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16/11/2013

(Mini-série UK) The Escape Artist : un essai de thriller judiciaire

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Aujourd'hui, direction l'Angleterre pour le bilan d'une fiction qui a été diffusée ces dernières semaines. Proposée du 29 octobre au 12 novembre 2013, sur BBC1, The Escape Artist est une mini-série qui aiguisait la curiosité. Se présentant comme un thriller judiciaire, on retrouvait à sa création David Wolstencroft, à qui l'on doit Spooks. Le scénariste allait-il être capable de transposer les tensions et les rebondissements qu'il avait maîtrisés dans l'univers de l'espionnage au contexte particulier du barreau londonien ? Par ailleurs, la série pouvait aussi s'appuyer sur un solide casting, porté par David Tennant. Malheureusement, The Escape Artist est une fiction qui montre vite ses limites et laisse au final le téléspectateur sur un sentiment de déception. 

[La review qui suit révèle quelques évènements importants du déroulement de l'intrigue.]

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Will Burton est un barrister de talent, connu pour n'avoir jamais perdu une seule affaire. Il n'a pas son pareil pour exploiter à merveille le moindre détail de procédure au profit des justiciables qu'il défend. Rien ne semble pouvoir interrompre le cours de sa carrière qui s'annonce brillante, promis à une belle ascension vers les sommets. Jusqu'au jour où il accepte de représenter Liam Foyle, accusé du meurtre atroce d'une jeune femme. Si la culpabilité de ce dernier fait peu de doute, Burton obtient cependant, avec son habileté légendaire, son acquittement. Seulement cette victoire va marquer le début d'une éprouvante descente aux enfers pour le juriste...

En dépit de sa victoire, Foyle commence par déposer plainte contre lui pour une attitude supposément inappropriée durant le procès. Puis, il se met à harceler sa famille. Un soir, dans la maison de campagne qu'ils possèdent, Burton retrouve le cadavre de son épouse qui vient d'être sauvagement assassiné, tandis que son fils, choqué, s'est caché dans un recoin. Will n'a que le temps de voir Foyle à travers une fenêtre. Malheureusement, le meurtrier a une nouvelle fois été prudent : c'est surtout sur le témoignage de son ancien avocat que repose l'accusation. Or Maggie Gardner, une collègue qui aspire à sortir de l'ombre de Burton, décide de tout mettre en œuvre pour défendre Foyle et discréditer les preuves qui pèsent contre lui...

Jusqu'où Liam Foyle et Will Burton sauront-ils exploiter l'appareil judiciaire britannique ?

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Le concept de The Escape Artist ne manquait pas de potentiel, permettant d'aborder quelques grands sujet liés à la notion de Justice, de droits de la défense, mais aussi à la place des avocats au sein du système judiciaire. Derrière le drame qui se noue, c'est en effet une histoire d'ambitions et d'égos au sein d'un milieu professionnel feutré qui se retrouve soudain confronté à un individu rompant la distance maintenue avec les justiciables. Brusquement, le cadre de l'action ne se situe plus dans les débats rhétoriques et autres arguties juridiques d'une cour de justice : les faits touchent personnellement. Pour Burton, c'est même tout son univers qui s'effondre. Malheureusement, loin d'exploiter cette base, la série se contente d'un balayage extrêmement superficiel de tous ces thèmes, préférant se construire sur un rythme artificiel à partir duquel elle essaie (souvent vainement) de susciter une tension. En voulant miser sur le seul registre du thriller, elle en oublie l'essentiel : offrir une fondation crédible et solide à l'histoire dans laquelle elle tente d'entraîner le téléspectateur.

De manière générale, si The Escape Artist rate le coche, c'est que, dès le départ, en adoptant une approche transparente et sans subtilité, l'écriture accumule les poncifs. Les personnages n'acquièrent jamais l'épaisseur espérée, cantonnés dans un rôle de simples outils scénaristiques avec pour seule fonction de créer des twists et des complications par leur attitude ou réaction. L'histoire sonne souvent très forcée, une impression qui est aggravée par une tendance chronique à s'enliser ou à complexifier inutilement les situations. Lancée dans une course vaine à la tension, la mini-série s'égare dans des idées mal exploitées, en même temps qu'elle égare le téléspectateur. La gestion de la confrontation finale entre Burton et Foyle, qui rend plus perplexe qu'elle ne marque par son intensité, est parfaitement révélatrice des limites d'un scénario qui avait manifestement des ambitions, mais ne s'est pas donné les moyens de les tenir à l'écran. Cela donne ainsi une fiction judiciaire avec certes quelques fulgurances, mais un thriller bien frustrant...

