17/12/2011
(UK) Garrow's Law, saison 3 : un legal drama toujours aussi passionnant
Parmi les rendez-vous sériephiles auxquels je tiens tout particulièrement devant le petit écran anglais, pour accompagner les fins d'automne, Garrow's Law s'est peu à peu taillée une place de choix. Certes le mélange de legal et de period drama a trouvé en moi une téléspectatrice pré-conquise à ce cocktail des genres. Mais il faut également saluer le soin avec lequel les scénaristes ont entrepris d'exploiter ce récit romancé de la vie d'un juriste anglais de la fin du XVIIIe siècle. Par ailleurs, les saisons de Garrow's Law ont également pour elles d'être toujours très courtes : quatre épisodes, ce qui permet d'aller à l'essentiel et de ne jamais risquer de lasser le téléspectateur. Suivant le même schéma que les précédentes, BBC1 a donc diffusé les dimanche soirs, du 13 novembre au 4 décembre 2011, la troisième saison de cette toujours intéressante série.
La grande force de Garrow's Law, sa marque de fabrique, reste de savoir habilement mêler le drame judiciaire et des enjeux plus personnels. Le premier volet donne à la série l'occasion d'exploiter pleinement son cadre historique : les affaires traitées par William Garrow entendent toujours représenter une époque, avec ses moeurs et sa justice. Dans ce registre, la saison 3 s'inscrit dans la droite lignée des précédentes, abordant une nouvelle fois des sujets très diversifiés : certains sont lointains, comme les abus d'autorité et des dérives dans des lointaines colonies, d'autres touchent plus directement Londres et l'évolution du pays.
Je demeure toujours admirative devant la façon dont la série parvient à connecter ses cas d'espèce très particuliers à des problématiques plus générales du temps, offrant plusieurs niveaux de lecture. Ainsi, la tentative d'assassinat sur le roi sera une occasion de s'interroger sur la définition de l'irresponsabilité pénale en cas de trouble mental. De même, une presque banale affaire de meurtre permettra de nous plonger dans les coulisses létales de la politique, de ses oppositions, et la manière brutale dont les élections pouvaient être menées. Autant de thèmes très différents qui permettent d'affiner et de préciser ce tableau dense et riche, toujours passionnant, de l'Angleterrre de cette fin du XVIIIe siècle.
Parallèlement, Garrow's Law est aussi une série qui cherche à nous investir émotionnellement aux côtés de ses personnages. La saison 3 s'inscrit dans la continuité de la précédente, toujours centrée sur les rapports tumultueux de Lady Sarah et de son époux, alors même que la jeune femme s'est désormais officiellement installée chez William Garrow. Réussir à échapper à une condamnation infamante à des dommages et intérêts qui auraient été exorbitants n'a cependant pas apporté le bonheur au jeune couple : en effet, le fils de Sarah, Samuel, reste entre les mains de son mari.
Si la saison 2 avait déjà permis d'établir le déséquilibre des droits existant au sein d'un couple, cette fois-ci, c'est en adoptant le point de vue d'une mère dévastée par cette perte que la série explore un peu plus le droit de la famille de l'époque. Arthur Hill, toujours piqué dans son honneur, s'enferme dans cette caricature de vilain, trop manichéenne pour être pleinement crédible, que seul l'ultime twist final permettra de nuancer opportunément. Si la détresse de Sarah aura été bien traitée, il est à souhaiter que l'alliance concluant la saison aura définitivement scellée la fin de la vendetta obsessionnelle d'Arthur Hill. C'est une page qui aura peut-être mis un peu trop de temps à se tourner, mais qui doit désormais l'être (si saison 4 il y a).
Au-delà des combats de William Garrow, des épreuves de Lady Sarah, c'est une autre lutte, plus intime, qui aura marqué cette saison 3 : celle que va mener Southouse contre la maladie qui le condamne inexorablement. Plus que jamais, ce dernier se sera imposé auprès de ses jeunes amis comme la figure du mentor et du conseiller bienveillant, les soutenant autant qu'il pouvait dans leurs démarches, jusqu'à apporter à Sarah une aide financière importante.
