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28/09/2011

(J-Drama) Ryuuten no Ouhi - Saigo no Koutei (Princess Hiro) : la dernière princesse de Chine


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En ce mercredi asiatique, poursuivons l'alternance avec la Corée du Sud, et prenons la direction du Japon pour un drama historique qui m'a vraiment fait vibrer et passionnée : Ryuuten no Ouhi - Saigo no Koutei, aussi connu sous le nom de Princess Hiro (La Dernière Princesse de Chine). C'est une fiction qui devrait notamment intéresser ceux qui ont apprécié le film Le Dernier Empereur, puisqu'elle relate des évènements proches, suivant la destinée de l'épouse japonaise du prince cadet de la famille impériale.

Ruten no Ouhi - Saigo no Koutei est un tanpatsu (un téléfilm) d'une durée globale d'environ 4h30 (visionné en quatre parties). Ce drama, que l'on pourrait qualifier de mini-série, a été diffusé sur TV Asahi en novembre 2003, à l'occasion du 45e anniversaire de la chaîne. Nous plongeant dans l'Histoire tumultueuse du Japon et de la Chine, des années 30 au début des années 60, il exploite habilement ce sujet très intéressant, tout en gardant un volet plus intimiste, en s'intéressant à un couple principal formé et malmené par les évènements.

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Ruten no Ouhi - Saigo no Koutei débute en 1936. Le Japon impérial a envahi la Mandchourie au début de la décennie. Elle en a fait un Etat, officiellement indépendant, mais qui dans les faits demeure contrôlé par l'armée japonaise, qui a placé à sa tête comme chef de l'exécutif, le dernier Empereur de la dynastie Qing, Aixinjueluo Puyi. La tutelle japonaise s'exerce jusqu'à la maîtrise du destin de la famille impériale chinoise, à laquelle est lié le contrôle du territoire. Puyi n'ayant pas d'héritier, son jeune frère, Pujie, officier dans l'armée japonaise, est fortement encouragé à se choisir une épouse lors de ses études au Japon. Si un fils pouvait naître de cette union, cela permettrait d'asseoir durablement l'influence et la légitimité japonaise sur la région.

Ruten no Ouhi - Saigo no Koutei raconte l'histoire de ce couple originellement né de la raison d'Etat et de considérations géostratégiques qui les dépassent. Ce mariage initialement politique, entre un prince chinois et une jeune noble japonaise, apparentée de manière éloignée à l'Empereur du Japon, deviendra une véritable union, fondée sur un amour réciproque inébranlable. C'est ainsi que la relation de Hiro et Puije va réussir à traverser, en dépit des difficultés, tous les tumultes politiques et militaires qui vont marquer leurs pays respectifs : les exactions japonaises en Mandchourie, la Guerre du Pacifique et la défaite japonaise, la révolution communiste chinoise, la rééducation en camp...

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Ryuuten no Ouhi - Saigo no Koutei dispose de deux grands atouts. Il s'agit tout d'abord d'une très intéressante fresque historique qui, de 1936 à 1961, va nous faire vivre, directement ou indirectement, les destins croisés du Japon et de la Chine. Les bouleversements sont nombreux, et l'Histoire foisonnante permet un récit très riche. Loin de présenter une photographie figée, ce drama propose au contraire un portrait très vivant, souvent poignant, de cette époque troublée et des soubresauts qui la rythment. C'est logiquement sur le sort de la Mandchourie que s'arrête plus particulièrement ce drama. Dans cet Etat pantin (Mandchoukouo) où le gouvernement est une marionnette entre les mains du Japon, les tensions et la fracture sino-japonaise sont marquantes et de plus en plus tragiques. La mise en scène de la série souligne bien les paradoxes d'une situation chargée d'anachronismes, comédie des apparences où chacun suit le rôle qui lui a été donné. Des traditions d'une dynastie restaurée mais fantoche, aux ingérences et aux abus japonais, le drama n'occulte aucune facette de son sujet.

En plus d'un éclairage passionnant sur la grande Histoire, la réussite de Ryuuten no Ouhi - Saigo no Koutei va être de savoir intégrer à cette toile de fond troublée une belle histoire personnelle. C'est celle d'un couple réuni par des préoccupations politiques extérieures, au sein duquel les deux époux vont apprendre à se connaître pour construire un véritable mariage d'amour très solide. La magie des sentiments s'opère sous nos yeux, inéluctablement et irrémédiablement en dépit du contexte très difficile et du déchirement provoqué par la situation en Mandchourie. Le récit touche et émeut sans jamais tomber dans le mélodrama. Si ces destinées marquent autant, c'est sans doute aussi parce que la lueur d'espoir ne s'éteindra jamais pour ce couple balayé par l'Histoire sans qu'il ait jamais été vraiment maître de son destin. Hiro et Pujie resteront unis dans l'adversité, malgré tout ce qui aurait dû et pu les opposer. La distance d'une séparation liée à la guerre ne brisera pas leur lien... une patience finalement récompensée en 1961, le régime communiste chinois autorisant leurs retrouvailles. 

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Solide sur le fond, Ryuuten no Ouhi - Saigo no Koutei atteint une autre dimension grâce à sa forme. Sa réalisation est soignée. La photographie met en valeur les qualités esthétiques d'une reconstitution historique appliquée, offrant des contrastes très intéressants en mêlant notamment costumes traditionnels impériaux et habits modernes des années 30 et 40. De plus, ce drama bénéficie d'une superbe OST, avec des thèmes musicaux qui savent parfaitement guider la narration et accentuer la dimension émotionnelle d'un drama qui va toucher une corde sensible, sans jamais en abuser. Le thème instrumental principal notamment, teintée d'une douce mélancolie qui semble au fil du récit de plus en plus déchirante et pesante, est une musique à laquelle la série demeurera toujours associée dans mon esprit.