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Une partie des limites de The Escape Artist est également perceptible au niveau formel : on y retrouve en effet le même manque de subtilité de la narration, avec quelques plans trop appuyés qui téléguident l'histoire et l'interprétation des scènes par le téléspectateur tout aussi sûrement que les poncifs scénaristiques employés. La photographie, plutôt sombre, est en revanche parfaitement adaptée à l'ambition de thriller de la mini-série. Enfin, parmi les lieux de tournage notables, la bonne surprise a été lorsque j'ai vu surgir Édimbourg dans mon petit écran. La fiction s'y transporte en effet pour sa dernière ligne droite : de quoi offrir quelques-unes des vues les plus emblématiques de la ville et éveiller une pointe de nostalgie écossaise chez moi, petite récompense méritée pour être parvenue au bout de l'histoire.

Au fond, ce qui soutient la mini-série, c'est avant tout un casting très solide qui tient, lui, toutes les promesses qu'il laissait entrevoir sur le papier. David Tennant (Blackpool, Doctor Who, Single Father, Broadchurch, The Spies of Warsaw) est impeccable dans un registre de barrister brillant, mais brisé. Ce rôle de ténor du barreau lui permet aussi de pleinement s'exprimer lors de quelques envolées oratoires qui posent bien le personnage. Face à lui, Toby Kebbell est glaçant à souhait dans le rôle de Foyle. En concurrente de Burton, Sophie Okonedo (Father & Son, The Slap, Mayday) a un rôle plutôt ingrat, mais elle sait en faire ressortir toute l'ambiguïté. A leurs côtés, c'est également l'occasion de croiser Ashley Jensen (Extras, Ugly Betty), Tony Gardner (The Thick of It, Last Tango in Halifax), Anton Lesser (Perfect Strangers, Little Dorrit, The Hour, Endeavour), Patrick Ryecart, Stephen Wight (Whites, The Paradise) ou encore Roy Marsden (The Sandbaggers).

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Bilan : Si The Escape Artist bénéficiait d'un concept avec du potentiel, la mini-série n'est pas le thriller marquant qu'elle ambitionnait d'être, en dépit de quelques scènes qui sortent du lot grâce à un casting solide. Dotée d'une écriture guère portée dans la nuance, c'est par une approche superficielle, souvent artificielle, qu'elle traite son intrigue. Frustrante par ses raccourcis, mais aussi par sa tendance à ajouter des complications inutiles, la fiction apparaît inaboutie, avec nombre d'idées insuffisamment ou mal exploitées. La déception prédomine donc au terme de ses trois épisodes. Une fiction à réserver à ceux qui apprécient David Tennant.


NOTE : 5,75/10


La bande-annonce de la série :

12/04/2013

(Pilote UK) Endeavour : les premières enquêtes de l'Inspecteur Morse

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Ce dimanche 14 avril 2013 débute en Angleterre la première saison d'une nouvelle série policière, Endeavour. Elle comptera 4 épisodes, commandés suite au succès rencontré par un premier téléfilm, diffusé le 2 janvier 2012 sur ITV, initialement conçu comme un simple unitaire et devenu donc pilote depuis. Cédant à la curiosité suscitée par les prequels, cette fiction nous plonge au début de la carrière au sein de la police d'un enquêteur emblématique du petit écran anglais, créé par Colin Dexter, l'Inspecteur Morse. De 1987 à 2000, de nombreux téléspectateurs l'ont accompagné au cours de trente-trois enquêtes. Depuis, un spin-off a même vu le jour, en 2006, au sein de cette franchise décidément riche, l'Inspecteur Lewis. Endeavour s'inscrit dans la continuité directe de ces différentes séries. Ce téléfilm originel a le mérite de se montrer très convaincant, proposant une enquête solide et un Shaun Evans très prometteur. De quoi espérer que la suite soit du même acabit.

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Endeavour débute en 1965. Elle va nous raconter les premiers pas, au sein de la police, d'Endeavour Morse. Ancien étudiant d'Oxford, ayant quitté l'université sans diplôme, c'est un jeune policier déjà désillusionné par son métier que l'on découvre dès les premières scènes. Il achève en effet de rédiger une lettre de démission qu'il compte remettre prochainement. Ses projets sont cependant perturbés par la disparition d'une adolescente, dont le cadavre est ensuite retrouvé. Il fait partie des effectifs de police mobilisés en renfort pour aider l'équipe d'investigation. C'est dans ces circonstances qu'il retourne donc sur ses pas, à Oxford.