L'épisode de sa mort, le troisième de la saison, est sans conteste le plus déchirant et triste proposé par la série depuis ses débuts. Southouse aura connu une fin à la hauteur de son personnage, avec une lente déchéance physique éprouvante qui aura fait souffrir le coeur du téléspectateur. Tout en saluant son rôle, cela permet dans le même temps à la série de faire évoluer la dynamique de travail de William Garrow. Privé de la figure tutélaire qui l'a guidé depuis ses débuts, c'est avec un nouvel associé qu'il aborde le dernier cas : le neveu de Southouse, un jeune homme certes très débrouillard mais qui n'a pas l'influence que pouvait avoir son oncle sur l'avocat.
Bilan : Toujours très plaisante à suivre, bénéficiant d'une richesse dans les thématiques abordées qui demeure inchangée, Garrow's Law aura proposé une troisième saison à la hauteur des attentes, conservant son équilibre aussi fragile que précieux entre legal et period drama. Pour autant, si une saison 4 devait voir le jour, il pourrait être opportun de voir la série évoluer, cette saison ayant d'ailleurs posé des bases intéressantes pour l'avenir, au-delà même de la perte de Southouse, en introduisant dans son quatrième épisode des enjeux politiques très concrets qui dépassent le seul cadre du tribunal... Pourquoi ne pas poursuivre ainsi la route du biopic de William Garrow au-delà de sa seule carrière de barrister ? A suivre donc (en croisant les doigts).
NOTE : 7,75/10
Le générique :
Une bande-annonce de la saison 3 :
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27/11/2011
(UK) Downton Abbey, saison 2 : tournant mélodramatique dans la tourmente de la Première Guerre Mondiale
Poursuivons les bilans sur les séries du petit écran anglais de ces dernières semaines, avec une review qui se sera révélée bien difficile à rédiger. Downton Abbey avait été un de mes grands coups de coeur (si ce n'est "LE" coup de coeur) de l'an passé ; un period drama aussi marquant que savoureux qui avait su me faire vibrer comme rarement. C'était donc avec une certaine impatience que j'attendais cette saison 2 qui a été diffusée cet automne sur ITV1. L'équilibre narratif, tant loué, allait-il perdurer ? La série allait-elle se maintenir à la hauteur d'une réputation qu'elle s'était forgée de façon très méritée ?
Tout l'enjeu de cette nouvelle saison aura été la négociation du tournant constitué par la Première Guerre Mondiale. La saison 1 nous avait quitté sur la déclaration de guerre de 1914, la suite nous plonge directement dans le conflit pour couvrir une période relativement étendue qui nous conduira jusqu'en 1919. La vaste demeure qu'est Downton Abbey va une nouvelle fois être le reflet des évolutions du pays, avec ses hommes au front, l'effort de guerre requis des civils et ses blessés qui affluent. Comment chacun va-t-il traverser, humainement et émotionnellement, ces bouleversements ?
La Première Guerre Mondiale agit sur Downton Abbey comme sur ses personnages : on y retrouve une perte d'innocence, en étant soudain confronté à la réalité d'un conflit qui fait peser une véritable épée de Damoclès sur certains personnages. La série embrasse un tournant mélodramatique qui se révèle souvent poignant, parfois même très éprouvant (les pyramides de kleenex construites lors du visionnage de certains épisodes sont là pour en attester). Plus que tout, le ressenti émotionnel demeure la dynamique centrale la série. Downton Abbey conserve en effet une faculté rare, celle d'être capable d'ouvrir et de toucher directement le coeur du téléspectateur. Elle peut nous émouvoir en simplement quelques lignes de dialogues ou en une scène symbolique parfaitement maîtrisée. Cette marque de fabrique reste une des forces de l'oeuvre.
Parallèlement, la saison 2 s'inscrit également dans une continuité revendiquée sur le fond. En dépit de tous les bouleversements traversés, les bases de la série demeurent invariables. Elles semblent même revendiquer une dimension presque intemporelle qu'elles acquièrent en raison du recours abusif à des ellipses qui nous font traverser les années sans en avoir pleinement conscience. Tandis que la guerre permet d'accélérer le tourbillon des changements sociaux, la frontière entre les deux milieux devient de plus en plus poreuse - le personnage de Sybie en restant le symbole le plus représentatif. De plus, la série continue d'explorer ses relations phares, lesquelles semblent vouées à ne pouvoir fonctionner : Mr Bates et Anna, Matthew et Mary... Mais en voulant trop protéger ces recettes inchangées, la série en perd la fraîcheur étonnante qui avait marqué sa première saison.