Enfin, Ryuuten no Ouhi - Saigo no Koutei dispose d'un casting très solide, porté par deux acteurs principaux dont les performances ne laissent pas indifférents (même si je ne vous garantis pas en revanche que leur mandarin soit irréprochable). Tokiwa Takako (Long Love Letter, Tenchijin) propose une prestation pleine de vitalité et de fraîcheur pour incarner cette jeune femme au caractère affirmé qu'est Hiro. A ses côtés, j'ai eu le plaisir de retrouver, dans un registre très différent des dramas dans lesquels j'avais pu le voir jouer, Takenouchi Yutaka (Rondo, Fumou Chitai, BOSS) : d'une sobriété à toute épreuve, il incarne avec simplicité ce prince réfléchi, confronté à des évènements sur lesquels il n'a que l'illusion d'une emprise. Je peux sans doute dire au terme de cette série que cet acteur est définitivement entré dans ma courte liste des acteurs japonais à suivre. Outre ce couple phare qui retient l'attention, on retrouve également Hayase Erina, Ichikawa Yui, Esumi Makiko, Amami Yuki, Sorimachi Takashi, Nogiwa Yoko, Kimura Yoshino, Takenaka Naoto ou encore Danta Yasunori.

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Bilan : Bénéficiant d'une forme soignée, Ryuuten no Ouhi - Saigo no Koutei est une belle oeuvre, homogène, qui mêle habilement la grande et la petite histoire. Fresque historique appliquée et passionnante proposant l'instantané d'une époque troublée en Asie, le drama ne néglige pas non plus une dimension émotionnelle, souvent touchante, en nous plongeant dans les destinées chaotiques d'un couple principal entraîné dans les soubresauts de l'Histoire. Le téléspectateur se laisse ainsi captiver par cette histoire, porteuse d'espoir à sa façon en ouvrant un pont entre les peuples, entre la Chine et le Japon.


NOTE : 8,25/10


Une présentation avec quelques images :

Le thème musical principal de la superbe OST :

Un extrait, Amami Yuki chante "When shall you return" (en mandarin) :


21/09/2011

(K-Drama / Pilote) Can't Lose (Can't Live With Losing) : la vie de couple dans tous ses états

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Après l'escapade tokyoïte de la semaine passée, nous voici de retour en Corée du Sud en ce mercredi asiatique, pour évoquer les débuts d'un drama actuellement en cours de diffusion et que j'attendais avec une certaine curiosité, en partie en raison de son synopsis intrigant qui semblait se distinguer des ressorts classiques des rom-com sud-coréenne, mais aussi en raison de son casting (notamment avec la présence de Choi Ji Woo). 

Can't Lose a débuté sur MBC le 24 août dernier. Diffusée les mercredi et jeudi soirs, elle devrait comporter 16 épisodes. A défaut d'avoir conquis le public sud-coréen, les audiences n'étant malheureusement pas vraiment au rendez-vous, ces premiers épisodes ne m'ont pas déplu. Loin de là. Ce n'est sans doute pas un drama pour lequel on aura un coup de foudre instantané, ni une comédie pétillante qui vous fera rire aux larmes, mais les relations explosives qu'il dépeint nous rallie progressivement à la cause de ce couple au bord de la rupture.

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Eun Jae et Hyung Woo sont deux jeunes mariés. Ils sont tombés sous le charme l'un de l'autre dès leur première rencontre fortuite dans un stade, laquelle s'est terminée par l'échange d'un premier baiser devant un parterre de spectateurs retenant leur souffle. Complémentaires dans leurs ambitions, ils partagent en plus la même profession puisqu'ils sont tous deux avocats. Emportés par leurs sentiments, ils décident très rapidement de se marier et d'ouvrir ensemble un cabinet. Madame aspire à gagner de l'argent, Monsieur tend plutôt vers l'aide aux plus faibles et défavorisés, les deux devraient donc parfaitement s'équilibrer... En théorie du moins.

Car un an a passé, et la supposée complémentarité peine à se trouver. Au contraire, il y a de l'eau dans le gaz dans cette relation entre deux personnes peut-être trop différentes pour partager leur vie. Eun Jae a l'impression d'être la seule à faire face à ses responsabilités financières pour permettre au couple de vivre, le caractère bon samaritain de Hyung Woo n'ayant plus à ses yeux le romantisme qu'il pouvait avoir au départ. D'incompréhensions en opposition directe de caractères, les deux jeunes gens s'éloignent, perdant le fil de communication qui existait entre eux et passant désormais plus de temps à se fâcher qu'à apprécier la compagnie de l'autre. Leur mariage peut-il survivre à ces soubresauts et retrouver une seconde vitalité ?

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Le premier attrait de Can't Lose, c'est d'être un drama relationnel qui tranche dans le paysage classique de la romcom sud-coréenne. En effet, ce n'est pas une rencontre qu'il va nous relater, mais le devenir d'un couple déjà marié. Battant en brêche les happy end où le mariage est présenté comme l'apogée et le parachèvement du récit, Can't Lose nous entraîne par-delà ce mythe pour s'intéresser justement à une relation sur le long terme : que se passe-t-il lors de ce fameux "après" où les caméras s'aventurent peu ? Comment préserver les sentiments, maintenir une complicité au quotidien, alors même que cette fréquentation constante amène de plus en plus à souligner les différences, les défauts de l'autre, exacerbant les points de tension au sein du couple ?