Initialement cantonné à des tâches subalternes, Morse se fait vite remarquer, relevant des détails ayant échappé à ses collègues et faisant des déductions qui l'amènent à se heurter à des figures de l'establishment local sans s'en préoccuper. S'il s'attire de solides inimitiés, il retient également l'attention du DI Fred Thursday qui voit en lui un enquêteur fiable à qui il peut faire confiance pour démêler le fond d'une trop sensible et trop complexe affaire. L'investigation permettra aux deux hommes d'apprendre à travailler ensemble, et Thursday proposera à Morse, au terme de l'enquête, de rester à Oxford... Reprenant sa lettre de démission, le jeune policier acceptera.

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S'installer devant un prequel éveille souvent une suspicion instinctive chez un spectateur : nul ne souhaite se retrouver devant une fiction qui capitaliserait sur un nom évocateur, sur un cadre familier, mais qui aurait dans le même temps vidé de sa substance et de son charme l'oeuvre d'origine. Le pilote d'Endeavour rassure vite et balaie ces quelques craintes : il va habilement réussir à 'éviter tous les écueils propres à l'exercice du prequel. Mieux, il démontre sa capacité à se réapproprier cette figure policière emblématique pour raconter des investigations qui sont dignes d'attention. Capturant immédiatement l'atmosphère de la ville d'Oxford, avec une dimension historique apportée par les années 60, l'épisode réussit en fait sur tous les tableaux où on l'attendait légitimement. En premier lieu, il peut s'appuyer sur une intrigue policière extrêmement solide, rondement menée et très plaisante à suivre. Il propose en effet une enquête riche, aux rebondissements multiples, qui utilise pleinement et sans temps mort sa durée d'1h40. 

Signe de qualité, l'affaire apparaît aussi parfaitement choisie pour une première enquête. D'une part, sa nature et sa sensibilité, avec les cercles de notables et d'universitaires qu'elle touche, permettent d'esquisser un portrait sans fard de cette ville d'Oxford. D'autre part, elle révèle beaucoup sur cet enquêteur central dont il s'agit de réussir l'introduction, ce dernier ayant l'avantage et le désavantage d'être déjà connu du téléspectateur. La caractérisation du jeune Endeavour Morse s'avère réussie parce qu'elle trouve le juste équilibre entre une certaine fidélité et une réappropriation plus indépendante. Au cours d'une investigation où les impasses et autres twists s'enchaînent, nous avons l'occasion de voir se dessiner, face aux obstacles, un personnage multidimensionnel intéressant : policier intense, refusant toutes compromissions et décidé à aller au bout pour découvrir la vérité, il laisse aussi entrevoir une désillusion déjà très marquée, ainsi qu'une facette plus vulnérable notamment lorsqu'il évoque son enfance, avec cette porte d'entrée qu'est la musique. La résolution de l'affaire apparaît d'ailleurs très symbolique, entremêlant étroitement le policier et le personnel, et renforçant ainsi la force de la conclusion.

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Sur la forme, Endeavour bénéficie d'une réalisation très solide. L'exploitation du décor offert par Oxford et le côté "period drama" de ce retour aux années 60 accélérant l'immersion du téléspectateur dans l'histoire et posent l'ambiance. Il faut également relever et surtout saluer l'importance du rôle joué par la musique tout au long de l'épisode, avec une dimension toute particulière accordée à ce morceau que Morse écoute lorsque nous le rencontrons pour la première fois et qui va hanter l'épisode jusqu'à sa dénouement.

Enfin, Endeavour peut s'appuyer sur un casting convaincant. Le choix de l'acteur interprétant Morse était déterminant à la réussite de l'épisode : Shaun Evans (Teachers, The Take) s'en tire avec les honneurs, campant un personnage dense, aux facettes multiples, capturant les attitudes de son personnage tout en se les réappropriant. A ses côtés, le DI Thursday qui devient son supérieur et va faire office de mentor est interprété de façon tout aussi solide par Roger Allam (The Thick of It, Parade's End) qui trouve ses marques et s'impose véritablement aux côtés de Morse. La série permettra de retrouver également James Bradshaw, Abigail Thaw, Sean Rigby ou encore Anton Lesser.