Si la saison 1 de Downton Abbey était un bijou, elle le devait non à son originalité - la série embrassait et s'appropriait les codes narratifs d'un period drama classique sans les remettre en cause -, mais pour l'équilibre fragile et précieux qu'elle avait su trouver. Semblable à une partition musicale parfaitement huilée, l'enchaînement des évènements et l'entremêlement des storylines avaient permis un parcours sans fautes. Au cours de cette saison 2, le sens du dosage se dilue, une part de la magie également. Les dialogues sont toujours aussi bien ciselés, mais il manque une spontanéité. Les ficelles narratives se retrouvent soudain comme exposées au grand jour. La série en devient prévisible, tant dans ses développements que dans ses retournements de situation.
Plus problématique, en poursuivant l'exploration des relations qui avaient constitué l'assise de la première saison, Downton Abbey tombe dans le travers de la répétition, en appliquant invariablement une même recette pour rythmer les rapprochements et éloignements de chacun. Au-delà du gênant sentiment de vanité qu'ont certaines des épreuves qui s'élèvent constamment sur la route de nos héros, le scénariste prend en plus la frustrante habitude de ne pas aller toujours au bout des storylines qu'il initie. Les problèmes soulevés ont trop souvent l'art de se résoudre en empruntant un raccourci facile, qui élimine l'obstacle d'une façon ou d'une autre, revenant brutalement au point de départ. En cédant ainsi au plus simple, la série perd également en nuances, certains comportements relevant alors plus de la caricature, voire sortant même du canon établi jusqu'alors par la fiction. La qualité se fait donc plus inégale.
S'il y a à redire sur le fond, il faut en revanche reconnaître que Downton Abbey demeure égale à elle-même sur la forme. Conservant toujours ce style particulièrement soigné et l'art d'une mise en scène où la caméra alterne habilement entre des plans larges, qui prennent la mesure des décors, et des passages au cadre plus serré permettant de souligner des scènes plus intimes. Ce savoir-faire permet une reconstitution historique appréciable, à saluer jusque dans les quelques scènes de guerre proposées. La clarté de la photographique accentue d'ailleurs cette impression quasi-enchanteresque qui fait de la série un plaisir pour les yeux.
Enfin, Downton Abbey continue de pouvoir s'appuyer sur un casting très solide qui donne vie à cette galerie éclatée de personnages si différents. Il est une nouvelle fois difficile de faire des choix devant une telle homogénéité, mais soulignons que ce sont souvent les femmes qui resplendissent le plus cette saison. Certaines s'affirment et évoluent favorablement, à l'image par exemple de Laura Carmichael dont le personnage d'Edith se nuance. Jessica Brown Findlay conserve une fraîcheur admirable à l'écran. Maggie Smith, fidèle à elle-même, bénéficie une nouvelle fois des quelques lignes les plus percutantes, celles qui emportent toute la scène dans laquelle elle joue. Par ailleurs, la sobriété de Brendan Coyle fait toujours des merveilles à l'écran. Enfin, pour conclure sur une note plus légère, il faut bien avouer que je ne suis décidément pas insensible au charme de Dan Stevens (au point de m'avoir fait regarder Have I Got News For You qu'il présentait ce vendredi...).
Bilan : La Première Guerre Mondiale permet à Downton Abbey d'embrasser un tournant mélodramatique au cours duquel la série, à l'image de ses personnages, perd une part de son innocence. Plus sombre et poignante que la première, elle aura su me faire vibrer émotionnellement comme peu de fictions en sont capables. Cependant, si cette deuxième saison reste fidèle aux thèmes qui ont fait la force de la série, c'est avec moins de subtilité qu'elle applique des recettes semblables. Devenue prévisible, la série ne parvient pas à dépasser ses schémas fondateurs, au risque de tomber dans une certaine répétition au parfum quelque peu vain.
Mais ne vous y trompez pas, si l'enthousiasme dithyrambique qu'avait suscité chez moi la première saison explique en partie cette review mitigée, Downton Abbey reste un très solide period drama, qui se repose habilement sur des personnages ne laissant pas indifférents. J'attends donc avec impatience l'épisode spécial de Noël qui sera diffusé le 25 décembre sur ITV1 !
