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06/04/2013

(Mini-série UK) In the Flesh : une fiction de zombies traitée comme un drame humain et social à portée allégorique


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La fin de Being Human actée n'empêche pas la chaîne BBC3 de poursuivre son exploration de fictions fantastiques. Elle a ainsi diffusé, du 17 au 31 mars 2013, une série de 3 épisodes, d'1 heure chacun environ : In The Flesh. Créée et écrite par un nouveau venu dans le petit écran, Dominic Mitchell, cette fiction est un projet qui a été initialement sélectionné et développé dans le cadre de la Writers Room de la BBC. L'intérêt de cette histoire tient à la manière dont elle se réapproprie une thématique horrifique désormais assez banalisée dans nos écrans, celle des zombies. Loin d'un Dead Set, essai pour le moins gore proposé par Charlie Brooker sur E4 en 2009, In the Flesh opte pour un angle dramatique et social, très humain, avec une dimension allégorique recherchée qui apporte une belle consistance et une richesse à l'ensemble. Il s'agit donc d'une très intéressante fiction.

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In the Flesh débute dans une Angleterre qui se relève peu à peu d'une "zombie apocalypse" qui a frappé le monde quatre années auparavant. Les personnes mortes dans les mois précédents le jour fatidique se sont soudain relevées, sortant de leurs tombes pour attaquer les vivants. Après un temps de chaos, les attaques ont depuis été circonscrites, et le gouvernement a mis en place un programme médical de réhabilitation de ces morts-vivants. Ces derniers sont désormais désignés sous le terme clinique de "PDS" (partially deceased syndrome). En suivant un traitement spécifique, ils leur est possible de retrouver le contrôle d'eux-mêmes, de soigner leurs pulsions et, à terme, ainsi être réintégrés dans une société qui reste logiquement craintive ou hostile face à ces individus.

In the Flesh s'attarde sur un "mort-vivant" particulier : Kieren Walker. Lors de la "zombie apocalypse", il s'est relevé, a fait des choses terribles sans aucun contrôle sur lui-même, puis est désormais soigné et intégré au programme gouvernemental. Considéré apte à rentrer chez lui, il est confié à ses parents, forcément bouleversés, au cours du premier épisode. Il va lui falloir du temps pour se réajuster à cette nouvelle vie, devant affronter ses propres remords concernant les actes qu'il a pu commettre. Il lui faut aussi faire face à la colère de sa soeur Jem. De plus, le petit village de Roarton reste un bastion des milices anti-zombies, hostile aux opérations de réintroduction, avec un pasteur local s'employant à cultiver cette dangereuse hostilité. 

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Se réappropriant d'une façon qui lui est propre le thème des zombies, In the Flesh en exploite les possibilités ouvertes en adoptant une approche sociale et humaine, loin des précédents sanguinolants du genre. Ce choix constitue son premier atout. Le pilote construit et dessine dans les détails le portrait cohérent et nuancé d'une société moderne qui a eu à affronter une "zombie apocalypse" et se relève juste du choc. Ces morts qui sont revenus ne sont pas des monstres, ils sont considérés comme des malades : des personnes atteintes de PDS qui, en suivant un traitement, peuvent retrouver un quotidien normal. Ils apparaissent ainsi comme une minorité que la société doit essayer d'accepter. Le processus d'intégration est lent et difficile. Les peurs demeurent ancrées, les ressentiments sont toujours vivaces du fait des drames causés lors de la "zombie apocalypse". Illustration d'une société où les blessures et les défiances ne sont pas encore guéries, des milices (HVF) patrouillent encore dans le petit village de Kieren.

Du fait de cet angle d'attaque original, In the Flesh est un récit à portée allégorique. La série utilise le cadre particulier qui est le sien et le mythe des zombies pour nous parler en filigrane de problématiques de société et d'enjeux qui dépassent ce seul décor surnaturel. Derrière l'utilisation d'un mythe fantastique, c'est une fiction qui traite d'exclusion, de xénophobie, mettant en exergue la peur d'autrui, de ce qui est différent. Pour parfaire leur intégration, les personnes atteintes de PDS sont invitées à se maquiller et à porter des lentilles de contact masquant leurs yeux morts, histoire de maintenir un artifice de normalité dans les apparences. C'est aussi une oeuvre où perce l'extrêmisme, avec des préjugés et des actes attisés par l'invocation de motifs religieux. La série exploite donc son sujet des zombies en faisant la part belle à sa dimension sociale, un peu comme Äkta Människor (Real Humans) utilise son thème des robots. Son propos est très riche, d'autant plus qu'elle se double d'un registre plus émotionnel en nous faisant suivre le personnage de Kieren.