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Bilan : Négociant habilement toutes les difficultés propres à l'exercice du prequel, Endeavour signe un pilote de très bonne facture. Tout en proposant une enquête complexe, riche en twists, qui happe le téléspectateur jusqu'à l'ultime révélation, il offre une introduction réussie à ce jeune Morse, déjà familier, esquissant un portrait multidimensionnel des plus intéressants. En résumé, Endeavour devrait retenir l'attention des fidèles de Morse, mais plus généralement de tout amateur de fiction policière anglaise. Peu importe que vous connaissiez ou non cet inspecteur avant de vous lancer dans cette série. En ce qui me concerne, je serai au rendez-vous et suis curieuse de voir si la suite sera du même niveau ! A surveiller.


NOTE : 7,75/10


La bande-annonce de ce pilote :

La bande-annonce de la série à venir, débutant ce dimanche 14 avril sur ITV1 :

09/03/2013

(UK) The Scapegoat : l'histoire d'une deuxième chance inattendue

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Ma pile de fictions à regarder est une haute tour sans fin (dont je sais pertinemment que je n'en viendrais jamais à bout), au sein de laquelle j'oublie parfois même certaines de ces oeuvres, mises de côté lors de leur diffusion, englouties depuis dans l'océan des séries "qu'il faudra que je rattrape un jour". Dans ces conditions, entreprendre un peu de rangement a parfois du bon : cela permet de se remémorrer quelques oublis, à l'image du téléfilm que j'ai finalement (enfin) visionné dimanche dernier.

The Scapegoat a été diffusé sur ITV1 le 9 septembre 2012. Il s'agit d'une adaptation d'un roman du même nom de Daphne du Maurier, datant de 1957. A noter qu'une adaptation cinématographique a déjà eu lieu, en 1959, mettant en scène Alec Guinness dans le rôle principal. Dans cette version de 2012, d'une durée d'1h40, c'est à Matthew Rhys qu'est confié cet intriguant double rôle, pour une fiction qui s'est révélée vraiment très plaisante à suivre. 

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Il faut préciser d'emblée que The Scapegoat (2012) prend un certain nombre de libertés avec l'histoire d'origine (que je n'ai pas lue). Le téléfilm s'ouvre en Angleterre, en 1952, dans un contexte de préparation des festivités pour le couronnement de la reine. John Standing est enseignant. Il vient d'être renvoyé de son établissement, sa matière ayant été sacrifiée au nom d'arbitrages pédagogiques. Sans attaches, ni famille, il envisage de partir à la découverte du monde. Mais, dans un bar, il croise un individu étonnamment semblable à lui en apparence, Johnny Spence. Les deux hommes semblent être des doubles l'un de l'autre. Il s'ensuit une soirée, arrosée, de discussions où ils échangent sur leurs vies respectives, toutes deux à problèmes.

Le lendemain matin, John Standing se réveille difficilement dans une chambre qui n'est pas la sienne, avec, disposés dans la pièce, des vêtements qui ne sont pas non plus à lui. De Johnny Spence, plus aucune trace, l'homme étant parti avec les papiers de Standing. Or ce dernier passe sans difficulté pour Johnny Spence auprès de son personnel, à commencer par son chauffeur. Pour en apprendre plus sur l'homme qui a volé son identité, John décide un temps de jouer le jeu et se laisse conduire dans la belle demeure qui est celle des Spence. Il y découvre une situation maritale, familiale et professionnelle extrêmement tendue, son double étant loin d'être irréprochable moralement. Presque malgré lui, il s'introduit dans ce quotidien et entreprend d'essayer de sauver ce qui peut encore l'être.

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Le concept de départ de The Scapegoat, qui voit deux individus identiques échanger leurs vies et se faire passer l'un pour l'autre, est un ressort narratif très fréquemment utilisé dans certains petits écrans comme la Corée du Sud. Il l'est en revanche moins dans la fiction occidentale. Pour rentrer dans l'histoire, il faut donc admettre le postulat de départ suivant : l'idée que Standing puisse donner le change et se faire vraiment passer pour son double physique auprès des proches qui connaissent Johnny Spence intimement. La réussite du récit est ici de proposer une narration fluide et cohérente, entraînant sans difficulté le téléspectateur à la suite du personnage de Standing et des péripéties qu'il a à solutionner. On assistera ainsi tout d'abord à ses efforts, souvent maladroits, pour comprendre la vie menée par son vis-à-vis, puis à ses tentatives pour redresser des situations semblants brisées au-delà de toute réparation.

