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04/09/2013

(J-Drama / Pilote) Lady Joker : kidnapping et extorsion d'industriel

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Retour au Japon en ce mercredi asiatique. Aujourd'hui, évoquons une série pour laquelle j'avais croisé les doigts tout le printemps en espérant la sortie éventuelle de sous-titres. C'est finalement dans le courant du mois d'août dernier que quelqu'un s'est lancé dans le projet de fansub. Il est encore loin d'être achevé mais, face aux fictions qui aiguisent ma curiosité, vous le savez bien, je n'ai aucune patience. Je n'ai donc pas résisté à jeter un œil aux premiers épisodes, quitte à attendre un peu pour pouvoir découvrir la suite.

Diffusé sur WOWOW, du 3 mars au 14 avril 2013, les dimanche soirs, Lady Joker est un renzoku composé de 7 épisodes. Il s'agit de l'adaptation d'un roman de Kaoru Takamura (publié de 1995 à 1997 dans l'hebdomadaire Sunday Mainichi). Elle peut être considérée comme la suite indépendante d'un drama datant de 2010 : Marks no Yama, un polar efficace qui avait été proposé sur la même chaîne du câble. Lady Joker partage avec cette précédente série son protagoniste policier principal, le détective Goda. Elle a cependant une histoire plus dense, d'une ampleur qui dépasse la seule enquête policière. C'est une fiction riche, et ses débuts sont prometteurs...

[La review qui suit a été rédigée après le visionnage des trois premiers épisodes.]

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Le groupe Hinode est une grande et puissante entreprise, leader national incontournable dans le marché de la bière. Son président, Shiroyama Kyosuke, reçoit un jour un CD audio qui accuse son groupe de discrimination. Tout en faisant référence à une affaire des années 50, ce document a été envoyé par le père d'un candidat aux origines Burakumin récemment rejeté lors des entretiens d'embauche et mort peu de temps après dans un accident de la circulation. Or, ce jeune homme fréquentait aussi la nièce de l'industriel, laquelle avait été invitée par sa famille à cesser de le voir en raison de la classe sociale dont ce prétendant était issu. Le scandale potentiel attise les convoitises de gens peu scrupuleux, y voyant un levier d'extorsion.

Dans le même temps, cinq individus s'étant connus dans les couloirs des hippodromes, et dont l'un d'eux est un proche de la famille du jeune homme décédé, imaginent un plan pour faire payer un de ces grands groupes qui se croient au-dessus des lois. Ils prennent comme cible Hinode. Ces amateurs de paris hippiques sont tous issus de milieux différents, et l'on trouve même parmi eux un policier. Cela leur donne un avantage non négligeable face aux autorités. Ils organisent le kidnapping du PDG de l'entreprise, puis le relâchent en réclamant 600 millions de yens. Le groupe, signant sous le nom de Lady Joker, espère poursuivre une extorsion autrement plus profitable en traitant directement avec Shiroyama. C'est la survie même de Hinode qui est en jeu, mais, respectant les consignes de leurs maîtres-chanteurs, la direction laisse la police dans le flou de la réalité de leurs intentions...

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S'inspirant librement de l'affaire Glico Morinaga, restée non résolue dans les années 80, Lady Joker est une œuvre chorale loin de se cantonner à une simple fiction d'enquête. Dès le premier épisode, la série pose les jalons d'un vaste engrenage, complexe et ambitieux, et le principal défi du scénariste va être de parvenir à maîtriser toute cette ampleur narrative. La multiplicité des intervenants permet la présentation de l'intrigue sous tous les angles, ne se limitant pas au seul point de vue policier. Il faut dire que Lady Joker rassemble, dans son ADN, les ingrédients du drama-type qu'affectionne particulièrement la chaîne WOWOW : elle plonge le téléspectateur dans ces milieux décisionnaires où se croisent les concurrents du monde des affaires et les représentants du pouvoir étatique et du contre-pouvoir médiatique. Tout en évoquant les arrangements de l'ombre qui font perdurer ce système, la série va dans le même temps jeter un éclairage particulier sur les laissés-pour-compte de cette société.

