Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

12/04/2013

(Pilote UK) Endeavour : les premières enquêtes de l'Inspecteur Morse

endeavour1_zpse6f19a30.jpg

Ce dimanche 14 avril 2013 débute en Angleterre la première saison d'une nouvelle série policière, Endeavour. Elle comptera 4 épisodes, commandés suite au succès rencontré par un premier téléfilm, diffusé le 2 janvier 2012 sur ITV, initialement conçu comme un simple unitaire et devenu donc pilote depuis. Cédant à la curiosité suscitée par les prequels, cette fiction nous plonge au début de la carrière au sein de la police d'un enquêteur emblématique du petit écran anglais, créé par Colin Dexter, l'Inspecteur Morse. De 1987 à 2000, de nombreux téléspectateurs l'ont accompagné au cours de trente-trois enquêtes. Depuis, un spin-off a même vu le jour, en 2006, au sein de cette franchise décidément riche, l'Inspecteur Lewis. Endeavour s'inscrit dans la continuité directe de ces différentes séries. Ce téléfilm originel a le mérite de se montrer très convaincant, proposant une enquête solide et un Shaun Evans très prometteur. De quoi espérer que la suite soit du même acabit.

endeavourd_zps07258c20.jpg

Endeavour débute en 1965. Elle va nous raconter les premiers pas, au sein de la police, d'Endeavour Morse. Ancien étudiant d'Oxford, ayant quitté l'université sans diplôme, c'est un jeune policier déjà désillusionné par son métier que l'on découvre dès les premières scènes. Il achève en effet de rédiger une lettre de démission qu'il compte remettre prochainement. Ses projets sont cependant perturbés par la disparition d'une adolescente, dont le cadavre est ensuite retrouvé. Il fait partie des effectifs de police mobilisés en renfort pour aider l'équipe d'investigation. C'est dans ces circonstances qu'il retourne donc sur ses pas, à Oxford.

Initialement cantonné à des tâches subalternes, Morse se fait vite remarquer, relevant des détails ayant échappé à ses collègues et faisant des déductions qui l'amènent à se heurter à des figures de l'establishment local sans s'en préoccuper. S'il s'attire de solides inimitiés, il retient également l'attention du DI Fred Thursday qui voit en lui un enquêteur fiable à qui il peut faire confiance pour démêler le fond d'une trop sensible et trop complexe affaire. L'investigation permettra aux deux hommes d'apprendre à travailler ensemble, et Thursday proposera à Morse, au terme de l'enquête, de rester à Oxford... Reprenant sa lettre de démission, le jeune policier acceptera.

endeavouro_zpsdbe974e1.jpg

S'installer devant un prequel éveille souvent une suspicion instinctive chez un spectateur : nul ne souhaite se retrouver devant une fiction qui capitaliserait sur un nom évocateur, sur un cadre familier, mais qui aurait dans le même temps vidé de sa substance et de son charme l'oeuvre d'origine. Le pilote d'Endeavour rassure vite et balaie ces quelques craintes : il va habilement réussir à 'éviter tous les écueils propres à l'exercice du prequel. Mieux, il démontre sa capacité à se réapproprier cette figure policière emblématique pour raconter des investigations qui sont dignes d'attention. Capturant immédiatement l'atmosphère de la ville d'Oxford, avec une dimension historique apportée par les années 60, l'épisode réussit en fait sur tous les tableaux où on l'attendait légitimement. En premier lieu, il peut s'appuyer sur une intrigue policière extrêmement solide, rondement menée et très plaisante à suivre. Il propose en effet une enquête riche, aux rebondissements multiples, qui utilise pleinement et sans temps mort sa durée d'1h40. 

Signe de qualité, l'affaire apparaît aussi parfaitement choisie pour une première enquête. D'une part, sa nature et sa sensibilité, avec les cercles de notables et d'universitaires qu'elle touche, permettent d'esquisser un portrait sans fard de cette ville d'Oxford. D'autre part, elle révèle beaucoup sur cet enquêteur central dont il s'agit de réussir l'introduction, ce dernier ayant l'avantage et le désavantage d'être déjà connu du téléspectateur. La caractérisation du jeune Endeavour Morse s'avère réussie parce qu'elle trouve le juste équilibre entre une certaine fidélité et une réappropriation plus indépendante. Au cours d'une investigation où les impasses et autres twists s'enchaînent, nous avons l'occasion de voir se dessiner, face aux obstacles, un personnage multidimensionnel intéressant : policier intense, refusant toutes compromissions et décidé à aller au bout pour découvrir la vérité, il laisse aussi entrevoir une désillusion déjà très marquée, ainsi qu'une facette plus vulnérable notamment lorsqu'il évoque son enfance, avec cette porte d'entrée qu'est la musique. La résolution de l'affaire apparaît d'ailleurs très symbolique, entremêlant étroitement le policier et le personnel, et renforçant ainsi la force de la conclusion.

