encore parieurs à temps plein, ce pilote prend son temps pour esquisser les premiers traits et installer une riche galerie de protagonistes, transposant à l'écran, dans toute sa diversité, la population bigarrée fréquentant les hippodromes. L'argent aiguise logiquement les appétits de chacun, et l'épisode ne cache pas la part d'ombre de ce milieu.

C'est sur la sortie de prison de "Ace" Bernstein que le pilote s'ouvre ; cela va être l'occasion de le voir renouer avec ses anciennes connaissances pour lesquelles il a accepté sans les trahir sa sentence. Son chauffeur a déjà organisé les bases de son retour, prenant une licence de propriétaire de chevaux à son propre nom ; il servira de couverture pour son patron. Tout en suivant les premiers jours à l'air libre de Ace, l'épisode éclaire également tout le quotidien d'un hippodrome, se concentrant sur tous les participants à ce milieu, et notamment sur un groupe de parieurs qui mise très gros en ce jour de course, visant rien moins que le prix de 2 millions de dollars.

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Le pilote de Luck marque tout d'abord par sa faculté à retranscrire l'atmosphère très particulière qui entoure les courses hippiques. Tout en introduisant une galerie de personnages vite identifiables, qu'il restera ensuite à développer, sa grande réussite est de savoir parfaitement capturer la fièvre et toutes les tensions qui règnent au sein d'un hippodrome. Car le monde des turfistes se résume à deux centres d'intérêt qui fusionnent, grâce aux paris, lorsque la course est lancée : les chevaux et l'argent. Si ce milieu a des codes et un langage qui lui sont propres, le pilote n'en transmet pas moins au téléspectateur leur fébrilité caractéristique. Et c'est ainsi qu'à travers le regard des protagonistes, on se laisse gagner par l'excitation de la course, se surprenant à vibrer ou à frémir devant ces scènes qui rythment la vie d'un hippodrome.

En filigrane cependant, un glissement plus sombre s'opère : le dollar finit par éclipser les animaux, et c'est vers l'envers des jeux d'argent que nous conduit la série. Car les enjeux financiers assouplissent la moralité de bien des ambitieux. Au-delà du groupe de parieurs qui entend rafler le gros lot lors de la prochaine journée de courses, le pilote esquisse en arrière-plan une toile plus complexe d'intérêts contradictoires. Au plus près du terrain, la sincérité même de la compétition est questionnée dès lors que des personnes qui connaissent intimement les animaux font eux-mêmes des paris. A l'autre extrêmité, il faut aussi évoquer tous les commanditaires et organisateurs de ce business lucratif qui brasse tant d'argent. L'épisode reste pour le moment évasif sur ce plan, mais suivre le personnage de Ace permet aux premières pièces de ce tableau plus global de se mettre en place. Et la bande-annonce qui conclut l'épisode laisse entendre que c'est vers ces sujets aux thématiques presque mafieuses que s'orientera la suite de la saison.  

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Si la curiosité du téléspectateur est piquée, il faut cependant reconnaître le second trait de ce pilote est assurément sa complexité. Les dialogues y sont souvent assez cryptiques, et les tenants et aboutissants des intrigues un peu abstraits. Luck est une série devant laquelle le téléspectateur, étranger à l'univers dépeint, a le sentiment d'être réduit au statut frustrant de simple profane. Cependant, paradoxalement, cette approche singulière n'amoindrit pas l'intérêt que va susciter le milieu des courses. Elle confère au contraire au récit une impression d'authenticité et une forme de légitimité qui donnent au téléspectateur une envie supplémentaire de s'investir dans cette fiction. Car si le sujet est d'approche compliquée, sa richesse apparaît évidente.

Plus généralement, il faut se souvenir que l'opacité des débuts des oeuvres de David Milch reste une de leurs caractéristiques, c'est pourquoi l'introduction un peu abrasive de Luck ne doit pas rebuter : si l'écriture du scénariste fonctionne comme il se doit, ce sera au fil de la saison, à mesure que les épisodes vont passer, que tout se connectera et que le plein potentiel de l'histoire sera complètement dévoilé et exploité. Pour le moment, on l'entrevoit dans certaines scènes, et on le perçoit bien présent en arrière-plan. Une fois ce pilote terminé, le téléspectateur n'a au fond qu'un seul souhait : ouvrir en grand cette porte d'entrée que l'épisode se contente de seulement entrouvrir, afin d'apprécier pleinement la découverte, incontestablement ambitieuse, d'un milieu hippique très prenant. 