Car, avant tout chose, Lady Joker est une histoire de revanche, celle des faibles contre les puissants. Ceux qui s'associent pour penser et mettre au point l'entreprise d'extorsion contre Hinode se situent en effet tous un peu en marge. Ils sont désabusés pour certains, en colère pour d'autres, à l'image de ce détective sans perspective de carrière dans l'institution policière, et qui va employer sa connaissance des procédures - et sa participation directe à l'enquête - pour prendre de vitesse les autorités. Après le kidnapping initial, c'est une entreprise de chantage d'envergure qui s'organise, visant à faire trembler les fondations mêmes d'Hinode. Un jeu des manipulations s'installe, dans lequel le groupe se faisant prénommer Lady Joker tire les ficelles contre l'industriel et la police qu'elle place en porte-à-faux en faisant en sorte qu'ils ne collaborent pas. Chacun va devoir effectuer des choix difficiles. Le récit retient d'autant plus l'attention qu'il est loin d'être manichéen, et forme un ensemble complexe et intriguant. A noter cependant que le scénario doit se méfier de sa densité : voulant utiliser des intervenants nombreux, il a parfois tendance à s'éparpiller. Le rythme de narration et la tension s'en ressentent alors.

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Sur la forme, Lady Joker est un drama satisfaisant : il bénéficie de la qualité globale de réalisation que l'on retrouve généralement sur la chaîne WOWOW, laquelle place ses séries visuellement au-dessus de la moyenne des fictions télévisées japonaises. La bande-son est aussi assez caractéristique, avec une tendance aux grandes envolées lyriques lors des passages de tension qui constitue une habitude que je n'ai jamais particulièrement appréciée. Le drama n'en abuse cependant pas. Le résultat donne donc une fiction solide formellement.

Côté casting, on retrouve logiquement dans Lady Joker une partie de la distribution de Marks no Yama. Kamikawa Takaya reprend son rôle de détective, dans un registre auquel il semble abonné sur WOWOW depuis le tanpatsu Lupin no Shosoku. Il est notamment épaulé par Ishiguro Ken, procureur et ami fidèle du policier, déjà présent dans Marks no Yama. Face à eux, Shibata Kyohei (dont vous vous souvenez forcément dans le brillant Hagetaka) interprète le président de Hinode qui s'efforce de sauver sa compagnie en ne collaborant que partiellement avec la police. Côté kidnappeurs, on croise Toyohara Kosuke (Tetsu no Hone), tête pensante du plan d'escroquerie, Izumiya Shigeru (Control ~ Hanzai Shinri Sousa), Itao Itsuji (Platinum Town), Kaneko Nobuaki (Ohisama) et Takahashi Tsutomu (Soratobu Kouhoushitsu). Enfin, Yamamoto Koji (Karei Naru Ichizoku, Mother, Pandora, Towa no Izumi) incarne un journaliste qui entend mener sa propre enquête de son côté pour démêler les fils de cette complexe histoire.

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Bilan : Mettant en scène le kidnapping, puis l'extorsion d'un groupe industriel, Lady Joker est un drama très dense (parfois trop) qui mène son intrigue en ne négligeant aucun point de vue, qu'il s'agisse de celui des malfaiteurs, de l'entreprise attaquée, de la police ou encore des médias. Loin de toute approche manichéenne, le récit est manifestement ambitieux. Il réussit aisément à intriguer le téléspectateur qui, à défaut de s'investir vraiment humainement dans les destinées de chacun, s'interroge sur l'escalade et l'engrenage vers lesquels les plans de chacun conduisent. Il reste à savoir si Lady Joker maîtrisera sa densité dans la durée, et orchestrera ces oppositions avec l'intensité attendue, mais après trois épisodes, l'ensemble apparaît prometteur. A suivre.