Can't Lose ne reprend pas à son compte la promesse d'horizon doré imaginée par les grands romantiques. Au contraire, c'est un drama qui n'hésite pas à globalement aborder la vie maritale sous un angle plus sombre, refusant de passer sous silence les difficultés qui surgissent irrémédiablement, et dont nos deux héros sont loin d'être les seuls représentants - une scène dans le parc illustrant cela à merveille. Comment réapprend-on à communiquer, à s'apprécier en dépit de l'addition des petites frustrations que chaque jour apporte ? Le couple principal n'est pas en quête d'un changement de partenaire, c'est un nouvel équilibre qu'il leur faut : s'il est évident que Eun Jae et Hyung Woo ont toujours des sentiments réciproques très forts l'un pour l'autre, les dissonances sautent également aux yeux.

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De par son sujet, Can't Lose adopte logiquement une tonalité moins insouciante et plus mature sur les jeux de l'amour. Bénéficiant d'un rythme de narration dynamique qui ne tombe pas dans l'excès de vouloir trop en faire, le développement des intrigues apporte son lot de petits rebondissements, avec notamment une introduction des belles-mères pour le moment fort bien gérée. C'est que, de manière assez paradoxale et fort bien trouvée, chacun semble plus proche dans son caractère de la mère de l'autre (même s'il est dans la plus pure tradition sud-coréenne que la mère du marié et sa belle-fille ne puissent s'entendre). Au fil des premiers épisodes, l'approche très concrète et authentique des relations permet au téléspectateur de se sentir de plus en plus impliqué par ce qui se joue sous yeux. Elles nous entraînent en effet dans des montagnes russes émotionnelles permanentes, l'apaisement de l'un équivalent au réveil de l'agacement de l'autre, comme s'il ne leur était plus possible de s'accorder autrement qu'en étant tous deux fâchés.

Dans ces scènes, les dialogues de la série, toujours très vifs, bénéficient aussi grandement du sens de la répartie aiguisée que cultivent des protagonistes dont c'est justement la profession. La manière dont est exploité la toile de fond juridique est plutôt astucieuse : non pas pour nous plonger dans un ersatz de legal drama auquel la série n'aspire nullement, mais parce que leurs différences de conception du métier symbolisent leur opposition, tout en empiétant sur leur manière de fonctionner et de gérer ces périodes de crise. Le titre "can't lose" reflète bien tout l'enjeu : transiger, trouver une voie de conciliation, oui, mais capituler et abandonner complètement ses griefs ou ses exigences, non. Il est assez symptomatique d'ailleurs que le moyen le plus irrésistible existant au sein de leur couple est celui de communiquer par mémoire interposé : une vague argutie juridique teintée d'une volonté de compromis s'avère plus payante qu'une conversation qui part rapidement hors de contrôle. C'est bien le signe que Eun Jae et Hyung Woo doivent réapprendre à se trouver pour repartir sur des fondations apaisées, et qu'ils ont ici des torts partagés manifestes.

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Sur la forme, Can't Lose est un produit parfaitement calibré. La réalisation est classique, la caméra profite des décors esthétiques, accompagnée d'une photographie qui aime les couleurs claires... A tous ces éléments s'ajoutent également quelques effets spéciaux de style, brèves hallucinations ou fantasmes d'un personnage, qui, sans abus, tombent souvent justes pour capturer l'atmosphère de l'instant : quelle belle-fille n'a pas visualisé sa belle-mère en diablotin dans un k-drama ? Par ailleurs, la bande-son est agrémenté de plusieurs chansons agréables à l'écoute, dont une, particulièrement entraînante, sied parfaitement à l'ambiance sur-dynamique et versatile qui régit les relations au sein du couple principal.

Enfin, une partie du charme de Can't Lose tient assurément à son casting, ou plus précisément à son duo qui dispose d'une alchimie indéniable à l'écran. Choi Ji Woo (Winter Sonata) incarne avec beaucoup d'énergie une femme de caractère, aussi dispersée qu'ambitieuse. Face à elle, Yoon Sang Hyun (Secret Garden) joue de manière très posée cet avocat, certes plus ordonné mais qui souhaite se consacrer, non à faire fructifier un compte en banque pour lequel il n'a aucun intérêt, mais à mettre sa connaissance du droit au service des défavorisés. A leurs côtés, gravitent des amis ou des employés, sans que le drama perde de vue que son sujet reste le couple déjà formé. On y croise Kim Jung Tae, Jo Mi Ryung, Sung Dong Il, Park Won Sook, Kim Ja Ok ou encore Joo Jin Mo.

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Bilan : Déclinaison particulière du drama relationnel, Can't Lose est une série qui séduit par son sujet post-mariage, nous plongeant dans les étincelles de la mécanique complexe et volatile qu'est une vie de couple où la lune de miel est déjà terminée et où beaucoup reste à apprendre sur la vie commune. En dépit d'une dimension sentimentale qui reste pour le moment à approfondir, l'écriture à la fois consistante et homogène retient l'attention du téléspectateur, curieux de voir jusqu'où peut conduire ce cycle d'incompréhensions s'auto-nourrissant de manière si frustrante. A surveiller.