NOTE : 7,75/10
La bande-annonce de la saison 2 :
11:10 Publié dans (Séries britanniques) | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : itv, downton abbey, julian fellowes, hugh bonneville, maggie smith, elizabeth mcgovern, michelle dockery, dan stevens, penelope wilton, jim carter, phyllis logan, siobhan finneran, joanne froggatt | Facebook |
19/11/2011
(UK) Top Boy, saison 1 : histoires de gangs et de drogue dans l'Est londonien
Au rang des bonnes surprises de ces dernières semaines, à la télévision anglaise, c'est Channel 4 qui s'est agréablement démarquée en proposant une très intéressante série, Top Boy, traitant de thématiques liées aux gangs et au trafic de drogue. Sans ambitionner d'atteindre les fictions de référence du genre avec lesquelles le sériephile dresse automatiquement des parallèles (The Corner, The Wire), elle s'impose comme une solide chronique humaine, dont la sobriété et la consistance méritent assurément le détour.
Créée et écrite par l'écrivain nord-irlandais Ronan Bennett, sa première saison, comportant quatre épisodes de 45 minutes environ, a été diffusée sur une semaine, du 31 au 3 novembre 2011 sur Channel 4. La bonne nouvelle, c'est qu'une seconde saison a d'ores et déjà été commandée.
Se déroulant dans le quartier fictif de Summerhouse, dans l'Est londonien, Top Boy suit une galerie de personnages dont la vie va se retrouver liée, directement ou indirectement, aux trafics de drogue et aux gangs qui sévissent dans ces barres d'immeubles.
La série se concentre tout particulièrement sur le jeune Ra'Nell, adolescent de 13 ans. Il est confronté à une situation familiale difficile : un père absent, une mère qui souffre de problèmes psychologiques agravés par une dépression. Cette dernière est hospitalisée au début de la saison, laissant son fils se débrouiller avec l'aide de connaissances, telle une voisine qui fait pousser de la marijuana dans un appartement. A un âge où les tentations et le besoin d'argent se font plus pressants, Ra'Nell et son meilleur ami, Gem, sont également invités par le chef de gang local, Dushane, à rejoindre leur bande qui écoule leur stock de drogue dans le quartier. Mais ce dernier est confronté aux attaques répétées d'un autre gang, conduit par Kamale. Si la rivalité débute par des vols de plus en plus importants, les tensions s'exacerbent rapidement. Les choses vont peu à peu dégénérer, les codes de la rue s'effaçant derrière la réalité de rapports de force simplement dictés par les poings, mais aussi les revolver.
Le premier intérêt de la série réside dans son sujet principal. Top Boy opte pour une approche classique des thématiques liées aux gangs et aux trafics qui en découlent. Nous immergeant dans ce milieu à travers le parcours d'un duo d'associés qui entendent s'y imposer, elle va dépeindre sans complaisance, mais non sans habileté et nuances, les rapports de force constants et les formes d'auto-régulation qui le régissent. A défaut de réelle originalité, la série se démarque par son souci d'authenticité et de réalisme. Si les affrontements apparaissent rapidement inévitables, trop d'ambitions personnelles se heurtant les unes aux autres, c'est avec une retenue intéressant qu'elle va relater les évènements, en évitant de tomber dans les excès du genre.
En effet, se déroulant à l'échelle relativement modeste du quartier de Summerhouse, Top Boy met en scène des bandes qui évoluent au bas de la hiérarchie criminelle : il s'agit d'une zone laissée aux prises d'initiative de chacun. La série a ainsi l'intelligence de décrire un basculement progressif dans une violence dans laquelle les protagonistes perdent peu à peu leurs repères ; comme un déclic, le premier seuil franchit, la fin semble alors justifier tous les moyens. Cette construction narrative permet à la fiction de bâtir une tension de plus en plus palpable, décrivant une logique de radicalisation de l'action qui suit un engrenage létal devenu inévitable. Dotée d'un scénario solide, même s'il reste prévisible, Top Boy atteint logiquement son plein potentiel au cours de son dernier épisode qui représente l'apogée et l'aboutissement logique de toute l'évolution de cette première saison.