En filigranne, se construit peu à peu l'opposition entre les deux hommes. Car Standing et Spence ont tous deux des caractères, mais aussi des valeurs, très différents. L'approche choisie est un autre grand classique, celle manichéenne du "bon jumeau" et de son "double maléfique". L'intérêt de l'histoire tient au fait que la confrontation qui viendra, on le pressent, à un moment ou à un autre, n'est pas au centre de l'intrigue. L'enjeu de l'ensemble est avant tout une réalisation humaine et relationnelle. Endossant le costume de Spence, Standing rebâtit et rétablit peu à peu des ponts, oubliés ou depuis longtemps détruits, entre chaque personne de son entourage. Il avance avec une sincérité et une bonne volonté assez touchantes. Il règne sur The Scapegoat une forme de chaleur humaine, plutôt optimiste, qui provoque l'attachement du téléspectateur. C'est ainsi un divertissement solide et à plaisant à suivre, jusqu'à la conclusion qui diffère de celle du livre d'origine.

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Sur la forme, The Scapegoat propose une belle reconstitution des années 50 - la demeure des Spence offrant un de ces décors de la haute société que nombre de period dramas affectionnent. La réalisation est soignée, l'image est belle avec une teinte qui sied parfaitement à l'époque mise en scène. Quant à la bande-son, elle ne se fait jamais trop intrusive, mais accompagne posément le récit.

Côté casting, le téléfilm repose en grande partie sur Matthew Rhys (Brothers & Sisters, The Americans) qui cumule les rôles de ces deux "faux jumeaux", aux inclinaisons et caractères très différents. L'acteur s'en sort dans l'ensemble bien. Le fait que le "double maléfique" ait finalement assez peu de scènes lui permet surtout d'explorer le personnage autrement plus franc et digne de confiance qu'est Standing ; cependant, les quelques scènes communes aux protagonistes - notamment au début - sont bien menées. Autour de lui gravite un entourage au sein duquel on retrouve quelques têtes très familières, comme Eileen Atkins (Smiley's People, Psychoville, Doc Martin) qui interprète la matriarche de la famille Spence, ou encore Andrew Scott (aka Moriarty dans Sherlock) qui incarne le frère de Johnny. On croise également Alice Orr-Ewing, Sheridan Smith (Mrs Biggs), Jodhi May (Emma, Strike Back, The Jury II), Eloise Webb, Sylvie Testud (avec un accent de l'Est prononcé), Anton Lesser (Little Dorrit, The Hour), Pip Torrens (The Promise) ou encore Phoebe Nicholls.

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Bilan : The Scapegoat est l'histoire surprenante d'une deuxième chance inattendue, tout autant que le récit d'une reconstruction de diverses vies au bord de l'implosion. Il flotte sur l'ensemble le parfum caractéristique, un peu à part, d'une fable aussi improbable qu'attachante. L'histoire apparaît somme toute très simple, mais le récit assuré se déroule de façon fluide et sans à-coups. Et les ouvertures et les possibilités permises par ce concept étonnant achèvent de séduire un téléspectateur qui passe, devant son petit écran, 1h40 très agréables. En résumé, un visionnage plaisant donc recommandé (parfait pour un dimanche). 


NOTE : 7,5/10


La bande-annonce du téléfilm :

20/01/2013

(Mini-série UK) Spies of Warsaw : jeux d'espions dans la Varsovie d'avant-guerre

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Spies of Warsaw figurait en bonne place parmi les nouveautés que j'attendais en ce début d'année. Cette mini-série, composée de 2 parties de 90 minutes chacune, a été diffusée ces deux dernières semaines en Angleterre sur BBC4. Adaptation d'un roman du même titre d'Alan Furst, cette fiction d'espionnage se déroulant à la veille de la Seconde Guerre Mondiale avait en plus comme atout d'offrir un intéressant rôle à David Tennant. Ce dernier a parfaitement relevé le défi. Je serais en revanche beaucoup plus réservée sur la mini-série elle-même. Si les thèmes et les ingrédients sont là, il aura manqué quelque chose, dans le rythme, dans la solidité du scénario, pour se réapproprier ce sujet au potentiel certain.