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Si Luck réussit si bien l'installation de son atmosphère, il le doit aussi beaucoup à sa forme. L'esthétique d'ensemble est à la hauteur de la réputation de Michael Mann. La réalisation est superbe, et la photographie très soignée. La caméra, nerveuse, nous fait véritablement prendre le pouls de ce milieu et percevoir les dynamiques qui le traversent. Le terme "immersion" acquiert tout son sens. Après, peut-être est-ce l'amatrice d'équitation qui parle ici, mais je dois avouer que les reconstitutions sur l'hippodrome m'ont vraiment coupé le souffle ; au-delà des courses, la seule scène d'entraînement dont nous sommes le témoin, de ce cheval qui peu à peu accélère, capture à merveille l'osmose du cavalier et de sa monture, pour un spectacle presque magique. J'en ai eu des frissons devant mon écran. De plus, Luck dispose également d'une bande-son travaillée qui contribue à construire l'ambiance, avec notamment un superbe générique dont la musique permet de démarrer la série dans les meilleures dispositions.

Enfin, Luck bénéficie d'un impressionnant casting, et ses acteurs ne demandent qu'à pouvoir pleinement s'exprimer à partir de toutes les thématiques à explorer dont recèle la série. Outre Dustin Huffman, passant pour l'occasion du grand au petit écran, on retrouve également Dennis Farina (New York Police Judiciaire), John Ortiz, Richard Kind (Spin City), Kevin Dunn (Samantha Who), Michael Gambon, Ian Hart (Dirt), Richie Coster, Jason Gedrick (Windfall), Kerry Condon, Gary Stevens, Tom Payne (Waterloo Road), Jill Hennessy et Nick Nolte. Luck étant une série chorale, cette solidité est un important atout ; à elle de savoir bien l'exploiter.

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Bilan : Projet original ambitionnant de plonger le téléspectateur dans le milieu des courses hippiques, ce pilote d'exposition capture à merveille la fébrilité et l'atmosphère qui règnent aussi bien dans les coulisses que sur la piste d'un hippodrome. Cette réussite s'explique par une écriture dense, mais aussi par la superbe réalisation, parfaitement maîtrisée, qui l'accompagne. L'impression d'authenticité est renforcée par la complexité de l'univers dans lequel le téléspectateur est introduit sans transition, ni effort d'explication. C'est un parachutage qui peut un instant dérouter, mais la richesse qui transparaît éveille la curiosité, en dépit du manque d'accessibilité immédiate.

Par conséquent, le reproche qui pourra être formulé à l'encontre de Luck sera sans doute qu'elle démarre en réclamant de la patience au téléspectateur. Mais si tout fonctionne, l'investissement sur les moyen et long termes méritera assurément le détour. C'est une série qui s'inscrit dans la durée. A découvrir en connaissance de cause ; mais comptez-moi dans le lot des curieux !   


NOTE : 8/10


La bande-annonce de la série :

Le générique :

17/06/2010

(Mini-série UK / IRL) Father & Son : le chemin d'un père vers la rédemption sur fond de guerre des gangs


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La semaine passée, ITV diffusait sur plusieurs soirées (à la manière de Collision, il y a quelques mois) une mini-série coproduite avec la chaîne publique irlandaise RTÉ : Father & Son. Tournée fin 2008 et diffusée en Irlande au cours du mois de juillet 2009, cette fiction avait longtemps traîné inexplicablement égarée dans les cartons de ITV, avant que cette dernière ne se décide finalement à la programmer à l'antenne. Avouons-le, ces tergiversations pouvaient générer quelques inquiétudes sur le résultat, ITV n'étant pas la chaîne la plus fiable qui soit en ce qui concerne sa politique de fictions. Pour autant, les échos des critiques irlandaises n'étaient pas inintéressants, ce qui a suffi à éveiller ma curiosité. Un générique d'ouverture sur fond de chanson de Johnny Cash plus tard, c'est au bout du compte l'intégralité de cette mini-série que j'aurais suivie sans déplaisir.

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Derrière son décor nous plongeant dans le crime organisé du nord de l'Angleterre et de l'Irlande, Father & Son est une série sur la rédemption. L'histoire qu'elle va nous conter est celle de deux personnes, unies par les liens du sang, mais devenues étrangères l'une à l'autre en raison d'une tragédie. C'est un père et son fils qui vont d'une certaine façon se retrouver... pour mieux se perdre à nouveau ?