NOTE : 7,5/10

17/04/2013

(J-Drama / SP) Lupin no Shousoku : exhumation du passé en quête de la vérité sur un meurtre quasiment prescrit

 

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Retour au Japon en ce mercredi asiatique ! Si j'insiste sur cette destination, c'est parce que, pour une fois, je parviens à respecter plusieurs semaines d'affilée une vraie alternance entre la Corée du Sud et le Japon. Cette semaine, j'ai quelque peu délaissé les nouveautés pour me plonger dans mes dossiers sans fond de séries à rattraper. Comme mon inclinaison du moment m'oriente plutôt vers le genre policier, j'ai finalement exhumé un intéressant tanpatsu (c'est-à-dire un drama court) sur lequel Kerydwen avait attiré mon attention en janvier dernier.

Téléfilm unitaire d'une durée de 2 heures, Lupin no Shousoku a été diffusé le 21 septembre 2008 sur WOWOW. Si le nom de cette chaîne câblée revient souvent dans ces colonnes lorsqu'il s'agit de partir au pays du soleil levant, il faut reconnaître que la confiance accordée est souvent méritée. Lupin no Shousoku ne déroge pas à cette règle. Cette adaptation d'un roman éponyme de Yokoyama Hideo (un spécialiste du suspense) a été confiée à Mizutani Toshiyuki, dont j'ai déjà visionné plusieurs autres collaborations avec WOWOW. Les résultats avaient jusqu'à présent été variables : si Marks no Yama s'était révélé être un intéressant drama policier (déjà), Prisoner m'avait laissé beaucoup plus réservée et mitigée. Heureusement Lupin no Shousoku s'inscrit dans la lignée des qualités du premier (on y retrouve d'ailleurs le même acteur principal), proposant une quête de la vérité prenante et riche en rebondissements.

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Officier n'ayant jamais gravi les échelons de la hiérarchie policière, Mizorogi Yoshihito est resté marqué par ce qui demeure le plus grand échec de la police japonaise de la seconde moitié du XXe siècle : ne pas être parvenu à arrêter le coupable d'un vol de 300 millions de yens qui, bien qu'identifié, bénéficia de la prescription pour s'échapper entre les mailles du filet judiciaire. En charge de l'affaire, Mizorogi détenait le principal suspect le jour où ce délai légal expira. Il a été contraint de le voir ressortir libre du commissariat sans pouvoir espérer jamais mener des poursuites pénales contre lui. Sur le moment, c'est sa démission qu'il remit - et qui fut refusée ; depuis il prend très personnellement chaque cas approchant de la date de prescription.

L'affaire qui va occuper ce tanpatsu tombe justement dans cette catégorie. La police reçoit en effet des informations - que le supérieur de Mizorogi juge fiables - selon lesquelles la mort d'une enseignante, classée comme suicide quinze ans auparavant, était en réalité un meurtre déguisé. Une nouvelle équipe d'investigation est aussitôt réunie, sous la direction de Mizorogi, alors que le délai de prescription s'apprête à expirer. Les renseignements transmis à la police pointent vers trois lycéens turbulents d'alors et une mystérieuse "opération Lupin" qu'ils auraient organisée et qui serait la cause de la mort de la professeure.

L'enquête qui s'ouvre va se révéler bien plus complexe qu'anticipée, ramenant aussi de manière inattendue Mizorogi sur l'affaire des 300 millions de yens volés...

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Le grand mérite de Lupin no Shousoku est de proposer une enquête policière solide, dotée d'une intrigue à tiroirs qui recelle de suffisamment de rebondissements et de twists pour former un récit dense qui va retenir l'attention du téléspectateur jusqu'à l'ultime révélation. La particularité de l'investigation tient au fait qu'elle se déroule 15 ans après les faits : la reconstitution des évènements repose donc entièrement sur la confrontation des témoignages que vont apporter les différents protagonistes mêlés de prés ou de loin à la mort de Mine Maiko. Chacun délivre une part de vérité, éclairant de manière subjective un pan de l'histoire. C'est ensuite aux policiers de rassembler ces pièces éparses d'un même puzzle criminel pour tendre vers la résolution finale. Afin d'éviter un huis clos qui aurait risqué de manquer de rythme, le tanpatsu est entrecoupé de flashbacks, opérant de fréquents aller-retours entre le passé et le présent. Au fil des précisions des témoins, l'intrigue parvient à se renouveler constamment, prenant plus d'un tournant inattendu et dévoilant une réalité bien plus complexe que les premières déductions ne le laissaient entrevoir.