endeavourq_zpsa32b33ef.jpg

Sur la forme, Endeavour bénéficie d'une réalisation très solide. L'exploitation du décor offert par Oxford et le côté "period drama" de ce retour aux années 60 accélérant l'immersion du téléspectateur dans l'histoire et posent l'ambiance. Il faut également relever et surtout saluer l'importance du rôle joué par la musique tout au long de l'épisode, avec une dimension toute particulière accordée à ce morceau que Morse écoute lorsque nous le rencontrons pour la première fois et qui va hanter l'épisode jusqu'à sa dénouement.

Enfin, Endeavour peut s'appuyer sur un casting convaincant. Le choix de l'acteur interprétant Morse était déterminant à la réussite de l'épisode : Shaun Evans (Teachers, The Take) s'en tire avec les honneurs, campant un personnage dense, aux facettes multiples, capturant les attitudes de son personnage tout en se les réappropriant. A ses côtés, le DI Thursday qui devient son supérieur et va faire office de mentor est interprété de façon tout aussi solide par Roger Allam (The Thick of It, Parade's End) qui trouve ses marques et s'impose véritablement aux côtés de Morse. La série permettra de retrouver également James Bradshaw, Abigail Thaw, Sean Rigby ou encore Anton Lesser.

endeavoure_zps6c4343b2.jpgendeavourm_zpsc336b66c.jpg

Bilan : Négociant habilement toutes les difficultés propres à l'exercice du prequel, Endeavour signe un pilote de très bonne facture. Tout en proposant une enquête complexe, riche en twists, qui happe le téléspectateur jusqu'à l'ultime révélation, il offre une introduction réussie à ce jeune Morse, déjà familier, esquissant un portrait multidimensionnel des plus intéressants. En résumé, Endeavour devrait retenir l'attention des fidèles de Morse, mais plus généralement de tout amateur de fiction policière anglaise. Peu importe que vous connaissiez ou non cet inspecteur avant de vous lancer dans cette série. En ce qui me concerne, je serai au rendez-vous et suis curieuse de voir si la suite sera du même niveau ! A surveiller.


NOTE : 7,75/10


La bande-annonce de ce pilote :

La bande-annonce de la série à venir, débutant ce dimanche 14 avril sur ITV1 :

27/01/2013

(UK) The Thick of it, saison 4 : la coalition et l'opposition

thethickofit0_zps343df349.jpg

Le 15 janvier 2013 a débuté sur la chaîne Gold une nouvelle version d'une des plus brillantes comédies qu'est produit le petit écran britannique, Yes Minister / Yes Prime Minister. Cette dernière constitue un incontournable, un petit bijou d'humour aux dialogues géniaux, qui démontre combien les Anglais n'ont décidément pas leur pareil pour croquer les dessous de leur vie politique. Si la série d'origine occupe une place de choix dans mon panthéon des séries humoristiques, n'y allons pas par quatre chemins : je vais tâcher d'oublier que cette version de 2013 existe. Le pilote laisse en effet un goût amer, à commencer par un casting raté qui ne fait que rappeler au téléspectateur combien le trio d'origine excellait. 