Au-delà de cette toile de fond entre drogues et gangs, Top Boy demeure également une chronique sociale et humaine, dont le caractère choral renforce l'impression d'authenticité qui émane du récit. En effet, l'histoire se bâtit à partir de ses personnages. Chaque scène a vocation à s'emboîter dans un tableau d'ensemble plus large qui apparaît au final comme un instantané de ce quartier de Summerhouse. La caméra paraît ainsi s'effacer derrière la galerie de portraits dépeints ; cette mise en scène, volontairement en retrait, rapproche la série d'un style quasi-documentaire dans lequel elle va trouver sa tonalité propre et son équilibre.
Au sein de ses protagonistes, Top Boy opère une distribution des rôles qui ne recherche pas l'originalité, mais reste logique et solide. Si la saison est brève, la série va prendre le temps de développer ses principales figures, leur permettant de gagner en épaisseur. Ra'Nell restera le repère du téléspectateur : adolescent obéissant, il ne peut cependant complètement demeurer imperméable à ce qui se trame dans le quartier, entraîné dans ces trafics. Parallèlement, l'épopée de Dushane et Sully offre un penant plus violent au récit, reflet de ce que Ra'Nell peut devenir dans une dizaine d'années, suivant les choix qu'il fera. La radicalisation progressive de leurs actions pour servir leurs ambitions, mais aussi l'antagonisme que leurs différences de style éveillent, sont autant d'éléments qui nuancent et précisent leurs rapports. Sully est celui qui, une fois les codes traditionnels de la rue brisés, va se révéler le plus instable, éclairant tant la dangerosité que la volatilité de cette zone de semi non-droit qu'est Summerhouse. L'ensemble forme ainsi une assise humaine consistante et nuancée sur laquelle Top Boy va pouvoir s'appuyer.
Par ailleurs, il convient de saluer le soin apporté à la forme par Top Boy. La série se révèle particulièrement aboutie, méritant amplement le détour pour sa réalisation. La photographie, très travaillée, jouant habilement sur la saturation des couleurs et les teintes au gré des différentes scènes, est vrai un plaisir pour les yeux. La caméra, fébrile dans l'action, sait aussi se poser et offrir de superbes plans larges qui vont mettre en valeur, tant les décors que les différents personnages. Privilégiant l'authenticité et la sobriété, la bande-son reste opportunément très en retrait, faisant intervenir des instrumentaux plus nerveux lorsque la tension monte.
Enfin, Top Boy bénéficie d'un très solide casting, dont l'homogénéité est une des forces. Il permet d'asseoir la légitimité de la série dans son ambition de chronique sociale et humaine. Les acteurs sont parfaitement au diapason de la tonalité de la série et renforcent l'impression de réalisme qui émane de l'ensemble. On y retrouve notamment Ashley Walters (Outcasts, Five Days), Kane Robinson, Malcolm Kamulete, Kierston Wareing (Luther, The Shadow Line), Geoff Bell, Sharon Duncan Brewster, Nicholas Pinnock, Giacomo Mancini ou encore Shone Romulus.
Bilan : Proposant une immersion brute dans l'envers d'un quartier au quotidien rythmé par ses gangs et ses trafics, Top Boy opte pour une approche aussi classique que solide de ses diverses thématiques. Si on peut regretter qu'elle reste parfois trop en surface des problématiques esquissées (mais sa saison 1 ne comporte que 4 épisodes), la série bénéficie d'une écriture sincère et directe qui confère à l'ensemble une tonalité très authentique. Sa grande force réside dans sa faculté à mettre en scène une galerie de portraits qui sonnent juste et ne laissent pas indifférent. A découvrir.
NOTE : 7,5/10
La bande-annonce de la série :
11:11 Publié dans (Séries britanniques) | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : channel 4, top boy, ashley walters, kane robinson, malcolm kamulete, kierston wareing, geoff bell, sharon duncan brewster, nicholas pinnock, giacomo mancini, shone romulus | Facebook |
06/11/2011
(UK) Garrow's Law, saison 2 : un enthousiasmant legal drama historique
Dans une semaine, le dimanche 13 novembre signera le retour de la série que j'attends le plus durant ce mois de novembre : la troisième saison de Garrow's Law. Sitôt la nouvelle officialisée, il y a quelques jours, j'ai été prise d'une brusque envie de revoir la précédente saison. C'était une de ces pulsions sériephiles qui vous happe en dépit du bon sens, alors que vous avez bien trop de choses en retard à regarder, et à laquelle il est impossible de résister.