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Le colonel Jean-François Mercier, un soldat décoré de la Première Guerre Mondiale, devient attaché militaire à l'ambassade de France à Varsovie. L'enjeu que représente la Pologne dans une Europe où la tension ne cesse de croître durant cette deuxième moitié des années 30 en fait un terrain d'espionnage privilégié, où l'on entrevoit les stratégies des grandes puissances de l'époque. Au-delà des services de renseignement locaux alliés, il faut en effet composer et se méfier aussi bien des espions soviétiques que des agents de l'Allemagne nazie. La proximité de ce dernier pays fait aussi de Varsovie une base importante pour surveiller les manoeuvres ayant cours de l'autre côté de la frontière.

Des salons diplomatiques et mondains aux opérations de renseignement sur le terrain, Mercier navigue à vue dans un univers dangereux, rythmé au gré des intrigues, des trahisons et des assassinats. Il s'efforce notamment d'en apprendre plus sur les opérations militaires allemandes dans l'hypothèse où la guerre éclaterait, ou plutôt - car c'est pour lui inévitable - lorsque la guerre éclatera. Au cours d'une soirée, il rencontre Anna, une jeune femme d'origine polonaise travaillant pour la Société des Nations, organisation qui démontre désormais toutes ses limites. Si elle fréquente déjà un dissident russe, elle n'est pas insensible au colonel français. Sauront-ils sortir indemnes, avec leurs sentiments intacts, de ces premiers tourbillons préparant la tempête à venir ? 

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Spies of Warsaw disposait a priori de différents atouts. Les missions de son personnage principal n'ont rien d'anecdotiques, et même si l'on sait que ses efforts seront vains, les enjeux mis en scène sont d'importance. Il s'agit tout d'abord d'identifier la stratégie envisagée par l'Allemagne pour mener une guerre en Europe, notamment face à la France. Sur ce point, la mini-série n'a pas son pareil pour retranscrire l'aveuglement qui fut celui des élites françaises, et l'illusion créée par la ligne Maginot. Puis, une fois l'invasion polonaise inéluctable, l'exfiltration de l'or de sa banque centrale pour le faire échapper aux nazis est aussi une tâche à haute responsabilité. Malheureusement ces histoires n'acquièrent jamais l'ampleur dramatique qu'elles auraient méritée. Le scénario souffre en effet de récurrentes inégalités dans sa narration : il est capable de faire preuve d'une minutie d'orfèvre à certains instants, pour ensuite grossièrement esquisser des rebondissements convenus et téléphonés à d'autres. Au suspense de plusieurs passages, succèdent des raccourcis frustrants, des facilités dispensables, qui plombent la crédibilité du récit. Face à une mise en scène trop figée, peinant à atteindre l'intensité attendue, ce n'est que progressivement que le téléspectateur rentre dans l'histoire.

Cependant, il parvient à se prendre peu à peu à ces jeux d'espions en cours : il le fait en s'investissant dans les destinées personnelles des personnages, et non dans les missions relatées. Spies of Warsaw repose en fait entièrement sur les épaules du colonel Mercier. Figure aristocratique quelque peu idéalisée à laquelle il manque peut-être l'ambivalence recherchée dans ce type de fiction, ses développements restent intéressants tout au long de la mini-série. Il sait impliquer le téléspectateur à ses côtés. Mais la mini-série souffre ici du syndrome du "héros" : il lui manque une approche plus chorale, qui aurait été la bienvenue pour mieux apprécier les enjeux et faire gagner la fiction en homogénéité. Si Mercier s'impose comme un repère convaincant pour le téléspectateur, les personnages qui l'entourent peinent eux à acquérir une vraie consistance, à l'image des oppositions rencontrées au sein de la hiérarchie française où les officiers renvoient à des caricatures frustrantes qui servent avant-tout de faire-valoir à Mercier. Dans un registre plus personnel, son histoire d'amour avec Anna est calibrée, mais n'aura pas su capturer l'intensité des sentiments et des déchirements vécus.

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Sur la forme, Spies of Warsaw bénéficie d'une réalisation correcte, mais un peu figée, à laquelle manque parfois ce souffle et cette tension que l'histoire relatée aurait dû permettre d'attendre. Il est manifeste que la mini-série a privilégié une sobriété, ce qui parfaitement légitime. Cela rend l'ensemble globalement bien adapté pour son genre. C'est une fiction sérieuse et classique, qui n'éblouit pas, ni ne prend le moindre risque sur ce plan.

