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22/02/2013

(UK) My Mad Fat Diary, saison 1 : un portrait sincère, drôle et touchant, d'adolescence

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Cela fait plusieurs années que je ne m'installe plus spontanément devant une série mettant en scène des adolescents. Je me dis que ce ne sont plus vraiment des thèmes qui me parlent. Pourtant cela peut être un tort (l'an dernier, Answer me 1997 l'avait parfaitement illustré). Heureusement je ne demande qu'à me tromper. C'est donc sur vos (judicieux) conseils que j'ai lancé la première saison de My Mad Fat Diary, qui sur le papier me faisait un peu penser à un autre teen-drama loin d'être déméritant, Huge.

Diffusée sur E4 depuis le 14 janvier 2013, la série s'est achevée lundi dernier en Angleterre. Adaptée d'un roman de Rae Earl, intitulé My Fat, Mad Teenage Diary, la première saison compte 6 épisodes. Une seconde saison a d'ores et déjà été commandée. Visionnée en quelques jours, My Mad Fat Diary a été une des belles découvertes de ma semaine, dressant un portrait d'adolescence dont l'équilibre interpelle : à la fois poignant et drôle, direct et excessif, réaliste et idéaliste... Une de ces fictions profondément attachantes que l'on quitte avec regret.

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My Mad Fat Diary se déroule dans une petite ville du Lincolnshire, en 1996. Elle nous invite à suivre Rae, une adolescente de 16 ans que le mal-être et la dépression ont presque conduit à commettre l'irréparable. Au cours du pilote, on assiste à sa sortie de l'institut psychiatrique où la jeune fille vient de passer plusieurs mois hospitalisée. Elle laisse là-bas son amie Tix et doit retourner dans le monde, retrouvant notamment une mère avec laquelle les rapports restent difficiles. Parmi ses connaissances, nul ne connaît les réelles causes de son absence, un voyage en France ayant été inventé comme excuse par sa mère.

Par hasard, Rae recroise sa plus ancienne et meilleure amie, Chloe, qu'elle a progressivement perdu de vue au cours de l'année difficile qu'elle vient de vivre. Chloe s'est constituée autour d'elle un groupe d'amis soudés, avec Izzy, Archie, Chop et Finn. Elle invite Rae à entrer dans leur cercle. Enthousiaste et volontaire à l'idée de s'intégrer dans ce groupe d'adolescents qui lui paraissent si "normaux", cette dernière va apprendre beaucoup sur elle-même, sur l'amitié, mais aussi l'amour à leur contact. Pour emprunter la voie de l'acceptation de soi et de la guérison ?

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La force de My Mad Fat Diary est de savoir toucher le téléspectateur comme peu de fictions en sont capables, grâce à une héroïne qui, par ses doutes et par ses questionnements, parle à tout un chacun, écho de nos propres incertitudes. Semblable à un journal intime qu'on feuilletterait, la série nous glisse dans la tête de Rae, laissant une large place à ses commentaires et à ses impressions. Nous faisant ainsi partager son point de vue, toujours spontané, souvent excessif, parfois très cru, la fiction propose un traitement brut et sans détour de thématiques d'adolescence. Là où la série se démarque, c'est dans le portrait qu'elle propose de Rae : au-delà des interrogations propres à son âge, c'est une adolescente qui tente de se reconstruire. Son mal-être s'est mué en une haine d'elle-même, sur laquelle pèse tout le poids d'une dépression qui ne le lui laisse aucune issue. My Mad Fat Diary aborde la maladie de Rae avec une tonalité et une approche semblable à ses autres problématiques adolescentes (amour, sexe, amitié). La série conserve toujours un dynamisme communicatif, capable de se montrer drôle et légère, sans occulter des passages douloureux et poignants. C'est une série très vivante, très humaine, qui, à l'image de ses personnages, se révèle haute en couleur.

De manière générale, My Mad Fat Diary mise également sur la diffuse authenticité qui transparaît des dynamiques qu'elle met en scène. D'aucuns parleraient de réalisme, pourtant, si elle se révèle si attachante, c'est surtout par un certain idéalisme. L'enjeu de la saison est, pour Rae, d'apprendre à s'accepter elle-même, pour accepter les autres. Il n'est sans doute pas d'épreuve plus intime et difficile que celle-ci. Au cours de ce cheminement, Rae redécouvre l'amitié, mais aussi tous les espoirs et autres aspirations d'une adolescente de son âge qui vient de passer plusieurs mois coupée de tout. Elle s'intègre peu à peu à une bande de jeunes qui, si on y retrouve toutes les caractéristiques propres à un groupe d'adolescents, l'accueille avec un naturel assez touchant. Par-delà ses craintes et ses besoins, Rae s'ouvre à leur contact. Les épreuves et les péripéties qu'elle va traverser au cours de cette saison ne sont pas toujours parfaitement dosées. Beaucoup sont aussi des classiques du genre au parfum de déjà vu, rappelant que My Mad Fat Diary reste dans la logique des teen-drama. Mais la série ne se départira jamais de sa saveur toute particulière : tandis que Rae fait chuter des barrières qui semblaient si infranchissables, le coeur du téléspectateur se serre et se réjouit. Tout simplement parce que s'esquisse sous nos yeux un portrait sincère, d'une vraie justesse, qui trouve un écho en chacun de nous.