NOTE : 7/10


La bande-annonce de la série :


Une chanson de l'OST :

14/09/2011

(J-Drama) Shinya Shokudou : poussez la porte du restaurant de minuit à Tokyo

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En Asie, la télévision japonaise reste sans doute le petit écran qui propose les fictions les plus diversifiées qui soient. Je suis toujours étonnée par sa faculté de parvenir encore à me surprendre après toutes ces années. En ce mercredi asiatique, j'avais initialement prévu de m'en tenir à un planning de septembre minutieusement établi, entre nouveautés sud-coréennes et bilans japonais... Et puis, vendredi dernier, une série est venue bouleverser mon rigoureux ordonnancement. Je me suis installée devant Shinya Shokudou, et soudain, tous mes autres projets ont disparu en arrière-plan, tandis que je savourais chaque épisode. Un grand merci donc à Ladyteruki et à son prosélytisme si bien inspiré (ainsi qu'à Calcifer qui m'en avait parlé l'été dernier) pour cette belle découverte.

Adaptation du manga du même nom d'Abe Yaro, Shinya Shokudou est une série programmée sur TBS dans sa case horaire après minuit, le vendredi soir. Sa première saison, comportant 10 épisodes d'environ 25 minutes chacun, a été diffusée du 14 octobre au 16 décembre 2009. Fait notable, une seconde saison a été commandée et est prévue cet automne au Japon. Ce drama atypique en bien des points, délicieusement gourmand, touchant et intimiste, a été pour moi le grand coup de coeur très particulier de cette semaine sériephile.

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Quelque part dans Tokyo, au coin d'une ruelle, existe un petit restaurant confidentiel. De jour, vous y trouverez porte close et devanture fermée. Il n'est ouvert que de minuit à sept heures du matin. Si le menu ne propose officiellement qu'un seul plat, le propriétaire accepte de cuisiner pour ses clients tout ce que ces derniers souhaitent, dans la mesure où il dispose des ingrédients nécessaires. Du maître des lieux, que chacun appelle Master, nous ne saurons rien ou presque. Mais il est le narrateur qui va nous introduire dans le quotidien nocturne de ce restaurant de minuit.

Dans cet endroit que l'on ne peut connaître que par le plus grand des hasards ou par le bouche à oreille, se rencontre une population bigarrée de tokyoïtes, noctambules aux vies décalées ou souhaitant retarder au maximum l'heure où il faut rentrer chez soi. Se croisent ainsi un yakuza, des employées de bureau toujours célibataires à leur plus grand désarroi, un photographe, une strip-teaseuse, un gérant de bar gay, et d'autres clients plus ou moins représentatifs de cette société japonaise. A travers les plats, associés à une mémoire particulière, que chacun commande, ce sont des tranches de vie de clients, habitués ou occasionnels, que va nous présenter Master.

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Shinya Shokudou est un drama à part qui va toucher une fibre particulière dans le coeur du téléspectateur. Dès l'introduction du premier épisode, quelque chose se passe. Par contraste avec un Tokyo de nuit, jungle urbaine illuminée par ses multiples façades éclairées, lorsqu'on pousse pour la première fois la porte de ce petit restaurant, on est immédiatement frappé par le contraste offert par l'ambiance qui y règne : un petit lieu comme suspendu dans le temps, renvoyant une impression diffuse de confort et d'intimité. Se déroulant à une heure où la plupart des gens dorment, le téléspectateur est invité dans ce petit coin de socialisation, où se retrouvent des clients aux vies et aux milieux tellement différents qu'en temps normal, de jour, ils ne devraient jamais être amenés à se croiser, ou encore moins à s'adresser la parole. 

Plus qu'un écho de vie de quartier, le restaurant de minuit offre une échappatoire à la solitude nocturne, apportant une chaleur humaine et gustative à ses clients. Car la spécificité de Shinya Shokudou est d'éclairer nos rapports particuliers avec la nourriture, et plus précisément cette façon qu'a notre mémoire de lier irrémédiablement le goût de certains mets à des périodes de notre vie qui ont compté. En filigrane, c'est donc un drama gourmand entièrement consacré à ces saveurs éveillant en nous souvenirs et émotions enfouis. Chaque épisode s'intéresse à un client particulier, qui va être associé à une spécialité culinaire. La série fait ici preuve d'une empathie rare, d'une justesse troublante, pour relater avec sobriété ces moments de communion où chacun se délecte d'une saveur qui signifie tant de choses pour lui. Capable de faire passer beaucoup d'émotions, sans avoir besoin d'en dire beaucoup, ce drama est une série de peu de mots, mais dont l'approche très personnelle, souvent touchante, se drape d'une douce mélancolie qui ne peut laisser indifférent le téléspectateur.

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Construit comme un huis clos où l'action se déroule principalement entre les quatre murs de ce restaurant figé dans le temps, Shinya Shokudou est une série chorale qui nous raconte des tranches de vie de tokyoïtes, dont le seul point commun est le besoin de trouver du réconfort durant ces quelques heures où la ville fait mine de s'assoupir. Chaque épisode est un instantané se focalisant sur un personnage (la série exploite pleinement son format court de seulement 25 minutes), relaté du point de vue de Master. Parfois, est proposée l'histoire d'un nouveau venu, ou d'un ancien client qui ne vient plus, d'autres fois, le projecteur s'arrête sur un habitué qui fréquente anonymement le restaurant depuis plusieurs épisodes. C'est sans doute redondant d'écrire cela, mais il flotte sur ce drama un vrai parfum de Japon : à l'opposé de certaines séries, presque indifférentes à leur environnement, ici, on a l'impression que c'est l'âme du pays qui se dévoile, le coeur d'une société qui bat en arrière-plan. 