La mini-série débute à Manchester. Dans une banlieue déchirée par les guerres de gangs, Sean O'Connor est un adolescent apparemment sans histoire, vivant avec sa tante Connie, officier de police. Un jour, une fusillade éclate devant la maison ; une connaissance de sa petite amie est abattue. Ils sont pourchassés par les deux jeunes tueurs jusque dans l'hôpital où ils ont trouvé refuge. En état de légitime défense, Stacey abat l'un d'eux alors qu'il s'apprêtait à viser Sean. Refusant de laisser la jeune fille endosser la responsabilité des évènements, Sean se saisit de son revolver. La police, alertée par les détonations, l'arrêtera ainsi, l'arme du crime en main, se tenant aux côtés du corps ensanglanté de l'adolescent qui les avait poursuivis. Ne réalisant pas vraiment la gravité de la situation, jouant les chevaliers blancs envers Stacey sans apprécier toutes les conséquences, Sean se laisse embarquer par les forces de l'ordre.

Mais, au-delà du flagrant délit apparent, l'adolescent a un autre lourd passif qui ne plaide pas en sa faveur aux yeux des policiers : son père. Michael O'Connor a en effet longtemps été une figure du grand banditisme local, ayant contribué au climat de violence qui prévaut désormais dans les quartiers comme celui où vit son fils. Arrêté en Irlande alors que Sean était encore enfant, il y a purgé une peine de prison de six années. Mais trois jours après son arrestation, sa femme, Lynne, était abattue à leur domicile. L'enquête conclut à des représailles contre Michael. La soeur de Lynne, Connie, recueillit Sean chez elle... et aucun ne revit Michael qui ne rentra pas en Angleterre une fois sa peine finie. C'est dans un petit bourg irlandais, auprès d'une nouvelle femme, enceinte, que Michael entend refaire sa vie. Mais le coup de téléphone de Connie l'informant des évènements de Manchester le précipite dans un passé qu'il aurait préféré derrière lui, alors qu'il décide de rentrer au pays pour essayer d'aider son fils.

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Father & Son dresse tout d'abord un portrait appliqué d'une banlieue de Manchester gangrénée par les guerres de gangs. S'essayant à une approche sociale, elle s'efforce de capter et retranscrire l'ambiance régnant dans ces quartiers. Elle parvient d'ailleurs à mettre en scène de façon assez convaincante ce climat d'insécurité instable, soulignant les engrenages létaux qui conduisent aux tragédies rythmant la mini-série. Si Sean fait ici figure de victime collatérale du milieu dans leque il vit, n'ayant pu se maintenir en marge de tout cela en dépit des efforts de Connie, Father & Son prend toute sa dimension en pointant la responsabilité de Michael O'Connor, et de ses anciens acolytes, dans la détérioration du lien social. Ce sont eux qui ont introduit les moeurs du crime organisé, mais aussi les moyens de les mettre en oeuvre avec la circulation des armes à feu.

Désormais, le mal s'est propagé, hors de contrôle. La violence suit un cercle vicieux qui se perpétue et se nourrit lui-même, sacrifiant les jeunes générations plongées dans ces préoccupations dès leur plus jeune âge. L'illustration de ce mal donnera d'ailleurs lieu à l'une des scènes les plus marquantes de la mini-série : celle où le petit frère d'une des victimes amène un revolver à son école et, en pleine salle de classe, le sort pour le pointer sur Imani, la fille de Connie. Combien d'adolescents ainsi perdus dans les méandres impitoyables de ces appels à la vengeance ?

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Au-delà de cette approche plus sociale du pan policier, reflet d'essais télévisés modernes, Father & Son marche aussi sur les pas du genre thriller. Des manipulations aux mensonges par omission, la mini-série révèle peu à peu que le hasard et la fatalité n'ont pas grand chose à voir avec l'enfer dans lequel Sean a été projeté. Derrière la tragédie qui se joue sous nos yeux, diverses personnes tirent les ficelles, dans l'ombre, qu'il s'agisse de vieux règlements de compte ou d'intérêts personnels à promouvoir. Qui manipule qui, la question se glisse rapidement dans l'esprit du téléspectateur, à mesure qu'il découvre la complexité réelle de l'affaire.

Father & Son n'est donc pas une simple fiction policière. La fusillade qui déclencha l'enchaînement des évènements s'inscrit dans un tableau plus vaste, où les enjeux se révèlent petit à petit. Aspect attrayant d'un scénario donc plus ambitieux que l'on aurait pu le penser aux premiers abords, la mini-série ne parvient cependant pas à totalement s'imposer dans ce créneau. Globalement un peu trop  prévisible pourrait-on dire, ou un peu trop calibrée, elle n'échappe pas à des raccourcis dommageables ou à quelques facilités scénaristiques. Reste que même si ce traitement laisse quelques regrets au téléspectateur, l'ensemble demeure efficace dans l'ensemble.