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Sur la forme, My Mad Fat Diary adopte une réalisation très dynamique, avec une caméra qui fait ressortir une relative proximité avec les personnages. L'ensemble sied parfaitement au ton particulier de la série. Fidèle à l'approche narrative du récit qui reste le "journal de Rae", elle introduit en plus à l'image des dessins et autres gribouillages qui défilent et se rajoutent à l'écran : ils accompagnent et illustrent les confidence de l'héroïne, tout en nous permettant d'entrevoir un peu plus le monde de sa perspective. L'accompagnement musical achève de plonger le téléspectateur dans un bout d'adolescence des années 90, tout en restant bien dosé.

Enfin le casting se révèle à la hauteur, tout particulièrement Sharon Rooney autour de qui tourne la série. L'actrice sait susciter l'empathie du téléspectateur, notamment grâce à la manière et la tonalité avec laquelle elle partage avec nous toutes ses remarques sur sa vie. Son psychiatre est interprété par Ian Hart, et sa mère par Claire Rushbrook. Pour jouer les autres adolescents, avec leurs portraits quelque peu idéalisés, on retrouve Jodie Comer, Nico Mirallegro, Dan Cohen, Jordan Murphy et Ciara Baxendale.

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Bilan : Plus qu'un simple teen-show, auquel elle emprunte pourtant un certain nombre de thématiques classiques, My Mad Fat Diary est une série profondément humaine, drôle mais aussi touchante. Elle est une bouffée d'air frais dédiée à l'adolescence, avec les excès et les disproportions que tout acquiert à cet âge-là. Elle est aussi le portrait très juste et entier d'une héroïne, dont les incertitudes, le mal-être et la détresse parlent à tout téléspectateur. Elle est l'histoire d'une reconstruction personnelle, d'une redécouverte et d'un apprentissage de la vie qui ne laissent pas indifférents. Avec son écriture toujours sincère, par-delà ses quelques maladresses, elle mérite assurément l'investissement.


NOTE : 7,5/10


La bande-annonce de la série :

27/01/2013

(UK) The Thick of it, saison 4 : la coalition et l'opposition

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Le 15 janvier 2013 a débuté sur la chaîne Gold une nouvelle version d'une des plus brillantes comédies qu'est produit le petit écran britannique, Yes Minister / Yes Prime Minister. Cette dernière constitue un incontournable, un petit bijou d'humour aux dialogues géniaux, qui démontre combien les Anglais n'ont décidément pas leur pareil pour croquer les dessous de leur vie politique. Si la série d'origine occupe une place de choix dans mon panthéon des séries humoristiques, n'y allons pas par quatre chemins : je vais tâcher d'oublier que cette version de 2013 existe. Le pilote laisse en effet un goût amer, à commencer par un casting raté qui ne fait que rappeler au téléspectateur combien le trio d'origine excellait. 

Et puis il y a des codes formels qui pouvaient être légitimes en 1980, mais que l'on comprend moins dans une oeuvre de 2013. Le genre a en effet été renouvelé depuis. Plus important encore, l'Angleterre a déjà trouvé son Yes Minister de ce début de XXIe siècle : il s'appelle The Thick of It. La dernière fois que j'ai consacré un billet à cette série, créée par Armando Iannucci, c'était il y a plus de trois (!) ans, après la diffusion de la troisième saison à l'automne 2009. Elle nous est finalement revenue après cette longue absence pour une dernière saison proposée par la BBC durant l'automne 2012 (elle s'est achevée le 27 octobre). Cette quatrième saison a encore offert de sacrés moments de télévision et est venue superbement conclure une des meilleures et des plus jubilatoires comédies - toutes nationalités confondues - de ces dernières années. Il était grand temps de lui rendre un ultime hommage.

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Reflétant les aléas de la vie politique anglaise, la saison 4 de The Thick Of It met en scène, après des élections, un gouvernement issu de la formation d'une coalition entre deux partis, une nécessité pour avoir la majorité nécessaire pour gouverner le pays. Une redistribution des responsabilités a donc eu lieu. Peter Mannion dirige désormais le DoSAC, le ministère des Affaires sociales et de la Citoyenneté. Il doit cependant composer avec Fergus Williams, son adjoint du fait de la coalition, avec lequel les relations sont pour le moins tendues. Parallèlement, dans l'opposition, Nicola Murray a été élue leader, essayant tant bien que mal d'apporter une opposition crédible, mais exaspérant au plus haut point Malcolm Tucker.

La construction de la saison 4 permet de suivre en parallèle les deux camps, le gouvernement et l'opposition. A un épisode consacré aux coulisses du ministère, succède le suivant qui nous entraîne dans celles de l'opposition. Cette alternance se poursuit jusqu'à ce qu'une affaire ne ramène des pratiques communes à toute la classe politique - l'orchestration et l'instrumentalisation de fuites dans les médias - sur le devant de la scène, aboutissant à des auditions devant une commission d'enquête à laquelle devront répondre tous les protagonistes.

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Relatant des tranches de vie du quotidien du personnel gouvernant ou d'opposition, The Thick of it est une comédie satirique, au verbe violent, excessif, où se succèdent des répliques et des chutes souvent jubilatoires. Faisant écho ou même anticipant parfois des développements bien réels de la vie politique Anglaise, elle nous plonge sans complaisance dans le vase-clos de ce milieu où s'exercent théoriquement d'importantes responsabilités, en y dressant une suite de portraits au vitriol. Dans son récit des rapports qu'entretiennent les différents protagonistes, elle n'a pas son pareil pour éclairer le règne du cynisme et d'une hypocrise assumés, et pour souligner la manière dont les ambitions personnelles dévorent toutes velléités de projet ou de vision politique. Dressant un tableau résolument sombre des dynamiques du pouvoir, la série semble faire sien le scénario du pire (et nous laisse avec l'impression de le voir trop souvent corroborer par la réalité).