En plus de l'enquête policière, si Lupin no Shousoku suscite l'implication du téléspectateur, c'est aussi parce qu'il place au centre de l'intrigue un facteur humain. Les faits étants très anciens, c'est avec pour seul matériel exploitable des témoignages que les policiers vont devoir naviguer à vue dans ces semi-vérités admises du bout des lèvres, ces souvenirs trop subjectifs à moitié effacés ou encore des regrets manifestes qui pèsent sur certains protagonistes à tort ou à raison. Entre interrogatoires et flashbacks, l'investigation repose sur la compréhension par les policiers des différents suspects, et donc sur une dimension psychologique déterminante. Car chaque personnage est présenté comme façonné par son passé, qu'il s'agisse du policier principal qui voit resurgir ce cas des 300 millions de yens qu'il a perdu face à la prescription, ou des anciens lycéens, aujourd'hui adultes, qui, même s'ils se sont perdus de vue, continuent de vivre marqués par les évènements qui se sont produits il y a 15 ans. Ce tanpatsu insiste sur le poids des secrets et des non-dits que chacun a gardé, sur ces abcès jamais crevés qui ont trop pesé. Exhumant des regrets et des séquelles de la vie, Lupin no Shousoku se dirige vers une conclusion cohérente, assez prévisible, mais qui a le mérite de venir conclure de façon satisfaisante cette journée où le passé est soudain remonté à la surface.

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Sur la forme, Lupin no Shousoku est un drama au petit budget qui opte opportunement pour une réalisation sobre. On peut juste lui reprocher parfois un certain manque de subtilité, les plans choisis donnant des indications sur l'orientation à venir de l'intrigue. S'efforçant de refléter l'atmosphère d'une histoire chargée de lourds secrets, les filtres sont assez sombres, surtout dans le présent des années 90. L'ambiance musicale recréée respecte également ces mêmes exigences de tonalité. Si bien qu'avec un minimum d'effets, tout en jouant le jeu d'un quasi huis clos au sein du commissariat, le tanpatsu parvient à trouver une identité visuelle cohérente et bien à lui.

Côté casting, en dépit de ce que pouvait suggérer l'affiche, Lupin no Shousoku est un drama relativement choral, du fait d'une construction où ce sont les témoignages confrontés qui peu à peu conduisent à l'établissement de la vérité. Mizorogi sert cependant de repère au téléspectateur, et apparaît donc comme le pivot narratif. Il est interprété avec aplomb par Kamikawa Takaya qu'on retrouvera deux ans plus tard aussi en policier dans Marks no Yama. A ses côtés, le casting est relativement solide ; sa principale limite tient aux flashbacks et au fait qu'il est difficile de jouer à la fois un lycéen et un trentenaire. On y croise notamment Nagatsuka Kyozo (Magma), en responsable policier qui conserve sa confiance en Mizorogi, Fukikoshi Mitsuru (Himitsu), Tsuda Kanji (Prisoner, Magma), Sato Megumi (Harukanaru Kizuna, Machigawarechatta Otoko), Endo Kenichi (Fumou Chitai, Gaiji Keisatsu, Soratobu Taiya, Strawberry Night), Hada Michiko (Dai Ni Gakusho), Okada Yoshinori (Nankyoku Tairiku), Arai Hirofumi (Hitori Shizuka, Going my Home) ou encore Kashiwabara Shuji (M no Higeki).

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Bilan : Bénéficiant d'une tonalité à la sobriété opportune, aussi bien dans l'écriture que dans le jeu des acteurs, Lupin no Shousoku signe une intrigue policière dense et efficace. La construction narrative reposant sur une confrontation permanente des différents témoignages permet une histoire riche en rebondissements, capable de renouveler les enjeux et de prendre plus d'une fois une tournure inattendue, à mesure que se dévoile peu à peu une vérité complexe. La fiction remplit donc son office : intéresser et aiguiser jusqu'au bout la curiosité du téléspectateur. Une histoire policière classique et solidement exécutée qui devrait satisfaire les amateurs.