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L'élément le plus perfectible de Father & Son réside sans doute dans sa dimension humaine. Cette mini-série utilise son cadre policier pour nous relater une histoire personnelle, celle de deux personnes que leurs choix et les drames de la vie ont séparées. Michael O'Connor n'a pas revu son fils depuis son arrestation, il y a plusieurs années. Trois jours après, sa femme était abattue à bout portant, un meurtre dont tout le monde s'accorde à penser qu'il est du aux activités criminelles de son époux. Sean a grandi élevé par sa tante, la soeur de sa mère. Un fossé s'est créé entre lui et Michael, chargé de ressentiments, de non-dits. L'intensité de ces sentiments s'est peu à peu muée en une forme de haine de la part de l'adolescent qui, désormais, ne veut plus, ne peut plus, entendre parler de cette figure paternelle absente.

Mais s'il a choisi la fuite en avant, à sa sortie de prison, Michael se retrouve désormais face à ses diverses responsabilités. Celle de père, pour n'avoir pas osé revoir Sean après le drame. Celle d'un ancien gangster qui n'y est pas pour rien dans le climat de violence et de guerre des gangs régnant dans la banlieue de Manchester. En retrouvant le chemin du nord de l'Angleterre, le voilà de nouveau confronté à un passé qu'il aurait souhaité oublier. Toutes ses actions sont orientées dans un seul but : aider son fils. Finalement, par ses confrontations avec ses anciens acolytes, avec son père, c'est le difficile chemin de la rédemption qu'il suit. Il a payé sa dette à la société en purgeant sa peine de prison. Il a une dette à payer envers cet enfant qui a grandi sans lui, profondément traumatisé par un évènement dont il n'a jamais parlé, la mort de sa mère.

Father & Son disposait donc de bases intéressantes pour construire un drama intense sur un plan émotionnel. Certains passages fonctionnent bien. Les paradoxes de Michael, la lassitude de Connie, sont des aspects bien décrits. Cependant, la mini-série ne va pas au bout de cette mise en valeur de sa dimension humaine, parfois un peu excessive ou maladroite. L'ensemble est certes prenant, mais elle avait les cartes pour faire mieux.

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Il faut souligner que si Father & Son fonctionne assez bien, c'est en grande partie dû à son casting. Autant Dougray Scott avait semblé aux abonnés absents, en début d'année, dans The Day of the Triffids, autant, ici, il est pleinement impliqué dans la complexité de son personnage, qu'il va incarner d'une façon très intense parfaitement maîtrisée. A ses côtés, on retrouve des valeurs sûres du petit écran britannique, comme Sophie Okonedo (Criminal Justice), Ian Hart (Dirt, Five Daughters) ou encore Stephen Rea. Enfin, Reece Noi incarne avec beaucoup de défiance et de versatilité Sean.

Sur un plan technique, Father & Son reste plutôt en retrait. Elle dispose d'une réalisation classique, correcte mais sans réelle identité, en dépit de quelques plans intéressants. Elle ne se démarque pas non plus par sa bande-son. En revanche, il faut souligner son splendide générique, superbe esthétiquement et opportunément construit sur une chanson de Johnny Cash, God's Gonna Cut You Down. Il donne immédiatement le ton et nous plonge dans une ambiance sombre, chargée de regrets, qui correspond parfaitement à la tonalité de la mini-série.

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Bilan : Jouant sur plusieurs tableaux, Father & Son comporte plusieurs bonnes idées, tant dans la lignée du thriller que du drame humain, le tout en dressant un portrait appliqué des escalades de violence au sein de la banlieue de Manchester. Elle se suit dans déplaisir, bien aidée par un rythme solide. Cependant, la mini-série ne concrétisera pas toutes ses promesses, sa dimension humaine ne parvenant pas toujours à s'exprimer avec justesse et sobriété. De plus, si elle réussit à faire efficacement monter la tension ambiante, les résolutions finales, presque trop calibrées, pourront laisser un arrière-goût d'inachevé.

Au final, Father & Son s'avère être une mini-série intéressante à plus d'un titre, notamment en raison de l'environnement mis en scène. Elle mérite ainsi d'être découverte, mais le téléspectateur pourra nourrir quelques regrets au vu d'un potentiel entre-aperçu qu'elle n'aura pas toujourss réussi à pleinement exploiter.


NOTE : 7/10