Doté d'un ton mordant et abrasif à souhait, The Thick ot it cultive dans sa mise en scène une spontanéité qui, conjuguée à un effort minimaliste d'exposition des intrigues ou des enjeux, renforce ce ressenti de prise immédiate avec le réel qu'elle renvoie. Cette saison 4 permet d'y retrouver tous ces atouts qui ont fait la réputation de la série. Sa construction en alternance, entre gouvernement et opposition, aurait pu faire craindre un certain déséquilibre, les épisodes où Malcolm fait son show demeurant les grands incontournables. Cependant, la série retrouve vite sa dynamique caractéristique, y compris au sein du DoSAC. L'impossible relation de travail entre Mannion et Williams constitue une source continuelle de micro-crises au sein du ministère ; et la présence de Teri et de Glenn, ce dernier s'offrant même le luxe d'un jubilatoire discours vérité en guise de fin, parachève parfaitement le tableau. Qu'il s'agisse donc des déchirements dans les coulisses de la coalition, ou des restructions internes à une opposition qui peine à se mettre en ordre de bataille, la saison fournit son lot d'échanges jubilatoires.

Par ailleurs, les scénaristes ont aussi pris en compte le fait qu'il s'agissait de proposer une conclusion. Après une première partie où The Thick of it poursuit une approche classique du quotidien politique, les derniers épisodes la voit cette fois se tourner vers le passé, pour revenir sur ces pratiques qu'elle s'est contentée jusqu'alors de mettre en scène. Elle se transforme en tribune : la commission d'enquête, par ses auditions, est l'occasion de pointer et de dénoncer les travers existant dans le fonctionnement de la démocratie, et plus précisément l'art de la communication, avec cette exploitation/instrumentalisation réciproque des politiciens et des journalistes. Cela va être conduire Malcolm à devoir tirer sa révérence, lui permettant d'asséner avec le cynisme qu'on lui connaît quelques vérités qui trouvent ici une résonnance particulière. Au-delà de ses propos tenus devant la commission, la série nous offre surtout une dernière confrontation avec Ollie, ersatz sans envergue du spin doctor, dans laquelle Malcolm se dévoile un peu, créature plus que créateur de ce système qui, de toute façon, perdurera sans lui. La sortie de Malcolm est parfaitement gérée : des acteurs importants du système disparaissent, mais le système lui-même se perpétue avec les successeurs qui se sont construits et ont été façonnés par ces règles.

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Sur la forme, The Thick of It conserve son approche "quasi-documentaire", tournée caméra à l'épaule avec une caméra nerveuse qui tente de suivre les éclats et les gesticulations de chacun des protagonistes. Cela confère à l'ensemble ce parfum d'authenticité caractéristique, renforcé par les ponts avec la réalité qui sont opérés. La série capture ainsi des suites d'instantanés avec un montage minimaliste : cette mise en scène reste parfaite, en totale adéquation avec les ambitions du récit, mais aussi avec sa tonalité.

Quant au casting, il est également au diapason. Tout a déjà été écrit pour saluer la prestation de Peter Capaldi, qui excelle dans son interprétation de Malcolm, avec ses excès de langage, cette présence intimidant et cette vision du milieu politique où il apparaît comme un véritable stratège de guerre. S'il tend à éclipser quelque peu ses vis-à-vis dans les scènes où son personnage intervient, ce qui est naturel, il n'en faut pas moins reconnaître l'homogénité et la solidité du reste du casting qui est également très convaincant. D'ailleurs le fait que le ministère parvienne à conserver une dynamique intéressante loin de Malcolm en est bien le révélateur. Parmi les acteurs principaux de cette saison, on retrouve Chris Addison, Joanna Scanlan, James Smith, Polly Kemp, Rebecca Front, Roger Allam, Will Smith, Olivia Poulet, Vincent Franklin, Geoffrey Streatfeild, Ben Willbond et Rebecca Gethings.

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Bilan : Après trois ans d'absence, The Thick of it n'a rien perdu ni de son cynisme, ni de son mordant légendaire, nous proposant une savoureuse ultime saison de celle qui restera comme une grande comédie politique satirique. Portrait désillusionné de la classe dirigeante du pays, sa mise en scène et ses répliques font d'elle une fiction, teintée d'humour noir, particulièrement jubilatoire. Si elle a parfaitement réussi sa sortie, s'adaptant au nouveau paysage politique Anglais, tout en soignant l'évolution de Malcolm, elle laisse le téléspectateur chérir un secret espoir : celui de retrouver un jour cet univers à l'occasion d'un bref special pour continuer de suivre les changements du pays (ou rêvons même d'une saison)... Cette saison 4 aura en tout cas rappelé pourquoi The Thick of it est bel et bien une série incontournable du petit écran anglais. Si elle ne conviendra pas à tous les publics, elle mérite certainement la curiosité de tout sériephile.


NOTE : 8,75/10


Une bande-annonce de la saison :

Un extrait marquant - Malcolm devant la commission d'enquête :

13/01/2013

(UK) Wallander, saisons 1 à 3 : Tram wires cross northern skies...