NOTE : 7,5/10

20/07/2011

(J-Drama) Marks no Yama : un polar troublant dans l'ombre du Mont Kita

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Petite parenthèse japonaise en ce mercredi asiatique ! Nous n'étions plus parti au pays du Soleil Levant depuis la mi-mai, et les j-dramas commençaient à me manquer. A défaut d'avoir testé les nouveautés de la saison estivale, je solde mes comptes des programmes des derniers mois puisque je vais vous parler d'une série datant de la fin de l'année dernière : Marks no Yama. Du policier feuilletonnant que j'étais très curieuse de pouvoir enfin voir en entier (le suspense de la sortie des sous-titres ayant été à son comble durant ces six derniers mois).

Marks no Yama a été diffusée du 17 octobre au 14 novembre 2010. Après l'expérience plus que concluante de Soratobu Taiya dernièrement, je poursuis donc mon exploration des dramas courts de WOWOW. En effet, cette série ne comprend que 5 épisodes d'une heure chacun. Si je serais sans doute moins enthousiaste que ma précédente expérimentation sur cette chaîne (qui s'inscrivait dans un registre très différent), il n'en reste pas moins que Marks no Yama s'est révélée être une série riche et prenante, loin des procedural show qui prédominent dans le genre policier.

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Les tragédies de Marks no Yama trouvent leur source deux décennies avant les évènements que la série va nous faire vivre. Tout commence dans le massif des Alpes japonaises, sur les pentes du second sommet le plus haut du pays, le mont Kita. Une nuit, errant dans ces montagnes enneigées, un jeune garçon est secouru, à moitié gelé, à moitié étranglé. Le corps de sa mère est découvert un peu plus loin, décédé de ce qui semble être un suicide. Vingt ans plus tard, dans les environs, les restes d'un corps sont mis à jour, réveillant les souvenirs de ce drame plus ancien.

Parallèlement, toujours dans le présent, à Tokyo cette fois, deux meurtres particuliers se produisent à quelques jours d'intervalle. Le crâne des victimes a été défoncé avec un objet long et pointu, suivant un mode opératoire très similaire. L'inspecteur Goda, dont l'équipe est déjà en charge du premier décès, se voit signifier l'ordre par sa hiérarchie de ne pas intervenr dans la seconde affaire, où un fonctionnaire du ministère de la Justice a trouvé la mort. Des réseaux d'influence, notamment constitués par les diplômés d'une prestigieuse université, semblent vouloir étouffer l'ensemble. Mais Goda est obstiné. Or dans le même temps, une jeune journaliste, enquêtant sur des histoires de corruption, commence également à faire des recoupements dangereux pour l'élite tokyoïte.

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Le premier atout de Marks no Yama est de se distinguer du drama d'enquête suivant le schéma invariable du formula show (un épisode = une enquête). La série appartient au genre policier du feuilletonnant : les cinq épisodes forme un seul arc qui va aller en se complexifiant, des évènements a priori déconnectés dévoilant des liens inattendus tandis que le puzzle global se forme. Rythmée et efficace, la narration se suit sans temps mort, particulièrement prenante. L'ensemble retient d'autant plus notre attention en raison du parti pris, plutôt original, qui a été choisi. En effet, ce n'est pas une seule affaire, mais bien plusieurs crimes, dont certains très anciens, qui vont s'entrecroiser, sans que la police ne dispose initialement de toutes les clés pour les comprendre.

L'enjeu ne tient pas à la découverte du coupable, car la notion même de "coupable" prête ici à confusion. De manière troublante, la répartition des rôles entre victime et meurtrier apparaît interchangeable. Aussi impitoyable qu'il puisse être, 'Marks' a subi un traumatisme tellement profond que sa responsabilité même dans ses actions pose question. Loin de toute approche manichéenne, sachant faire naître des sympathies inattendues et perturbantes, le drama finit aussi par emprunter quelques codes aux thrillers de vengeance pour brouiller un peu plus les pistes. Il est dommage que la conclusion, assez expédiée, cède à des facilités et poncifs qui amoindrissent quelque peu la portée du récit mené jusqu'alors. Cependant, la tension demeure constante, pour le plus grand plaisir d'un téléspectateur happé par l'histoire.