Ce ressenti, d'une rare intensité, s'explique en partie en raison de l'ambiance globale de Shinya Shokudou, mais aussi grâce aux thèmes abordés, qui sont très divers, dépendant des personnages mis en scène : un yakuza, une chanteuse de enka, des employés et autres salary men, une Idol, un marginal... Il faut préciser que la série est diffusée après minuit sur TBS, elle bénéficie par conséquent d'une plus grande liberté, introduisant des sujets plus osés dans ces tableaux classiques : une strip-teaseuse, un acteur porno... Les portraits de ces clients, réchauffés par les plats de Master, sont toujours remplis d'une humanité qui fait chaud au coeur. Ils sont souvent chargés d'une nostalgie particulière, parfois teintés d'une amertume douce amère comme peut l'être la réalité de la vie. Plus d'une fois, alors que l'émotion submerge un personnage lorsqu'il goûte ce plat auquel tant de choses sont attachées, le coeur du téléspectateur se serre. Assez paradoxalement, mais c'est son charme, Shinya Shakoudu est un drama qui sait faire sourire et pleurer en même temps. C'est une petite fable aussi versatile dans sa tonalité que peut l'être la vie, légère et drôle par moment, poignante à d'autres passages. Reflet de Japon, elle devrait séduire tout téléspectateur s'intéressant à ce pays.

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L'atmosphère particulière de la série se retrouve également dans sa mise en scène. Shinya Shokudou est en effet sur un plan purement formel une vraie réussite. Alors même qu'il s'agit d'un huis clos où peu de scènes se déroulent en extérieur, tout est superbement filmé. La réalisation cinématographique est vraiment agréable à l'oeil esthétiquement, mettant en valeur et en relief ce décor minimalistes, les intéractions au sein du restaurant, mais aussi la nourriture, cet élément central qui relie tous les protagonistes. De plus, le drama bénéficie d'une bande-son également magnifique composée de plusieurs chansons de Suzuki Tsunekichi. Ces ballades au rythme posé et à la tonalité quelque peu mélancolique correspondent parfaitement au ressenti que l'on éprouve devant cette série. L'introduction de chaque épisode est d'ailleurs parfaitement représentative de cette ambiance : dans Tokyo illuminée de nuit, la chanson-titre nous amène au restaurant pour nous le présenter (cf. la vidéo à la fin du billet). Par contraste, la conclusion plus rythmée est interprétée par MAGIC PARTY.

Enfin, Shinya Shokudou dispose d'un casting au diapason. Celui qui nous guide, le seul à être présent dans tous les épisodes, est Kobayashi Koaru (Naniwa Kinyudo) : il incarne avec beaucoup de sobriété ce maître des lieux, attentif à ses clients et cusinier appliqué. Autour de lui, les clients vont et viennent, même s'il existe toute une galerie d'habitués que l'on va régulièrement croiser. Parmi ces occasionnels ou fidèles qui resteront jusqu'au bout, on retrouve notamment Sudo Risa, Kobayashi Asako, Yoshimoto Nahoko, Kaneko Kiyobumi, Yamanaka Takashi, Ando Tamae, Ayata Tohiki, Tabata Tomoko, Fuwa Mansaku ou encore Uno Shohei. J'y ai reconnu deux têtes qui m'étaient familières : Matsushige Yutaka et Odagiri Joe (qui a environ 4 lignes de dialogue en tout et pour tout, mais dont le décalage du personnage et la coiffure expérimentale ont suffi à mon bonheur).

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Bilan : Drama attachant et intimiste, à la fois drôle et poignant, Shinya Shokudou est une petite tranche de Japon qui se déguste comme peu de séries. Explorant nos rapports à la nourriture, et la façon dont des saveurs particulières peuvent façonner et marquer notre mémoire, cette série offre une compilation de portraits humains et touchants, se révèlant par les souvenirs que font jaillir les plats que chaque personnage commande. Drama culinaire (il se termine à chaque fois par la recette du plat de l'épisode), c'est un moment de chaleur et de réconfort qu'il offre à ses personnages et qu'il étend à des téléspectateurs sous le charme.

Le mot de la fin sera donc : Bon appétit devant Shinya Shokudou !


NOTE : 8,75/10


L'introduction (qui met musicalement et par ses images immédiatement dans l'ambiance) :

07/09/2011

(K-Drama) Jungle Fish 2 : portraits doux amers de l'adolescence actuelle

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En cette semaine de rentrée scolaire, quoi de plus approprié que d'opter pour un mercredi asiatique consacré à un high school drama ? Même si je suis désormais assez éloignée du coeur de cible de ce type de fictions, White Christmas et les derniers dramas taiwanais que j'ai eu l'occasion de voir m'ont rappelé qu'à petites doses, je ne suis pas complètement réfractaire à toutes ces séries mettant en scène la période de l'adolescence. La condition principale pour que j'y adhère, c'est d'arriver à proposer quelque chose de suffisamment sombre et original. Une double exigence pas vraiment remplie par le drama dont je vais vous parler aujourd'hui, mais ce dernier mérite quand même que j'y consacre un article.

Diffusé du 4 novembre au 30 décembre 2010, Jungle Fish 2 fait suite à un premier volet, unitaire composé d'un seul épisode, datant de 2008. Cependant les deux peuvent se visionner de manière indépendante. Ce qui les rassemble, c'est leur approche de l'adolescence d'aujourd'hui, à travers une galerie de personnages représentatifs des différentes facettes de la jeunesse. Si Jungle Fish 2 ne comporte que 8 épisodes, le drama aurait sans doute gagné en consistance en étant un peu plus raccourci. Reste que cette brève durée demande un investissement chronophagique moindre, ce qui est toujours appréciable.