Et puis il y a des codes formels qui pouvaient être légitimes en 1980, mais que l'on comprend moins dans une oeuvre de 2013. Le genre a en effet été renouvelé depuis. Plus important encore, l'Angleterre a déjà trouvé son Yes Minister de ce début de XXIe siècle : il s'appelle The Thick of It. La dernière fois que j'ai consacré un billet à cette série, créée par Armando Iannucci, c'était il y a plus de trois (!) ans, après la diffusion de la troisième saison à l'automne 2009. Elle nous est finalement revenue après cette longue absence pour une dernière saison proposée par la BBC durant l'automne 2012 (elle s'est achevée le 27 octobre). Cette quatrième saison a encore offert de sacrés moments de télévision et est venue superbement conclure une des meilleures et des plus jubilatoires comédies - toutes nationalités confondues - de ces dernières années. Il était grand temps de lui rendre un ultime hommage.

thethickofite_zps3c083d51.jpg

Reflétant les aléas de la vie politique anglaise, la saison 4 de The Thick Of It met en scène, après des élections, un gouvernement issu de la formation d'une coalition entre deux partis, une nécessité pour avoir la majorité nécessaire pour gouverner le pays. Une redistribution des responsabilités a donc eu lieu. Peter Mannion dirige désormais le DoSAC, le ministère des Affaires sociales et de la Citoyenneté. Il doit cependant composer avec Fergus Williams, son adjoint du fait de la coalition, avec lequel les relations sont pour le moins tendues. Parallèlement, dans l'opposition, Nicola Murray a été élue leader, essayant tant bien que mal d'apporter une opposition crédible, mais exaspérant au plus haut point Malcolm Tucker.

La construction de la saison 4 permet de suivre en parallèle les deux camps, le gouvernement et l'opposition. A un épisode consacré aux coulisses du ministère, succède le suivant qui nous entraîne dans celles de l'opposition. Cette alternance se poursuit jusqu'à ce qu'une affaire ne ramène des pratiques communes à toute la classe politique - l'orchestration et l'instrumentalisation de fuites dans les médias - sur le devant de la scène, aboutissant à des auditions devant une commission d'enquête à laquelle devront répondre tous les protagonistes.

thethickofita_zps156a8ea1.jpg

Relatant des tranches de vie du quotidien du personnel gouvernant ou d'opposition, The Thick of it est une comédie satirique, au verbe violent, excessif, où se succèdent des répliques et des chutes souvent jubilatoires. Faisant écho ou même anticipant parfois des développements bien réels de la vie politique Anglaise, elle nous plonge sans complaisance dans le vase-clos de ce milieu où s'exercent théoriquement d'importantes responsabilités, en y dressant une suite de portraits au vitriol. Dans son récit des rapports qu'entretiennent les différents protagonistes, elle n'a pas son pareil pour éclairer le règne du cynisme et d'une hypocrise assumés, et pour souligner la manière dont les ambitions personnelles dévorent toutes velléités de projet ou de vision politique. Dressant un tableau résolument sombre des dynamiques du pouvoir, la série semble faire sien le scénario du pire (et nous laisse avec l'impression de le voir trop souvent corroborer par la réalité).

Doté d'un ton mordant et abrasif à souhait, The Thick ot it cultive dans sa mise en scène une spontanéité qui, conjuguée à un effort minimaliste d'exposition des intrigues ou des enjeux, renforce ce ressenti de prise immédiate avec le réel qu'elle renvoie. Cette saison 4 permet d'y retrouver tous ces atouts qui ont fait la réputation de la série. Sa construction en alternance, entre gouvernement et opposition, aurait pu faire craindre un certain déséquilibre, les épisodes où Malcolm fait son show demeurant les grands incontournables. Cependant, la série retrouve vite sa dynamique caractéristique, y compris au sein du DoSAC. L'impossible relation de travail entre Mannion et Williams constitue une source continuelle de micro-crises au sein du ministère ; et la présence de Teri et de Glenn, ce dernier s'offrant même le luxe d'un jubilatoire discours vérité en guise de fin, parachève parfaitement le tableau. Qu'il s'agisse donc des déchirements dans les coulisses de la coalition, ou des restructions internes à une opposition qui peine à se mettre en ordre de bataille, la saison fournit son lot d'échanges jubilatoires.