Quatre épisodes plus tard (l'avantage des pulsions sériephiles anglaises est qu'elles restent souvent "raisonnables" par leur brièveté), la bonne impression que j'en avais gardée n'a été que confirmée par ce nouveau visionnage. En novembre de l'année dernière, j'avais rédigé un article après le premier épisode de la saison 2 sous forme de quasi-playdoyer, mais je n'avais pas pris le temps d'y revenir en fin de saison. Comme tout vient à point qui sait attendre, c'est donc pour introduire la nouvelle saison que je rappelle à votre bon souvenir cette saison 2.
Après une première saison qui avait permis à Garrow's Law de trouver progressivement ses marques dans l'entre-deux genres que la série ambitionnait d'investir, mêlant legal drama et period drama, cette deuxième saison lui a permis de pleinement exploiter le potentiel entrevu. Non seulement, elle a su faire preuve d'une maîtrise égale pour mettre en scène son volet judiciaire, mais elle l'a complété d'un volet humain souvent touchant, en explorant plus avant les personnages. Elle a ainsi proposé une suite de quatre épisodes particulièrement aboutie, où aux affaires jugées à Old Bailey s'est greffé un fil rouge plus personnel impliquant les principaux protagonistes. De qualité constante, elle a su profiter de son format court qui, non seulement lui permet d'éviter l'écueil de toute répétition ou lassitude, mais justifie aussi le soin particulier accordé à chacune des histoires traitées.
Dans la continuité de ce qui faisait la force de sa première saison, il est tout d'abord un point sur lequel Garrow's Law est restée fidèle à elle-même : c'est la rigueur avec laquelle elle traite de ses affaires judiciaires. S'inspirant des archives du tribunal de Old Bailey, elle a toujours apporté un réel soin à la reconstitution historique des procès dans lesquels William Garrow intervient. Nous plongeant dans cette cour, où la publicité des instances les transforment souvent en un théâtre d'expression de l'opinion publique, la série capture à merveille l'atmosphère fébrile et tendue qui y règne. Les cas évoqués sont toujours très diversifiés, comme le montre une nouvelle la saison 2 (vol, qualité de l'esclave, corruption au sein de la marine, adultère, sodomie), ce qui permet de balayer de manière complète le droit de l'époque, mais aussi d'apporter un éclairage passionnant sur les moeurs sociales et judiciaires.
Ces jugements restent en effet le reflet de la société londonienne du XVIIIe siècle. Non seulement, ils soulèvent des questions propres à l'époque, notamment l'inégalité d'une justice prompte à juger en fonction du statut social, mais ils éclairent également les rouages d'un système judiciaire encore bien éloigné des principes aujourd'hui consacrés - au moins théoriquement. Comment ne pas être frappé par la disproportion ou par l'absence d'individualisation de certaines peines infligées, qui ne prennent en compte ni les circonstances, ni la personne de l'accusé ? Garrow's Law est une rareté au sein des séries judiciaires actuelles : elle a le mérite de revenir à une époque de genèse de notre droit - notamment pénal - moderne, permettant de prendre conscience du chemin parcouru. Le combat de William Garrow, notamment pour affirmer les droits de la défense avec son utilisation du contre-interrogatoire, représente des balbutiements qui tendent vers un changement plus profond. En formulant distinctement des problématiques judiciaires fondamentales, la série rappelle que ce système reste le fruit d'un constant mouvement de balancier, arbitrage fragile entre les droits individuels des parties, mais aussi l'intérêt collectif de la société, et replace ainsi au coeur des enjeux les acteurs mêmes du procès.
Au-delà de cette approche propre à un legal drama se déroulant au XVIIIe siècle qui fait la particularité de Garrow's Law, la réelle valeur ajoutée de cette deuxième saison aura été le développement de la dimension humaine de la série. Si la première avait su par intermittence amorcer l'exploration de certains des personnages, ces quatre épisodes auront permis un approfondissement des relations qu'ils ont nouées. Les portraits des différents protagonistes y gagnent en nuances, et en épaisseur. Ainsi, au sein même du tribunal, les rapports professionnels, conflictuels ou concurrentiels, que William Garrow peut entretenir avec son rival de toujours, Silvester, ou encore avec le juge Buller, laisseront place, lorsque cela sera nécessaire, à une forme de solidarité, mue par le respect réciproque que peuvent nourrir ces juristes qui n'en demeurent pas moins des hommes avec des principes, derrière le masque qu'ils arborent durant les procès.