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Comme je vous le disais vendredi en évoquant la norvégienne Torpedo, il flotte sur mon début d'année comme un parfum scandinave très prononcé. La série dont je vais vous parler aujourd'hui en est une nouvelle illustration, nous transportant cette fois en Suède. Wallander est le principal protagoniste d'une suite de romans de l'écrivain Henning Mankell (disponibles en France, mais que je n'ai jamais eu l'occasion de lire jusqu'à présent). L'inspecteur avait déjà connu des adaptations sur petit et grand écran dans sa Suède natale (il est fort possible que je revienne sur cette série ultérieurement), cependant en 2008, c'est la BBC qui a, à son tour, proposé sa propre version des romans de Mankell.

Tournée en Suède, Wallander est probablement la plus nordique des séries britanniques actuelles. Chacune de ses saisons est composée de 3 épisodes de 90 minutes. Elle compte pour le moment 3 saisons, soit 9 épisodes en tout. En France, c'est Arte (ainsi que sur 13e Rue) qui s'est chargée de la diffusion. En ce qui me concerne, j'ai vraiment savouré cette belle découverte (à raison d'un épisode par soir depuis le début de l'année). Wallander est une série à l'ambiance soignée, à l'esthétique magnifique, reposant sur une écriture solide et de bons acteurs.

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La série est entièrement centrée sur le personnage de Kurt Wallander, un détective de police officiant dans la petite ville d'Ystad, en Suède. Chaque épisode est l'occasion de partager avec lui ses doutes, ses réactions horrifiés et ses intuitions en suivant une enquête particulière, durant laquelle il est assisté par une équipe qui connaîtra des changements au cours de la série, principalement lors du passage de la deuxième à la troisième saison. S'investissant de façon démesurée dans les affaires qu'il doit résoudre, faisant souvent preuve d'une empathie qui menace à tout moment de le submerger, Wallander vit par et dans son travail.

La place occupée par son métier a logiquement des conséquences sur sa vie privée. Au début de la première saison, récemment séparé de son épouse, il a du mal à tourner la page et à envisager de reconstruire sa vie. De manière générale, ses relations familiales restent compliquées, aussi bien avec sa fille, Linda, qu'avec son père, Povel, qui n'a jamais approuvé son choix de carrière et dont la maladie diagnostiquée amène Kurt à se questionner sur leurs rapports. Si les épisodes proposent des enquêtes indépendantes, en revanche, les développements privés du personnage sont un fil rouge qui rythme chaque saison.

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Wallander se déroule dans une petite ville perdue dans la campagne suédoise, coincée entre ces champs aux couleurs changeantes peuplés d'éoliennes à perte de vue, et une mer étendant son horizon bleuté. Intégrant pleinement dans le récit ce décor, entre terre et mer, à la beauté et à la tranquillité apparentes, la fiction ne cessera de souligner le contraste apporté par l'horreur des faits divers qui viennent troubler ces lieux. Wallander est une oeuvre policière d'ambiance, dans laquelle le téléspectateur s'immerge. La durée des épisodes - 90 minutes - lui permet de trouver le juste équilibre dans son rythme de narration : tout en proposant des enquêtes généralement très solides, parfois particulièrement intenses, la série prend son temps pour développer une approche plus introspective inhérente à son parti pris de se centrer sur un personnage principal aux états d'âme multiples et fréquents, qui réfléchit beaucoup sur sa vie et sur tout ce que son métier l'amène à croiser.

Les intrigues sont ancrées dans la société suédoise moderne (immigration, fanatisme), ou conduisent à s'interroger sur la nature humaine. Elles ne sont étrangères ni aux excès de violence, ni à la surenchère de sordide. Pourtant Wallander marque avant tout le téléspectateur par l'investissement que va susciter chez lui ce détective usé, physiquement et mentalement, par un métier qu'il ne peut pourtant pas envisager de quitter. La série en dresse un portrait fascinant, nuancé, dépeignant les forces mais aussi les défauts et les failles. On s'attache à lui pour son humanité, pour sa capacité à refuser de finir désensibilisé par l'habitude de côtoyer des horreurs à la différence de certains de ses collègues, pour sa faculté à être toujours en mesure de se révolter, ou encore pour l'implication sans mesure dont il fait preuve dans ses affaires. Il porte en lui comme une déchirure, à la fois désabusé mais essayant de continuer d'aller de l'avant, incapable pourtant de ne pas répéter les mêmes erreurs. Son empathie et son entêtement professionnel restent les deux caractéristiques qui le définissent.

Signe de cette priorité donnée à cette figure centrale, durant certains épisodes, les enquêtes semblent presque en retrait, la série s'intéressant avant tout à la manière dont Wallander vit l'affaire à résoudre. On a l'impression de voir vasciller sous nos yeux ses dernières certitudes sur la nature humaine. Chaque saison apporte des développements consistants pour le personnage, explorant différentes thématiques. Il y a tout d'abord celle de la famille qui demeure un fil rouge constant : la série met en scène ses rapports difficiles avec sa fille, laquelle oscille entre la volonté de soutenir son père et la frustration que provoquent son ordre des priorités. La fiction revient aussi sur l'incompréhension qui sépare Wallander de son père, avec des blessures que la maladie de ce dernier va faire ressortir. La deuxième saison introduit un arc supplémentaire en plaçant Wallander face à sa conscience, à la responsabilité d'avoir dû tuer un homme. Quelque chose semble alors définitivement brisé en lui. Inlassablement il repart pourtant, reproduisant les mêmes schémas. La construction des saisons est cependant habile, à l'image du final de la troisième et du repos relatif qu'il semble trouver à la fin.