Par ailleurs, les scénaristes ont aussi pris en compte le fait qu'il s'agissait de proposer une conclusion. Après une première partie où The Thick of it poursuit une approche classique du quotidien politique, les derniers épisodes la voit cette fois se tourner vers le passé, pour revenir sur ces pratiques qu'elle s'est contentée jusqu'alors de mettre en scène. Elle se transforme en tribune : la commission d'enquête, par ses auditions, est l'occasion de pointer et de dénoncer les travers existant dans le fonctionnement de la démocratie, et plus précisément l'art de la communication, avec cette exploitation/instrumentalisation réciproque des politiciens et des journalistes. Cela va être conduire Malcolm à devoir tirer sa révérence, lui permettant d'asséner avec le cynisme qu'on lui connaît quelques vérités qui trouvent ici une résonnance particulière. Au-delà de ses propos tenus devant la commission, la série nous offre surtout une dernière confrontation avec Ollie, ersatz sans envergue du spin doctor, dans laquelle Malcolm se dévoile un peu, créature plus que créateur de ce système qui, de toute façon, perdurera sans lui. La sortie de Malcolm est parfaitement gérée : des acteurs importants du système disparaissent, mais le système lui-même se perpétue avec les successeurs qui se sont construits et ont été façonnés par ces règles.

thethickofitg_zpsb14b4e5a.jpg

Sur la forme, The Thick of It conserve son approche "quasi-documentaire", tournée caméra à l'épaule avec une caméra nerveuse qui tente de suivre les éclats et les gesticulations de chacun des protagonistes. Cela confère à l'ensemble ce parfum d'authenticité caractéristique, renforcé par les ponts avec la réalité qui sont opérés. La série capture ainsi des suites d'instantanés avec un montage minimaliste : cette mise en scène reste parfaite, en totale adéquation avec les ambitions du récit, mais aussi avec sa tonalité.

Quant au casting, il est également au diapason. Tout a déjà été écrit pour saluer la prestation de Peter Capaldi, qui excelle dans son interprétation de Malcolm, avec ses excès de langage, cette présence intimidant et cette vision du milieu politique où il apparaît comme un véritable stratège de guerre. S'il tend à éclipser quelque peu ses vis-à-vis dans les scènes où son personnage intervient, ce qui est naturel, il n'en faut pas moins reconnaître l'homogénité et la solidité du reste du casting qui est également très convaincant. D'ailleurs le fait que le ministère parvienne à conserver une dynamique intéressante loin de Malcolm en est bien le révélateur. Parmi les acteurs principaux de cette saison, on retrouve Chris Addison, Joanna Scanlan, James Smith, Polly Kemp, Rebecca Front, Roger Allam, Will Smith, Olivia Poulet, Vincent Franklin, Geoffrey Streatfeild, Ben Willbond et Rebecca Gethings.

thethickofiti_zps239810f2.jpg

Bilan : Après trois ans d'absence, The Thick of it n'a rien perdu ni de son cynisme, ni de son mordant légendaire, nous proposant une savoureuse ultime saison de celle qui restera comme une grande comédie politique satirique. Portrait désillusionné de la classe dirigeante du pays, sa mise en scène et ses répliques font d'elle une fiction, teintée d'humour noir, particulièrement jubilatoire. Si elle a parfaitement réussi sa sortie, s'adaptant au nouveau paysage politique Anglais, tout en soignant l'évolution de Malcolm, elle laisse le téléspectateur chérir un secret espoir : celui de retrouver un jour cet univers à l'occasion d'un bref special pour continuer de suivre les changements du pays (ou rêvons même d'une saison)... Cette saison 4 aura en tout cas rappelé pourquoi The Thick of it est bel et bien une série incontournable du petit écran anglais. Si elle ne conviendra pas à tous les publics, elle mérite certainement la curiosité de tout sériephile.


NOTE : 8,75/10


Une bande-annonce de la saison :

Un extrait marquant - Malcolm devant la commission d'enquête :

06/10/2012

(Mini-série UK) Parade's End : la fin des parades

  paradesend0.jpg

Figurant en bonne place parmi les period dramas de la rentrée, Parade's End, diffusée sur BBC2 à partir de la fin du mois d'août (elle compte 5 épisodes), laissait entrevoir d'intéressantes promesses sur le papier. Adaptée d'une oeuvre écrite par Ford Madox Ford, scénarisée par Tom Stoppard, cette co-production BBC/HBO/VRT bénéficiait d'un sujet fort, mêlant amour et Grande Guerre, avec pour tableau de fond les mutations de la haute société anglaise. Elle rassemblait aussi un casting qui retenait l'attention, emmené par Benedict Cumberbatch. Malheureusement, après des débuts quelque peu maladroits, elle n'aura jamais su dépasser sa froideur initiale, offrant un beau visuel peinant à capturer l'intensité des émotions pourtant entrevues.

paradesendr.jpg

Parade's End disposait pourtant d'une histoire qui n'aurait pas dû pouvoir laisser indifférent. Elle met en scène le développement d'un triangle amoureux dans la haute société britannique du début du XXe siècle, en proie à bien des mutations. Sylvia Satterthwaite et Christopher Tietjens, un aristocrate, se rencontrent dans un train, au cours d'un trajet qui finit en ébats amoureux passionés. Peu de temps après, Sylvia annonce qu'elle est enceinte, même si elle ne peut être certaine que Christopher est le père. En homme de principes, respectable et responsable, ce dernier accepte cependant de l'épouser.