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Les personnes atteintes de PDS, désormais soignées, s'interrogent sur leur condition, conservant les souvenirs choquants de ce qu'elles ont fait lorsqu'elles se sont relevées. Ce sont des figures en quête de réhabilitation, mais aussi d'humanité, qui sont dépeintes, avec les spécificités propres aux caractères de chacun. Il y a donc ici beaucoup de potentiel ; leur retour dans leur famille confrontant en plus ces dernières au thème du deuil. Dans ces circonstances, s'intéresser à Kieren permet à In the Flesh d'explorer un autre thème extrêmement fort. Si le jeune homme est mort si tôt, à peine sorti de l'adolescence, ce n'est pas à cause d'un accident : il s'est suicidé. Suite à la mort de son ami Rick, il a mis fin à ses jours, laissant derrière lui une famille dévastée par ce geste : une petite soeur se sentant trahie, un père anéanti ayant découvert le corps de son fils... Ces trois épisodes ont un objet principal : permettre à Kieren de faire et de retrouver la paix, en crevant ce douloureux abcès avec tous ses proches. En progressant pas à pas sur ce chemin, cela va conduire vers un final bouleversant qui résonne durablement dans l'esprit du téléspectateur.

Pour parvenir à ce résultat, In the Flesh va cependant suivre une construction narrative qui n'est pas exempte de tout reproche. Tout d'abord, le passage de l'exposition du premier épisode aux développements à partir de l'épisode 2 apparaît assez abrupt. Si la réintroduction de Rick, lui aussi atteint de PDS, est fondamentale pour permettre à Kieren de faire face aux évènements d'il y a 4 ans, elle est aussi extrêmement rapide. La mini-série joue ici à l'excès sur les parallèles symboliques entre le passé et le présent : elle reproduit dans le contexte post-zombie un arc proche, y apportant une conclusion divergente, Kieren acceptant cette fois la perte. Pour comprendre la situation, la relation entre Kieren et Rick, avec des hésitations d'adolescence, est esquissée sobrement. En revanche, c'est la figure du père de Rick, poussé à l'extrêmisme par le pasteur, qui s'avère plus problématique. Il est celui qui provoque quelques-unes des scènes les plus choquantes, mais le personnage manque de cohérence, le retour de Rick ne faisant qu'ajouter à sa propre confusion. Tout au long de la mini-série, il est un outil scénaristique, réduit et limité à cette fonction : ses actes ne sont toujours que des catalyseurs pour d'autres personnages. Cela donne parfois l'impression désagréable d'un ressort narratif un peu artificiel. Cependant cela n'amoindrit ni la force, ni la dimension émouvante de la fiction.

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Intéressante sur le fond, In the Flesh peut également s'appuyer sur une forme particulièrement soignée. Rejoignant ici nombre des fictions récentes de Channel 4, la mini-série dispose d'une image au format cinématographique. La mise en scène est travaillée, et les teintes choisies à dominante plutôt froide correspondent parfaitement au sujet, mais aussi à l'ambiance recréé dans ce petit village de campagne anglaise devant se confronter au retour des personnes atteintes de PDS. Côté bande-son, l'accompagnement musical est sobre et très bien dosé, avec une chanson bien choisie - plutôt déchirante - qui vient conclure les épisodes ; celle du troisième et dernier résonne particulièrement juste.

Enfin, In the Flesh dispose d'un casting homogène, qui va bien savoir exploiter la carte humaine et émotionnelle qui est une des forces de l'histoire. Kieren Walker est interprété par Luke Newberry (Lightfields), Harriet Cains incarnant sa soeur, Marie Critchley et Steve Cooper, ses parents. David Walmsley est son ami Rick, porté disparu en Afghanistan avant les évènements de la série. Emily Bevan joue elle une personne atteinte de PDS probablement la moins affectée et la plus chargée de vitalité face à cette situation. On retrouve également Steve Evets (Five Days, Rev), Ricky Tomlinson (The Royle Family) ou encore Kenneth Cranham (Rome).

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Bilan : In the Flesh est une fiction très intéressante, capable de toucher un large public, justement parce qu'elle ne se réduit pas à une simple "fiction de zombie" : elle est un drame humain et social qui trouve un écho particulier auprès de chacun du fait des thématiques sous-jacentes traitées. Si la narration n'échappe pas à quelques maladresses dans la progression des intrigues, et si la dimension allégorique et symbolique l'emporte parfois de façon disproportionnée sur le récit en lui-même, In the Flesh propose une histoire dont la richesse et la force méritent le détour. Touchante et émouvante, attachante aussi, elle est une oeuvre originale qui aura démontré l'étendue des possibilités offertes par ce concept des zombies, l'utilisant à sa manière pour nous parler de notre société. A découvrir.

Pour ce qui est d'une éventuelle suite, l'histoire de Kieren apparaît complète à la fin de la mini-série. Cependant l'univers créé ne manque pas de potentiel encore inexploité - notamment autour du Undead Prophet. Elle se suffit donc à elle-même tout en offrant matière à poursuivre.


NOTE : 7,5/10


La bande-annonce de la série :