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Si cette série britannique capture à merveille l'ambiance scandinave de son sujet, elle le doit aussi aux moyens mis dans la forme. Tout d'abord il faut saluer le fait que Wallander ait été filmée dans la région de la ville de son héros, Ystad en Suède. Et même lorsque la fiction nous entraîne dans d'autres pays, comme durant la saison 3 où un épisode permet une incursion en Lettonie, le tournage s'y déplace. Nous avons donc droit à d'authentiques décors nordiques. Surtout, la réalisation, parfaitement maîtrisée, prend le temps d'inscrire les histoires dans les paysages dans lesquels se déroule l'action. Ces derniers sont superbement mis en valeur par une photographie absolument sublime qui laissera plus d'une fois le téléspectateur rêveur. Wallander respire la Suède et nous en offre une vue des plus belles.

Par ailleurs, la série est accompagnée d'une bande-son parfaite pour l'occasion. Rien n'y est laissé au hasard pour construire avec soin cette ambiance particulière : les thèmes récurrents, notamment au piano, se confondent à merveille avec le récit. Il faut dire que le ton est posé dès le générique, au cours duquel retentit une superbe chanson, teintée d'une douce mélancolie qui correspond si bien à la figure centrale de la série. A noter qu'elle a vu ses paroles spécialement réadaptées pour l'occasion, puisque dans sa version originale, elle ne parle pas du ciel du nord, mais de celui de... Melbourne. (Je vous renvoie à deux des vidéos ci-dessous ; puisque j'ai mis en bonus la chanson d'origine.)

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Enfin, Wallander ne serait pas ce qu'elle est sans le casting solide qu'elle ressemble. Kenneth Branagh porte véritablement la série grâce à une justesse d'interprétation et de nuances, où perce une force particulièrement impressionnante. Il s'est vraiment approprié ce personnage complexe qu'est Wallander, pour en proposer au téléspectateur une version crédible et solide. Comme il est la figure la plus importante, celle qu'on suit tout au long de chaque épisode, les autres restent logiquement plus en retrait. Au sein de sa famille, Jeany Spark (A Touch of Cloth) interprète sa fille, Linda, avec laquelle il entretient des rapports difficiles. David Warner (Masada, Marco Polo, Conviction, The Secret of Crickley Hall) joue durant les deux premières saisons son père.

Du côté de la police, les officiers qui l'entourent connaissent un renouvellement progressif au fil des trois saisons. Sarah Smart (Jane Hall, Five Days, The Secret of Crickley Hall), dans le rôle de Anne-Britt, a cependant quelques occasions d'être mise en avant, tout comme Tom Hiddleston (Suburban shotout, The Hollow Crown ; présent dans les deux premières saisons, l'acteur étant ensuite parti jouer les Dieux nordiques en colère sur grand écran). On croise également Sadie Shimmin et Richard McCabe. La saison 3 voit un renouvellement plus marqué, avec l'arrivée de Rebekah Staton, Mark Hadfield ou encore Barnaby Kay. De plus, Wallander, c'est aussi un joli défilé de guest-stars de luxe, avec de solides représentants du petit écran britannique et même... danois, puisque Soren Malling (Forbrydelsen, Borgen) est de passage dans le deuxième épisode de la saison 3.

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Bilan : Nous transportant dans des paysages sudéois sublimés par une magnifique photographie, Wallander propose une version particulièrement réussie du polar scandinave. Plus que ses enquêtes, la série interpelle grâce à l'intensité de son personnage central, qui partage avec le téléspectateur tous ses doutes et ses états d'âme, marqué par les atrocités qu'il a chaque jour à résoudre. Avec son casting très convaincant au sein duquel Kenneth Branagh tient là un de ses plus beaux rôles, et une écriture solide, il s'agit d'une série chaudement recommandée aux amateurs de policiers nordiques, et au-delà.


NOTE : 8/10


Le générique de la série :

Une bande-annonce (pour la saison 3) :

BONUS - La chanson qui retentit dans le générique en intégralité ("Nostalgia", par Emily Barker) :

23/12/2012

(UK) The Hour, saison 2 : le temps d'une superbe maturation

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The Hour était de retour cet automne sur BBC2 (du 14 novembre au 13 décembre 2012). L'occasion de retrouver le Londres médiatico-politique des années 50. Diffusée durant l'été 2011, la première saison avait été intéressante par la richesse de ses thèmes et les personnages mis en scène, mais il lui avait manqué une vraie consistance dans son récit fil rouge d'espionnage pour exploiter le potentiel qu'elle avait laissé entrevoir. Pour cette saison 2, la série a cependant gagné en maîtrise, capable désormais de susciter l'intensité dramatique qui avait trop fait défaut à la première.

Les débuts de saison pour The Hour sont certes lents, mais c'est pourtant une histoire homogène et de plus en plus prenante qui prend corps sous nos yeux. Au final, cela donne une saison de qualité supérieure à la première, qui mérite vraiment l'investissement. Mais le public britannique n'a pas eu la même patience : les audiences n'ont malheureusement pas suivi. Cependant si vous n'aviez qu'une seule série anglaise de ces derniers mois à rattraper, pas d'hésitation, il s'agit de The Hour !