Leur mariage n'est pas heureux, tant leurs tempéraments diffèrent. Sylvia se montre de plus en plus provocatrice, au point de le tromper, et même de partir avec un autre homme. Campant sur ses positions vis-à-vis de sa femme, Christopher fait cependant la rencontre d'une jeune suffragette, Valentine, auprès de laquelle il semble être lui-même. S'il ressent quelque chose de fort, il ne peut concevoir d'être infidèle, ni de divorcer. Mais parallèlement, d'autres évènements plus graves s'annoncent en Europe qui vont venir remettre un peu plus cause ses certitudes : la Première Guerre Mondiale s'apprête à éclater.

paradesendt.jpg

Parade's End est, sur fond d'histoire d'amour impossible, un récit sentimental initiatique parlant de passions réprimées et de la douleur de ne pouvoir les assouvir. C'est aussi le portrait des bouleversements et des traumatismes provoqués par la Grande Guerre, notamment au sein d'une société aristocratique arrivée à un tournant. La richesse des thématiques abordées est indéniable. Mais en cherchant à relater le poids des conventions sociales sur l'autel desquelles sont sacrifiées tant d'émotions, la mini-série tombe dans le propre piège qu'elle devait raconter. Elle délivre un récit d'une froideur presque hautaine, avec des personnages enfermés dans leur rôle et peinant à susciter la moindre empathie. Parade's End a voulu relater la distance avec laquelle un certain milieu percevait le monde, elle aura appliqué cette même distance à sa tonalité ambiante. Le récit en devient peu accessible, souffrant en plus de maladresses de construction et de longueurs dommageables - particulièrement durant les premiers épisodes.

Cette histoire a pourtant une intensité sous-jacente qui se perçoit par intermittence. Elle entreprend de nous raconter comment, par quelles épreuves, Christopher va progressivement parvenir à s'affranchir de toutes ses préconceptions de classe pour accepter ses sentiments. Malheureusement l'ensemble du récit semble ployer sous une chape de plomb, figeant et ayant du mal à retranscrire avec justesse les réactions des personnages. Les seules étincelles d'humanité proviennent de Sylvia, dont les éclats et la flamboyance insolente en deviennent savoureux, correspondant aux rares moments où Parade's End s'anime et retrouve de la vie. L'ascendant pris par la jeune femme contribue à déséquilibrer le triangle amoureux esquissé, tant la fadeur de Valentine contraste, à des années-lumières des fortes individualités de la brillance - très différente - de Sylvia et de Christopher. La suffragette n'a ni la complexité, ni l'ambivalence des deux autres, et reste une figure trop unidimensionnelle, en retrait. Ces déséquilibres expliquent en partie pourquoi l'histoire peine à convaincre, peu aidée par un rythme trop lent : Parade's End est en fait une fiction inconstante, qui a ses fulgurances, mais manque d'homogénéité et de cohésion.

paradesendg.jpg

Si elle peut être critiquée sur le fond, Parade's End est en revanche une belle réussite visuelle. La réalisation est particulièrement soignée, avec une photographie travaillée qui sublime un certain nombre de larges plans nous plongeant dans la campagne aristocratique anglaise. Cette esthétique que l'on pourrait qualifier de cinématographique confère ainsi une assise bienvenue au récit de la mini-série, même si elle ne permet pas d'occulter les problèmes liés à la construction de la narration. D'ailleurs, ce period drama donne parfois presque l'impression de privilégier une superbe reconstitution et les effets de caméra au détriment du soin à apporter au fond. Au moins les yeux du téléspectateur ne s'en plaignent-ils pas.