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Min Ho Soo vient d'obtenir le transfert qu'il souhaitait tant de son lycée d'élite vers un établissement de seconde zone où le rythme scolaire et le niveau sont moindres. Il laisse cependant derrière lui sa petite amie, Hyo An, qui s'est considérablement éloignée de lui dernièrement. Devenue renfermée et ne se confiant plus, elle est devenue une source d'incompréhension constante. Ho Soo n'étant pas non plus quelqu'un de très ouvert, la rupture apparaît inévitable. Un soir, il croise Hyo An sortant de la voiture de son professeur d'anglais, bouleversée. Les conclusions hâtives se bousculent dans la tête de Ho Soo. Mais ce sera la dernière fois qu'il lui adressera la parole : ce soir-là, l'adolescente saute du toit d'un immeuble.

Leur ancienne bande d'amis d'enfance se retrouve unie dans cette épreuve. Le coma, puis la mort de Hyo An, les marque profondément. Entraîné par Ho Soo, ils décident d'enquêter sur ce qui a pu se passer pour pousser l'adolescente dans ses derniers retranchement et à commettre l'irréparable. A partir de ce drame, avec cette investigation informelle et particulière, aux accents tragiques, la série va donc suivre chacun de ces jeunes gens dans le quotidien d'une période charnière de leur existence, où les doutes et les incertitudes sur leur futur et leur vie prédominent.

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A priori, il faut reconnaître que l'idée de départ de Jungle Fish 2 est plutôt bonne. En plus d'avoir un solide fil rouge à fort potentiel - l'investigation sur les raisons entourant le suicide de Hyo An -, la série adopte ce format semi-choral désormais classique dans les teen-show mettant en scène une bande d'amis. En effet, pour évoquer des tranches de vie diverses et variées d'adolescence, rien de tel que de s'intéresser plus particulièrement à un personnage par épisode. Sur ce point, la télévision asiatique a aussi bien compris cette recette que l'occidentale. La volonté du scénariste d'essayer de dresser un portrait de l'adolescence sud-coréenne actuelle, annoncée dès le message d'introduction du drama, est perceptible. Outre les invariables thématiques gravitant autour de l'amitié et de l'amour, en allant jusqu'à une grossesse indésirée, la série effleure également des questions plus sensibles, comme la pression et les rythmes intensifs et éreintants des établissements fabriquant les élites. De plus, les rapports avec le monde des adultes, et notamment à l'autorité, sont aussi régulièrement abordés.

Cependant, si le potentiel est bien là, Jungle Fish 2 ne va jamais parvenir à remplir les promesses ainsi entrevues. L'ensemble, trop calibré, souffre d'un frustrant manque d'audace. La série a en effet la fâcheuse tendance de ne pas aller au bout des problématiques qu'elle soulève. Par exemple, alors qu'elle aurait pu esquisser une réflexion sur ces lycées élitistes, sur les exigences qui pèsent sur les adolescents, elle préfère s'embarquer dans une histoire maladroite de corruption institutionnalisée et de connivences permettant de faire perdurer des discriminations sociales. L'enquête sur la mort de Hyo An finit d'ailleurs par se diluer dans des twists où l'enjeu anecdotique égare l'intérêt du téléspectateur. De manière générale, le drama joue beaucoup sur l'incompréhension entre les deux mondes, adulte et adolescent, sans toujours faire preuve de subtilité. Même s'il propose parfois quelques scènes assez bien inspirées, il alterne trop souvent entre le manichéen et une forme de semi-pédagogie qu'on aurait aimé plus nuancée.

Pour autant, en dépit de ses limites, on s'attache à cette bande de jeunes, amis d'enfance qui ont grandi, qui n'ont plus forcément grand chose en commun, mais qui restent liés par ces quelques attaches passées. Les histoires sont inégales, de même que l'intérêt suscité par les personnages. Mais il y a dans Jungle Fish 2 les fondations d'un teen-show très honnête qui, sans marquer, se laisse suivre sans déplaisir. 

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Si Jungle Fish 2 suscite des impressions mitigées sur le fond, je serais beaucoup plus positive sur la forme de la série. Elle bénéficie en effet d'une réalisation très soignée et appliquée, presque cinématographique dans certains de ses plans larges. Cela donne une belle photographie, colorée, à l'esthétique très agréable. Sa bande-son est également plaisante à écouter et plutôt bien fournie. Même si un recours parfois un peu excessif à l'accompagnement musical renvoie le sentiment d'être face à une OST très (trop?) calibrée qui verse dans des dérives "clipesques". Cependant certaines chansons ont fini par me toucher, comme la douce mélancolie de Feeling Sad (cf. la seconde vidéo en bas de ce billet).

Le casting, enfin, composé de jeunes acteurs, est correct. Le seul que je connaissais était celui qui incarne le personnage principal enquêtant sur les raisons du suicide de Hyo An, Hong Jong Hyun (il figurait à l'affiche d'un autre drama ayant pour cadre un lycée, mais qui était autrement plus ambitieux, White Christmas). Dans ce registre de l'impassibilité teintée de souffrance dans lequel Jungle Fish 2 l'entraîne, il s'en sort plutôt bien. A ses côtés, je retiendrais l'interprétation très énergique de Shin So Yool. Les autres s'en sortent très honorablement dans leurs rôles respectifs ; on croise notamment Lee Joon, Kim Bo Ra, Kim Dong Bum ou encore Han Ji Woo. Mon bémol principal sera sans doute à formuler à l'encontre de Park Ji Yeon : j'ai eu un peu de diffiulté avec son jeu limité à une mono-expression dépressive.