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The Hour reprend plusieurs mois après les évènements ayant conclu la première saison. Tandis que Freddie a quitté l'Angleterre et est parti en quête de nouvelles expériences à travers le monde, Bell s'efforce de continuer à faire tourner une émission en perte de vitesse, notamment face à la concurrence d'une nouvelle émission d'ITV directement inspirée du concept de The Hour. La gestion est d'autant plus difficile que leur présentateur-vedette, Hector, profite désormais un peu trop de la célébrité, se faisant photographier dans tous les milieux en vogue des soirées londoniennes, tout en étant bien peu assidu pour faire acte de présence au bureau.

C'est dans ces circonstances qu'un nouveau directeur de l'information est placé à la tête de l'émission. Il s'agit de Randall Brown, qui a notamment bâti sa réputation à Paris. Conscient qu'il manque désormais ce qui faisait le piment des débuts de l'émission, une de ses premières décisions est de ré-embaucher... Freddie, permettant ainsi le retour du journaliste prodigue, cette fois, en tant que co-animateur aux côtés d'Hector. Le but est notamment de signifier à ce dernier qu'il est temps de redevenir professionnel. C'est pourtant le mode vie d'Hector qui va les conduire à enquêter sur un club à succès de la capitale et sur son puissant patron.

Entre affaires de moeurs, chantages et corruptions, les journalistes s'intéressent de bien dangereux arrangements, tandis qu'au sommet de l'Etat, les discussions autour de l'installation de missiles nucléaires américains sur le sol anglais attisent diverses convoitises.

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Proposant un récit homogène, la saison 2 de The Hour s'appuie sur une construction narrative maîtrisée, où la tension ne va cesser d'aller crescendo. Les premiers épisodes suivent un rythme volontairement plutôt lent, permettant à la série de s'épanouir dans un registre de fiction d'ambiance. Parfaitement ciselées, toutes les scènes semblent saturées du parfum des années 50, chaque décor étant travaillé jusqu'au moindre détail. Reconstitution presque trop soignée et policée, la série joue habilement sur cette image surchargée des fantasmes d'une époque. The Hour assume ainsi à merveille les codes du roman noir qu'elle se réapproprie. Mêlant à une enquête, des thèmes familiers, entre prostitution, corruption et chevalier blanc se dressant contre les dérives du système, la série intègre de manière plus cohérente la géopolitique et les enjeux de la guerre froide, mis au service d'une intrigue consistante.

Progressivement, les enjeux se précisent, les histoires se recoupent, et l'ensemble se complexifie au fil des révélations et des découvertes. Une sourde tension apparaît, les dangers devenant parfaitement identifiables. Tandis que le rythme s'accélère, l'atmosphère se fait de plus en plus prenante. The Hour nous conduit vers un final à l'intensité dramatique tour à tour magnifique et bouleversante, légitimant a posteriori le choix fait au départ de prendre le temps de bien façonner les fondations du récit à dérouler. Transparaît en filigrane une dimension tragique et inéluctable à l'enchaînement des évènements, que la série va savoir pleinement exploiter. Cette saison 2 est une vraie décharge émotionnelle, à la fois grisante et poignante. Ce sont quelques heures de télévision de haut standing qui provoquent une implication rare de la part d'un téléspectateur, totalement investi dans les méandres relationnelles dévoilées, et qui la quitte un peu choqué, hébété, longtemps marqué.

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Ce que The Hour a gagné en cohésion se perçoit également dans son traitement des personnages. La série entremêle parfaitement les destinées des protagonistes à l'intrigue principale. Tout se recoupe, le versant personnel s'invitant dans les rebondissements d'une enquête qui touche au plus près certains. Finis les batifolages dilatoires : chacun gagne en épaisseur et en complexité. La logique l'emporte, notamment dans le rapprochement progressif de Freddie et de Bell. Qu'importe le bref twist inventé pour les séparer un temps, la cohérence reprend ensuite ses droits avec des certitudes renforcées, primant tout et emportant du même coup le coeur du téléspectateur. La saison 2 aura aussi vu l'introduction d'une nouvelle dynamique, entre le directeur de l'information, Randall, et Lix Storm. Ces derniers partagent une vieille histoire, et une blessure jamais refermée : celle d'un enfant né d'une brève passion, abandonné par Lix dans une France à l'aube de la Seconde Guerre Mondiale. Cette histoire prend un tour très poignant, contrebalançant très bien les relations des autres personnages qui ont, eux, encore un futur devant eux. Elle offre en plus aux deux acteurs des scènes à la hauteur de leur talent.

Cependant la plus belle évolution de la saison est indéniablement la consistance acquise par Marnie, l'épouse d'Hector. Femme au foyer de la bonne société qui a parfaitement intégrée tous les codes de cette dernière, sur la place effacée et docile dévolue à la femme, elle est prête à admettre toutes les largesses de son mari volage, si seulement il pouvait aussi remplir le rôle qui est attendu de lui : qu'ils aient un enfant. Mais Hector, ne pouvant lui donner cela, n'en fuit que plus les soirées en face à face avec sa femme. L'humiliation provoquée par le scandale auquel il est mêlé aurait pu signer la fin d'un couple qui s'était peu à peu perdu, elle est au contraire le moment où Marnie acquiert toute sa dimension : celle d'une épouse qui décide de reprendre sa vie en main et qui entend s'émanciper. Sa plus savoureuse vengeance est son succès, fut-il bref, sur ITV. Le re-équilibrage progressif qui s'opère au sein du couple symbolise à merveille la maturation de la série. Cette saison aura vraiment su donner aux personnages l'ampleur narrative qu'ils méritent.