Enfin, le casting de Parade's End souffre également d'un manque d'homogénéité qui pèse sur la crédibilité du triangle amoureux mis en scène. Au cours de ces 5 épisodes, la lumière sera venue de l'interprétation de Rebecca Hall, magnifique dans un personnage de Sylvia qui reste impossible à clairement cerner. Ennuyée des convenances, provocatrice, amoureuse, elle apporte à ses scènes une vitalité qui tranche agréablement avec la plate froideur qui domine le reste du récit. Face à elle, Benedict Cumberbatch (Sherlock) fait un travail très correct dans un registre qui lui est familier, et dans un rôle qui convient à son jeu. Malheureusement Adelaide Clemens peine, elle, à offrir un contre-poids à ces deux fortes présences. Le script ne lui donne peut-être aussi pas suffisamment de matière. A leurs côtés, on retrouve notamment Rupert Everett, Stephen Graham, Miranda Richardson, Anne-Marie Duff, Roger Allam, Janet McTeer, Freddie Fox, Jack Huston ou encore Tom Mison.

paradesendi.jpg

Bilan : Magnifique visuellement, inaboutie sur le fond tout en s'offrant quelques fulgurances et scènes marquantes, Parade's End est une oeuvre froide et distante qui laisse une impression d'inachevée. Elle s'apprécie sur la forme, mais frustre sur le fond (qui semble parfois être un prétexte pour permettre une telle mise en scène). Son histoire avait un potentiel certain, mais elle n'aura pas su l'exploiter de manière cohérente et convaincante. C'est une mini-série qui se laisse suivre mais dans laquelle le téléspectateur peine à s'investir. Apparaissant décevante par rapport aux ambitions affichées et aux moyens mis en oeuvre, elle est à réserver aux amateurs de period drama, et à ceux que son approche un peu glacée ne décontenancera pas.


NOTE : 6,5/10


La bande-annonce de la mini-série :


03/12/2011

(Mini-série UK) The Jury II (2011) : chronique judiciaire ordinaire au sein d'un jury

 thejurya.jpg

Poursuivons les week-end d'exploration du petit écran anglais sur My Télé is Rich!. Avant de bientôt revenir sur la saison 3 de Garrow's Law qui s'achève ce dimanche sur BBC1, c'est au XXIe siècle que nous retrouvons Old Bailey à l'occasion d'une mini-série judiciaire proposée sur ITV1 en ce mois de novembre 2011 : The Jury.

Écrite par Peter Morgan, cette fiction se compose de 5 épisodes. Si elle se visionne de manière indépendante, précisons qu'elle s'inscrit dans la continuité créative d'une première mini-série éponyme, datant de 2002. Drama judiciaire classique, sa particularité tient à son approche du système judiciaire : elle s'intéresse en effet à une institution spécifique, la place du jury.

thejuryf.jpg

L'affaire qu'entreprend de nous relater The Jury est le procès en révision d'Alan Lane. L'homme a été condamné cinq ans auparavant pour les meurtres de trois femmes avec lesquelles il était entré en contact via un site de rencontres sur internet. A l'époque, le fait divers avait défrayé les médias. Mais la cour d'appel a infirmé et annulé l'arrêt de condamnation rendu par le premier jury, estimant qu'une des preuves apportées au dossier était irrecevable. Alan Lane doit donc être rejugé devant ses pairs.

C'est le jury convoqué pour ce nouveau procès que la mini-série va suivre. On y retrouve des personnes issues de milieux très différents, tels une assistante de direction qui se fait passer pour sa patronne débordée, une enseignante qui a eu une aventure avec élève, un immigré soudanais (la condition de résidence suffit à pouvoir être tiré au sort), un jeune homme souffrant du syndrome d'Asperger ou encore un divorcé s'occupant de sa mère malade. Chacun arrive dans le box des jurés avec son histoire et ses soucis, mais ils vont devoir se faire une opinion en conscience, car ils détiennent entre leurs mains le sort de l'accusé.

thejuryg.jpg

Se réappropriant tous les codes classiques du drame judiciaire, The Jury est une fiction bien huilée qui va efficacement développer les différents volets du procès qu'elle relate, avec des audiences rythmées par les revirements que peuvent apporter les témoins et les contre-interrogatoires musclés des représentants des parties. Il faut noter que la mini-série conserve une préoccupation centrale : celle de rester le simple instantané d'une justice à l'oeuvre, peu importe l''importance de l'affaire et le volet forcément passionnel qu'elle soulève. Cette approche sobre, visant à dépeindre un fonctionnement ordinaire du système judiciaire, s'inscrit dans une recherche plus générale de représentativité.