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Bilan : Disposant d'une base de départ plutôt attractive mêlant à un parfum d'enquête teintée de tragédie personnelle, des histoires d'adolescents troublés, Jungle Fish 2 restera trop timoré pour pleinement exploiter un potentiel que le drama va seulement laisser entre-apercevoir par intermittence. Le suicide de Hyo An ne parvient pas à construire un mystère suffisamment consistant pour occulter les développements trop prévisibles qui se greffent autour. Pour autant, sans parvenir à dépasser ce simple statut, ce drama reste un teen-show qui devrait satisfaire les amateurs du genre. En ce qui me concerne, je pense préfèrer l'approche plus authentique, à la fois beaucoup plus artisanale, mais aussi plus noire, des tw-dramas.


NOTE : 5,5/10


La bande-annonce de la série :

 

Une chanson de l'OST :


Kim Yeo Hee - Feeling sad

31/08/2011

(K-Drama / Pilote) Protect the Boss : une rom-com dynamique avec du caractère

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En ce dernier mercredi asiatique d'août, c'est l'occasion de vous parler d'un drama qui aura sans doute été ma bonne surprise du mois. Initialement, je n'étais pourtant même pas certaine de donner sa chance à Protect the Boss. Rien ne me prédisposait à tomber sous le charme de cette série : un synopsis en apparence déjà vu et revu, un casting avec des acteurs que je connaissais peu et d'autres que je n'appréciais pas. Mais la magie des rom-com sud-coréennes opère souvent en suivant des voies impénétrables... Après quatre épisodes visionnés, me voilà en effet sous le charme.

Protect the Boss a débuté sur SBS le 3 août 2011. Diffusée les mercredi et jeudi soirs, elle devrait comporter en tout 16 épisodes. Ayant succédé à City Hunter, on peut dire qu'elle a su suivre le chemin de son prédécesseur en se stabilisant autour d'une audience à deux chiffres plutôt bonne. Au fond, si je me suis si bien laissée embarquer par cette histoire, c'est que Protect the Boss a réussi là où peu de séries parviennent : elle a su me faire rire aux éclats dès son premier épisode. Avec un duo principal attachant et un sens du burlesque drôlement bien maîtrisé, je suis conquise.

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Protect the Boss, c'est l'histoire d'une association inattendue. No Eun Seol n'a jusqu'à présent guère eu de chance dans son parcours professionnel. Ne s'étant jamais pleinement consacrée à ses études, diplômée d'une université de seconde zone, la jeune et énergique femme ne manque certainement pas de qualités et d'un sens de la débrouillardise des plus développés, mais son CV suffit à effrayer tous les recruteurs potentiels. Elle échoue donc plus souvent dans des milieux douteux, où son caractère la place en porte-à-faux par rapport à des employeurs peu scrupuleux. Adepte des arts martiaux, elle n'hésite d'ailleurs pas à user de la force physique pour exposer ses vues. C'est dans le contexte d'une rixe qu'elle a provoquée qu'elle va ainsi croiser pour la première fois, de manière incidente, Cha Ji Heon.

Ce dernier est l'héritier d'une famille de chaebol. Aussi immature que caractériel, le jeune homme est très mal considéré au sein de l'entreprise de son père, dont il est pourtant le successeur présomptif, généralement catalogué comme étant un incompétent incapable de gérer la société. Il faut dire que son anxiété, qu'exacerbe tout contact avec une foule, le rend inopérent pour expliquer une simple présentation de projet en petit comité. Sans savoir qu'elle est la jeune femme qui a causé bien des problèmes à la compagnie du fait de la bataille rangée à laquelle elle a mêlé Ji Heon, Eun Sol est cependant embauchée comme secrétaire. Son profil atypique laisse espérer qu'elle réussira à supporter les caprices de Ji Heon et même peut-être à lui inculquer un peu de bon sens !

Les débuts de leur relation professionnelle sont aussi difficiles qu'explosifs. Cependant, à mesure qu'une forme de complémentarité et de compréhension se développent entre eux, d'autres problèmes les obligent à faire front, menaçant leur situation. En effet, tout le monde ne voit pas d'un bon oeil la volonté du patriarche de faire de Ji Heon son successeur, et derrière une apparence affable, le cousin de ce dernier, Cha Moo Won, nourrit des ambitions bien aiguisées par sa mère. Des prétentions que tous les défauts de Ji Heon paraissent presque légitimer...

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Si l'histoire ne présente a priori guère d'originalité, installant les bases et reprenant les confrontations que l'on croise classiquement dans une rom-com sud-coréenne, Protect the Boss dispose de plusieurs atouts qui vont retenir l'attention du téléspectateur. Bénéficiant d'une écriture très vive et d'un rythme de narration qui ne laisse aucun temps mort, elle s'impose tout d'abord avec brio dans le registre de la vraie comédie. Cultivant les réactions les plus inattendues de la part de personnages dont elle s'amuse à brouiller, voire à inverser, les rôles, soignant les chutes inattendues, cédant quand il le faut à un comique de situation allant jusqu'à verser dans un burlesque assumé, le dynamisme et la bonne humeur qui émanent de ce drama, même lorsque les protagonistes broient du noir, collent ainsi un grand sourire au téléspectateur.