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S'il vous fallait un dernier argument pour vous expliquer en quoi The Hour propose quelques heures de grande télévision, il convient de terminer ce billet en se tournant vers son casting. Même en trempant ma plume dans l'encre le plus dithyrambique qui soit, tous les superlatifs, que je pourrais mettre bout à bout dans ces colonnes, afin de tenter de décrire les performances d'acteurs auxquelles cette saison nous a permis d'assister, ne suffiraient sans doute pas pour retranscrire la puissance dramatique de certaines scènes. Leurs jeux, tout en nuances et en intensité, ont plus que jamais sublimé les échanges, des confrontations explosives jusqu'à certains dialogues initialement simplement anecdotiques, conférant au script une dimension supplémentaire. Plusieurs passages hanteront ainsi durablement le téléspectateur.

La dynamique entre Ben Whishaw (Criminal Justice) et Romola Gorai (Crimson Petal and the White) repart sur des bases proches de la première saison, avec un certain infléchissement et rapprochement, qui permet à leur relation de conservant ce mordant toujours réjouissant qui la caractériser. Le signe d'une maturité est encore plus perceptible dans le couple que Dominic West (The Wire, The Devil's Whore) forme avec Oona Chaplin : cette dernière bénéficie cette fois d'un rôle qui s'épaissit et lui donne l'occasion de gagner, sa place face à un Dominic West égal à lui-même. Enfin, l'ajout principal de la saison tient à l'arrivée de Peter Capaldi (The Thick of It), comme toujours particulièrement génial, a fortiori dans un rôle ambivalent où il délivrera, face à Anna Chancellor, une des plus marquantes scènes de la saison.

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Bilan : La saison 2 de The Hour est une magnifique suite de 6 épisodes, durant lesquels la série fait preuve d'une maîtrise narrative à saluer. Fiction d'ambiance posant un décor et des enjeux dans sa première partie, son intrigue prend progressivement corps avec cohérence. Plus homogène et plus crédible dans son registre de roman noir au décor des 50s', cette saison culmine avec un dernier épisode à l'intensité dramatique qui laisse le téléspectateur le souffle court, choqué, fasciné, électrisé... Portée par de grands acteurs auxquels elle donne l'occasion de pleinement s'exprimer, The Hour aura proposé quelques heures de grand standing. Elle m'aura enthousiasmé comme peu de séries cet automne, et cela fait un bien fou. A savourer.


NOTE : 8,5/10


La bande-annonce de la saison :

16/12/2012

(UK) Callan : l'espion récalcitrant

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Vous connaissez mon faible pour les fictions d'espionnage. Pas le clinquant glamour d'un James Bond, mais plutôt ces récits sombres, riches en manipulations, en jeux d'espions froids et calculés, où la frontière morale est toujours floue. La télévision anglais a produit au fil des décennies plusieurs perles appartenant à ce genre à rapprocher des romans de John Le Carré. Dans les années 70, Tinker, Tailor, Soldier, Spy (La Taupe) sur la BBC et The Sandbaggers sur ITV restent deux bijoux, incontournables, dont je vous ai déjà parlé. Au printemps dernier, j'avais eu un vrai coup de coeur pour The Sandbaggers qui demeure une des meilleures séries que j'ai eu l'occasion de voir en cette année 2012. Logiquement, j'ai donc voulu poursuivre mes explorations, et j'ai continué à remonter le temps, changeant encore de décennie : direction les années 60 !

Après avoir vu The Sandbaggers, j'avais demandé quelques conseils : un grand merci à Thierry Attard pour m'avoir suggéré la série, inédite en France, dont je vais vous parler aujourd'hui. Créée par James Mitchell, Callan a été diffusée sur ITV de 1967 à 1972, comptant 44 (seuls 3 épisodes restent conservés de la première saison). Le personnage sera porté sur grand écran en 1974, et fera une ultime apparition dans un téléfilm de 1981. Initialement proposée en noir et blanc pour ces deux premières saisons, les dernières seront en revanche en couleur. Plusieurs éditions DVD sont disponibles en Angleterre, séparant ces deux périodes : The Monochrome Years d'une part, The Colour Years d'autre part. J'ai investi dans le premier coffret, et c'est comme ça que j'ai donc découvert une série dont le pilote a été diffusée pour la première fois en... février 1967 !

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Dans le pilote de la série, intitulé A Magnum for Schneider, David Callan est rappelé par son ancien chef, le colonel "Hunter". Longtemps considéré comme un des meilleurs agents d'une mystérieuse organisation gouvernementale connue sous le nom de "The Section", il a été renvoyé parce qu'il avait pris l'habitude de trop s'intéresser à ses cibles, enquêtant sur elles et questionnant les missions qui lui étaient confiées. Or The Section a pour but de faire disparaître toute personne posant un danger pour les sujets britanniques ; elle ne recule devant aucun moyen, qu'il s'agisse de chantage, d'extorsion ou bien d'exécution. En résumé, elle est celle qui se salit les mains quand aucune autre agence gouvernementale ne souhaite intervenir.