En réalité, c'est avant tout le casting qui permet de s'investir dans cette mini-série. Plus précisément Spies of Warsaw doit beaucoup à un David Tennant (Doctor Who, Single Father) impeccable, qui tient là un rôle fort et intéressant, de maître-espion amoureux, dans lequel il trouve pleinement à s'exprimer (une fois que l'on admet qu'il interprète un officier français, ce qui a nécessité pour moi un léger temps d'ajustement). Les autres personnages sont moins fouillés, et les acteurs ne sont pas toujours très sollicités. Janet Montgomery (Human Target, Made in Jersey, Dancing on the edge) interprète Anna, la jolie Polonaise qui séduira le colonel Mercier. S'il n'y a rien à redire sur son jeu, l'écriture ne donne pas à son personnage une grande ampleur. A leurs côtés, on retrouve un casting international, composé notamment de Marcin Dorocinski (Gleboka woda, Pitbull), Miroslaw Zbrojewicz, Burn Gorman, Ellie Haddington, Piotr Baumann, Jan Pohl, Radoslaw Kaim, Linda Bassett, Allan Corduner, Anton Lesser, Julian Glover, Richard Lintern, Tuppense Middleton, Tusse Silberg et Fenella Woolgar.

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Bilan : Proposant une immersion dans les jeux d'espions d'avant-guerre en Europe continentale, et plus précisément autour de la question de la Pologne, Spies of Warsaw est une honnête mini-série historique d'espionnage qui ne rebutera pas les amateurs du genre. Mais elle laissera quelques regrets, n'ayant pas réussi à rendre à ses enjeux le souffle dramatique et la tension qu'ils méritaient. Se reposant que sur les destinées personnelles de ses personnages, et surtout, de sa figure centrale, elle doit ici beaucoup à David Tennant pour avoir su apporter consistance et intensité à un officier dont on aurait pu craindre une idéalisation trop unidimensionnelle. Spies of Warsaw reflète aussi peut-être les difficultés qui peuvent se rencontrer lorsque l'on entreprend de transposer certains aspects d'un roman à l'écran. Au final, si j'en garde une impression mitigée, je ne regrette certainement pas de l'avoir regardée (mon inclinaison naturelle pour ce type d'histoire s'exprime sans doute ici).


NOTE : 6,75/10


Une bande-annonce de la mini-série :

15/12/2012

(Mini-série UK) Secret State : conspiration dans les coulisses du pouvoir

"You get to the top, and you realise, it's really only the middle."
(Tom Dawkins, Premier Ministre)


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Je vous parlais il y a quelques semaines de la très intéressante mini-série A Very British Coup, thriller politique pessimiste particulièrement happant des années 80, inspiré du roman éponyme d'un député britannique de l'époque, Chris Mullin. Channel 4 s'est proposée durant le mois de novembre de moderniser ce récit, en se réappropriant librement ces interrogations sur le pouvoir réel derrière le pouvoir politique. Cette nouvelle mini-série, Secret State, compte 4 épisodes.

Fiction ambitieuse, aux thèmes multiples, elle n'aura pas su mener sa démonstration jusqu'au bout, cédant trop souvent à une surenchère et à une escalade dans la complexification des intrigues au fil de laquelle le propos même de l'oeuvre s'est un peu dilué. Cependant elle n'en reste pas moins un honnête thriller, globalement prenant.

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Secret State débute à la suite d'une tragédie. Un accident industriel dévaste un petit bourg et fait plusieurs dizaines de victimes. Ce sont les installations d'une entreprise de pétrochimie, PetroFex, qui ont provoqué cette catastrophe. Après le choc et le temps du deuil, le Premier Ministre britannique s'envole pour les Etats-Unis pour négocier avec le géant pétrolier une compensation pour les citoyens britanniques touchés. Mais, sur le chemin du retour, son avion disparaît des écrans radars. L'épave est ensuite retrouvée, sans survivants.

Alors que le pays est en pleine période électorale, le vice-Premier Ministre, Tom Dawkins, est contraint de prendre les choses en main pour assurer à la fois l'assise de son parti et la conduite du pays. Cependant l'affaire PetroFex ne fait que commencer, et ses ramifications vont bien au-delà de ce qui pouvait être imaginable. En plus de devoir rechercher les causes de l'accident industriel, les services de sécurité doivent enquêter sur la mort du Premier Ministre. Les réponses offertes ne satisfont pas Tom Dawkins. Dans sa quête pour la vérité, il va se trouver confronter à des forces d'un système dont il n'est que le leader apparent.