Cependant la relation au centre de cette saison, celle qui va constituer le fil rouge à la fois personnel et judiciaire, reste bien entendu celle de Lady Sarah et de William Garrow. Si la storyline se développe au détriment de Sir Arthur, lequel s'enferme dans une jalousie paranoïaque excessive, elle a l'indéniable mérite de permettre d'éclairer la nature, mais aussi la force, des sentiments qui unissent les deux jeunes gens. Les épreuves que ces derniers doivent affronter au fil de la saison, devant faire face à une menace de ruine morale et financière, servent de révélateur pour chacun d'eux. Le refus de transiger de Sarah, qui n'acceptera pas de sacrifier William pour la possibilité de revoir son fils, sera une décision particulièrement forte. Quant à la lente descente aux enfers de l'avocat, prenant peu à peu conscience de la fragilité de sa situation et de ce qu'il risque, elle jette un autre éclairage sur un personnage jusqu'alors redresseur de torts inflexible et souvent trop sûr de son bon droit. La remise en cause qu'entraîne le procès atypique qui conclut la saison humanise considérablement William Garrow, et fortifie l'attachement que peut éprouver le téléspectateur à l'égard de la série.
Bilan : De qualité constante, construite de manière plus ambitieuse et aboutie, la saison 2 de Garrow's Law aura été une double réussite. Non seulement la série a su confirmer son admirable maîtrise dans son volet judiciaire et historique toujours particulièrement passionnant, mais elle a également pris le temps d'approfondir une assise humaine permettant d'impliquer émotionnellement le téléspectateur aux côtés des différents protagonistes, et plus particulièrement de William Garrow. Cette saison 2 a donc été un ensemble très consistant que j'ai suivi avec beaucoup de plaisir.
Rendez-vous la semaine prochaine pour la saison 3 !
NOTE : 8/10
Le générique de la série :
Une des scènes marquantes de la saison (épisode 4) :
10:49 Publié dans (Séries britanniques) | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : bbc, garrow's law, andrew buchan, rupert graves, alun armstrong, lyndsey marshal, aidan mcardle, michael culkin | Facebook |
31/10/2011
(UK) The Fades, saison 1 : They came. It was inevitable (et prenant).
Cet automne, BBC3 aura poursuivi son exploration dans le fantastique avec un divertissement qui se sera révélé prenant et plaisant à suivre : The Fades. Fin septembre, dans la review que je lui avais consacrée, je vous avais déjà confié combien le pilote et ses bases mythologiques aussi classiques qu'un peu brouillonnes avait su m'intriguer... La première saison s'étant achevée mercredi dernier (26 octobre) en Angleterre, au terme de six épisodes, il est donc temps de dresser un bilan de cette intéressante incursion - toujours bienvenue - dans le surnaturel. Et quoi de plus approprié que d'évoquer cette série en cette soirée de Halloween ?
Les êtres auxquels le titre de la série fait référence, ces Fades, sont en quelque sorte les fantômes ou les âmes d'êtres humains décédés, mais pour lesquels le processus de l'Ascension s'est bloqué. Ils n'ont pas pu quitter la Terre et errent donc sans but sur la planète, ne pouvant avoir la moindre intéraction avec le monde des vivants. Mais l'un d'entre eux a découvert que le sang humain est capable de les sortir de cette isolation qui équivaut à une lente agonie. A terme, ce processus peut même les ramener à la vie. Parallèlement, des êtres aux pouvoirs très particuliers, les Angelics, s'efforcent de contenir des Fades devenues de plus en plus nombreux et menaçants.
Si le projet de faire revenir à la vie tous ces morts aboutit, ce sera la fin de l'humanité telle que nous la connaissons. Or les Angelics sont de plus en plus débordés et subissent des pertes importantes. Leur solution tient peut-être dans un jeune lycéen, Paul. Ce dernier, lui-même Angelic, dispose de facultés insoupçonnées. Il a notamment de terribles visions récurrentes d'un monde en cendres parvenu à sa fin. A mesure que la situation se détériore, chacun va peu à peu prendre conscience des enjeux de la lutte qui se joue et va devoir faire des choix parfois extrêmes. Aidé par ses quelques amis proches, entouré par sa famille, Paul peut-il être le sauveur espéré ?