Le colonel "Hunter" s'interroge sur le statut de Callan, qui est à la fois leur plus efficace tueur, mais aussi un agent trop instable et un risque permanent qu'il n'est pas certain de vouloir prendre. La saison 1 illustre bien cette ambivalence : dans le premier, Hunter confie à Callan la mission de tuer un homme d'affaires échappant aux autorités, avec comme objectif de mettre son agent à l'épreuve, quitte à s'en débarrasser au cours de l'opération en le précipitant entre les mains de la police. Dans le second épisode, Hunter revient vers Callan cette fois-ci en jouant carte sur table : ou il remplit la mission confiée (délivrer un ex-SS aux Israéliens), ou il devient lui-même une cible pour l'agence.

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Une bonne part de la fascination qu'exerce immédiatement la série tient au personnage de Callan, véritable modèle d'anti-héros, difficilement classable pour le téléspectateur tant son ambivalence apparaît exacerbée. Tueur rompu à ce métier, doté d'un savoir-faire clinique remarquable, il a toutes les qualités requises pour être un agent d'exception pour The Section. Mais il pense et réfléchit trop au goût de ses supérieurs. Le masque de froideur grâce auquel il peut mener à bien les infiltrations et les manipulations les plus dangereuses se fissure parfois brusquement pour laisser place à ses questionnements. Il est d'ailleurs capable de développer une profonde empathie envers ces cibles, oscillant alors dangereusement sur la ligne entre professionnalisme et humanité. Sa versatilité d'état d'esprit permet d'entrevoir avec une intensité marquante tous les doutes qui l'assaillent. Vulnérable dans ces moments où sa détermination vascille, l'homme dévoile au fil des épisodes une psychologie complexe et nuancée proprement captivante.

De manière générale, l'ambiguïté semble être le maître-mot de la série. Le colonel Hunter se méfie de lui, mais dans le même temps, il reconnaît sans mal qu'il est leur meilleur tueur. Toute la question est de savoir jusqu'où peut-il utiliser les talents de Callan, et à partir de quand le risque pris devient-il trop important. Dès le deuxième épisode, les menaces se font directes : si Callan n'exécute pas la tâche confiée, il deviendra lui-même l'objet d'une des missions d'élimination de The Section. Sans aucun statut officiel - il a été renvoyé -, l'homme est forcé d'agir sous la contrainte. Pourtant, excellant dans ce qu'il fait, ses réflexes reviennent toujours comme une seconde nature. Il tente d'ailleurs à l'occasion de s'émanciper, démontrant à Hunter toute sa dangerosité, mais aussi - paradoxalement - pourquoi il reste un agent incontournable qui, si les bonnes pressions sont exercées, reste utile à l'agence. Si Callan se découvre encore avec plaisir aujourd'hui, c'est aussi justement parce que la noirceur de l'univers dépeint, qui ne dépaillerait pas parmi les anti-héros dits "modernes", lui a permis de tgrès bien traverser les décennies. Les épisodes demeurent construits efficacement et, en dépit de quelques lenteurs propres à son époque, la solidité de l'écriture est intacte : la série sait générer une tension et une nervosité qui fonctionnent toujours.

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Sur la forme, nul doute que ces premiers épisodes trahissent leur âge. Si  le thème musical récurrent les hante avec toujours autant de force, la qualité de la vidéo est aléatoire, le transfert sur DVD des originaux laissant entrevoir quelques limites. Pensez que The Monochrome Years nous fait remonter en 1967 et 1969, pour les deux premières saisons. Certains épisodes paraissent tout juste sortis des obscures archives d'où on les a exhumées, avec leurs défauts techniques, ce qui ajoute un certain cachet d'authenticité face à un tel support. Et tant que le scénario s'apprécie pareillement, l'effort fait pour nous proposer de découvrir de telles séries mérite avant tout d'être salué : c'est une sorte de plongeon dans les archives sériephiles.

Enfin, il faut terminer par rendre un hommage appuyé à la performance délivrée par Edward Woodward (plus connu sans doute dans les mémoires internationales -notamment auprès du public américain- pour The Equalizer). Si le personnage de Callan a tant pu marquer, c'est non seulement dû à l'écriture teintée d'ambivalence des scénaristes, mais c'est aussi grâce à l'impressionnante interprétation de l'acteur. Il parvient à capturer, en imposant une présence très intense à l'écran, toute l'ambiguïté de ce maître-assassin dos au mur, trop doué pour pouvoir être rendu à la vie civile et exécutant avec un savoir-faire à part les missions qui lui sont confiées. 

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Bilan : Découvrir Callan en 2012, c'est se retrouver happé par la figure d'un anti-héros ambivalent, évoluant dans un univers extrêmement sombre où chacun manipule l'autre. C'est se laisser capturer par les rouages d'un scénario remarquable d'ambiguïtés, magnifiquement sublimé par une performance d'acteur qui se savoure. Il faut noter que la construction globale des missions reste d'une efficacité rarement prise en défaut, en dépit d'un rythme avec quelques lenteurs signe l'âge de la série. Quant à la mise en scène datée, elle n'est pas un obstacle à l'appréciation de la série.

Dans la lignée des grandes fictions d'espionnage (ou plutôt, parmi les oeuvres de référence d'origine !), Callan fait preuve d'une nuance et d'une noirceur maîtrisées qui n'ont pas pris une ride et s'avèrent bien plus aboutis que certains ersatz indigestes récents comme Hunted cet automne. Pour qui apprécie le genre espionnage, il s'agit d'une découverte qui mérite d'être curieux (à condition d'être anglophone, les DVD ne comportant pas de piste de sous-titres anglais) !


NOTE : 7,5/10


Pour un aperçu, un extrait qui pose bien le ton de la série :