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Au-delà de ses accents de policier à suspense, l'autre aspect que j'ai apprécié dans Marks no Yama est le portrait sans concession proposé des différentes grandes administrations. Aussi bien les codes et rivalités, voire concurrence, que le sens exacerbé d'appartenance à ces "organisations", sont vraiment bien mis en avant. Loin des partis pris plus conceptuels de certains dramas policiers qui créent des équipes "atypiques", ici, la manière dont l'enquête est conduite paraît très authentique. C'est par exemple le cas pour le fonctionnement de l'unité de police. On assiste à ses réunions quotidiennes d'état d'avancement, dans cet univers exclusivement masculin où chaque duo tente de marquer des points - 'parce que la concurrence saine permet une meilleure productivité'. Pour autant, on constate aussi que les manoeuvres internes s'effacent lorsque l'unité est confrontée à une autre organisation : la solidarité de groupe entre alors en action.

Si l'évolution de ces rapports intra et inter-administrations est un élément vraiment intéressant qui contribue à l'ambiance de la série, l'ensemble laissera cependant un regret. En effet, en arrière-plan, c'est une thématique de corruption des élites qui se dessine peu à peu. Les réseaux d'influence, composés d'une élite solidement implantée qui se protège contre tout élément perturbateur extérieur et s'auto-régule elle-même, sont spécialement mis en lumière. Les collusions qui se créent dans ces cercles, où se côtoient indistinctement tous les dirigeants de la société, yakuza, politiciens, élite économique, génèrent un système, imperméable aux critiques et aux accusations. La hiérarchie, indéboulonable quelque soit ses compromissions, réduit à néant toute initiative. Si la série aborde tous ces sujets de manière incidente, elle aurait pu aller plus avant dans l'exploitation de ce thème. Cependant, cela tient sans doute beaucoup à sa durée : cinq épisodes, c'était sans doute trop court pour dresser un tableau plus précis.

Si Marks no Yama laisse donc un petit goût d'inachevé, n'exploitant pas tout le potentiel qu'elle laisse entre-apercevoir, elle propose un polar noir intéressant, mais aussi addictif, qui se visionne d'une traite avec plaisir.

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Sur la forme, Marks no Yama dispose d'une réalisation classique, alternant les filtres (beige, bleuté, etc.), avec une dominante plutôt sombre qui sied parfaitement à l'atmosphère générale qui se dégage du drama. Pour l'accompagner, elle bénéficie d'une bande-son plus surprenante, avec un morceau de musique classique à la puissance et au rythme galvanisant. Si au début, cette invasion musicale semble exagérée, par la suite, le téléspectateur s'habitue et finit par apprécier ces notes retentissantes (dont vous avez un aperçu dans la deuxième vidéo ci-dessous). Une OST, donc pas toujours bien calibrée, mais résolument marquante !

Enfin le casting se révèle très solide. La sobriété y est pour beaucoup, même si le, certes rare, recours à certains clichés pour stigmatiser les "méchants" était dispensable... mais il faut dire que le rire démoniaque a la vie dure au pays du Soleil Levant. On retrouve dans ce drama, notamment, Kamikawa Takaya, Kora Kengo, Ishiguro Ken, Konishi Manami, Kohinata Fumiyo, Toda Naho, Osugi Ren, Suzuki Anju, Sano Shiro, Ishibashi Renji, Komoto Masahiro ou encore Hakamada Yoshihiko.

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Bilan : Polar efficace, Marks no Yama se démarque des séries policières classiques par sa construction feuilletonnante, mais aussi par sa capacité à dépasser toute lecture manichéenne. Dotée d'une intrigue solide qui retient l'attention du téléspectateur de bout en bout, son contenu est particulièrement riche. Son format de seulement cinq épisodes l'empêche sans doute d'exploiter pleinement certains aspects de son récit (notamment le portrait des élites), mais il n'affaiblit cependant pas l'enquête principale.

Un drama donc intéressant à plus d'un titre. Pour les amateurs de policier, mais pas seulement.


NOTE : 7/10


La bande-annonce de la série :

Le thème musical principal de l'OST :