Navigant entre teen-show et fantastique, The Fades emprunte à ces différents genres, semblant en quête permanente d'un équilibre, souvent fragile, entre ces deux influences. Pourtant, s'il n'est pas exempte de certaines maladresses, l'humanité de ce mélange séduit. La série parvient ainsi sans peine à impliquer le téléspectateur dans le devenir de ses différents protagonistes. Les adultes voient leurs personnalités se nuancer et gagner en ambivalence au fil de la saison, à l'exception peut-être du professeur qui restera toujours trop à l'écart. Cependant, ce sont les adolescents qui restent au coeur du récit. S'ils sont tous les représentations de certains stéréotypes, la dynamique qui s'installe entre eux, ne manquant pas de répartie, les rend instinctivement sympathiques. On s'attache facilement à cette bande informelle, entre amitié, famille et amour.
A dessein, la série s'attache dans un premier temps à dépeindre le portrait le plus classique qui soit de son versant lycéen. Elle esquisse des histoires typiques, presque anecdotiques de premier abord. Cela lui sert en fait de caution narrative pour maintenir le plus longtemps possible un semblant de normalité dans l'univers qu'elle a créé. Une normalité dont on va assister à la lente, mais inéluctable, désagrégation dans le tourbillon d'étrangetés, puis de drames, qui s'enchaînent par la suite. Le volet teen-show de The Fades sert donc avant tout à poser les repères initiaux du téléspectateur... L'intérêt étant de les lui retirer peu à peu à mesure que la série bascule pleinement dans le fantastique et développe sa mythologie.
Après avoir fait prévaloir un parfum de teen-show, c'est dans la seconde moitié de la saison que The Fades prend pleinement la mesure du potentiel mythologique de l'affrontement qu'elle relate, entre Fades et Angelics. Elle va habilement savoir faire ressortir toutes les ambiguïtés de cette confrontation. De manière inéxorable, l'atmosphère, déjà relativement sombre à l'origine, ne cesse de s'obscurcir. A mesure que la frontière qui sépare les Fades du monde des vivants s'amenuise, les enjeux se complexifient. Ce ne sont pas les Fades en tant que tels qui représentent le problème, mais bien l'Ascension qui ne fonctionne plus comme elle le devrait. La série perd alors son apparence manichéenne, bouscule les certitudes du téléspectateur, et embrasse véritablement des accents de fantastique apocalyptique des plus exaltants.
Accordant un soin particulier à son ambiance, The Fades n'est jamais aussi convaincante que lorsqu'elle met en scène des drames. Car au fil de la saison, le danger se fait de plus en plus concret. Le désespoir progresse et, avec lui, une impression pesante d'inéluctabilité et d'urgence pour réagir. Chaque protagoniste va être poussé dans ses derniers retranchements. Si la figure de Paul poursuit son chemin initiatique et reste le repère du téléspectateur, d'autres subissent des évolutions autrement plus radicales. Dans cette optique, le personnage de Neil est sans doute le personnage le plus intéressant. Face à ces circonstances exceptionnelles, il n'hésite pas à faire des choix extrêmes. De rôle de pseudo mentor, nous guidant dans cet univers, il devient de plus en plus inquiétant, perdant le sens des priorités. Contribuant à cette désagrégation de nos repères et plus généralement de la normalité du quotidien, il sera ainsi à l'origine d'une des scènes les plus fortes et marquantes de la saison : l'exécution de sang froid d'une innocente.
Bilan : Entre teen-show et fantastique apocalyptique, The Fades aura su exploiter de manière très intéressante la mythologie créée, laqelle conserve jusqu'à la fin sa part de mystère (et une suite serait la bienvenue). C'est grâce à son glissement vers une ambiance de plus en plus sombre et ambivalente, à mesure que disparaissent les repères confortables initialement posés, que la série trouve sa pleine dimension. Il s'agit donc d'un essai dans le fantastique qui n'aura pas été sans quelques maladresses, notamment dans la première partie de la saison, mais qui se sera révélé dans l'ensemble très prenant. A découvrir !
NOTE : 7,25/10
La bande-annonce de la série :
Le générique :
20:57 Publié dans (Séries britanniques) | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : the fades, bbc, iain de caestecker, daniel kaluuya, johnny harris, tom ellis, natalie dormer, daniela nardini, claire rushbrook, lily loveless | Facebook |