Le même parti pris se retrouve ainsi dans la distribution des rôles au sein du jury. Fiction logiquement chorale du fait de son concept, The Jury propose un certain reflet de la société anglaise, insistant sur le caractère banal de ces jurés sélectionnés par le hasard. Si la mini-série n'évite pas certains clichés ou raccourcis pour développer les personnalités de chacun et les histoires qui leur sont attachées, en nous entrouvrant timidement les portes de la vie privée de certains, la mini-série va s'humaniser peu à peu. Elle va habilement jouer sur le contraste entre leur vie quotidienne - et leurs problèmes personnels - et les responsabilités qui leur incombent soudain, obligés de remplir un devoir au cours duquel l'avenir d'un homme est en jeu. Il est aussi intéressant de voir les réactions de chacun, face à l'affaire mais aussi par le pouvoir qui leur est confié.  

thejuryc-1.jpg

Cependant, si la fiction s'impose comme une chronique judiciaire efficace, elle ne va pas réussir à aller au bout de son sujet. En effet The Jury reste trop timorée, ne parvenant pas à prendre la mesure des problématiques légitimement soulevées par son thème. C'est ainsi qu'elle relègue en toile de fond tout un volet qui aurait mérité d'être exploré plus avant : chaque épisode débute sur des bribes d'un débat politique, qui divise alors le pays, visant justement à remettre en cause l'acquis multiséculaire que représente l'institution du jury. La ministre de la Justice a entrepris une vaste campagne en faveur de sa suppression, invoquant pêle-mêle économies budgétaires, gains de temps et supposé laxisme.

The Jury commet sans doute l'erreur de mentionner un débat qui, pour elle, ne se pose pas et dans lequel elle ne veut pas rentrer. Les arguments qui seront avancés resteront obstinément détachés de l'affaire relatée dans la mini-série. C'est une forme de caution narrative permet d'éclairer de façon très superficielle toutes les facettes du sujet, mais sans prendre le temps de former un tout homogène. Si cela laisse sur une impression un peu frustrante, cela s'inscrit dans la continuité du parti pris du récit. La conscience de chacun des jurés du devoir qui leur incombe est la démonstration la plus éclatante du caractère profondément ancré de cet acquis fondamental du système judiciaire du pays. Si bien que la façon dont les différents membres seront affectés, à leur manière, par cette expérience ravive un sens civique qui semble être le propos premier de The Jury.

thejuryh.jpg

Sur la forme, The Jury bénéficie d'une réalisation qui reste simple et classique. La photographie est dans l'ensemble assez froide, comme un écho au fait qu'il s'agisse d'une chronique judiciaire ordinaire de fait divers. Sa bande-son alterne entre une mélodie introductive plutôt envoûtante et quelques extraits de chansons qui permettent de marquer l'importance de certaines scènes.

Enfin, The Jury bénéficie d'un casting homogène globalement solide, au sein duquel le sériephile reconnaîtra notamment Branka Katicas (Big Love), Steven Mackintosh (Luther, Criminal Justice), Anne Reid (Bleak House, Upstairs Downstairs, Five Days, Marchlands), Sarah Alexander (Green Wing, Mutual Friends), Jodhi May (Strike Back) ou encore Natalie Press (Bleak House, Five Daughters). Grâce à cette galerie d'acteurs, la mini-série peut ainsi fonctionner pleinement dans sa dimension chorale.

thejurye.jpg

Bilan : Avec une sobriété à saluer, The Jury exploite efficacement son registre de chronique judiciaire ordinaire, plaçant cette institution particulière qu'est le jury en son centre. Si elle parvient à assez bien mettre en scène les dynamiques qui le traversent et vont conduire jusqu'à la décision clôturant le procès - le cinquième épisode étant à ce titre le plus réussi -, la mini-série va cependant échouer à prendre la mesure des problématiques plus générales de son sujet, alors même qu'elle prend soin d'ouvrir le débat en arrière-plan. En dépit de ce manque d'envergure qui peut lui être reproché, The Jury demeure malgré tout un legal drama intéressant qui devrait satisfaire les amateurs de ce genre de fiction.


NOTE : 6,5/10


La bande-annonce :