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Secret State bénéfici tout d'abord d'un sujet particulièrement intéressant, ayant beaucoup à dire sur la réalité de nos démocraties modernes et sur ses illusions. Là où A Very British Coup s'inscrivait dans un contexte particulier de prise de pouvoir d'un parti travailliste socialisant à une époque où l'URSS n'était pas encore tombée, Secret State modernise ses problématiques en évoquant pêle-mêle les enjeux énergétiques et pétroliers, le pouvoir de la finance et des banques, mais aussi le spectre du terrorisme et des guerres énergétiques du Moyen-Orient. Entre le thriller politique, la fiction conspirationniste, le tout saupoudré de journalisme d'investigation et d'espionnage, la mini-série jongle avec ces différentes thématiques. Le fil rouge de l'ensemble est le nouveau Premier Ministre britannique, Tom Dawkins, qui manoeuvre comme il peut au milieu de ces intérêts contradictoires. Il est un homme de principes, mais surtout une figure isolée dans un monde où le politique s'efface devant la puissance d'autres pouvoirs de l'ombre, et où une oligarchie qui n'a jamais de comptes à rendre au peuple s'active et sert ses propres intérêts.

Avec son récit dense et une histoire complexe, Secret State retient l'attention du téléspectateur, et s'avère dans l'ensemble globalement efficace. Pourtant, elle laisse malgré tout un arrière-goût d'inachevé. L'ambition du scénario est manifeste, voulant englober toutes les problématiques actuelles des enjeux géostratégiques à la finance internationale. Mais la mini-série tend à verser dans la surenchère. Complexifiant à outrance certains développements de l'histoire, multipliant les interventions de protagonistes qui ne trouvent pas toujours leur place, Secret State donne parfois l'impression de tout survoler sans être capable d'aller vraiment au fond des choses. Ainsi, si son propos, passionnant, trouve indéniablement un écho particulier à l'heure actuelle, la démonstration aurait vraiment gagné en force à faire plus simple et percutant. Vous m'objecterez qu'il vaut sans doute mieux une fiction qui pèche par excès de richesses qu'une oeuvre creuse et vide, cependant il est frustrant de voir laisser inexploité ce vaste potentiel juste effleuré dans la précipitation avec laquelle tout est traité.

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Sur la forme, Secret State est une mini-série parfaitement maîtrisée. Sa réalisation est soignée, et le format choisi, le même que Top Boy l'an passé sur Channel 4 également, étire l'image dans sa longueur dans un style cinématographique inhabituel pour le petit écran, mais qui apporte un cachet supplémentaire à l'ensemble. La série sait aussi jouer sur l'ambiance qui se dégage de certaines images symboliques, n'ayant pas son pareil pour présenter un temps grisâtre, où les nuages menaçants s'amoncellent dans le ciel, signe des drames passés et des difficultés à venir.

Enfin, Secret State rassemble un casting extrêmement solide, dont on regrettera surtout qu'en seulement 4 épisodes, beaucoup ne soit que trop peu exploité au goût du téléspectateur (parmi lesquels Charles Dance (Bleak House, Game of thrones), Stephen Dillane (John Adams), Gina McKee (The Lost Prince) ou encore Rupert Graves (Garrow's Law, Sherlock)). Le rôle de Tom Dawkins revient à un Gabriel Byrne (In Treatment) qui, tout en subtilité et en nuance, construit un personnage complexe, plus fort et persévérant que l'on aurait pu lui donner crédit à première vue, homme providentiel -ou non- se retrouvant soudain placé devant des responsabilités énormes. Sa progression aboutit à un extrêmement discours final qui mérite le détour. A noter, sur le plan de l'anecdotique, que Chris Mullin lui-même - l'auteur de A Very British Coup - fait une brève apparition dans la mini-série.

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Bilan : Thriller politique et conspirationniste ambitieux, Secret State suit le parcours d'un politicien propulsé à la tête du pays suite à une tragédie. Tenant son mandat du peuple, il se heurte pourtant rapidement aux limites du politique et à la réalité du pouvoir de l'ombre, entre enjeux financiers et énergétiques. Dressant un portrait pessimiste et sans complaisance de la réalité de nos démocraties modernes s'apparentant à de véritables oligarchies, la mini-série ne parvient cependant pas à exploiter complètement son potentiel. Voulant traiter trop de thématiques à la fois, elle n'en traite au final véritablement aucune en profondeur, se contentant de tout survoler. Cela reste certes une fiction très correcte dans son genre, mais qui laisse malgré le téléspectateur quelque peu frustré.


NOTE : 7/10


La bande-annonce de la mini-série :