Dès le premier épisode, la série démarre de la plus efficace des façons. On y retrouve cette dose d'ambivalence caractéristique et nécessaire à toute bonne rom-com : la tonalité est volontairement versatile, capable de passer naturellement du drôle absurbe à un émotionnel authentique en un clin d'oeil. Le récit se construit en jouant sur une dualité constante qui transcende toute l'histoire : tandis que certaines scènes, par leur caractère improbable où se mêlent un aplomb et une spontanéité rafraîchissante, font franchement rire aux éclats, d'autres dévoilent des facettes intimes des personnages, plus touchantes, qui font prendre un tournant plus pesant, voire doux amer, à ces scènes. Car Protect the Boss est aussi un drama empreint d'une sourde incompréhension : celle d'un père face à un fils, le seul qui lui reste encore en vie et qui semble si loin de ses attentes. Incompréhension toujours pour ce fils, Ji Heon, qui non seulement ne se comprend pas lui-même, frustré de ses réactions, mais qui laisse aussi ses mécanismes de défense se charger de faire le vide autour de lui, comme une forme de fuite en avant permanente. C'est en développant cette dimension humaine que l'attachement du téléspectateur pour cette série va se forger irrémédiablement.

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Au-delà d'une narration vive et efficace, qui cultive l'humour à bon escient, Protect the Boss charme en effet également grâce à ses personnages. C'est sur (et par) leurs ambiguïtés que l'histoire se bâtit de manière très intéressante. En effet, la série sait non seulement exploiter la recette classique découlant de la rencontre d'un jeune héritier chaebol arrogant et d'une employée spontanée venant bousculer l'ordonnancement de son monde, mais elle va aussi rapidement aller au-delà de cette trop simple caractérisation. No Eun Seol a beau ne pas être diplômée d'une université prestigieuse et ne pas avoir intégré tous les codes sociaux du milieu dans lequel son poste de secrétaire la propulse, elle conserve toujours une assurance inébranlable. A l'opposé, Cha Ji Heon a beau tout avoir sur le papier et être promis à un poste important, il a fini par se juger comme chacun le perçoit, un incapable paralysé par ses peurs et sa certitude d'échouer. Ses crises d'anxiété en public ne font qu'accentuer cette absence de confiance, mal dissimulée derrière des réflexes puérils d'un autre âge.

C'est dans l'association de ces deux êtres très différents que réside le coeur de la série. Confrontés aux exigences d'un quotidien professionnel avec sa dose d'adversité, les rapports de subordination et de dépendance s'inversent peu à peu. Si l'équilibre est tout d'abord très vacillant, un surprenant, presque hésitant, lien de confiance, mais aussi de compréhension, se noue entre Eun Seol, qui n'a jamais froid aux yeux, et Ji Heon, entravé par son naturel excessivement craintif. De plus, pour bien forcer les traits, à cette opposition de caractère, se sur-ajoute aussi un aspect tangible plus physique : tandis que Ji Heon blêmit dès qu'on lève simplement la main sur lui, Eun Sol pratique les arts martiaux et ne manque pas de répondant. La réussite de Protect the Boss va être ainsi de savoir insuffler une ambiguïté aussi bien dans ses personnages, à l'image de l'arrogance teintée de vulnérabilité de Ji Heon, que dans les situations auxquelles elle va les confronter.

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Sur la forme, Protect the Boss est une de ces comédies colorées qui s'épanouit avec une photographie agrémentée de couleurs chatoyantes. La réalisation épouse et accompagne le dynamisme d'ensemble qui parcourt ce drama, la caméra restant plutôt nerveuse, sans jamais en faire trop. Pour accentuer les décalages humoristiques, mais aussi les passages plus émotionnels, la série fait très bon usage de sa bande-son musicale. Plus que les chansons qui sont assez plaisantes, ce sont ses interludes extrêmement rythmées, uniquement instrumentales (utilisant notamment le violon) qui se détachent : elles concluent une scène ou soulignent l'importance d'une confrontation avec un sens de la narration vraiment bien maîtrisé.

Enfin, le casting était sans doute ma plus grande incertitude avant d'entamer le drama. Or il n'y a rien de plus agréable que d'avoir la surprise de tomber complètement sous le charme du duo principal. Ma révélation personnelle, c'est certainement Ji Sung. C'est la première fois que je le croise dans une série qui me plaît (il jouait bien dans Royal Family en début d'année, mais les deux premiers épisodes m'avaient trop peu intéressé pour que je poursuive le visionnage). Dans Protect the Boss, il investit le registre de la comédie avec beaucoup d'aplomb, tellement expressif dans sa façon d'être effrayé d'un rien qu'il vous fera rire spontanément dans les situations les plus improbables. A ses côtés, la sobriété très terre à terre de Choi Kang Hee offre vraiment le pendant parfait, l'actrice trouvant le juste équilibre entre une force intérieure inébranlable et un naturel plus doux. Pour compléter le quatuor principal, on retrouve deux autres acteurs à l'égard desquels je savais que je serais plus mitigée. L'an dernier (certes, en japonais), Hero Jaejoong n'avait pas été très convaincant dans Sunao ni Narenakute, même si l'écriture de son personnage n'y était pas pour rien. Dans Protect the Boss, il est toujours assez limité en terme de jeu d'acteur, manquant singulièrement d'expressivité. Mais la caractérisation de son personnage fait que cela n'est pas rédhibitoire. Quant à Wang Ji Hye (President), elle reste dans son registre habituel, devant pour le moment jouer un personnage qui fait plus office de faire-valoir assez unidimensionnel.

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Bilan : Toujours très dynamique, souvent franchement drôle, à l'occasion aussi désarmante qu'attachante, Protect the Boss est une de ces rom-coms qui fonctionne parfaitement en misant sur la dualité et les ambivalences de ses personnages et des situations auxquelles ils doivent faire face. Le téléspectateur se laisse ainsi charmer par un récit très vif et rythmé qui dispose d'un vrai sens de la comédie, tout en parvenant à rapidement nous impliquer sur le devenir de ses protagonistes. Pour les amateurs du genre.


NOTE : 7/10


La bande-annonce de la série :

Le générique :


Une chanson de l'OST :